COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 7 SECTION 2
ARRÊT DU 17/ 02/ 2011
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No MINUTE :
No RG : 10/ 00903
Jugement (No 09/ 169)
rendu le 15 Décembre 2009
par le Juge aux affaires familiales de BOULOGNE SUR MER
REF : CA/ VV
APPELANTE
Madame Angélique X...épouse Y...
née le 12 Janvier 1974 à AUCHEL (62260)
demeurant ...-62140 CAVRON ST MARTIN
représentée par la SCP CARLIER-REGNIER, avoués à la Cour
assistée de Me Pierre FAUCQUEZ, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER
INTIMÉE
SERVICE TUTELAIRE ET DE PROTECTION, es qualité de tuteur de Monsieur Jean Marie A...
siège 1 rue du Général de Gaulle-B. P. 90087-62166 SAINT POL SUR TERNOISE
représentée par la SCP COCHEME-LABADIE-COQUERELLE, avoués à la Cour
assistée de Me Gilles DANIEL, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER
bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 59178/ 002/ 10/ 04239 du 04/ 05/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI
DÉBATS à l'audience en chambre du Conseil du 13 Janvier 2011, tenue par Cécile ANDRE magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Christine COMMANS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Patrick BIROLLEAU, Président de chambre
Hervé ANSSENS, Conseiller
Cécile ANDRE, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 Février 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Patrick BIROLLEAU, Président et Christine COMMANS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Monsieur Jean-Marie A...et Madame Angélique X...se sont mariés le 25 novembre 2000 à MAZINGARBE sans contrat préalable. De leur union est issu un enfant, Rémi, né le 26 avril 1999.
Par acte du 15 mars 2005, Madame X...a fait assigner son époux en divorce sur le fondement de l'article 242 du Code civil.
Par jugement du 4 avril 2006, le Tribunal de grande instance de BETHUNE a prononcé le divorce des époux aux torts exclusifs du mari et l'a condamné à verser à Madame X...une contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant d'un montant mensuel de 150 Euros ainsi qu'une prestation compensatoire sous la forme d'une « rente mensuelle indexée » de 150 Euros pendant 5 ans à compter de la décision.
Monsieur A...a été placé sous tutelle par jugement du Juge des Tutelles de SAINT POL SUR MER du 4 juillet 2008.
Par acte du 21 septembre 2009, Monsieur A..., représenté par son tuteur l'association Service Tutélaire et de Protection a sollicité la suppression de la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant ainsi que de la rente versée à titre de prestation compensatoire.
Citée à sa personne, Madame X...n'était ni présente ni représentée.
C'est dans ces circonstances que le Juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE-SUR-MER a, par jugement du 15 décembre 2009, constaté l'impécuniosité de Monsieur A..., supprimé la prestation compensatoire mise à sa charge ainsi que la pension alimentaire pour l'enfant, à compter de la décision, et laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Madame X...a interjeté appel de cette décision le 8 février 2010 et par ses dernières conclusions signifiées le 18 novembre 2010, elle demande à la Cour, par réformation, de :
- constater que Monsieur A...ne rapporte pas la preuve d'un changement important de sa situation,
- dire n'y avoir lieu à suppression ni diminution de la contribution à l'entretien et à l'éducation de Rémi,
- dire n'y avoir lieu à suppression ni diminution de la prestation compensatoire.
Elle réclame la condamnation de l'intimé aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à une indemnité de 1. 500 Euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de sa demande, elle fait valoir que :
- Sa pièce no4 correspond à une copie du jugement de divorce, reçue de son précédent Conseil, tandis que la pièce no32 a été délivrée par le greffe du Juge aux affaires familiales de BETHUNE ; en tout état de cause c'est le Service Tutélaire et de Protection qui est demandeur à la présente instance et doit verser aux débats les pièces de nature à justifier sa demande de suppression de la prestation compensatoire ;
- L'article 376-1 du Code civil dont a fait application le premier juge n'est applicable qu'aux rentes viagères ; la prestation compensatoire n'est révisable qu'en cas de changements importants ce dont Monsieur A...ne justifie pas ; en l'espèce le caractère échelonné du paiement du capital n'est qu'une modalité ;
- Monsieur A...ne justifie pas de l'indemnisation provisionnelle perçue en sa qualité de victime d'accident de la circulation ; il bénéficie d'autres revenus que sa rente d'invalidité ;
- Sa situation personnelle ne s'est pas améliorée sur le plan financier.
Par ses conclusions signifiées le 18 novembre 2010, le Service Tutélaire et de Protection représentant Monsieur A...en sa qualité de tuteur, demande à la Cour de :
- constater qu'au regard de la pièce no4 de l'appelante, Monsieur A...n'est pas redevable au titre des mesures accessoires au divorce prononcé le 4 avril 2006 d'une prestation compensatoire ;
- subsidiairement, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Il expose que la Cour est en présence de deux jugements de divorce du même jour, contradictoires, l'un ne comportant aucune condamnation à prestation compensatoire ; que la formulation de la condamnation dans la pièce no32 est pour le moins curieuse puisqu'elle fixe une rente mensuelle à temps, au lieu d'un capital payable par fractions, ce qui devrait conduire la Cour à écarter cette décision.
Le Service Tutélaire et de Protection fait valoir que Monsieur A...ne reçoit plus qu'une pension d'invalidité à la suite du grave accident dont il a été victime et a vu ses ressources mensuelles diminuer d'un tiers, tandis qu'il expose des frais d'hospitalisation importants.
Il rappelle que la réparation financière d'un préjudice corporel ne constitue ni une ressource ni un revenu.
SUR CE
Sur la décision condamnant à une prestation compensatoire
Attendu que la pièce no5 communiquée par l'appelante, simple document photocopié portant mention en première page d'un jugement 05/ 408 du 4 avril 2006 du Juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de BETHUNE sera nécessairement écartée dès lors qu'elle ne comporte pas la formule exécutoire ; qu'elle n'est pas non plus certifiée conforme ;
Que la pièce no32 de l'appelante est encore une copie de la décision du 4 avril 2006, manifestement éditée par le greffe à destination du service des Impôts, et comportant des mentions biffées, dont celles relatives à la prestation compensatoire ; qu'elle doit également être écartée ;
Attendu que Madame X...produit enfin une pièce no43, copie de la grosse du jugement 05/ 408 du 4 avril 2006 du Juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de BETHUNE revêtue de la formule exécutoire, fixant en ses motifs comme en son dispositif « à 150 Euros par mois pendant cinq années la rente compensatoire que Monsieur A...devra verser à Madame X...», avec indexation ;
Attendu que les deux parties ont acquiescé au jugement de divorce du 4 avril 2006 par actes des 21 et 22 mai 2006 et n'ont pas fait signifier la dite décision sauf à avocats ; que cette décision est désormais définitive ; que par ailleurs il ressort des dires des parties que Monsieur A...a exécuté spontanément cette décision en servant mensuellement une somme indexée de 150 Euros à son ex épouse, pendant plusieurs mois ; que dès lors, il ne fait aucun doute que la pièce no43 est bien la décision rendue par le Juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de BETHUNE sur la demande en divorce de Madame X...; qu'au demeurant, sollicité par le greffe de la Cour durant l'instance d'appel de lui transmette copie certifiée conforme du jugement 05/ 408 du 4 avril 2006, le greffe du Juge aux affaires familiales a expédié ce document le 9 décembre 2010, exactement identique à la pièce no43 ;
Attendu que Monsieur A...ne peut donc sérieusement contester avoir été condamné à verser une prestation compensatoire à Madame X..., d'autant qu'il a lui-même saisi le Juge aux affaires familiales pour en solliciter la suppression ;
Sur la suppression de la rente versée à titre de prestation compensatoire
Attendu qu'il est constant que le Juge aux affaires familiales qui ne statuait pas dans le cadre d'un divorce pour consentement mutuel ne pouvait, eu égard à la loi du 2000-596 du 30 juin 2000 et à la loi 2004-439 du 26 mai 2004, applicables à l'espèce, prononcer une prestation compensatoire sous forme de rente pour une durée inférieure à la vie de l'époux créancier ;
Qu'il ne pouvait que fixer un capital, payable par versements échelonnés dans la limite de huit années, ou encore à titre exceptionnel sous forme de rente viagère, ou encore sous une forme mixte ;
Que cependant, le jugement de divorce a condamné Monsieur A...à verser à Madame X...une « rente compensatoire » fixée à 150 Euros par mois pendant cinq années, avec indexation ; que cette décision est désormais définitive ;
Attendu que cette qualification erronée de " rente compensatoire " à terme ne peut que s'interpréter, au vu de la fréquence et de la durée des versements, comme une condamnation de l'époux débiteur à une prestation compensatoire, fixée à un capital de 9. 000 Euros, dont il est autorisé à se libérer par versements mensuels indexés de 150 Euros ; que la rédaction précise des motifs et du dispositif du jugement de divorce exclut sans ambiguïté le caractère viager de cette « rente » ; qu'il s'agit en l'espèce non d'une condamnation à une rente au sens où l'entend l'article 276 du Code civil mais seulement d'une modalité de paiement du capital qui bénéficie à Monsieur A...;
Attendu que dans l'hypothèse d'une condamnation à un capital à titre de prestation compensatoire, dont le paiement sous forme de versements périodiques a été accordé, le débiteur de la prestation compensatoire peut seulement demander la révision des modalités de paiement de la prestation compensatoire en cas de changement important dans sa situation, en application de l'article 275 du Code civil dans sa rédaction issue de la loi du 26 mai 2004 ; que le Juge ne peut modifier le montant des échéances fixées ;
Attendu que tel n'est pas le sens de la demande de Monsieur A...représenté par son tuteur, qui sollicite expressément la " suppression " de la " rente ", et réclame finalement le bénéfice des dispositions de l'article 276-3 du Code civil, applicable aux seules rentes viagères, sur lesquelles le premier juge s'est à tort appuyé ;
Attendu que dès lors, la demande de suppression de la prestation compensatoire formée par le tuteur de Monsieur A...doit être déclarée irrecevable ;
Attendu que le jugement entrepris sera réformé en ce sens ;
Sur la suppression de la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant
Attendu que conformément à l'article 371-2 du Code civil, les parents contribuent à l'entretien et à l'éducation de l'enfant en fonction des besoins de ceux-ci et de leurs ressources respectives ;
Attendu que pour déterminer s'il y a lieu ou non de modifier la pension originaire, il appartient à la Cour d'examiner les changements qui ont pu survenir dans la situation respective des parties ou les besoins de l'enfant depuis la dernière décision définitive, la Cour devant se placer à la date de la demande en modification faite devant le premier juge ;
Attendu que la dernière décision définitive est en l'espèce le jugement de divorce du 4 avril 2006 ; qu'il mentionnait pour Madame X...un revenu mensuel net de 1. 150 Euros, outre des prestations familiales et sociales de 115 Euros par mois et l'aide personnalisée au logement de 357 Euros ; qu'au titre de ses charges, il relevait un loyer de 623 Euros par mois et un crédit de 299 Euros par mois pour l'acquisition d'un véhicule ;
Que s'agissant de Monsieur A..., il percevait alors un revenu mensuel de 1. 479 Euros et remboursait un prêt immobilier par échéances de 622 Euros par mois ;
Attendu que Monsieur A...a été victime d'un grave accident de la circulation en novembre 2007, qui lui a valu une hémiplégie droite complète et une dépendance lourde justifiant son placement en établissement spécialisé ; qu'il lui a été attribué à compter du 1er février 2010 une pension d'invalidité d'un montant net mensuel de 991 Euros ;
Attendu que cependant, Monsieur A...ne verse aux débats ni avis d'imposition complet (seul le montant nul de son imposition 2009 étant mentionné), ni déclaration de revenus ; que la notification de sa pension d'invalidité fait état d'une majoration de Tierce Personne de 12. 349 Euros par an, portant le montant brut mensuel des sommes versées par l'Assurance Maladie à 2. 021 Euros par mois ; que cependant les bordereaux de paiement des premiers mois de l'année 2010 n'en font pas état ; qu'il est envisageable, compte-tenu de ses frais d'hébergement (7. 791 Euros selon l'unique facture du mois d'octobre 2010, dont le caractère mensuel n'est nullement établie) que cette majoration soit versée directement à l'établissement qui l'accueille ;
Attendu que le tuteur institutionnel de Monsieur A...pourtant parfaitement au fait de ses revenus, est en mesure de fournir toutes les pièces administratives nécessaires à la justification de ses diverses ressources et charges ; que de surcroît, ses charges d'hébergement ne sont pas annualisées, pas plus que ne sont précisées les allocations dont il pourrait bénéficier de la Caisse d'Allocations Familiales ; que ses écritures ne contiennent aucune précision qui pourrait permettre d'appréhender la réalité de ses revenus et charges ; que si l'état de santé de Monsieur A...est en effet profondément bouleversé depuis la dernière décision définitive, la Cour ne peut que constater la carence du Service Tutélaire et de Protection quant aux pièces financières qu'il lui appartenait de produire ;
Attendu que la demande du Service Tutélaire et de Protection n'est fondée que sur la modification de la situation de Monsieur A...; que dès lors, il convient d'observer qu'en l'absence d'éléments probants incontestables, il ne rapporte pas la preuve d'une modification sensible de sa situation financière ; qu'il est inutile dès lors d'examiner l'évolution des ressources et charges de Madame X...;
Attendu qu'il convient donc de déclarer irrecevable la demande de suppression de la contribution de Monsieur A...à l'entretien et à l'éducation de son fils ;
Attendu que la décision entreprise sera réformée en ce sens ;
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
Attendu qu'il convient de condamner le Service Tutélaire et de Protection en sa qualité de tuteur de Monsieur A..., qui succombe, aux dépens engagés en première instance comme en cause d'appel ;
Attendu qu'il apparaît équitable de débouter Madame X...de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Infirme la décision entreprise ;
Dit que le jugement no 05/ 408 du 4 avril 2006 du Juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de BETHUNE doit s'interpréter comme ayant condamné Monsieur Jean-Marie A...à payer à Madame Angélique X...une prestation compensatoire en capital de 9. 000 Euros, payable par versements mensuels indexés de 150 Euros ;
Déclare irrecevable la demande de suppression de cette prestation compensatoire formée par le Service Tutélaire et de Protection en sa qualité de tuteur de Monsieur A...;
Déclare irrecevable la demande formée par le Service Tutélaire et de Protection en sa qualité de tuteur de Monsieur A...tendant à la suppression de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant Rémi ;
Déboute Madame Angélique X...de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne le Service Tutélaire et de Protection en sa qualité de tuteur de Monsieur A...aux dépens engagés en première instance comme en cause d'appel, qui pour ces derniers seront recouvrés par la SCP CARLIER REGNIER, avoués, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,
C. COMMANS P. BIROLLEAU