COUR D'APPEL DE DOUAI CHAMBRE 7 SECTION 2 ARRÊT DU 17/ 06/ 2010
*** No MINUTE : No RG : 09/ 03184 Ordonnance (No 09/ 00330) rendu le 10 Mars 2009 par le Juge aux affaires familiales de VALENCIENNES REF : CA/ FR
APPELANT
Monsieur Claude X... né le 08 Juin 1970 à DENAIN (59220)... 59135 WALLERS bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 59178002102900 du 18/ 05/ 2010)
représenté par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour assisté de Me Martine TRUSSANT, avocat au barreau de VALENCIENNES
INTIMÉE
Madame Caroline Z... née le 15 Novembre 1963 à DENAIN (59220)... 59255 HAVELUY bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/ 002/ 09/ 8202 du 15/ 09/ 2009
représentée par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour assistée de la SCP TIRY ASSOCIES, avocats au barreau de VALENCIENNES
DÉBATS à l'audience en chambre du Conseil du 06 Mai 2010, tenue par Cécile ANDRE magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Christine COMMANS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ Patrick BIROLLEAU, Président de chambre Hervé ANSSENS, Conseiller Cécile ANDRE, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé, en Chambre du Conseil, par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2010, (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Hervé ANSSENS, Conseiller, conformément à l'article 452 du code de procédure civile et Christine COMMANS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire
Claude X... et Caroline Z... se sont mariés le 22 août 1998 à HAVELUY sans contrat préalable et deux enfants sont issus de cette union :
- Corentin, né le 14 mars 1995 ;- Lucas, né le 13 janvier 1999.
Statuant sur la requête en divorce présentée par l'épouse, le Juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de VALENCIENNES, par ordonnance de non conciliation du 10 mars 2009, a :
- constaté que chacun des époux acceptaient le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l'origine de celle-ci ;- attribué la jouissance du domicile conjugal à l'épouse, à charge pour elle d'en assumer le loyer ;- fixé la résidence habituelle de Corentin et de Lucas chez leur mère, dans le cadre de l'exercice conjoint de l'autorité parentale ;- dit que le père exercera son droit de visite et d'hébergement à l'égard de ses enfants les 1ère, 3e et 5e fins de semaine de chaque mois du vendredi à la sortie de l'école jusqu'au dimanche à 19 heures avec maintien de ce droit pendant les périodes de petites vacances scolaires, hormis durant celles de Noël, ainsi que le mois d'août pour les vacances estivales ;- condamné Claude X... à verser à Caroline Z... des pensions alimentaires mensuelles indexées de 150 euros par enfant, au titre de sa contribution à leur entretien et à leur éducation ;- dit que l'époux devra assurer le règlement provisoire, au titre de son devoir de secours, de la dette de loyers impayés ;- statué sur l'attribution de la jouissance des deux véhicules à chacun des époux.
Claude X... a formé appel général de cette décision le 4 mai 2009 et par ses dernières conclusions signifiées le 19 janvier 2010, il demande à la Cour, par réformation, de limiter à la somme mensuelle de 60 Euros par enfant sa part contributive à leur entretien et à leur éducation, ou à tout le moins de réduire ces pensions alimentaires dans de notables proportions, de dire que la dette de loyer sera à la charge des deux époux et de lui donner acte de sa proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux.
Enfin, il sollicite la confirmation des autres dispositions de l'ordonnance entreprise et la condamnation de Caroline Z... aux dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de ses prétentions, il expose qu'il a été licencié pour motif économique en mai 2009 et que ses ressources ne lui permettent pas de verser des pensions alimentaires de plus de 60 Euros par mois ; que sa compagne a peu de ressources et subvient déjà à l'entretien de sa fille.
Il estime que son épouse est en mesure de trouver un emploi ou de suivre une formation et qu'elle ne démontre pas son état de besoin ; qu'enfin, le règlement de la dette de loyer ne saurait être mis à sa charge, d'autant que Caroline Z... qui l'a de fait réglée en a été remboursée dans son intégralité par la Caisse d'Allocations Familiales, au titre de l'allocation de logement.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 8 mars 2010, Caroline Z... demande à la Cour de dire irrecevable l'appel de Claude X... relatif au chef du devoir de secours, compte-tenu de l'accord intervenu entre les parties, et de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise, sauf à constater qu'elle a acquitté le retard de loyer aux lieu et place de son époux et de condamner dès lors ce dernier à lui payer au titre du devoir de secours la somme de 2. 073 Euros.
Elle demande également à la Cour, par voie de dispositions nouvelles, de dire que le droit de visite et d'hébergement paternel à l'égard de Corentin s'exercera à l'amiable, que concernant Lucas, toutes les périodes de vacances scolaires soient réparties par moitié entre les parents, en alternance selon les années, et enfin de condamner Claude X... à lui verser une pension alimentaire de 150 Euros par mois pour elle-même à compter du 1er avril 2009.
Elle réclame une indemnité de 1500 Euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle fait valoir que :
- l'âge de Corentin justifie que le droit de visite et d'hébergement s'exerce à l'amiable ; Claude X... ayant changé d'emploi, sa demande d'obtenir le mois d'août chaque année pour exercer son droit de visite et d'hébergement n'est plus motivée ;- il partage ses charges avec sa compagne et reste taisant sur l'allocation de logement qu'ils percevraient ;- elle bénéficie uniquement des prestations sociales et a réglé l'arriéré de loyer pour éviter d'être expulsée de son logement, alors que son mari s'y était engagé devant le magistrat conciliateur ;- l'hyper-activité de Lucas nécessite une prise en charge importante par sa mère qui a justifié son interruption d'activité professionnelle ;- elle a dû emprunter pour régler la dette de loyer et se trouve dans un état de besoin incontestable.
SUR CE :
Sur le droit de visite et d'hébergement
Attendu que devant la Cour, Caroline Z... demande que par dispositions nouvelles, le droit de visite et d'hébergement paternel à l'égard de Corentin s'exerce désormais à l'amiable, et que concernant Lucas, toutes les périodes de vacances scolaires soient réparties par moitié entre les parents ;
Attendu que Claude X... sollicite la confirmation de l'ordonnance sur ce point ;
Attendu que dès lors, ces dispositions de l'ordonnance de non conciliation ne font l'objet d'aucune critique ; qu'il convient de les confirmer de ce chef et, le cas échéant, de statuer par voie de dispositions nouvelles ;
Attendu que Corentin n'a que 15 ans ; qu'il n'est pas souhaitable de laisser à son bon vouloir ou à celui de sa mère l'organisation de ses relations personnelles avec son père, afin qu'elles conservent une périodicité minimale favorable au développement de cet adolescent ; qu'il convient donc de débouter Caroline Z... de cette demande ;
Attendu que devant le magistrat conciliateur, Claude X... avait fait valoir qu'il était tenu chaque année par son employeur à prendre ses congés estivaux au mois d'août ; qu'il a obtenu d'exercer son droit de visite et d'hébergement à l'égard de ses enfants pendant ledit mois de façon systématique ;
Attendu qu'il est établi que Claude X... a été licencié en mai 2009 puis a retrouvé un emploi ; que sa situation professionnelle a donc évolué et qu'il ne fait d'ailleurs pas état d'une difficulté particulière pour cette période de vacances ; que Caroline Z... peut légitimement demander à ce que la période estivale soit partagée en alternance selon les années, afin de permettre une organisation équitable de cette période de congés ;
Attendu que par ailleurs il est de l'intérêt de ces deux enfants de maintenir des relations les plus fréquentes possibles avec leur père chez lequel ils ne résident pas habituellement ; qu'il convient donc de dire que le père exercera son droit pendant la moitié de toutes les vacances scolaires ainsi que le sollicite d'ailleurs l'intimée ;
Attendu qu'il convient donc, par dispositions nouvelles, de modifier en ce sens son droit de visite et d'hébergement à l'égard de Corentin et de Lucas ;
Sur les pensions alimentaires pour les enfants
Attendu que conformément à l'article 371-2 du Code civil, les parents contribuent à l'entretien et à l'éducation de leurs enfants en fonction des besoins de ceux-ci et de leurs ressources respectives ; que cette obligation n'est pas limitée à la minorité et se poursuit au bénéfice de l'enfant majeur dans le besoin ou demeuré à charge, notamment du fait de la poursuite de ses études ou de la recherche d'un emploi ;
Attendu que Claude X... est employé par la SARL BCL Construction et perçoit un salaire imposable de 1181 Euros en moyenne ; que s'il a été licencié en juin 2009, il a immédiatement obtenu le bénéfice de l'allocation de transition professionnelle d'un montant net de 45 Euros par jour (soit en moyenne 1350 Euros par mois), pendant un an ; que depuis le mois de
novembre 2009, il a été embauché en qualité d'enduiseur plaquiste pour un salaire net de 1572 Euros en décembre 2009, incluant une indemnité de panier et de déplacement ;
Attendu qu'il vit en concubinage avec Valérie B..., qui démontre disposer d'un salaire mensuel imposable d'environ 530 Euros ; qu'elle est donc en mesure de contribuer aux charges de leur vie commune, étant précisé qu'elle assume l'entretien et l'éducation de sa fille âgée de 16 ans ;
Attendu qu'il justifie s'acquitter d'un loyer mensuel de 645 Euros ainsi que des dépenses habituelles de la vie quotidienne ;
Attendu que le remboursement de crédits à la consommation n'a aucun caractère prioritaire au regard de son obligation alimentaire ;
Attendu que Caroline Z... n'exerce aucune activité professionnelle et perçoit les allocations familiales (123 Euros par mois) pour Corentin et Lucas ainsi que le Revenu de Solidarité Active (520 Euros), selon l'attestation de la Caisse d'Allocations Familiales du mois de juin 2009 ;
Attendu que si rien ne paraît faire obstacle en effet à la recherche d'une activité professionnelle par Caroline Z..., il convient d'observer que son arrêt de travail pour maladie entre 2005 et 2007, bien antérieur à la séparation des époux, était lié à l'état de santé psychologique de son fils Lucas pour lequel elle démontre avoir consulté plusieurs spécialistes ;
Attendu qu'elle démontre s'acquitter d'un loyer de 348 Euros par mois mais précise toutefois que depuis le mois de juillet 2009, l'aide personnalisée au logement dont elle bénéficie couvre intégralement le montant de ce loyer ; qu'elle justifie par ailleurs assumer toutes les charges habituelles de la vie quotidienne ; que sa mère atteste lui avoir prêté la somme de 1200 Euros pour l'acquisition d'un véhicule, qu'elle lui rembourse par mensualités de 30 Euros, le véhicule commun dont le magistrat conciliateur lui avait octroyé la jouissance ayant été cédé par le mari dès décembre 2008 ;
Attendu qu'au vu de ces éléments et des besoins des enfants, il convient de fixer la part contributive de Claude X... à l'entretien et à l'éducation de ses enfants à la somme mensuelle de 120 euros pour chacun d'eux ; que l'ordonnance déférée sera réformée en ce sens, le présent arrêt prenant effet à compter de celle-ci ;
Sur le devoir de secours
Attendu que Caroline Z... relève que le premier juge a expressément fait référence à l'accord des parties pour fixer le devoir de secours mis à la charge de son époux sous la forme d'une prise en charge de la dette de loyer contractée par eux ;
Attendu qu'il convient de constater que les motifs de l'ordonnance de non conciliation reprennent en effet cette demande formulée conjointement par les époux ;
Attendu que dès lors, Claude X... qui a expressément manifesté son accord pour cette modalité d'exécution de son devoir de secours ne peut, faute d'intérêt à agir, former appel de ce chef de décision ;
Attendu qu'en application des dispositions de l'article 125 du Code de procédure civile, il convient donc de déclarer irrecevable l'appel de Claude X... sur ce point ;
Mais attendu cependant que devant la Cour, Caroline Z... demande une pension alimentaire pour elle-même de 150 Euros par mois à ce titre, par dispositions nouvelles à compter du 1er avril 2009 ;
Attendu qu'elle a tout comme son époux donné son accord exprès à ce que le devoir de secours prenne la forme d'une prise en charge de la dette de loyers ; que, pas davantage que son mari, elle ne peut en cause d'appel remettre en cause cette disposition ayant fait droit à sa demande, de surcroît en en demandant la modification à une date postérieure de quelques semaines à peine à l'ordonnance de non conciliation ;
Attendu qu'il lui appartenait éventuellement, si elle se fondait sur un élément nouveau – ce qui ne paraît pas être le cas en l'espèce au vu de ses écritures-, de saisir à nouveau le Juge aux affaires familiales ou le Juge de la Mise en Etat pour réclamer une pension alimentaire au titre du devoir de secours ;
Attendu que son appel incident sera donc également déclaré irrecevable de ce chef ;
Attendu que Caroline Z... demande également à la Cour de constater qu'elle a acquitté le retard de loyer aux lieu et place de son époux et de condamner dès lors ce dernier à lui payer au titre du devoir de secours la somme de 2. 073 Euros ;
Attendu que le compte de loyers établi par le bailleur et les récépissés de versement (3. 109 Euros) établissent que Caroline Z... a finalement pris l'initiative de régler elle-même cette dette le 5 juin 2009 pour éviter une procédure d'expulsion ; que la Caisse d'Allocations Familiales a reversé l'allocation de logement dont le versement avait été suspendu entre octobre 2008 et août 2009, soit 3. 596 Euros, en octobre 2009, selon le compte établi par le bailleur ;
Attendu que la reprise de ce versement de l'allocation de logement, avec un arriéré important, a certes compensé la somme versée par Caroline Z... au bailleur, puisqu'elle a désormais un compte créditeur auprès de lui ; que cependant, il doit être constaté que Claude X... n'a pas exécuté son obligation au titre du devoir de secours, telle que prévue par l'ordonnance de non conciliation, et que son épouse qui a procédé au paiement en ses lieu et place se trouve subrogée dans les droits du bailleur ;
Attendu qu'il convient donc de condamner Claude X... à verser à son épouse la somme de 2. 073 Euros à ce titre ;
Sur la proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux
Attendu que l'époux formule en cause d'appel une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux ; qu'il convient de lui en donner acte, cette disposition étant dépourvu de tout caractère exécutoire susceptible de préjudicier aux intérêts de son épouse ;
Sur les autres dispositions
Attendu qu'il convient de confirmer toutes les autres dispositions de l'ordonnance déférée qui n'ont fait l'objet d'aucune contestation ;
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
Attendu que chaque partie conservera la charge de ses dépens engagés en cause d'appel, les dépens éventuels de première instance étant joints au principal ;
Attendu qu'il y a lieu de débouter Caroline Z... de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Déclare irrecevables les appels de Claude X... et de Caroline Z... en ce qu'ils portent sur la disposition relative à la modalité d'exécution du devoir de secours ;
Réforme l'ordonnance entreprise en ses dispositions relatives à la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants ;
Condamne Claude X... à verser à Caroline Z... des pensions alimentaires mensuelles de 120 Euros au titre de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de chacun de ses enfants Corentin et Lucas, soit une somme totale de 240 Euros, à compter de l'ordonnance entreprise ;
Dit que ces pensions alimentaires seront indexées sur l'indice national des prix à la consommation des ménages urbains, série France entière, publié par l'INSEE et révisées chaque année en fonction de la variation de cet indice à la date anniversaire de la décision entreprise ;
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses autres dispositions ;
Y ajoutant ;
Constate que Caroline Z... s'est acquittée de la somme de 2. 073 Euros auprès du bailleur en lieu et place de son époux qui y était tenu en exécution de son devoir de secours ;
Condamne en conséquence Claude X... à verser à son épouse la somme de 2. 073 Euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
Donne acte à Claude X... de sa proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux ;
Et, statuant par dispositions nouvelles ;
Dit que pendant toutes les périodes de vacances scolaires de plus de cinq jours, Claude X... exercera son droit de visite et d'hébergement à l'égard de ses deux enfants la seconde moitié desdites vacances les années paires et la première moitié les années impaires ;
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires ;
Déboute Caroline Z... de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens engagés en cause d'appel, les dépens éventuels de première instance étant joints au principal ;
Le Greffier P. Le Président empêché L'un des conseillers ayant délibéré (Art. 456 du code de procédure civile)
Christine COMMANS Hervé ANSSENS