COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 25/10/2010
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N° de MINUTE :
N° RG : 08/05225
Jugement (N° 06-001116)
rendu le 28 Mai 2008
par le Tribunal d'Instance de [Localité 3]
REF : PM/AMD
APPELANTE
S.A. RUBIS TERMINAL
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 4]
Régulièrement convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception
Représentée par Maître François CITRON, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ
MONSIEUR LE DIRECTEUR GENERALDES DOUANES ET DROITS INDIRECTS,
agissant par le Directeur Régional des Douanes de [Localité 3]
ayant son siège social [Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Régulièrement convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception
Représenté par Madame [W] [Y], Inspectrice des Douanes, munie d'un pouvoir, entendue en ses observations.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Evelyne MERFELD, Président de chambre
Pascale METTEAU, Conseiller
Joëlle DOAT, Conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nicole HERMANT
DÉBATS à l'audience publique du 06 Septembre 2010
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président, et Nicole HERMANT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
VISA DU MINISTERE PUBLIC : le 10 mai 2010
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Par jugement rendu le 28 mai 2008, le tribunal d'instance de Dunkerque a, dans l'affaire opposant la SA RUBIS TERMINAL à Monsieur le directeur général des douanes et droits indirects de [Localité 3], débouté la société RUBIS TERMINAL de ses demandes et dit n'y avoir lieu de condamner l'une ou l'autre des parties aux dépens.
La SA RUBIS TERMINAL a interjeté appel de cette décision par lettre recommandée adressée au secrétariat greffe de la cour d'appel de Douai, portant date d'expédition du 4 juillet 2008.
Par arrêt rendu le 11 mai 2009, la cour d'appel a rejeté la demande de sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale formulée par la SA RUBIS TERMINAL, renvoyé l'affaire à l'audience de la mise en état et invité la SA RUBIS TERMINAL à conclure au fond.
Le dossier a été communiqué à Monsieur le Procureur Général près la Cour d'Appel de DOUAI qui a apposé son visa le 11 mai 2010.
RAPPEL DES DONNÉES UTILES DU LITIGE :
La société ARCELOR ATLANTIQUE ET LORRAINE (ARCELOR
anciennement appelée SOLLAC) utilise, pour la production de divers types d'acier, du fioul domestique dans ses processus. Jusqu'en 2004, le fioul résiduel appelé communément fioul naphtaliné, était cédé à la société SONOLUB (groupe VEOLIA) ayant pour activité le négoce, la collecte et le traitement de déchets pétroliers. Cette société exportait ce fioul en Belgique auprès de la société OIL CHART INTERNATIONAL pour servir, après fluxage, de carburant aux moteurs de bateaux. La société RUBIS TERMINAL, entrepositaire agréé, exploitait un dépôt d'hydrocarbures situé dans la zone portuaire de [Localité 3] : dans ce cadre, elle recevait et expédiait des produits pétroliers, notamment à partir d'un appontement situé sur le domaine public du port de [Localité 3], mis à la disposition de la société SONOLUB, et en particulier le fioul naphtaliné à destination de Belgique. Elle sollicitait, pour ces opérations, l'établissement de certificats d'exonération permettant le remboursement de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) précédemment acquittée dans la mesure où le fioul exporté était déclaré d'espèce tarifaire identique à celle du fioul domestique pour lequel la taxe avait été réglée. La société RUBIS TERMINAL remettait ensuite directement à ARCELOR les remboursements de TIPP obtenus.
La société RUBIS TERMINAL a fait l'objet, le 8 novembre 2005, d'une notification par procès-verbal de constat des douanes, qui s'estimaient créancières à son encontre d'une somme de 239.302 euros. Aux termes de cet acte, l'administration faisait valoir que la SA RUBIS TERMINAL avait indûment sollicité le remboursement de droits d'assises à l'occasion de l'expédition en Belgique des produits pétroliers ci-dessus mentionnés (fioul naphtaliné) qui, selon elle, ne relèveraient pas de la même nomenclature douanière que celle pour laquelle les droits, dont le remboursement avait été sollicités, avaient été initialement acquittés (à savoir le fioul domestique). L'administration considérait que le fioul naphtaliné était constitutif de déchets.
Un avis de mise en recouvrement a été émis le 16 janvier 2006.
Par courrier du 15 février 2006, la SA RUBIS TERMINAL a contesté cet avis. Ce recours ayant été rejeté par courrier des douanes du 14 août 2006, la SA RUBIS TERMINAL a saisi, par acte d'huissier du 6 octobre 2006, le tribunal d'instance de Dunkerque en application des articles 345 et suivants du Code des Douanes.
La décision déférée a été rendue dans ces conditions.
La SA RUBIS TERMINAL demande à la cour de :
Sur la procédure :
constater que l'administration n'apporte pas la preuve du caractère exigible de la créance qui a fait l'objet de l'avis de mise en recouvrement,
constater que l'administration n'a pas offert préalablement à l'émission du procès-verbal du 8 novembre 2005 et de l'avis de mise en recouvrement une procédure contradictoire à la société RUBIS TERMINAL,
dire et juger que l'administration ne pouvait émettre un avis de mise en recouvrement à l'encontre de la société RUBIS TERMINAL en sa qualité de mandataire de la société SONOLUB, en application des articles 1992 et suivants du Code civil,
subsidiairement, dire et juger prescrite, en application de l'article 354 du code des douanes, toute demande de l'administration portant sur des expéditions antérieures au 30 juin 2001.
Sur la créance :
constater que l'administration a détruit les analyses effectuées en février 2001,
dire et juger que l'administration ne peut pas se prévaloir d'analyses postérieures,
vu l'article 70 de la loi n° 92-677 du 17 juillet 992, vu le chapitre 27 de la nomenclature combinée, vu l'article 345 bis du code des douanes, dire et juger que l'article 70 de la loi du 16 juillet 992 impose d'établir le statut en acquitté du produit, le paiement des taxes en France et sa prise en charge par la fiscalité pétrolière de l'Etat membre de destination, à exclusion de toute preuve que le produit exporté relève de la même position tarifaire que le produit acquis initialement,
dire et juger que l'administration a pris, à de multiples reprises, des positions sur la régularité des expéditions du « fioul naphtaliné » et sur les demandes de remboursement de la TIPP en résultant et que ces prises de positions interdisaient à l'administration la notification de l'avis de mise en recouvrement du 16 janvier 2006 en application de l'article 345 bis du code des douanes,
constater que l'administration des douanes n'apporte pas la preuve que la position tarifaire des marchandises expédiées par la société SONOLUB à destination de la Belgique et de celles mises à la consommation initialement par la société SOLLAC n'auraient pas été identiques au regard du chapitre 27 de la nomenclature combinée,
en conséquence, lui adjuger l'entier bénéfice de son acte introductif d'instance,
infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Dunkerque du 28 mai 2008 en toutes ses dispositions,
annuler ensemble l'avis de mise en recouvrement n°126/06/3 du 16 janvier 2006 et la décision du 14 août 2006 rejetant la contestation,
reconventionnellement, condamner l'administration des douanes à lui payer la somme de 7.500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
dire n'y avoir lieu à condamnation aux dépens conformément à l'article 367 du code des douanes.
Elle explique que :
la société SOLLAC ATLANTIQUE utilise du fioul domestique pour épurer les gaz de son atelier de cokerie depuis 1969. À l'époque des faits, elle s'acquittait, pour ce fioul, de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) alors qu'elle aurait pu en être exonérée en présentant une demande en ce sens puisque le fioul n'était pas utilisé comme carburant ni comme combustible. En effet, un arrêté ministériel du 29 avril 1970 prévoit un régime d'exonération « sous condition d'emploi » de la TIPP. Le fioul domestique utilisé dans le processus industriel absorbe certaines particules présentes dans les fumées, dont du naphtalène, le produit issu de ce lavage étant appelé fioul naphtaliné. Ce produit était revendu à la société SONOLUB, située près de [Localité 5], qui le livrait, sans transformation, à un client belge, la société OIL CHART INTERNATIONAL qui s'en servait comme fluxant pour des combustibles de navires (c'est-à-dire comme un produit permettant d'améliorer la viscosité et les capacités de combustion des fiouls lourds utilisés comme combustible des navires de haute mer). Compte tenu de cette utilisation comme combustible du fioul naphtaliné, la société SONOLUB a demandé à la douane de [Localité 3] le bénéfice d'une procédure de remboursement des droits d'accises qui avaient été supportés en amont. Cette demande a été acceptée en 1994, sur un rapport établi le 26 mai 1994 par l'inspecteur responsable du bureau des produits pétroliers de [Localité 3]. Ces demandes étaient formées par SONOLUB sur le fondement de l'article 70 de la loi du 16 juillet 1992, avant chaque expédition, et le montant de la TIPP remboursé à la société RUBIS TERMINAL, qui bénéficiait d'un agrément d'entrepositaire, par le biais d'une procédure dite de certificat 272, puis reversé à SOLLAC. Le certificat d'exonération 272 permet, en effet, à un entrepositaire agréé de payer les droits dus au titre des mises à la consommation qu'il effectue, au moyen d'un crédit dont il dispose à l'égard de l'administration à raison d'opérations antérieures. En l'espèce, la société RUBIS TERMINAL a imputé les certificats d'exonération établis à son nom pour le compte de SONOLUB, sur des mises à consommation de fioul domestique auquel elle a procédé par la suite.
La société RUBIS TERMINAL intervenait donc d'une part pour louer un appontement près de l'usine SOLLAC de [Localité 3] pour que les transporteurs mandatés par la société SONOLUB puissent livrer le fioul naphtaliné sur des barges affrétées par SONOLUB et d'autre part pour demander le certificat de 272 à la douane, se faire rembourser la TIPP puis la reverser, sur instruction de SONOLUB, à SOLLAC.
Le litige concerne trois expéditions de fioul naphtaliné qui ont eu lieu les 26 février 2001, 20 avril 2001 et 2 octobre 2001, les deux premières expéditions ayant donné lieu à des certificats 272 n°022817, 022818 et 022819 du 2 août 2001, un certificat n°0022824 ayant été délivré le 14 janvier 2002 pour la troisième expédition. Un montant total de 239.302 euros a ainsi été imputé sur les mises à la consommation ultérieures de la société RUBIS TERMINAL. En effet, après une analyse effectuée sur les produits vendus par SOLLAC à SONOLUB par la douane en 2002, il est apparu que le fioul naphtaliné présentait une teneur en soufre excédent 0,2 % de sorte que la douane a cessé de procéder au remboursement.
Le 30 juin 2003, la société ARCELOR a modifié l'organisation de ses opérations et a été autorisée par la direction régionale des douanes de [Localité 3] à acheter ses produits pétroliers en exonération de TIPP.
À partir de 30 juin 2004, une enquête a été diligentée, de nouvelles analyses réalisées, un procès-verbal d'infraction notifié le 8 novembre 2005 et l'avis de mise en recouvrement contesté émis.
Elle fait valoir que :
l'avis de recouvrement du 16 janvier 2006 mentionne que les sommes dont il fait l'objet « ont été constatées à votre encontre et n'ont pas fait l'objet d'un règlement à leur date d'exigibilité ». Or, l'exigibilité peut être fonction d'un certain nombre d'éléments autres que la contestation, tel, par exemple, que l'exigence d'une mise en demeure ou bien de la décision d'un fonctionnaire déterminé. La contestation de la position tarifaire d'une marchandise en matière douanière, a posteriori et par procès-verbal de constat, impose à l'administration d'offrir au contribuable la saisine de la Commission de Conciliation et d'Expertise Douanière. Cette possibilité n'a pas été offerte à la société RUBIS TERMINAL. Les dispositions de l'article 345 du code des douanes citées par l'administration s'appliquent aux créances résultant des déclarations que les redevables étaient tenus de déposer et non à des demandes de répétition intervenant plusieurs années après les remboursements effectués. Aucun texte ne prévoit que la demande de restitution de la douane rendrait, à elle seule, la créance exigible que ce soit par un procès-verbal ou par voie d'avis de mise en recouvrement. Or, la date exigibilité de la créance constitue d'évidence une des conditions d'émission d'un titre exécutoire. Faute pour l'administration de préciser cette date d'exigibilité ainsi que sa base légale, l'avis de mise en recouvrement est entaché de nullité.
En outre, le principe du contradictoire n'a pas été respecté, avant la notification de l'avis de mise en recouvrement, acte faisant grief. Ce principe a pourtant été consacré par l'arrêt SOPROPE rendu par la Cour de Justice des Communautés Européennes le 18 décembre 2008. Ainsi, la procédure contradictoire n'est pas conditionnée par l'existence d'une disposition législative expresse. En l'espèce, ses droits ont été violés d'une part à l'occasion de la notification du procès-verbal du 28 novembre 2005 puis lors de l'émission de l'avis de mise en recouvrement du 16 janvier 2006, des éléments du dossier n'ayant pas été portés à sa connaissance (et notamment les analyses effectuées par les services de la DRIRE) de sorte qu'elle n'a pas été mise à même de discuter de l'existence de la créance, dans son fondement avant l'émission du titre exécutoire. L'avis de mise en recouvrement doit donc être annulé.
Le fait générateur du remboursement n'est pas la demande de certificat 272 mais l'expédition du produit, précédée d'une demande de remboursement. Ce principe est consacré par l'article 70 de la loi du 16 juillet 1992 qui ne subordonne pas le remboursement au dépôt d'une demande de certificat 272, cette procédure n'étant qu'une modalité possible du remboursement, instaurée par l'administration lorsque celui-ci est sollicité par un entrepositaire agréé. Ce processus d'imputation n'est qu'une simplification pour l'administration de la procédure de remboursement prévue par la loi et elle n'est possible que parce que la douane a affaire à des opérateurs professionnels qui procèdent quotidiennement à des mises à la consommation de produits pétroliers et qui sont donc, de ce fait, débiteurs de la TIPP à l'égard du Trésor. Cette facilité aurait donc pu ne pas être utilisée alors que des demandes de remboursement étaient formalisées auprès du receveur des douanes par la société SONOLUB par lettres des 16 février, 5 avril et 25 septembre 2001. Il en résulte que ce n'est pas l'émission des certificats 272 qui a constitué RUBIS TERMINAL comme titulaire du droit en remboursement, le receveur ne faisant alors que constater un droit préexistant. Le fait générateur du remboursement, point de départ de la prescription pour l'administration, est donc bien l'exportation des marchandises pour lesquelles la demande de remboursement a été régularisée et acceptée et non la délivrance des certificats. Il en résulte, en application l'article 354 du code des douanes qui prévoit un délai de prescription de trois ans à compter du fait générateur pour l'exercice du droit de reprise de l'administration, que les demandes sont prescrites, le premier acte interruptif de prescription étant le procès-verbal du 30 juin 2004.
La société RUBIS TERMINAL n'est intervenue que comme mandataire de la société SONOLUB de sorte que la demande des douanes aurait dû être dirigée à l'encontre de cette dernière. En effet, RUBIS TERMINAL n'a fait que solliciter l'endossement du certificat 272, ce qui signifiait que la société SONOLUB la désignait pour percevoir en ses lieux et place, les sommes dont elle avait personnellement demandé le remboursement par la douane. La société SONOLUB, qui n'était pas entrepositaire agréé mettant à la consommation des produits pétroliers, l'a missionnée pour que soit établi en son nom les certificats 272, et ce d'autant que c'est bien SONOLUB qui a procédé aux exportations et qui était donc titulaire du droit de remboursement. C'est bien elle qui présentait les demandes de remboursement et reversait, par l'intermédiaire de RUBIS TERMINAL, les fonds à SOLLAC à l'égard de laquelle elle se trouvait débitrice. Il s'agissait d'une simple indication de paiement tel que prévu par l'article 1277 du Code civil faite par SONOLUB à RUBIS TERMINAL. En outre, cette demande de remboursement rétablissait une neutralité fiscale, exclusive de tout avantage indu, puisque le fioul domestique avait été acheté par SOLLAC en payant la TIPP. Dès lors, RUBIS TERMINAL n'ayant agi qu'en qualité de mandataire, il appartenait à l'administration de s'adresser au bénéficiaire effectif des remboursements à savoir la société SONOLUB.
A titre liminaire, sur la créance, elle conteste les références à la procédure d'information judiciaire conduite au tribunal de grande instance de [Localité 3], faite par l'administration douanière, relevant que la cour n'a nul besoin de faire application de notion relevant du droit d'environnement pour trancher le litige douanier dont elle est saisie. Le simple respect des conditions légales est nécessaire et suffisant pour consacrer le bien-fondé des remboursements effectués.
Ainsi, il suffit d'établir que la TIPP a été payée au moment de l'achat du fioul domestique (par la société SOLLAC), qu'une autorisation d'exporter a été accordée par la douane à l'expéditeur (SONOLUB) avant l'expédition et que les produits ont été placés à leur arrivée sous un statut relevant de la fiscalité pétrolière du pays de destination, sans avoir à démontrer, au surplus, que le produit exporté était exactement similaire à celui acquis à l'origine (par la société SOLLAC).
Subsidiairement, le produit devait être classé, au regard des critères de classement de la nomenclature tarifaire applicable, comme fioul domestique. L'administration ne rapporte pas la preuve que le fioul naphtaliné n'avait plus les caractéristiques douanières d'un fioul domestique et elle n'est pas recevable à invoquer les analyses postérieures aux faits ; c'est fautivement qu'elle n'a pas conservé les analyses qui ont été effectuées en 2001 à l'occasion des trois opérations d'exportation litigieuses. En outre, un dépassement marginal de la teneur en soufre, à le supposer établi, ne conduirait qu'au reclassement du produit dans une position voisine, celle d'huile lourde de type gazole, (classement retenu par l'administration des douanes en 2004) mais le fioul naphtaliné ne peut en aucun cas être considéré comme un déchet d'huile au sens de la nomenclature tarifaire puisqu'il est possible, comme le démontre la pratique, de le réutiliser en combustible.
A titre subsidiaire, ce fioul ne peut être qualifié de déchet dangereux.
Monsieur le Directeur Général des Douanes et Droits Indirects sollicite la confirmation du jugement déféré, de dire que l'avis de mise en recouvrement n°126/06/3 du 16 janvier 2006 d'un montant de 239.302 euros notifié à la société RUBIS TERMINAL est régulier et bien fondé et de dire n'y avoir lieu à condamnation aux dépens conformément aux dispositions de l'article 367 du code des douanes.
Il rappelle par quel mécanisme la société RUBIS TERMINAL, entrepôt fiscal de stockage de produits pétroliers, a pu obtenir, par la voix de certificats d'exonération de modèles 272, des remboursements au titre de la TIPP, pour un produit déclaré comme étant du fioul domestique.
Il indique ainsi que du fioul domestique était acheté par la société ARCELOR ATLANTIQUE et LORRAINE (ex SOLLAC), qu'il était utilisé pour des lavages de gaz de fabrication de produits sidérurgiques, que le fioul naphtaliné obtenu (qualifié de déchets par le responsable environnement, risques majeurs de la société) était revendu à une usine de valorisation de déchets hydrocarbures à savoir la société SONOLUB, que matériellement le fioul naphtaliné quittait la société ARCELOR pour rejoindre les installations de la société RUBIS TERMINAL, que la société SONOLUB demandait remboursement des droits et taxes au profit de la société RUBIS TERMINAL en attestant d'une expédition de fioul domestique alors qu'il s'agissait de fioul naphtaliné, que des certificats 272 étaient émis accordant à la société RUBIS TERMINAL une exonération de droits et taxes à valoir sur de futures mises à la consommation de fioul domestique et que cette société reversait alors ces sommes perçues par ces certificats d'exonération à la société ARCELOR (étant précisé que le prix facturé par SONOLUB à ARCELOR tenait compte de ces remboursements de TIPP). Il affirme donc que la société RUBIS TERMINAL a bénéficié, sur la période non prescrite, de 239.302 euros de remboursement de TIPP indu puisque les marchandises expédiées n'étaient pas identiques à celles pour lesquelles les droits avaient été acquittés lors de leur première mise à la consommation.
Il fait valoir que l'avis de mise en recouvrement émis est régulier puisque, s'agissant de sommes indûment obtenues, la réglementation douanière n'envisage pas de délai préalable à leur recouvrement, que l'absence de propositions de consultation de la CCED n'est pas une cause de nullité de la procédure et ne conditionne pas l'exigibilité de la créance, et que la base légale de l'avis de mise en recouvrement est celle déterminée par les dispositions de l'article 345 du code des douanes.
Il soutient, par ailleurs, que la procédure contradictoire doit être prévue par une disposition législative expresse, ce qui n'est pas le cas pour la procédure de recouvrement régie par les articles 345 et suivants du code des douanes. En tout état cause, elle constate que le directeur de la société RUBIS TERMINAL a été entendu avant la rédaction du procès-verbal d'infraction du 8 novembre 2005, qu'il a pu faire toutes les observations qu'il estimait nécessaires, que le directeur adjoint des sites de
[Localité 3] de la société a apposé lors de la notification de ce procès-verbal une mention selon laquelle il se réservait le droit de répondre par un mémorandum approprié, et qu'ensuite la société a contesté l'avis de mise en recouvrement et saisi, suite au rejet de sa contestation, le tribunal d'instance de Dunkerque du litige. Il en conclut que le principe du contradictoire a été respecté.
S'agissant la prescription, il estime que c'est l'émissions, à tort, des certificats d'exonération qui constitue le fait générateur de la créance douanière de sorte que ces demandes ne sont pas prescrites.
Il relève que la société RUBIS TERMINAL ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un mandat entre elle et la société SONOLUB puisque SONOLUB étant dépositaire agréé, elle pouvait elle-même demander le remboursement de la TIPP au moyen des certificats 272 (ceci n'étant qu'une modalité pratique offerte aux opérateurs pour le remboursement), que c'est bien le nom de la société RUBIS TERMINAL qui est indiqué en qualité de bénéficiaire sur lesdits certificats, et que c'est cette dernière, bénéficiaire des exonérations, qui les utilisait sur des mises à la consommation ultérieures.
Il indique que l'article 70 de la loi du 17 juillet 1992 dispose que « l'impôt supporté par des produits mis à la consommation en France est remboursé à l'opérateur professionnel qui, dans le cadre de son activité, les a expédiés dans un autre Etat membre de la communauté européenne, si les conditions suivantes sont remplies :
la demande de remboursement a été présentée avant l'expédition des produits hors de France,
le demandeur justifie par tous moyens qu'il a acquis les produits tous droits acquittés en France,
le demandeur présente un exemplaire du document d'accompagnement annoté par le destinataire et une attestation de l'administration fiscale du pays de destination qui certifie que l'impôt a été payé dans cet Etat ou, le cas échéant, qu'aucun impôt n'était dû au titre de la livraison en cause. »
Il relève que cette loi a pour objet d'appliquer en France la directive 92/12/CEE laquelle définit en son article 2, les produits concernés en les identifiant par leur position tarifaire. Il précise que cette position tarifaire permet d'identifier le produit et de déterminer la fiscalité qui lui est applicable. Il en déduit que le bulletin officiel des douanes n°93-160 n'outrepasse en aucune mesure les dispositions légales en identifiant les produits concernés par leur position tarifaire et que cette circulaire permet une correcte application de la loi en limitant les remboursements aux produits de même espèce et quantité que ceux pour lesquels ils sont établis. Il affirme que la société RUBIS TERMINAL a bénéficié d'exonérations sur ses mises à la consommation de fioul en faisant valoir des certificats 272 afférents à du fioul domestique alors qu'en réalité, ont été expédiés des déchets industriels de produits pétroliers ne relevant pas de la même position tarifaire que le fioul domestique. Il en conclut que c'est indubitablement à mauvais droit que ces exonérations de TIPP ont été accordées.
Il souligne que les développements de la société RUBIS TERMINAL quant à la relation entre le remboursement et l'usage comme combustible ou carburant du fioul domestique, la taxation française préalable et la fiscalité dans l'Etat membre de destination, sont inopérants dans la mesure où il faut uniquement, pour bénéficier d'un remboursement, que de la TIPP ait été acquittée lors de l'achat du fioul domestique (ce qui n'est pas contesté en l'espèce), peu important que les Etats membres de destination exonèrent ou non le produit de l'impôt (l'Etat belge en l'occurrence).
Il ajoute que la simple lecture de la loi du 17 juillet 1992 démontre que, contrairement à ce que prétend la société RUBIS TERMINAL, une identité de nature entre les produits expédiés et les produits ayant acquitté la TIPP est nécessaire pour pouvoir profiter du remboursement. Or, il constate que le classement tarifaire du fioul naphtaliné n'est pas identique à celui du fioul domestique. Il précise que les douanes n'ont pas été informées de l'exportation en Belgique de fioul naphtaliné, les documents remplis portant tous la mention fioul domestique.
Il souligne enfin que les analyses, même réalisées postérieurement aux faits, sont probantes dans la mesure où elles sont conformes aux déclarations du chef d'atelier et du responsable de fabrication du service concerné de la société ARCELOR, et que le produit fioul naphtaliné est un déchet d'huile, conformément aux conclusions de la DRIRE et à l'arrêté préfectoral de classement des installations de la société ARCELOR. Il conteste l'analyse du laboratoire REDWOOD qui a été effectuée sur un échantillon de fioul domestique de la société ARCELOR et non sur un échantillon de ses déchets à savoir le fioul naphtaliné.
Il précise enfin que ce fioul naphtaliné correspond à la définition de déchet donnée par l'article L. 541-1 du code de l'environnement.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le caractère exigible de la créance :
L'administration des douanes sollicite le paiement, au moyen de l'avis
de mise en recouvrement émis le 16 janvier 2006, d'une créance consécutive à un remboursement de TIPP qu'elle qualifie d'indû et suite à ce qu'elle estime être une infraction douanière. A cette fin, un procès verbal d'infraction a été notifié à la société RUBIS TERMINAL le 8 novembre 2005.
Le montant de la créance a été arrêté à cette même date.
Il sera relevé que s'agissant de la répétition de sommes qualifiées d'indues, la réglementation douanière ne prévoit aucune distinction entre la date de constatation de la créance et sa date d'exigibilité.
En outre, par courrier du 25 novembre 2005, la SA RUBIS TERMINAL a demandé au receveur principal des douanes de s'abstenir d'émettre un avis de mise en recouvrement à son encontre, ce qui démontre qu'elle avait parfaitement conscience du caractère immédiatement exigible de la créance.
Par ailleurs, l'article 265 A du code des douanes qui institue la commission consultative et d'expertise douanière prévoit que : « 1 . Lorsqu'elles ne sont pas précisées par le tarif des droits de douane d'importation, les caractéristiques des produits visés au tableau B annexé à l'article 265 ci-dessus sont déterminées par des arrêtés du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'industrie. 2. Il est institué auprès du ministre de l'industrie (direction des hydrocarbures) une commission permanente. Cette commission comprend en nombre égal des représentants de l'industrie du pétrole et des représentants de l'administration. Son président qui, en cas de partage, a voix prépondérante, et ses membres sont désignés et ses conditions de fonctionnement sont fixées par arrêté du ministre de l'économie et des finances et du ministre de
l'industrie. 3. Cette commission formule des avis sur les textes pris en application du 1 ci-dessus. Elle se prononce sur les contestations relatives à l'espèce et à l'origine des huiles brutes de pétrole et des minéraux bitumineux. L'autorité judiciaire éventuellement saisie, si elle décide de procéder à une expertise sur ces questions, ne peut la confier qu'à cette commission. »
Il en découle que d'une part la commission se réunit pour trancher les litiges relatifs à l'espèce, l'origine ou la valeur de la marchandise, ce point n'étant pas en débat dans la présente instance, et d'autre part que, sa saisine étant facultative et la commission n'émettant que des avis, le défaut de consultation de cette commission n'entâche pas de nullité la procédure d'émission d'un avis de mise en recouvrement. La procédure concernant ces avis est prévue par l'article 345 du code des douanes et est applicable au recouvrement des créances de « toute nature, constatées et recouvrées par l'administration des douanes » et donc en particulier aux créances nées suite à un paiement indû.
Dès lors, le fait que l'avis de mise en recouvrement mentionne le procès verbal de notification d'infraction du 8 novembre 2005, acte qui a rendu exigible pour la SA RUBIS TERMINAL la créance réclamée par les douanes et qui a déterminé son montant, suffit à la régularité de cet avis qui n'a donc pas à être annulé de ce chef.
Sur la procédure et la régularité de l'avis de mise en recouvrement :
La SA RUBIS TERMINAL soulève l'irrégularité de la procédure ayant
abouti à l'émission de l'avis de mise en recouvrement soulignant son caractère non contradictoire.
Cependant, il y a lieu de constater que la loi, et en particulier l'article 345 du code des douanes, n'a prévu aucun débat contradictoire avant que l'avis de recouvrement ne soit émis, et ce contrairement aux dispositions des articles 55 et suivants du livre des procédures fiscales, de sorte que la SA RUBIS TERMINAL n'est pas fondée à faire grief à l'administration du fait de cette absence de débat.
En outre, les recours des redevables à l'encontre des avis de mise en recouvrement sont clairement définis par les articles 346 et 347 du code des douanes (recours devant l'administration des douanes puis recours judiciaire, étant précisé, en l'espèce, que la SA RUBIS TERMINAL a pu exercer ces deux recours). Dans le cadre de ces procédures, le débiteur peut formuler toute observation, faire valoir tout argument tant sur le bien fondé du titre authentifiant la créance et l'obligation de payer en résultant, que sur le déroulement de la procédure.
Dans ces conditions, le fait que la loi n'ait prévu aucun échange contradictoire avant l'émission du titre et le recouvrement de la créance douanière ne constitue pas un obstacle aux droits de la défense.
Il y a également lieu de constater que les représentants de la société RUBIS TERMINAL ont été entendus les 30 juin 2004, 12 août 2004 et 6 septembre 2005. Ils ont été invités à s'expliquer sur les faits constitutifs de l'infraction qui avait été relevée à leur encontre, et ce, avant l'émission de l'avis de mise en recouvrement. Ils auraient pu, comme ils l'ont fait noter, produire tout document complémentaire ou justificatif.
En conséquence, dès avant la notification du procès verbal d'infraction, et donc avant l'émission de l'avis de mise en recouvrement, les droits de la défense ont pu être exercés et cet avis a pu être contesté par la suite, de sorte que la procédure douanière mise en place n'est pas contraire au principe communautaire de respect des droits de la défense.
L'avis de mise en recouvrement n'a donc pas à être annulé sur ce fondement.
Sur la prescription :
Selon l'article 354 du code des douanes, le droit de reprise de
l'administration s'exerce pendant un délai de trois ans, à compter du fait générateur.
L'administration des douanes prétend que le fait générateur de sa créance est l'émission à tort des certificats d'exonération. La SA RUBIS TERMINAL prétend, quant à elle, que le fait générateur est l'expédition des produits, précédée d'une demande de remboursement formulée en application de l'article 70 de la loi du 17 juillet 1992 (en effet, selon cet article, la demande de remboursement doit être présentée avant l'expédition du produit hors de France).
Si le recours à la procédure des certificats d'exonération n'est qu'une modalité possible pour le remboursement, il n'en demeure pas moins que c'est le remboursement de TIPP qui constitue le point de départ du délai de prescription. En effet, s'agissant pour l'administration des douanes de solliciter le remboursement de sommes qu'elle estime indûment versées, l'action ne saurait naître avant le paiement indû invoqué. Ainsi, le seul fait d'envoyer des marchandises à l'étranger en ayant sollicité le remboursement de la TIPP n'entraîne pas nécessairement le versement réclamé par l'administration, qui doit apprécier si les conditions prévues par l'article 70 de la loi du 17 juillet 1992 sont ou non remplies.
Dès lors, le point de départ de la prescription invoqué est la date de remboursement de TIPP, en l'espèce, la date de l'émission des certificats d'exonération, ce mode de remboursement ayant été choisi par la SA RUBIS TERMINAL.
Ces certificats sont datés des 2 août 2001 et 14 janvier 2002 et sont donc antérieurs de moins de trois ans au premier acte interruptif de prescription constitué par le procès verbal d'audition du 30 juin 2004 de sorte que l'action engagée par l'administration des douanes n'est pas prescrite.
Sur la qualité de mandataire de la SA RUBIS TERMINAL :
L'article 1984 du code civil dispose que le mandat ou procuration est un
acte par lequel une personne donne pouvoir à une autre de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.
Il en découle que l'exécution des obligations contractuelles passées par un mandataire au nom et pour le compte de son mandant incombe à ce dernier, seul.
La SA RUBIS TERMINAL indique qu'elle n'a agi que pour le compte de la société SONOLUB dont elle était le mandataire dans le cadre des opérations douanières de demande de remboursement de TIPP de sorte que les demandes de remboursement d'indû ne pourraient être dirigées qu'à l'encontre de cette dernière.
Il lui incombe de rapporter la preuve du mandat qu'elle invoque.
Il y a lieu, dans un premier temps, de relever que la société SONOLUB, société spécialisée dans la valorisation des hydrocarbures, était autorisée à détenir des produits en suspension d'accises dans ses entrepôts situés à [Localité 6] ; cependant son activité ne donnait pas lieu à des mises à la consommation de produits pétroliers de sorte qu'elle n'avait aucun intérêt à solliciter, pour elle, des certificats d'exonération. Ces certificats n'étant qu'une modalité de remboursement de la TIPP, elle aurait pu choisir un autre mode de paiement. Dès lors, le fait pour elle de solliciter de l'administration que « l'endossement du certificat 272 (soit fait) à l'ordre de CPA [Localité 3] qui effectuera les formalités administratives » (étant précisé que CPA est l'ancien nom de RUBIS TERMINAL) ne suffit pas à rapporter la preuve de l'existence d'un mandat entre les parties, ni que la SA RUBIS TERMINAL agissait pour le compte de la société SONOLUB, l'utilité d'un tel mandat pour obtenir le remboursement de TIPP n'étant pas établie.
Les relations contractuelles entre les parties n'éclairent pas plus quant à l'existence de ce mandat ; en effet, il est prévu (article 3.6 du contrat de mise à disposition d'un appontement ) que SONOLUB « devait faire son affaire personnelle de toutes les autorisations à obtenir de quelque administration, notamment auprès de l'administration des douanes, comme de l'exécution ou du paiement de tous droits qui pourraient être dus, et se conformer aux lois et ordonnances, règlements de ville ou de police ou de voierie, de manière à ce que CPA ne puisse être inquiétée ni recherchée à ce sujet ». Les précisions données ne concernent donc pas l'encaissement d'un éventuel remboursement de TIPP.
En outre, il ressort de l'audition par les inspecteurs des douanes de Monsieur [I], président de la société SONOLUB, que si cette dernière a adressé la lettre circulaire ci-dessus mentionnée à la douane s'agissant des certificats d'exonération, elle n'intervenait pas dans la procédure de demande de certificats. Monsieur [I] précise qu'il ignorait totalement qui avait démarché CPA pour endosser les certificats. L'existence du mandat invoqué par RUBIS TERMINAL est donc niée par le potentiel mandant qui, au demeurant, ne bénéficiait pas directement des remboursements de TIPP puisque ceux-ci étaient reversés à la SOLLAC. Aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que le chèque émis par RUBIS TERMINAL au profit d'ARCELOR permettait d'éteindre une dette de la société SONOLUB et donc que RUBIS TERMINAL n'était qu'un mandataire chargé d'encaisser des fonds pour les reverser à un tiers.
Dans ces conditions, il est établi que la société RUBIS TERMINAL, qui établissait les demandes de certificats d'exonération à son nom et sous sa seule signature sans préciser à l'adminbistration la qualité de mandataire qu'elle invoque, a bien encaissé les remboursements de TIPP faits par voie d'exonération sur des taxations de mises à la consommation de fioul domestique issu de ses stocks postérieurement. Le fait qu'elle ait entretenu des relations avec la société ARCELOR (relations qui ne sont pas précisées) et qu'elle lui ait reversé le montant de ces remboursements n'établit pas pour autant qu'elle ait agi pour le compte de SONOLUB puisque l'existence d'un mandat n'est pas prouvée. En traitant en son propre nom avec les douanes, sans justifier d'un mandat et sans en informer son interlocuteur, elle est, en application des dispositions de l'article 1997 du code civil, devenue débiteur de l'administration des douanes suite à l'indû invoqué.
Dès lors, l'administration fiscale est fondée à s'adresser à la SA RUBIS TERMINAL pour solliciter le remboursement des sommes qu'elle estime avoir indûment payées par voie d'exonération.
Sur le fond :
L'article 70 de la loi du 17 juillet 1992 ayant pour objet la mise en 'uvre
par la République française de la directive n°92-12 relative au régime général, à la détention, à la circulation et au contrôle des produits soumis à accise prévoit que « l'impôt supporté par des produits mis à la consommation en France est remboursé à l'opérateur professionnel qui, dans le cadre de son activité, les a expédiés dans un autre Etat membre de la Communauté économique européenne, si les conditions suivantes sont remplies:
1° La demande de remboursement a été présentée avant l'expédition des produits hors de France;
2° Le demandeur justifie par tout moyen qu'il a acquis les produits tous droits acquittés en France ;
3° Le demandeur présente un exemplaire du document d'accompagnement annoté par le destinataire et une attestation de l'administration fiscale du pays de destination qui certifie que l'impôt a été payé dans cet Etat ou, le cas échéant, qu'aucun impôt n'était dû au titre de la livraison en cause.
L'impôt est remboursé, dans un délai d'un an à partir de la présentation à l'administration des documents visés au 3° ci-dessus, au taux en vigueur à la date de l'acquisition des produits par l'opérateur professionnel, ou, à défaut d'individualisation de ces produits dans son stock, au taux en vigueur lors de l'acquisition des produits de même nature qui sont depuis le plus longtemps dans son stock.
Lorsque des marques fiscales ont été apposées sur les produits à l'occasion du paiement de l'impôt en France, il est procédé à leur destruction sous le contrôle de l'administration préalablement à l'expédition. »
La circulaire des douanes n°93-160 prise en application de ces dispositions prévoit que « les certificats modèle 272 sont des documents qui permettent à leur détenteur de mettre à la consommation des produits pétroliers de même espèce et quantité que ceux pour lesquels ils sont établis, (a) en franchise des droits et taxes lorsque les droits et taxes exigibles sont égaux à ceux visés sur le certificat ».
Il résulte de la lecture de la loi que le législateur a prévu le remboursement de l'impôt supporté par des produits à un opérateur professionnel qui, dans le cadre de son activité, les a expédiés dans un autre Etat membre, ce qui implique nécessairement que les produits ayant été soumis aux taxes remboursables sont de même nature que ceux qui ont été expédiés vers un autre Etat. Cette analyse est renforcée par le mode de détermination du montant du remboursement qui se fait en fonction des taux en vigueur lors de l'acquisition des produits de même nature qui sont depuis le plus longtemps en stock.
Dans ces conditions, c'est à tort que la SA RUBIS TERMINAL prétend que l'administration des douanes a rajouté une condition à la loi en exigeant, pour les remboursements de TIPP, que des produits de même nature que ceux pour lesquels les droits ont été réglés, soient réexpédiés vers un autre Etat membre. La règle prévoyant le remboursement n'est pas applicable si des produits (même pétroliers) mais de nature différente sont envoyés à l'étranger.
Dans la mesure où il n'est pas contesté que les demandes de remboursement ont été adressées avant l'expédition en Belgique des produits stockés dans les entrepôts de RUBIS TERMINAL, que ces produits ont été effectivement expédiés en Belgique, autre Etat membre (peu important que cet Etat destinataire soumette ou non les produits à une taxe compte tenu notamment de leur destination ou que les produits exportés soient ou non utilisés comme combustibles) et que la société ARCELOR avait réglé la TIPP sur le fioul domestique acheté à l'origine, il convient, pour que les remboursements de TIPP puissent s'effectuer, que les produits exportés soient de même nature que ceux initialement acquis et sur lesquels a été réglée la TIPP. La SA RUBIS TERMINAL ne pouvait donc bénéficier des certificats d'exonération que si le fioul expédié en Belgique pouvait être classé dans la même catégorie de produit pétrolier que le fioul domestique acheté par ARCELOR. Le fait qu'ARCELOR n'ait pas utilisé ce produit comme carburant (ce qui aurait en tout état de cause rendu son expédition pour une autre utilisation impossible) est donc inopérant en l'espèce.
De même, le fait que l'administration des douanes n'ait pas, pendant un temps, remis en cause les remboursements faits au titre de la TIPP, ne saurait l'empêcher de solliciter remboursement en cas d'indû, pour la période non prescrite. En effet, si elle était informée de la provenance du fioul acheté par SONOLUB (à savoir l'usine ARCELOR), ce produit était qualifié, par la société exportatrice, de fioul domestique que la SOLLAC « refuse d'utiliser pour des conditions particulières ». Il n'est donc pas établi que les douanes avaient connaissance que ce fioul qualifié de domestique avait, en réalité, déjà été utilisé par ARCELOR dans le lavage des gaz de cokerie et qu'il avait des caractéristiques différentes du fioul initialement acheté. La preuve de ce que les factures dressées par SOLLAC à l'égard de SONOLUB portant la mention « fioul naphtaliné » aient été communiquées avant 2001 à l'administration des douanes n'est pas rapportée. En outre, l'inspecteur des douanes précisait, lors d'une demande de renseignement adressée par SONOLUB, que des contrôles devaient être effectués sur la nature des produits stockés (dont la teneur en soufre, élément primordial comme le souligne RUBIS TERMINAL, a toujours été affirmée comme étant inférieure à 0,2% par SONOLUB), ce qui implique que la nature des produits était importante pour les demandes de remboursement de TIPP. Or, les certificats d'exonération portaient la mention « fioul domestique » conformément à la demande qui était présentée. L'administration des douanes n'avait donc pas connaissance de la nature des produits expédiés en Belgique, de sorte qu'elle n'a jamais pris formellement position sur l'appréciation de la situation de fait, tel que prévu par l'article 345 bis II du code des douanes, et qu'elle est encore en mesure de prendre une position différente.
Si l'administration des douanes n'a pas conservé les analyses effectuées sur échantillons prélevés le 12 mai 2000, le 14 octobre 2000 et le 28 février 2001, il n'en demeure pas moins qu'elle verse aux débats des analyses effectuées en novembre 2002 (avec une contre analyse effectuée le 30 décembre 2002) puis en 2005. Celles-ci sont donc postérieures aux expéditions litigieuses mais il convient de constater que :
les résidus des processus de fabrication de l'usine ARCELOR ont des caractéristiques constantes
ces analyses sont conformes aux déclarations du responsable de fabrication d'ARCELOR et du responsable « environnement, risque majeur ». Ces derniers indiquent, en effet, dans leur procès verbal d'audition que le fioul domestique après utilisation est « chargé en particules de goudrons, naphtaline, benzole et soufre ».
Il ressort également de l'audition de Monsieur [F] d'ARCELOR que le produit avait légèrement plus d'impuretés à compter de fin octobre 2001 (soit postérieurement à la dernière livraison litigieuse mais avant la première analyse produite), suite à un changement de technique de décantation. Dans ces conditions, le fait que le produit exporté vers la Belgique ayant donné lieu aux exonérations contestées comportait plus de 0,2% de soufre n'est pas établi.
Cependant, selon les déclarations de M. [J], représentant de la société ARCELOR, le fioul naphtaliné ne peut être réutilisé une seconde fois pour épurer les gaz de la cokerie. Il ne peut non plus, à l'évidence, être utilisé comme fuel domestique puisque la société SONOLUB le revend pour servir de fluxant pour des combustibles de navires. Le produit, selon les propres écritures de la SA RUBIS TERMINAL, permet d'améliorer la viscosité et les capacités de combustion des fiouls lourds utilisés comme combustible des navires de haute mer. Or, selon la note 3 a) du chapitre 27 de la convention instituant le système harmonisé (ce chapitre concernant les produits pétroliers qui sont répartis en position à six chiffres), les déchets de pétrole et déchets d'huiles analogues impropres à leur emploi initial constituent des déchets d'huile. Cette classification de déchets d'huile n'est pas résiduelle puisqu'elle dispose du même degré de classement que les produits primaires, à savoir une numérotation à 6 chiffres et concerne tout produit quelque soit sa teneur en huile de pétrole. Ces déchets d'huiles, et en particulier le fioul naphtaliné (qui, s'il n'est pas impropre à tous les usages qui peuvent être faits du fioul domestique, l'est au moins pour certains ' en particulier pour épurer les gaz de cokerie - ce qui conduit nécessairement à dire, de façon générale, que le produit est impropre à son usage initial), ne peuvent donc pas être classés dans la même catégorie de la nomenclature que le fioul domestique. En tout état de cause, à supposer même que le fioul naphtaliné ne soit pas classé dans la catégorie des déchets d'huile conformément au renseignement tarifaire contraignant donné par l'administration des douanes le 23 mars 2005 à la société SONOLUB, il serait classé, compte tenu des ses caractéristiques, dans la catégorie des huiles lourdes type gazole (classification tarifaire 27.10.19.49) alors que le fioul domestique relève de la classification tarifaire 27.10.19.45.
L'analyse effectuée par le laboratoire SGS-REDWOOD, le 17 octobre 2000, outre le fait qu'elle ne concerne pas plus les expéditions litigieuses, ne saurait être retenue puisque, si elle fait apparaître un taux de souffre de 0.19%, la provenance des échantillons prélevés n'est pas précisée. En outre, il n'est pas contesté que l'usine ARCELOR de [Localité 3] utilise du fioul domestique, de sorte que si l'échantillon provient de ce fioul, avant épuration des gaz de la cokerie, l'analyse ne présente aucun intérêt.
Il en résulte donc, qu'alors que l'espèce tarifaire n'est pas uniquement établie au regard de la teneur en soufre des produits, que le fioul naphtaliné ne peut être classé dans la même catégorie que le fioul domestique, peu important en l'espèce qu'il soit classé comme déchet ou non. Il ne peut donc correspondre à un produit de même nature que le fioul domestique et donner lieu, en application de l'article 70 de la loi du 17 juillet 1992, à un remboursement de TIPP.
Dans ces conditions, la réclamation de la SA RUBIS TERMINAL est mal fondée, l'avis de recouvrement émis par l'administration des douanes étant régulier et justifié.
En conséquence, il convient de confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement déféré.
La SA RUBIS TERMINAL succombant, elle sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile étant précisé qu'il n'y a pas lieu à condamnation aux dépens conformément aux dispositions de l'article 367 du code des douanes.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire :
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
DIT n'y avoir lieu à condamnation aux dépens en application de l'article 367 du code des douanes ;
DEBOUTE la SA RUBIS TERMINAL de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier,Le Président,
Nicole HERMANT.Evelyne MERFELD.