République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 22/03/2011
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N° de MINUTE :
N° RG : 10/01679
Ordonnance du Juge de la Mise en Etat (N° 09/1343)
rendue le 03 Mars 2010
par le Tribunal de Grande Instance de BETHUNE
REF : VM/CL
APPELANTS
SAS VETA FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Ayant siège social [Adresse 5]
[Adresse 5]
Représentée par la SELARL ERIC LAFORCE, avoués à la Cour
Assistée de Maître Géry HUMEZ, avocat au barreau D'ARRAS
Monsieur [J] [W]
né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par la SELARL ERIC LAFORCE, avoués à la Cour
Assistée de Maître Géry HUMEZ, avocat au barreau D'ARRAS
INTIMÉE
SAS GEBRIK FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant siège social [Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par la SCP LEVASSEUR CASTILLE LEVASSEUR, avoués à la Cour
Assistée de Maître Sophie POTIER, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS à l'audience publique du 04 Janvier 2011 tenue par Véronique MULLER magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nicole HERMANT
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Gisèle GOSSELIN, Président de chambre
Fabienne BONNEMAISON, Conseiller
Véronique MULLER, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 Mars 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Gisèle GOSSELIN, Président et Claudine POPEK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
VISA DU MINISTÈRE PUBLIC : 20 SEPTEMBRE 2010
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 04 JANVIER 2011
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FAITS ET PROCÉDURE
La société GEBRIK, spécialisée dans la fabrication de panneaux isolants décoratifs, a embauché [J] [W] en 1989. Celui-ci occupait en dernier lieu des fonctions de directeur commercial.
Par courrier du 16 octobre 2006, la société GEBRIK a procédé au licenciement de [J] [W] pour faute grave. [J] [W] ayant contesté le bien fondé de ce licenciement et fait part à son employeur de son intention d'introduire une procédure prud'homale, les parties se sont rapprochées et ont conclu une transaction aux termes de laquelle chacune d'elles s'est notamment obligée à un devoir de loyauté à l'égard de l'autre partie.
Invoquant des actes de concurrence déloyale commis par son ancien salarié, [J] [W], et par la société VETA FRANCE qu'il a créée et dont il est le président, la société GEBRIK a fait assigner ces derniers, le 26 février 2009, devant le Tribunal de Grande Instance de BETHUNE afin d'obtenir à titre principal une indemnité de 505.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de cette concurrence.
Par voie de conclusions d'incident signifiées le 1° octobre 2009, la société VETA FRANCE et [J] [W] ont demandé au juge de la mise en état de se déclarer incompétent au profit du conseil de prud'hommes d'ARRAS s'agissant du litige concernant M. [W] et au profit du tribunal de commerce d'Arras s'agissant du litige concernant la société VETA FRANCE.
Par ordonnance du 3 mars 2010, le juge de la mise en état du Tribunal de Grande instance de BETHUNE a :
'rejeté les exceptions d'incompétence,
'ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience de mise en état
'condamné M. [W] et la société VETA aux dépens de l'incident.
Par déclaration reçue au greffe le 9 mars 2010, [J] [W] et la société VETA ont relevé appel de cette ordonnance.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions signifiées le 26 octobre 2010, [J] [W] et la société VETA demandent à la Cour de :
' réformer l'ordonnance déférée,
' dire que le litige opposant la société GEBRIK à [J] [W] relève de la compétence du conseil de prud'hommes d'ARRAS,
' dire que le litige opposant la société GEBRIK à la société VETA relève de la compétence du Tribunal de commerce d'ARRAS,
' condamner la société GEBRIK aux dépens.
Par conclusions signifiées le 27 décembre 2010, la société GEBRIK demande à la Cour de :
' confirmer l'ordonnance déférée,
' condamner [J] [W] et la société VETA au paiement de la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
' [J] [W] et la société VETA font valoir que l'obligation de loyauté qui est le fondement de l'action de la société GEBRIK est inhérente au contrat de travail et à sa rupture, constituant ainsi un différend qui s'est élevé à l'occasion du contrat de travail, relevant de la compétence exclusive du conseil de prud'hommes. Ils font en outre valoir que, dès lors que la compétence du conseil de prud'hommes est retenue, le litige « restant » opposant deux sociétés relève de la compétence exclusive des juridictions commerciales, ce d'autant plus qu'il a pour objet la violation par la société VETA d'un engagement anticoncurrentiel et que les actes de concurrence déloyale sont des actes de commerce par accessoire.
* la société GEBRIK fait valoir que le conseil de prud'hommes n'est pas compétent dès lors qu'aucune violation du contrat de travail n'est invoquée et que l'action en concurrence déloyale qu'elle exerce repose sur la violation des termes du protocole transactionnel signé postérieurement à la rupture du contrat de travail, ajoutant que les faits reprochés à [J] [W] sont également largement postérieurs à la rupture du contrat.
La société GEBRIK fait valoir que le Tribunal de grande instance est seul compétent à l'égard de M. [W] dès lors qu'il n'est pas commerçant, précisant que l'action introduite à l'encontre de la société VETA doit également être soumise à cette juridiction de droit commun dès lors que les deux actions sont connexes voire indivisibles.
DISCUSSION
sur l'exception d'incompétence au profit du conseil de prud'hommes
La société GEBRIK a licencié [J] [W] le 16 octobre 2006, et ce n'est que le 26 février 2009, soit plus de deux années après cette rupture du contrat de travail qu'elle a introduit une action en concurrence déloyale à l'encontre de son ancien salarié.
Il ressort de l'assignation en concurrence déloyale délivrée par la société GEBRIK que le principal reproche formulé à l'encontre de [J] [W] est la création, 8 mois après son licenciement, de la société VETA dont l'activité est directement concurrente de celle de la société GEBRIK.
Contrairement à ce qui est soutenu, l'action introduite par la société GEBRIK ne constitue donc pas un différend qui s'est élevé à l'occasion du contrat de travail ni même à l'occasion de sa rupture, mais de manière bien postérieure.
Si le conseil de prud'hommes est compétent pour statuer lorsque les actes de concurrence déloyale sont commis durant l'exécution du contrat de travail, il n'en va pas de même lorsque ces actes sont postérieurs à la cessation de la relation contractuelle, et insusceptibles de se rattacher à l'exécution du contrat de travail comme c'est le cas en l'espèce s'agissant d'actes commis huit mois après la rupture du contrat.
Il est en outre observé que l'obligation de loyauté, fondement de l'action en concurrence, résulte d'une transaction conclue postérieurement à la rupture, dont la validité n'est pas remise en cause par les parties.
C'est donc à bon droit que le premier juge a rejeté l'exception d'incompétence qui était soulevée devant lui au profit du conseil de prud'hommes.
Ainsi que l'a justement relevé le premier juge, l'argumentation de la société VETA relative à la compétence du Tribunal de commerce est uniquement envisagée comme conséquence de l'éventuelle compétence du conseil de prud'hommes pour la partie du litige opposant la société GEBRIK à [J] [W], « le litige restant » - opposant les deux sociétés GEBRIK et VETA, au sujet de la violation par la société VETA d'un engagement anticoncurrentiel ' ressortissant alors de la compétence exclusive du tribunal de commerce.
Dès lors que l'exception d'incompétence au profit du conseil de prud'hommes est rejetée, il n'y a pas lieu de statuer sur l'éventuelle compétence du tribunal de commerce envisagée comme seule conséquence de la compétence du conseil de prud'hommes pour la partie du litige concernant M. [W].
La compétence du Tribunal de grande instance pour la partie du litige concernant M. [W] n'est pas critiquée, pas plus que la connexité entre les deux parties du litige permettant de rattacher celui opposant les deux sociétés à la compétence du Tribunal de grande instance.
L'ordonnance déférée sera donc confirmée en toutes ses dispositions.
Il sera alloué à la société GEBRIK la somme de 1.000 euros au titre de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Condamne [J] [W] et la société VETA FRANCE à payer à la société GEBRIK la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles,
Condamne [J] [W] et la société VETA FRANCE aux dépens de la présente instance, avec distraction au profit de la SCP LEVASSEUR CASTILLE, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le GreffierLe Président
Claudine POPEKGisèle GOSSELIN