COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 7 SECTION 2
ARRÊT DU 17/ 02/ 2011
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No MINUTE :
No RG : 10/ 01664
Jugement (No 08/ 2296) rendu le 15 Janvier 2010
par le Juge aux affaires familiales de VALENCIENNES
REF : CA/ IM
APPELANT
Monsieur Abderrahmen X...
né le 28 Juin 1962 à KALAA KHASBA (TUNISIE)
demeurant ..., 13014 MARSEILLE
bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/ 002/ 10/ 03367 du 06/ 04/ 2010
représenté par la SELARL ERIC LAFORCE, avoués à la Cour
assisté de Me Julie CAMBIER, avocat au barreau de VALENCIENNES
INTIMÉE
Madame Nathalie A...
née le 1er Avril 1967 à VALENCIENNES (59300)
demeurant ..., 59195 HERIN
bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/ 002/ 10/ 03716 du 20/ 04/ 2010
représentée par la SCP COCHEME-LABADIE-COQUERELLE, avoués à la Cour
assistée de la SCP TIRY-ADNB, avocats au barreau de VALENCIENNES
DÉBATS à l'audience en chambre du Conseil du 13 Janvier 2011, tenue par Cécile ANDRE magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Christine COMMANS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Patrick BIROLLEAU, Président de chambre
Hervé ANSSENS, Conseiller
Cécile ANDRE, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 Février 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Patrick BIROLLEAU, Président et Christine COMMANS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Monsieur Abderrahmen X...et Madame Nathalie A...se sont mariés le 26 mars 1993 à AVIGNON sans contrat préalable. De leur union sont issus trois enfants :
- Amar, né le 20 juin 1990 ;
- Mehdi, né le 28 décembre 1991 ;
- Delhia, née le 4 mars 1998.
A la suite de la requête en divorce déposée par l'épouse, le Juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de VALENCIENNES, par ordonnance de non conciliation réputée contradictoire du 14 octobre 2008, a entre autres dispositions :
- Constaté que les époux résidaient séparément ;
- Fixé la résidence habituelle de Mehdi et de Delhia au domicile de leur mère, dans le cadre de l'exercice conjoint de l'autorité parentale ;
- Réservé le droit de visite et d'hébergement de Monsieur X...à l'égard de ses enfants ;
- Condamné Monsieur X...à verser à Madame A...des pensions alimentaires mensuelles de 100 Euros au titre de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de chacun de ses trois enfants, soit 300 Euros au total.
Par acte du 6 janvier 2009, Madame A...a fait assigner Monsieur X...afin de voir prononcer le divorce sur le fondement de l'altération définitive du lien conjugal. Elle a sollicité le maintien de la résidence habituelle des enfants à son domicile, un droit de visite et d'hébergement pour le père pendant la moitié des vacances scolaires, le rejet de sa demande de prise en charge par elle-même des frais de transport, et des pensions alimentaires d'un montant mensuel de 100 Euros pour chacun des enfants.
Monsieur X...s'est associé à la demande en divorce, aux demandes relatives à l'exercice de l'autorité parentale, mais avec prise en charge par la mère des frais de transport des enfants pour l'exercice de son droit de visite et d'hébergement et a conclu au rejet de la demande de contribution à leur entretien et à leur éducation.
C'est dans ces circonstances que par jugement du 15 janvier 2010, le Juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de VALENCIENNES a :
- prononcé le divorce sur le fondement des articles 237 et 238 du Code civil, avec toutes ses conséquences de droit quant à la publicité et à la liquidation des droits patrimoniaux des parties ;
- fixé la résidence habituelle de Delhia au domicile de sa mère, dans le cadre de l'exercice conjoint de l'autorité parentale ;
- accordé à Monsieur X...un droit de visite et d'hébergement à l'égard de Delhia la première moitié des vacances scolaires les années paires et la seconde moitié les années impaires ;
- dit que Monsieur X...prendra en charge les frais du trajet aller et Madame A...les frais du trajet retour ;
- supprimé à compter de la décision la pension alimentaire mise à la charge de Monsieur X...pour l'entretien et l'éducation de l'enfant majeur Amar ;
- condamné Monsieur X...à verser à Madame A...des pensions alimentaires mensuelles de 100 Euros au titre de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de ses enfants Mehdi et Delhia, soit 200 Euros au total ;
- laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.
Monsieur X...a formé appel général de cette décision le 9 mars 2010 et par ses conclusions signifiées le 25 mai 2010, limitant sa contestation aux dispositions relatives à la prise en charge des frais de transport et à sa contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants, il demande à la Cour, par réformation, de :
- Constater son impécuniosité et le dispenser en conséquence de contribuer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants ;
- Dire que les frais de transport des enfants seront pris en charge en intégralité par Madame A...;
- Laisser à chaque partie la charge de ses propres dépens.
Il sollicite la confirmation des autres dispositions du jugement entrepris.
Il fait observer que :
- Il a perdu son emploi et ne perçoit plus que l'Allocation d'aide au retour à l'emploi ;
- Il a une dette de loyer de trois mois et un prêt personnel à rembourser ;
- Son épouse a délibérément choisi de quitter la région où ils avaient élu domicile, de sorte qu'elle doit assumer seule les frais de transport importants des enfants ;
- Madame A...vit en concubinage avec une personne avec laquelle elle partage ses charges.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 11 août 2010, Madame A..., formant appel incident, demande à la Cour, par réformation, de :
- Dire que le droit de visite et d'hébergement du père à l'égard de Delhia s'exercera uniquement à l'amiable ;
- Ordonner l'audition de l'enfant Delhia ;
- Dire que les frais de transport lors du droit de visite et d'hébergement de Delhia seront pris en charge en intégralité par Monsieur X....
Elle expose que :
- Monsieur X...ne justifie pas de sa situation financière actuelle ; il s'est rendu en Tunisie en février 2010 et y retourne en septembre 2010 alors qu'il soutient être dans une situation difficile ;
- Elle vit seule avec ses trois enfants, bénéficie d'indemnités versées par Pôle Emploi et de prestations sociales ;
- Pendant les vacances d'été 2009, il les a informés de son voyage en Tunisie la veille de son départ, la contraignant à annuler le séjour des enfants chez leur père sans pouvoir se faire rembourser les billets de train ;
- Elle a été contrainte de financer seule le voyage de Delhia au domicile de son père en février 2010, ce dernier refusant toute prise en charge au risque de ne plus voir ses enfants ;
- Sa fille a été hébergée chez un oncle et n'a pu voir son père qu'à trois reprises pendant ces quinze jours ; il n'a cessé de lui parler de sa mère ou de religion et ne s'est absolument pas intéressé à elle ; Delhia ne souhaite plus le rencontrer.
Aux termes d'un arrêt du 25 novembre 2010, la Cour a confirmé en toutes ses dispositions le jugement entrepris à l'exception des dispositions relatives au droit de visite et d'hébergement à l'égard de l'enfant, à la prise en charge des frais de transport et à la contribution du père à l'entretien et à l'éducation des enfants et, avant dire droit des chefs de ces dernières dispositions, a ordonné l'audition de l'enfant Delhia à la suite de son courrier en ce sens.
La Cour a procédé à l'audition de Delhia le 9 décembre 2010 et il en a été rendu compte aux parties.
SUR CE :
Sur les modalités du droit de visite et d'hébergement
Attendu que Madame A...réclame en cause d'appel un droit de visite et d'hébergement pour le père exclusivement amiable à l'égard de Delhia, âgée de 12 ans ;
Attendu que l'ordonnance de non conciliation du 14 octobre 2008 avait réservé le droit de visite et d'hébergement du père, celui-ci, absent à l'instance, n'ayant formé aucune demande en ce sens ;
Attendu que les parties sont séparées depuis 2005 ; qu'il est constant que le domicile familial était fixé à MARSEILLE, où sont nés les trois enfants communs ; que Madame A...a pris la décision de fixer sa résidence dans le Nord tandis que le père de ses enfants réside toujours à MARSEILLE ;
Attendu que les relations entre Delhia et son père sont inévitablement plus distantes compte-tenu de l'éloignement des domiciles parentaux ;
Attendu que son audition démontre que les derniers droits de visite et d'hébergement ne se sont pas déroulés dans des conditions très satisfaisantes pour l'adolescente, qui a été hébergée par la famille de son père et non à son domicile, et qui l'a finalement très peu vu au cours de ces vacances ; que Madame A...souligne qu'il disposait pourtant de temps puisqu'il n'a plus d'activité professionnelle ;
Que pour autant Madame A...ne fait pas état d'incidents particuliers concernant ces droits de visite et d'hébergement ;
Attendu qu'il apparaît que Delhia a des attentes importantes envers son père, que celui-ci ne comble pas ; qu'il lui appartient de s'investir pleinement auprès d'elle, et notamment en évitant de la confier en permanence à des tiers, fussent-ils de sa famille, pour la prendre en charge lui-même ;
Attendu que ces éléments ne sauraient pour autant justifier un droit de visite et d'hébergement purement amiable, qui reviendrait à laisser à la mère seule la décision d'organiser des rencontres entre le père et sa fille, compte-tenu de son âge et de l'éloignement géographique ; qu'il est de l'intérêt de Delhia, pour sa construction personnelle, de maintenir des liens réguliers avec son père ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de l'intimée en ce sens ; qu'il convient de confirmer le jugement entrepris ayant organisé le droit de visite et d'hébergement pendant la moitié de toutes les vacances scolaires ;
Sur la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants
Attendu que conformément à l'article 371-2 du Code civil, les parents contribuent à l'entretien et à l'éducation de leurs enfants en fonction des besoins de ceux-ci et de leurs ressources respectives ; que cette obligation n'est pas limitée à la minorité et se poursuit au bénéfice de l'enfant majeur dans le besoin ou demeuré à charge, notamment du fait de la poursuite de ses études ou de la recherche d'un emploi ;
Attendu que Madame A...est sans emploi depuis plus d'un an et perçoit l'Allocation d'aide au retour à l'emploi d'un montant mensuel de 844 Euros ;
Attendu qu'elle bénéficie pour ses enfants Amar, Mehdi et Delhia des allocations familiales, de l'allocation de soutien familial et du complément familial, ainsi que de l'allocation de logement, soit un montant mensuel total de 914 Euros selon l'attestation de la Caisse d'Allocations Familiales du mois de juillet 2010 ;
Attendu qu'elle démontre s'acquitter d'un loyer mensuel de 700 Euros ; qu'elle supporte toutes les dépenses habituelles de la vie quotidienne ;
Attendu qu'aucune pièce n'établit qu'elle partagerait ses charges avec une tierce personne ;
Attendu que Monsieur X...démontre être inscrit comme demandeur d'emploi depuis la fin de l'année 2009 ; qu'il perçoit l'Allocation d'aide au retour à l'emploi d'un montant mensuel net de 834 Euros selon les justificatifs produits pour la période de janvier à août 2010 ;
Que son avis d'impôt sur le revenu 2009 ne fait pas état d'autres types de revenus le concernant ;
Attendu que son loyer mensuel s'élève à la somme de 600 Euros ; qu'il bénéficie de l'allocation de logement social de 105 Euros par mois ; qu'il doit naturellement s'acquitter de toutes les charges habituelles de la vie quotidienne ;
Attendu qu'il justifie rembourser un prêt pour le financement de son dépôt de garantie logement par mensualités de 16 Euros ; que s'agissant des crédits à la consommation dont l'affectation n'est pas précisée, leur remboursement n'est nullement prioritaire au regard de son obligation d'entretien envers ses enfants ;
Attendu que Madame A...qui soutient que le père de ses enfants se rend régulièrement en Tunisie ne le démontre pas ;
Attendu que ces pièces établissent l'impécuniosité de Monsieur X...; qu'il convient de le dispenser en conséquence de contribuer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants ;
Attendu que le jugement entrepris sera réformé en ce sens, à compter de la décision entreprise ;
Sur la prise en charge des frais de transport
Attendu que les frais de déplacement de Delhia, à l'occasion des droits de visite et d'hébergement du père, sont d'un coût relativement élevé ;
Attendu que s'il est d'usage que le parent qui exerce son droit de visite et d'hébergement supporte les frais afférents au transport de l'enfant, il convient de rappeler que c'est Madame A...qui a pris la décision de quitter le lieu de résidence de la famille pour venir s'installer à plus de 1. 000 kilomètres ; que toutefois, ce choix était motivé par la présence d'attaches familiales importantes dans le Nord ;
Attendu que les situations financières des parents sont l'une et l'autre précaires ; que cependant, Madame A...assume seule la charge financière de l'entretien et de l'éducation des enfants, aucune pension alimentaire n'ayant été mise à la charge du père ;
Attendu qu'au vu de ces circonstances, la décision du premier juge de faire supporter par moitié ces frais de transport entre les parents apparaît entièrement justifiée ;
Qu'elle sera confirmée de ce chef ;
Sur les dépens
Attendu que chaque partie conservera la charge des dépens exposés par elle en cause d'appel, la décision déférée étant confirmée du chef des dépens de première instance ;
PAR CES MOTIFS :
Vu l'arrêt du 25 novembre 2010 ;
Confirme le jugement entrepris en ses dispositions relatives au droit de visite et d'hébergement paternel et à la prise en charge des frais de transport ;
Le réforme du chef des dispositions relatives à la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants ;
Constate l'impécuniosité de Monsieur Abderrahmen X...;
Le dispense en conséquence de contribuer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants Amar, Mehdi et Delhia, le présent arrêt prenant effet à compter du jugement entrepris ;
Déboute les parties de toutes demandes distinctes, plus amples ou contraires ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens engagés en cause d'appel.
Le Greffier, Le Président,
Christine COMMANS Patrick BIROLLEAU