COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 3
ARRÊT DU 17/06/2010
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N° MINUTE :
N° RG : 10/01259
Jugement (N° 09/1904)
rendu le 29 Janvier 2010
par le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER
REF : PC/VC
APPELANTE
S.C.I. LITTORAL agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social : [Adresse 2]
Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour
Assistée de Me Gérald MALLE, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE
CAISSE DE CREDIT MUTEL DE ROUBAIX LYON
ayant son siège social : [Adresse 3]
Représentée par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour
Assistée de Me DE BERNY, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS à l'audience publique du 06 Mai 2010 tenue par Pierre CHARBONNIER magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Patricia PAUCHET
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Pierre CHARBONNIER, Président de chambre
Catherine CONVAIN, Conseiller
Sophie VEJUX, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2010 après prorogation du délibéré du 10 juin 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Patricia PAUCHET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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LA COUR ;
Attendu que la Société Civile Immobilière (S.C.I.) LITTORAL a interjeté appel d'un jugement rendu le 29 janvier 2010 par le Juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de BOULOGNE SUR MER qui, statuant à l'audience d'orientation, a évalué à la somme de 169.087,41 € arrêtée au 11 septembre 2009 « outre les intérêts au taux majoré de 9,65 %
l'an », la créance dont la Caisse de CRÉDIT MUTUEL de ROUBAIX LYON est titulaire contre elle en vertu d'un acte de prêt notarié du 3 mai 2007 ; et qui a ordonné, sur la poursuite de saisie immobilière exercée par cet établissement suivant un commandement du 2 avril 2009, la vente forcée d'un immeuble à usage d'habitation sis [Adresse 1], propriété de la S.C.I. LITTORAL, sur la mise à prix fixée au cahier des conditions de vente ;
Attendu qu'à l'appui de son recours, la S.C.I. LITTORAL rappelle que le bien saisi, qui consiste en un appartement, a été acquis à l'aide du prêt dont la Caisse de CRÉDIT MUTUEL poursuit aujourd'hui le recouvrement ; que le concours octroyé par la Caisse de CRÉDIT MUTUEL s'élevait au total à la somme de 160.000 € dont 110.000 € devaient servir à financer l'achat de l'immeuble, et le solde n'était pas affecté ; que bien qu'un procès-verbal de constat dressé le 28 novembre 2008 à la requête de la Caisse de CRÉDIT MUTUEL ait établi que l'appartement en cause était achevé, néanmoins l'organisme financier prononçait la déchéance du terme du prêt par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 16 décembre 2008 au motif que l'emprunteur avait manqué à son engagement d'employer les fonds prêtés à la réalisation de travaux de restauration ou d'aménagement des
locaux ;
Attendu que la S.C.I. LITTORAL observe en défense aux poursuites adverses, d'une part que la déchéance du terme lui est inopposable pour avoir été décidée non pas par le prêteur, la Caisse de CRÉDIT MUTUEL de ROUBAIX LYON, mais par la Caisse Fédérale du CRÉDIT MUTUEL Nord Europe dont la personnalité juridique est distincte de celle de chacune des caisses locales en sorte qu'elle n'avait aucun droit à se prévaloir de la résiliation du contrat de prêt auquel elle n'était pas partie ; de deuxième part, que l'utilisation des fonds remis par le prêteur étant laissée à la discrétion de l'emprunteur, et la réalisation des travaux de réhabilitation ou d'embellissement n'étant assujettie à aucun délai impératif, la Caisse de CRÉDIT MUTUEL ne peut valablement prétendre que la S.C.I. aurait à ces deux titres failli à ses obligations contractuelles ; de troisième part, que les échéances de remboursement du prêt étaient à jour au moment de la déchéance du terme ; qu'au demeurant, le grief tiré d'un défaut de ponctualité de l'emprunteur dans ses paiements présente d'autant moins de portée en l'espèce que la lettre de déchéance du terme n'invoque nullement ce motif dont l'allégation est aujourd'hui tardive ;
Attendu que la S.C.I. LITTORAL demande, partant, la nullité du commandement du 2 avril 2009 et la condamnation de la Caisse de CRÉDIT MUTUEL à lui verser une indemnité de 5.000 € pour procédure d'exécution abusive, outre 2.000 € du chef de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que la Caisse de CRÉDIT MUTUEL conclut à la confirmation du jugement déféré, sauf à voir préciser que les intérêts moratoires de sa créance, de 9,65 % l'an, courront sur un principal de 149.847,53 € ; qu'elle sollicite l'allocation, à la charge de la S.C.I. LITTORAL, d'une somme de 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il est stipulé à l'article 3-1 des conditions générales du contrat de prêt passé entre la S.C.I LITTORAL et la Caisse de CREDIT MUTUEL de ROUBAIX LYON le 3 mai 2007 que « les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles, si bon semble à la banque, sans formalité ni mise en demeure, nonobstant les termes et délais éventuellement fixés, dans l'un quelconque des cas suivants : [...] si l'emprunteur est en retard de plus de trente jours avec le paiement d'un terme en principal, intérêts ou accessoires » ;
Attendu qu'est sans incidence sur la validité de la lettre de mise en demeure contenant déchéance du terme, adressée à la S.C.I. LITTORAL le 16 décembre 2008, la circonstance que ce courrier ait été rédigé et expédié par la Caisse Fédérale du CRÉDIT MUTUEL Nord Europe agissant pour le compte de la Caisse de CRÉDIT MUTUEL de ROUBAIX LYON, plutôt que par cette dernière personnellement ; que dès lors qu'il s'agissait d'actes d'administration, la Caisse Fédérale du CRÉDIT MUTUEL Nord Europe avait le pouvoir de recevoir le paiement des sommes dues et d'en donner valablement quittance sans être tenue de justifier d'un mandat exprès à cette fin ;
Attendu que la mise en demeure du 16 décembre 2008, si elle faisait référence au procès-verbal de constat dressé le 28 novembre 2008 pour vérifier l'état des bâtiments du n°107 de la [Adresse 4] et le degré d'avancement des travaux, n'en reproduisait pas moins le texte de l'article 3-1 précité du contrat de prêt en ce qu'il vise, comme constitutif d'un cas de déchéance du terme, le retard dans le paiement des échéances du prêt ; qu'un décompte de créance y était joint, d'où il ressortait qu'à la date du 16 décembre 2008, la S.C.I. LITTORAL était en retard de trois mensualités échues les 15 octobre, 15 novembre et 15 décembre 2008, d'un montant global de [1.269,89 x 3 =] 3.809,67 € ; que l'existence de cet arriéré était dénoncée dans le corps même de la lettre ;
Attendu que la S.C.I. LITTORAL n'est, dans ces conditions, pas fondée à prétendre que la mise en demeure litigieuse n'aurait retenu comme cause de la déchéance du terme que la dissipation des sommes prêtées, employées à d'autres fins que celles auxquelles elles étaient destinées, à l'exclusion du grief pris du non paiement à leur date des mensualités définies au tableau d'amortissement du prêt ;
Attendu que la S.C.I. LITTORAL, si elle objecte qu'elle a toujours été en mesure d'acquitter les échéances de remboursement du prêt puisque son compte était suffisamment approvisionné et que les impayés invoqués par la Caisse de CRÉDIT MUTUEL n'étaient dès lors pas de son fait, ne conteste pas qu'aucune mensualité n'ait été réglée à l'organisme prêteur, ni ensuite régularisée depuis le 15 octobre 2008 ; qu'elle se borne à prétendre, sans en rapporter la preuve, qu'elle aurait, au cours du mois de novembre 2008, dans le but d'apurer son retard, remis un chèque à la Caisse de CREDIT MUTUEL qui, volontairement, se serait privée de l'encaisser ; qu'il n'apparaît pas que la S.C.I. LITTORAL ait protesté au reçu de la lettre de mise en demeure du 16 décembre 2008, ni qu'elle se soit offerte à apurer immédiatement les deux échéances arriérées dont le retard, selon elle, aurait été indépendant d'un quelconque défaut de solvabilité de sa part ;
Attendu que, de surcroît, le commandement de payer valant saisie qui ainsi que l'exige l'article 15 du décret du 27 juillet 2006 contenait l'avertissement fait au débiteur qu'il devait dans un délai de huit jours payer les sommes réclamées, valait lui-même mise en demeure non seulement pour les mensualités échues et impayées au 16 décembre 2008, mais aussi pour la totalité du solde du prêt devenu, par le seul fait de la défaillance de la S.C.I. emprunteuse, de plein droit exigible conformément aux stipulations du contrat de prêt ;
Attendu que, quand bien même un différend oppose les parties sur l'affectation des emprunts consentis par la Caisse de CRÉDIT MUTUEL à diverses sociétés du groupe immobilier JUVAVI dont dépend la S.C.I. LITTORAL et sur la sincérité des factures de travaux au moyen desquelles ces sociétés prétendaient obtenir de la banque qu'elle libère les fonds prêtés, il n'en demeure pas moins que c'est sans abus ni mauvaise foi de sa part que la Caisse de CRÉDIT MUTUEL, s'étant rendue compte dans ce contexte que la S.C.I. LITTORAL avait pris du retard dans le calendrier d'amortissement du prêt, a usé sur ce fondement de la faculté que lui reconnaissaient leurs conventions d'exiger le remboursement immédiat du solde du crédit ;
Attendu que la Caisse de CRÉDIT MUTUEL qui dispose ainsi d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, est, partant, habile à procéder à la saisie de l'immeuble de la S.C.I. LITTORAL ; que celle-ci ne discute pas, sinon le principe de la dette, du moins, dans ses modalités de calcul, le décompte des droits de la banque poursuivante ;
Attendu que la S.C.I. LITTORAL, si elle sollicite subsidiairement l'autorisation de vendre à l'amiable l'immeuble saisi, ne fournit aucun éléments permettant à la Cour de s'assurer que cette vente pourrait être conclue dans des conditions satisfaisantes compte tenu de la situation du bien, des conditions économiques du marché et des diligences éventuelles de la venderesse ;
Attendu que la S.C.I. LITTORAL demande le relèvement de la mise à prix, fixée à 45.000 € dans le cahier des conditions de vente ; qu'elle s'abstient cependant de chiffrer un autre montant ; qu'elle n'explique pas davantage les raisons pour lesquelles la mise à prix évaluée par la Caisse de CRÉDIT MUTUEL et retenue par le juge de l'exécution serait inadaptée aux nécessités de la vente forcée ;
Attendu que la décision du premier juge doit donc être confirmée en son entier, sous réserve de la précision à y ajouter relativement à l'assiette, non discutée, des intérêts moratoires produits par la créance ;
Attendu que la S.C.I. LITTORAL succombant en ses prétentions, sa demande en dommages-intérêts formée contre la Caisse de CRÉDIT MUTUEL ne saurait prospérer ;
Attendu qu'il s'avère équitable de mettre à la charge de la S.C.I. LITTORAL, au titre des frais exposés en appel par la Caisse de CRÉDIT MUTUEL et non compris dans les dépens, la somme de 1.000 € ;
PAR CES MOTIFS ;
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
Y ajoutant ;
Dit que la créance dont la Caisse de CRÉDIT MUTUEL de ROUBAIX LYON est titulaire contre la Société Civile Immobilière (S.C.I.) LITTORAL, de 169.087,41 € selon un décompte arrêté au 11 septembre 2009, produira à compter de cette date des intérêts de retard au taux de 9,65 % l'an sur le principal de 149.847,53 € ;
Renvoie la Caisse de CRÉDIT MUTUEL à poursuivre sa procédure de saisie immobilière devant le premier juge ;
Déboute la S.C.I. LITTORAL, comme non fondée, de sa demande en dommages-intérêts formée contre la Caisse de CRÉDIT MUTUEL ;
Condamne la S.C.I. LITTORAL à payer à la Caisse de CRÉDIT MUTUEL une somme de 1.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la S.C.I. LITTORAL aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la S.C.P. LEVASSEUR/CASTILLE/LEVASSEUR, avoué, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
P. PAUCHETP. CHARBONNIER