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21/06/2010 | FRANCE | N°09/03076

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 21 juin 2010, 09/03076


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 21/06/2010



***



N° de MINUTE :

N° RG : 09/03076



Jugement (N° 07/322)

rendu le 28 Janvier 2009

par le Tribunal de Grande Instance de VALENCIENNES



REF : MM/AMD





APPELANTE - INTIMEE



Madame [R] [O]

née le [Date naissance 4] 1966 à [Localité 6]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 7]



Représentée par la SCP COCHEME-LABADIE-COQUERELLE, avoués à la Cour

Aya

nt pour conseil Maître Eric TIRY, avocat au barreau de VALENCIENNES





INTIMÉ - APPELANT



Monsieur [H] [U]

né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 6]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 6]



Représenté par la ...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 21/06/2010

***

N° de MINUTE :

N° RG : 09/03076

Jugement (N° 07/322)

rendu le 28 Janvier 2009

par le Tribunal de Grande Instance de VALENCIENNES

REF : MM/AMD

APPELANTE - INTIMEE

Madame [R] [O]

née le [Date naissance 4] 1966 à [Localité 6]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par la SCP COCHEME-LABADIE-COQUERELLE, avoués à la Cour

Ayant pour conseil Maître Eric TIRY, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉ - APPELANT

Monsieur [H] [U]

né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 6]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour

Assisté de Maître Frédéric COVIN, avocat au barreau de VALENCIENNES

DÉBATS à l'audience publique du 22 Avril 2010 tenue par Monique MARCHAND magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nicole HERMANT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Evelyne MERFELD, Président de chambre

Pascale METTEAU, Conseiller

Monique MARCHAND, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président et Nicole HERMANT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 30 mars 2010

***

Monsieur [H] [U] et Madame [R] [O] se sont mariés le [Date mariage 8] 1987. Ils avaient fait précéder leur union d'un contrat de mariage, reçu le 8 juillet 1987 par Maître [W], notaire à [Localité 10], par lequel ils avaient déclaré adopter le régime de la séparation de biens.

Par acte authentique du 31 octobre 1990, ils ont fait l'acquisition, chacun pour moitié indivise d'une maison à usage d'habitation située à [Adresse 11], moyennant le prix de 420 000 F.

Les époux ont revendu ledit immeuble le 18 mars 2005, moyennant le prix de 200.000 euros.

Par jugement du 8 août 2006, juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Valenciennes a prononcé le divorce des époux, ordonné la liquidation des droits respectifs des parties et commis pour y procéder le président de la chambre des notaires ou son dévolutaire.

Les ex-époux n'ayant pu s'accorder sur les modalités de la liquidation de leurs droits, Maître [E] [Y], notaire associé à [Localité 6], a dressé le 22 décembre 2006 un procès-verbal de dires relatant les divers points les opposant.

Le juge commissaire a constaté leur désaccord persistant par procès-verbal de non-conciliation du 13 mars 2007.

Par jugement du 28 janvier 2009, le tribunal a :

- invité Maître [E] [Y], notaire à [Localité 6], à reprendre les opérations de liquidation en prenant en compte :

.la somme de 64.491,45 € représentant la part des prêts immobiliers que Monsieur [H] [U] a remboursée aux lieu et place de Madame [R] [O] ;

.la somme de 22 000 € au titre de l'indemnité d'occupation de l'immeuble par Monsieur [H] [U] ;

- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage.

Par déclaration du 28 avril 2009, Madame [R] [O] a interjeté appel de cette décision.

Par déclaration du 6 juillet 2009, Monsieur [H] [U] a, à son tour, relevé appel du jugement.

La jonction des procédures ouvertes sous les numéros 09/03076 et 09/05010 a été ordonnée le 1er décembre 2009.

Par conclusions déposées le 4 janvier 2010, Madame [R] [O] demande à la cour :

vu les articles 815 et suivants, 1536, 1537, et 1538 du code civil,

1- sur les prêts immobiliers et le partage du prix de vente de l'immeuble indivis :

- d'infirmer le jugement déféré, et, statuant à nouveau de ce chef,

* à titre principal,

- de constater que chacune des parties a participé au financement de l'immeuble indivis constituant le domicile familial selon des modalités qui n'ont jamais été remises en cause pendant plus de 10 ans ;

- de dire non fondée la demande par laquelle Monsieur [H] [U] se prétend créancier de l'indivision pour une somme de 148 982,90 € ;

- en conséquence, de dire que le solde du prix de vente de l'immeuble indivis après règlement du prêt immobilier et du diagnostic amiante sera partagé par moitié entre les parties ;

* à titre subsidiaire, « si la cour devait retenir une participation (de la concluante) dans les prêts immobiliers remboursés par Monsieur [H] [U], d'inviter Maître [E] [Y] à reprendre dans les opérations de liquidation » :

.les sommes qu'elle a réglées comptant lors de l'achat de l'immeuble et qui correspondent à 46,86 % de sa part dans la valeur de l'immeuble ;

.le remboursement des prêts immobiliers sur le compte joint ;

.la somme de 3.695,71 € au titre des remboursements des prêts immobiliers du 1er avril 2000 au 5 août 2001 par la compagnie d'assurances couvrant l'incapacité de travail de la concluante ;

2- sur les autres demandes de Monsieur [H] [U] :

- de débouter ce dernier de ses demandes tendant à se voir déclarer créancier de l'indivision :

.pour une somme de 39 042,86 € au titre des prêts de restructuration,

.pour une somme de 10 364,83 € au titre des impôts fonciers réglés par lui de 1992 à 2002,

- de le débouter de sa demande en paiement d'une somme de 39 429 € au titre de la quote-part d'impôts sur le revenu de la concluante ;

3- sur l'indemnité d'occupation due par Monsieur [H] [U] :

- de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné ce dernier a réglé à l'indivision une somme de 22 000 € au titre de l'indemnité d'occupation de l'immeuble ;

- de renvoyer les parties devant Maître [E] [Y] afin de finaliser les opérations de liquidation ;

- de débouter Monsieur [H] [U] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- d'ordonner l'emploi des dépens, tant de première instance que d'appel, en frais privilégiés de partage.

Elle souligne que le contrat de mariage des parties contenait une clause selon laquelle, conformément aux dispositions de l'article 214 du code civil, les époux contribueraient aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives.

Elle expose :

- que le prix d'acquisition de l'immeuble indivis, augmenté des frais, s'élevait à 492.906,29 francs (75.143,08 euros) ;

- que chacun des époux était donc tenu au règlement d'une somme de 246.458,15 euros (37.572,30 euros) ;

- qu'elle a pour sa part réglé comptant une somme de 115.500 francs (17.607,86 euros), représentant 46,86 % de sa moitié indivise ;

- que pour financer le solde du prix ainsi que des travaux de rénovation, les époux ont contracté trois emprunts auprès de la Société Générale, dont les montants s'élevaient respectivement à 6 240,65 €, 85 066,55 € et 15 202,14 € ;

- que ces trois prêts ont été remboursés durant la vie commune et soldés par le notaire le 11 avril 2005 à l'aide du prix de vente de l'immeuble, à hauteur de 75 788,10 €, étant précisé que Monsieur [H] [U] a cessé de rembourser les emprunts dès l'ordonnance de non conciliation rendue le 15 avril 2003.

Elle précise :

- que chacun des époux avait une activité professionnelle, le mari étant médecin et la concluante professeur de l'enseignement secondaire ; que trois enfants sont issus du mariage ; que le traitement de la concluante représentait suivant les années de 30 à 35 % des revenus totaux du couple ; que l'on peut donc estimer que les charges de mariage devaient se répartir à hauteur d'un tiers pour l'épouse et des deux tiers pour le mari ;

- que les mensualités des prêts ont été prélevées sur le compte joint des époux, ouvert à la Société Générale et ce jusqu'au 27 mai 1994, date à laquelle elle s'est désolidarisée du compte qu'elle avait au préalable alimenté par le versement d'une somme de 60 000 F (9.146,94 €) le 3 août 1992 ;

- que de juin 1994 jusqu'au 15 avril 2003, Monsieur [H] [U] a pris en charge le remboursement des prêts contractés en commun pour l'hébergement de la famille ainsi que le paiement des impôts sur le revenu ;

- qu'elle assumait pour sa part au quotidien les dépenses de la vie courante de toute la famille : frais de nourriture, vêtements, loisirs, mais aussi entretien de la maison, assurances, cotisations des mutuelles en ce compris celle de son mari, factures EDF, abonnement à une centrale de sécurité pour la maison et remboursement d'emprunts de faible montant contractés pour l'achat d'objets mobiliers divers pour la maison, lesdits emprunts, en leur qualité de dettes ménagères devant être considérés comme communs aux deux époux ;

- qu'un consensus s'était établi sur cette répartition et que son ex-époux n'a jamais élevé la moindre contestation à ce sujet durant toute la vie commune ;

- que le règlement par Monsieur [H] [U] des prêts immobiliers n'a donc pas dépassé son obligation de contribution compte tenu des ressources respectives des époux et des charges assumées par la concluante ;

- qu'à la suite d'un accident de travail dont elle a été la victime, le remboursement du prêt immobilier a été pris en charge par la banque fédérale mutualiste du 1er avril 2001 aux 5 août 2001 pour une somme de 3695,71 €.

Elle fait valoir ensuite :

- que son ex-époux a contracté seul quatre emprunts auprès de Sogefinancement ;

- que si de tels crédits ont été nécessaires, c'est uniquement en raison de l'incurie de Monsieur [H] [U] dans la gestion de son budget ;

- qu'en réclamant à la concluante le remboursement de la moitié des mensualités des emprunts immobiliers ainsi que le remboursement de la moitié des crédits qui lui ont permis de régler ces mensualités, il réclame en fait deux fois la même chose.

Elle soutient par ailleurs :

- que le tableau de répartition de l'impôt sur le revenu établi par Monsieur [H] [U] comporte des mentions erronées ;

- que le paiement de cette imposition par le mari résultait d'un accord entre les parties qui n'a jamais été remis en cause pendant plus de 15 ans ;

- que le règlement de l'impôt foncier est compris dans les charges du mariage. ;

Elle prétend enfin :

- que son ex-époux a obtenu par ordonnance de non conciliation du 15 avril 2003 la jouissance de l'immeuble indivis ;

- qu'il est donc redevable à l'indivision d'une indemnité d'occupation depuis au moins le 15 mai 2003, date de l'assignation en divorce ;

- que la valeur locative de l'immeuble doit être fixée à la somme de 1000 € par mois ;

- qu'aux termes d'un procès-verbal de constat établi le 11 mars 2003 par Maître [K], huissier du de justice, Monsieur [H] [U] a reconnu avoir fait installer un nouveau boîtier du système d'alarme, courant février 2003, et ce, afin d'empêcher son épouse de pénétrer dans l'immeuble en son absence ;

- que depuis cette époque, la concluante n'avait donc plus accès au domicile conjugal ;

- qu'à aucun moment son ex-époux ne l'a avertie qu'il cessait d'occuper l'immeuble auquel il avait seul accès du fait du changement du mécanisme d'alarme ; qu'il n'a en réalité quitté les lieux que le 18 mars 2005, date de vente de l'immeuble.

Par conclusions déposées le 3 février 2010, Monsieur [H] [U] demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau :

- de dire que le concluant est créancier de l'indivision pour une somme de 148 982,90 € au titre des prêts immobiliers remboursés par lui seul ;

- de dire qu'il est créancier de l'indivision pour une somme de 10.364,83 € au titre des impôts fonciers réglés par lui seul de 1992 à 2002 ;

- de dire qu'il est créancier de l'indivision pour une somme de 39 042,86 euros au titre des prêts de restructuration assumés par lui seul dans l'intérêt du ménage ;

- de dire que Madame [R] [O] est débitrice à l'égard du concluant d'une somme de 39 335 € au titre de sa quote-part des impôts sur le revenu qu'il a intégralement payés de 1990 à 2002 ;

- de dire que le concluant est débiteur à l'égard de l'indivision d'une somme de 1000 € au titre de l'indemnité d'occupation de l'immeuble ;

- de renvoyer les parties devant Maître [E] [Y] afin d'une reprise des opérations de liquidation ;

- de débouter Madame [R] [O] de ses plus amples demandes ;

- à titre subsidiaire, de dire que l'indemnité d'occupation mise à sa charge ne sera due qu'à compter du 15 mai 2003 ;

- de condamner Madame [R] [O] à lui régler la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de la condamner aux dépens ;

- d'ordonner l'emploi des dépens de première instance en frais privilégiés de partage.

Il expose en premier lieu :

- que l'ensemble des échéances mensuelles des trois prêts immobiliers a été prélevé sur le compte courant, lequel a été exclusivement approvisionné par les virements réguliers du concluant avant comme après la désolidarisation de l'épouse - cette dernière n'ayant effectué qu'un unique virement de 60 000 F - et qu'il a ainsi réglé une somme totale de 148 982,91 € ;

- que les revenus de Madame [R] [O] ont été systématiquement versés sur son propre compte au Crédit Agricole ;

- que les seules charges courantes qu'elle a assumées de façon régulière ont consisté dans les assurances ;

- que la somme de 3695,71 € en provenance de la BFM a été versée sur le compte personnel de l'épouse ;

- que de 1990 à 1992, les époux ont disposé de revenus mensuels d'un niveau quasi identique et qu'à compter de 1993, le concluant a perçu des revenus correspondant approximativement au double de ceux de son épouse ;

- qu'il est donc démontré que cette dernière n'a pas contribué à l'acquisition de l'immeuble à proportion de ses facultés et a fortiori à hauteur de sa part indivise, laquelle avait été contractuellement fixée à la moitié ;

- que pendant que le concluant réglait seul le prêt immobilier, Madame [R] [O] thésaurisait pour son propre compte ;

- que par ailleurs la participation de l'épouse au règlement des frais d'acquisition de l'immeuble à hauteur de 21 000 F et 94 500 F ne peut être considérée comme sa contribution aux charges de mariage, dans la mesure où elle estime que l'indivision est redevable de ces sommes à son égard ;

- que le mobilier acquis par l'épouse durant le mariage constitue des biens propres de celle-ci compte tenu du régime séparatiste adopté par les époux ;

- que le concluant a également assumé une partie des achats divers de nourriture, vêtements et loisirs ;

- qu'il a par ailleurs procédé au règlement mensuel des factures EDF-GDF et d'eau, du véhicule automobile utilisé par Madame [R] [O], d'un autre prêt relatif au changement des fenêtres du domicile, de l'assurance personnelle de l'épouse pour le prêt habitation, des taxes foncières et des taxes d'habitation du domicile familial ainsi que des impôts sur le revenu ; qu'il a toujours assumé seul le paiement du salaire de la femme de ménage ;

- que comme l'a relevé le premier juge, il avait été convenu entre les époux suivant les stipulations du contrat de mariage et celle de l'acte d'achat que la dette afférente au financement du prix de l'immeuble serait supportée par chacun d'entre eux pour moitié ; que le contrat de mariage prévoit en effet par référence que, corrélativement à l'acquisition par un des époux de biens, il serait tenu des dettes, tandis que l'acte d'achat de l'immeuble en date du 31 octobre 1990 stipule en page 11

que les deux époux sont débiteurs du prêt du 20 octobre 1990 contracté pour financer l'immeuble ; qu'il s'en suit que, puisqu'ils ont acquis la propriété chacun pour moitié, la dette d'emprunt pèse sur eux dans la même proportion en sorte qu'ils auront ainsi payé la part de l'immeuble dont ils ont acquis la propriété ;

- que Madame [R] [O] était, tout comme son époux, redevable de l'intégralité des mensualités des prêts immobiliers ; que le concluant ayant acquitté une dette de son épouse vis-à-vis de la banque, il est fondé à en obtenir le remboursement intégral en principal, frais, et intérêts ; que rien ne justifie que les intérêts remboursés par l'époux constituent une charge du mariage supplémentaire en sus de ce qu'il a déjà assumé.

Il fait valoir ensuite :

- qu'il a contracté auprès de la Société Générale quatre prêts personnels dont le but était de combler le découvert du compte sur lequel étaient prélevés les remboursements d'emprunts immobiliers ainsi qu'une large part des charges courantes;

- qu'il est par conséquent créancier de l'indivision pour une somme de

39 042,86 € correspondant au montant du capital qu'il a emprunté.

Il soutient par ailleurs :

- qu'il est créancier de l'indivision pour l'ensemble des sommes qu'il a réglées au titre de l'impôt sur le revenu, lequel constitue la charge directe des revenus personnels d'un époux, étrangère aux besoins de la vie familiale et qui ne figure pas au nombre des charges du mariage auxquelles les deux époux doivent contribuer, et que la quote-part de Madame [R] [O] s'élève à la somme totale de 39 335 € ;

- qu'il est également créancier de l'indivision pour l'ensemble des sommes qu'il a réglées au titre de l'impôt foncier pour un total de 10 364,83 € ; que son ex-épouse était en effet tenue au paiement de la moitié de ces sommes compte tenu de son statut de propriétaire indivis, de 1992 à 2002.

S'agissant enfin de l'indemnité d'occupation réclamée par Madame [R] [O], il allègue :

- qu'il n'a occupé seul l'immeuble indivis que du 15 mai 2003 aux 12 juin 2003, date à laquelle il a emménagé chez sa mère ;

- que le constat d'adultère établi par Maître [X], huissier de justice, à la requête de son ex-épouse, mentionne bien qu'il était hébergé sur place chez une amie, [Adresse 5] ;

A titre subsidiaire, il fait valoir qu'une indemnité d'occupation ne peut être mise à sa charge qu'à compter du 4 mai 2003, date de l'assignation en divorce et donc de la prise d'effet du divorce entre les époux conformément aux dispositions de l'ancien article 262-1 du code civil.

MOTIFS :

1) sur la demande de Monsieur [H] [U] au titre de l'impôt sur le revenu

Il ressort de l'examen de la copie des avis d'imposition produite par Monsieur [H] [U] que le montant des impôts sur le revenu dus par les époux pour la période comprise entre 1990 et 2002, s'est élevé à la somme totale de 105.930 euros.

Il n'est pas contesté que ces impôts ont été réglés par l'époux seul.

L'impôt sur le revenu constitue la charge directe des revenus personnels d'un époux, étrangère aux besoins de la vie familiale, et ne figure pas au nombre des charges du mariage auxquelles les deux époux doivent contribuer.

Il s'en suit que Monsieur [H] [U] dispose d'une créance à cet égard à l'encontre de Madame [R] [O].

Pour justifier du quantum de sa demande, Monsieur [H] [U] a établi un tableau sur lequel il a fait figurer, pour chaque année de référence, le montant des revenus imposables du mari et de l'épouse, ainsi que la somme qu'il réclame à Madame [R] [O], calculée au prorata des revenus de chacun d'entre eux.

Cependant, dès lors que la contribution des époux séparés de biens à la dette fiscale, est déterminée au prorata de l'impôt dont ils auraient été redevables s'ils avaient fait l'objet d'une imposition séparée, il apparaît que les calculs effectués par l'intéressé sont erronés.

Il convient donc en l'état de retenir le principe de la créance de Monsieur [H] [U] et de dire que le montant de celle-ci sera calculé par le notaire en charge des opérations de liquidation des intérêts patrimoniaux des époux selon la méthode ci-dessus décrite, à partir des éléments d'information qui lui seront remis par les parties.

2) sur les dépenses afférentes à l'immeuble indivis et les prêts de restructuration

Il ressort de l'acte authentique du 31 octobre 1990 que les époux ont fait l'acquisition de la maison litigieuse, chacun pour moitié indivise.

Il appartenait dès lors à chacun d'entre eux de financer l'acquisition à proportion de ses droits dans l'immeuble.

Madame [R] [O] démontre avoir versé entre les mains du notaire les sommes de 3.201,43 euros (21.000 francs) et 14.406,43 euros (94.500 francs), soit un total de 17.607,86 euros. Elle dispose donc à ce titre à l'encontre de son ex-époux d'une créance d'un montant de 8.803,93 euros (17.607,86 : 2).

Il est par ailleurs constant :

- que les mensualités des trois emprunts contractés par les époux pour financer une partie du prix d'acquisition ainsi que les travaux de rénovation de l'immeuble, ont été prélevés sur le compte ouvert à la Société Générale portant le numéro 02170 00051148816, ledit compte étant alimenté par les versements effectués par Monsieur [H] [U] en provenance de son compte professionnel ;

- que le traitement de Madame [R] [O], prestations familiales incluses, était viré sur un compte ouvert à son nom au Crédit Agricole.

Il est acquis aux débats que cette dernière a émis le 30 juillet 1992, un chèque d'un montant de 9.146,94 euros (60.000 francs) afin de renflouer le compte ouvert à la Société Générale, qui était alors à découvert.

Madame [R] [O] verse aux débats une attestation de la Banque Fédérale Mutualiste dont il résulte qu'une indemnisation d'un montant de 3.695,71 euros, couvrant les échéances de remboursement d'un des trois emprunts lui a été allouée au titre de l'incapacité totale de travail dont elle a été affectée du 1er avril au 5 août 2001.

Aucune pièce du dossier ne permet toutefois d'établir que cette somme a été versée sur le compte numéro 02170 00051548816 à partir duquel étaient effectués les prélèvements affectés au remboursement des prêts immobiliers.

Il ressort du courrier de la Société Générale en date du 21 avril 2004 que le montant total des échéances d'emprunts qui ont été réglées s'élève à la somme de 148.982,90 euros.

Il n'est par ailleurs pas contesté que les taxes foncières pour la période comprise entre 1992 et 2002, dont le montant total s'élève à 10.364,83 euros, ont été prélevés sur le compte ouvert auprès de cet organisme financier.

Il s'infère de ces contestations :

- que Madame [R] [O] dispose à l'encontre de son ex-époux d'une créance d'un montant de 9.146,94 euros ;

- que dès lors que les remboursements d'emprunts et le règlement de la taxe foncière constituent des impenses nécessaires à la conservation de l'immeuble indivis, Monsieur [H] [U] est en droit, sur le fondement de l'article 815-13 du code civil, de se prétendre créancier à ce titre d'une indemnité à l'égard de l'indivision, sauf à considérer que tout ou partie des dépenses exposées l'ont été par lui à titre de contribution aux charges du mariage.

Aux termes du contrat de mariage des parties, il était notamment stipulé d'une part que chacun des époux resterait seul tenu des dettes nées en sa personne, avant ou après le mariage, sauf les exceptions prévues à l'article 220 du code civil, et d'autre part, qu'aux termes de leur contrat de mariage, les époux étaient tenus de contribuer aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives, conformément aux dispositions de l'article 214 du code civil.

Il ressort de l'examen des avis d'imposition produits par Monsieur [H] [U] que pendant la période vie commune, les revenus perçus respectivement par ce dernier et par Madame [R] [O] représentaient pour le premier 63,30 % des ressources de la famille et pour la seconde, 36,70 % desdites ressources.

Il incombait par conséquent aux conjoints de contribuer dans ces proportions aux charges de la vie courante.

Il appartient aux parties, qui prétendent l'une et l'autre que les dépenses qu'elles ont engagées à ce titre ont excédé leur part contributive, d'en rapporter la preuve.

Force est toutefois de constater que les relevés de compte produits par l'un et l'autre des ex-époux ne couvrent qu'une partie de la période considérée, ce qui ne permet pas d'établir un décompte exhaustif des frais qu'elles ont exposés.

Il ressort toutefois des quelques documents bancaires versés aux débats par Monsieur [H] [U] que si dans le courant des années 1993 et 1995 apparaissent des débits par carte bancaire liés aux dépenses familiales, les relevés de son compte pour la période comprise entre le 5 décembre 2001et le 30 avril 2002 ne comportent aucune mention à ce titre, hormis l'existence d'un prélèvement EDF, et ce, alors que l'intéressé aurait dû assumer seul près des deux tiers des charges du mariage.

Il convient dès lors de considérer que les intérêts des trois emprunts immobiliers contractés par les époux ainsi que la taxe foncière ont été réglés par le mari à titre de contribution aux charges du mariage, de sorte qu'il ne peut prétendre en obtenir le remboursement.

En outre la demande par laquelle Monsieur [H] [U] entend se voir reconnaître une créance correspondant au montant des emprunts « de restructuration » qu'il a seul contractés doit être rejetée, étant surabondamment relevé, s'agissant de ce dernier point, que l'intéressé ne précise pas sur quel fondement juridique l'indivision constituée sur l'immeuble pourrait être redevable à son égard d'une quelconque somme à ce titre.

*****

Compte tenu de l'ensemble des éléments :

- il convient, réformant de ce chef le jugement déféré, de dire que Monsieur [H] [U] dispose d'une créance à l'encontre de l'indivision au titre des remboursements des trois emprunts immobiliers, correspondant au capital remboursé jusqu'au 15 avril 2003 ;

- il y lieu en outre :

.de dire que Madame [R] [O] dispose à l'encontre de son ex-époux de deux créances dont les montants respectifs s'élèvent à 8.803,93 euros et 9.146,94 euros ;

.et de débouter Monsieur [H] [U] de sa demande tendant à se voir reconnaître une créance de10.364,83 euros à l'encontre de l'indivision au titre du règlement des taxes foncières pour la période comprise entre 1992 et 2002 ainsi que de sa demande relative aux prêts de restructuration.

4) sur la demande relative à l'indemnité d'occupation, présentée par Madame [R] [O]

Selon l'article 815-9 du code civil, l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.

Aux termes de l'ordonnance de non conciliation du 15 avril 2003, la jouissance du domicile conjugal a été attribuée par le juge aux affaires familiales à Monsieur [H] [U].

Au soutien de ses allégations selon lesquelles il ne serait redevable à l'égard de l'indivision que d'une somme de 1.000 euros, correspondant à une seule indemnité mensuelle, Monsieur [H] [U] verse aux débats :

- une attestation de sa mère qui déclare l'avoir accueilli gracieusement à son domicile de juin 2003 à juillet 2004 ;

- un courrier de la compagnie d'assurance SADA relative à un contrat d'assurance habitation souscrit par Monsieur [H] [U] le 12 juin 2003 pour un logement situé au [Adresse 9] (adresse de sa mère) ;

- un procès-verbal de constat d'adultère en date du 15 septembre 2004, dont la lecture révèle que l'intéressé se trouvait à cette date chez une dame domiciliée au [Adresse 5] ;

- une facture de location d'un appartement situé au [Adresse 3] pour le mois de juin 2005.

Il convient toutefois de relever d'une part que Monsieur [H] [U] ne démontre pas avoir rendu l'immeuble indivis libre de toute occupation à compter du mois de juin 2003 et d'autre part, qu'il résulte du jugement de divorce que l'intéressé avait, dans le courant du mois de février 2003, fait installer un nouveau boîtier du système d'alarme afin d'empêcher son épouse de pénétrer dans la maison, de sorte qu'il est établi qu'il s'est réservé, à compter de cette date, la jouissance exclusive du logement.

Il s'en déduit que Monsieur [H] [U] est débiteur à l'égard de l'indivision d'une indemnité d'occupation mensuelle de 1.000 euros à compter du 15 mai 2003, date de l'assignation en divorce et jusqu'au 18 mars 2005, date de la vente de l'immeuble.

Faisant droit à la demande de Madame [R] [O], le jugement déféré sera donc confirmé en ce que le montant de l'indemnité d'occupation dû par son ex-époux a été fixé à la somme de 22.000 euros.

5) sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens seront confirmées.

Par ailleurs, dès lors que tant Monsieur [H] [U] que Madame [R] [O] succombent en une partie de leurs prétentions, il y a lieu de mettre à la charge de chacun d'entre eux la moitié des dépens d'appel et de débouter Monsieur [H] [U] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement,

Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a :

- dit que Monsieur [H] [U] était débiteur à l'égard de l'indivision d'une indemnité d'occupation de l'immeuble d'un montant de 22.000 euros ;

- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage ;

Et, statuant à nouveau,

Dit que Monsieur [H] [U] dispose à l'encontre de l'indivision d'une créance au titre des remboursements des trois emprunts immobiliers, correspondant au capital remboursé jusqu'au 15 avril 2003 ;

Y ajoutant,

Dit que Monsieur [H] [U] dispose d'une créance à l'encontre de Madame [R] [O] au titre des impôts sur le revenu qu'il a acquittés de 1990 à 2002 ;

Dit que la contribution des époux séparés de biens à la dette fiscale est déterminée au prorata de l'impôt dont ils auraient été redevables s'ils avaient fait l'objet d'une imposition séparée ;

Dit que le montant de créance de Monsieur [H] [U] sera calculée sur cette base par le notaire en charge des opérations de liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, à partir des éléments d'information qui lui seront remis par les parties ;

Dit que Madame [R] [O] dispose à l'encontre de son ex-époux de deux créances dont les montants respectifs s'élèvent à 8.803,93 euros et 9.146,94 euros ;

Déboute Monsieur [H] [U] de sa demande tendant à se voir reconnaître à l'encontre de l'indivision une créance de 10.364,83 euros au titre du règlement des taxes foncières pour la période comprise entre 1992 et 2002 ainsi qu'une créance au titre des intérêts des emprunts immobiliers dont il a assuré le remboursement ;

Déboute Monsieur [H] [U] de sa demande relative aux prêts de restructuration ;

Dit que chacune des parties supportera la charge de la moitié des dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit des avoués en la cause ;

 

Déboute Monsieur [H] [U] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure.

Le Greffier,Le Président,

N. HERMANT.E. MERFELD.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 09/03076
Date de la décision : 21/06/2010

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°09/03076 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-21;09.03076 ?
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