COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 3
ARRÊT DU 14/04/2011
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N° MINUTE :
N° RG : 10/02045
Jugement (N° 10/00258)
rendu le 09 Mars 2010
par le Tribunal de Grande Instance de VALENCIENNES
REF : PC/VC
APPELANTE
SCP [E] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social : [Adresse 2]
Représentée par la SCP COCHEME LABADIE COQUERELLE, avoués à la Cour
Assistée de Me COURTIN ET RUOL, avocat au barreau de VALENCIENNES
INTIMÉS
Monsieur [Z] [I]
demeurant : [Adresse 1]
Comparant en personne
Représenté par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour
Assisté de Me Patricia CHRISTIAENS-SELLIER, avocat au barreau de LILLE
Madame [T] [O] épouse [I]
demeurant : [Adresse 1]
Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour
Assistée de Me Patricia CHRISTIAENS-SELLIER, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS à l'audience publique du 17 Février 2011 tenue par Pierre CHARBONNIER magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Patricia PAUCHET
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Pierre CHARBONNIER, Président de chambre
Catherine CONVAIN, Conseiller
Sophie VEJUX, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 Avril 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Patricia PAUCHET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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LA COUR ;
Attendu que la Société Civile Professionnelle (S.C.P.) d'huissiers de justice [E], aux droits de la S.C.P. [H] [V] et [K] [E], a interjeté appel d'un jugement du juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de VALENCIENNES du 9 mars 2010 qui a annulé la saisie par immobilisation avec enlèvement de la voiture automobile RENAULT Scénic immatriculée n°[Immatriculation 3], propriété des époux [Z] [I] et [T] [O], à laquelle la S.C.P. d'avoués COCHEME/KRAUT a fait procéder suivant un acte du ministère de la S.C.P. [V]/[E] en date du 10 novembre 2003 transformé en procès-verbal de détournement, pour avoir paiement, outre les intérêts et les frais, d'une somme de 337,80 € représentant le montant d'un état de frais de cette société d'avoués, afférent à une précédente procédure d'appel mise à fin par un arrêt de la Cour de céans du 19 février 2002 ; et qui a débouté les époux [I]/[O] de leur demande afin de voir surseoir à l'exécution d'un commandement de payer que la S.C.P. [E] leur a fait délivrer le 13 janvier 2010 en vertu d'un jugement du juge de proximité de DOUAI du 9 juin 2009 rectifié le 18 décembre 2009, ce jusqu'à ce qu'ils aient obtenu l'annulation d'un arrêt de la chambre des appels correctionnels de cette Cour du 29 septembre 2005 dont la juridiction de proximité, dans sa décision du 9 juin 2009, a tiré les conséquences civiles ;
Attendu que la S.C.P. [E] demande à la Cour de rejeter la contestation élevée par les époux [I]/[O] et de condamner ceux-ci à lui verser une somme de 1.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu qu'en appel les époux [I]/[O] invoquent non seulement la nullité de la saisie de leur véhicule mais aussi celle
du commandement du 13 janvier 2010 dont les causes, selon eux, seraient inexistantes ; qu'ils sollicitent encore l'allocation, à la charge de la S.C.P. [E], d'une indemnité de 1.000 € pour procédure d'exécution abusive ainsi que d'une somme de 1.000 € également au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il ressort des éléments du dossier que dans un courrier du 10 novembre 2003 [K] [E], membre de la S.C.P. [V]/
[E], exposait à l'adresse du procureur de la République près le tribunal de grande instance de VALENCIENNES qu'il avait, le samedi 8 novembre précédent, immobilisé la voiture de [Z] [I] à l'endroit du domicile de celui-ci, sis à [Adresse 1], par la pose d'un sabot dit de Denver ; qu'un dépanneur n'étant pas immédiatement disponible, il était donc revenu sur
place le lundi 10 au matin afin de procéder à l'enlèvement du véhicule immobilisé ; qu'il avait, dans ces circonstances, constaté que l'engin qui était garé sur la voie publique lors des opérations de saisie du 8 novembre, avait entre-temps été transporté dans le garage de l'habitation de [Z] [I] où il se trouvait désormais stationné, et que le sabot de Denver en avait été
ôté ; que l'officier ministériel portait plainte pour ces faits ;
Attendu que la chambre des appels correctionnels de la Cour de céans dans son arrêt précité du 29 septembre 2005 a reconnu [Z] [I] coupable d'avoir détourné un véhicule saisi entre ses mains en garantie des droits de son créancier et confié à sa garde, et d'avoir soustrait frauduleusement « un sabot d'huissier » au préjudice de la S.C.P. [V]/[E] ; qu'elle a en répression infligé au prévenu une peine d'amende et l'a condamné à verser des dommages-intérêts à la S.C.P. [E] et à la S.C.P. COCHEME/KRAUT ; que, statuant sur le pourvoi formé par [Z] [I], la Cour de Cassation a cassé l'arrêt de la Cour d'appel de DOUAI mais seulement en ce qu'il avait accueilli les constitutions des parties civiles, lesquelles étaient irrecevables ; que c'est ainsi que le 24 octobre 2006 la S.C.P. d'huissiers de justice faisait assigner [Z] [I] devant la juridiction de proximité de DOUAI pour obtenir réparation des préjudices matériel et moral qu'il lui avait occasionnés en s'emparant du sabot de Denver et en répandant sur elle des allégations mensongères ; qu'aux termes de son jugement du 9 juin 2009, le juge de proximité a condamné [Z] [I] à régler de ces deux chefs à la S.C.P. [E] une somme de 979,60 € ; que la S.C.P. [E] a, par acte du 13 janvier 2010, fait commandement à [Z] [I] d'acquitter les causes de cette décision ;
Attendu qu'à l'appui de leur contestation, les époux [I]/[O] observent que l'huissier de justice chargé de l'exécution, s'il a le 10 novembre 2003 dressé un « procès-verbal d'immobilisation du véhicule avec enlèvement transformé en procès-verbal de détournement » s'est en revanche abstenu, en méconnaissance des dispositions de l'article 172 du décret du 31 juillet 1992, de dresser un procès-verbal le 8 octobre précédent lors de la pose du sabot de Denver et qu'il a, de même, omis d'adresser
une lettre simple au débiteur saisi qui n'était pas présent sur les lieux de l'opération ; que la saisie pratiquée dans ces conditions est nulle et l'immobilisation du véhicule non prouvée ; que par voie de conséquence le commandement du 13 janvier 2010 doit être annulé ; que, de fait, la nullité de la saisie, en ce qu'elle supprime les griefs de détournement de la chose saisie et de soustraction du matériel d'immobilisation retenus contre le saisi, prive de son fondement la créance dont la S.C.P. [E] poursuit le recouvrement au moyen dudit commandement ;
Attendu que le procès-verbal de détournement du 10 novembre 2003 fait état d'une exécution poursuivie « à l'encontre de Monsieur et Madame [I] [O] [Z] » ; que la procédure de saisie-attribution diligentée ensuite par la S.C.P. COCHEME/KRAUT entre les mains de la CAISSE D'EPARGNE de VALENCIENNES suivant un procès-verbal du 12 novembre 2003 l'a été encore contre les deux époux à qui la mesure d'exécution a été dénoncée ; que le commandement de payer initialement délivré à la requête de la société d'avoués créancière le 10 juin 2003 par acte du ministère de la S.C.P. [V]/[E] visait déjà les deux conjoints nommément désignés ; qu'il en allait ainsi également d'un procès-verbal de saisie-vente dressé le 25 septembre 2003 pour les mêmes causes ;
Attendu qu'[T] [O], du moment qu'elle était recherchée par la S.C.P. COCHEME/KRAUT comme la codébitrice des débours et émoluments comptabilisés dans son état de frais rendu exécutoire le 5 mai 2003, a un intérêt certain à contester la validité des actes de poursuite dont elle a fait l'objet à ce titre concurremment avec son mari ; qu'il n'importe à cet égard que sa contestation se fixe pour résultat de paralyser les effets d'une décision de justice à laquelle [Z] [I] était seul partie ;
Attendu que la demande en nullité du commandement du 13 janvier 2010 tend aux mêmes fins que la demande en suspension des effets de cet acte dans l'attente d'une décision de justice ultérieure qui viendrait en supprimer la cause ; que, partant, la demande actuelle échappe en vertu de l'article 565 du code de procédure civile à la prohibition dont l'article 564 du même code frappe les prétentions nouvelles formées pour la première fois devant la Cour d'appel ;
Attendu que les fins de non-recevoir tirées par la S.C.P. [E]/
[E] du défaut d'intérêt à agir et de la présentation d'une demande nouvelle doivent donc être rejetées ;
Attendu qu'en déplaçant son véhicule et en refusant de le représenter à l'huissier de justice instrumentaire, [Z] [I] a fait échec à la saisie par immobilisation pratiquée par la S.C.P. [V]/[E] ; qu'indépendamment de la question de savoir si la motivation de l'arrêt pénal du 29 septembre 2005, en ce qu'il considère le procès-verbal de détournement du 10 novembre 2003 suffisant et régulier, bénéficie de l'autorité de la chose jugée vis-à-vis de la juridiction civile, en tout état de cause la réalité des actes d'obstruction reprochés à [Z] [I], qui forment l'élément matériel des délits dont la Cour l'a reconnu coupable aux termes d'une décision aujourd'hui irrévocable, n'est plus sujette à discussion ; qu'ainsi la saisie mise en oeuvre par la S.C.P. d'huissiers s'est soldée par une simple tentative, restée infructueuse en raison de la résistance opposée par le
débiteur ; que, selon le registre de main courante tenu par les services de police de VALENCIENNES, [K] [E], lorsque le 10 novembre 2003 il s'est présenté aux policiers pour dénoncer l'attitude d'entrave de [Z] [I], « ne décidait pas de la saisie du véhicule dans l'immédiat » ; que [Z] [I], entendu dans le cadre de l'enquête préliminaire le 13 janvier 2004, confirmait que l'huissier de justice avait renoncé à saisir sa voiture et n'était donc pas « arrivé à ses fins » ; qu'il souligne au surplus dans ses conclusions du 26 janvier 2011 que « cette saisie n'a jamais existé et ne peut être retenue comme étant susceptible de produire quelque effet que ce soit » ;
Attendu qu'il résulte de l'article L.213-6 du code de l'organisation judiciaire qu'une voie d'exécution doit être en cours pour que le juge de l'exécution ait à en connaître ; qu'en l'espèce il n'est pas prétendu que la saisie par immobilisation terminée par le procès-verbal de détournement du 10 novembre 2003 aurait été, depuis, reprise et poursuivie ; que, dès lors, le premier juge n'avait pas le pouvoir de se prononcer sur la validité des actes de cette procédure ;
Attendu que la mesure d'exécution contestée apparaît d'autant plus révolue que [Z] [I], tout en se prévalant de sa nullité, n'a pas même estimé utile d'appeler le créancier poursuivant à l'instance ;
Attendu qu'en vertu de l'article 8 du décret du 31 juillet 1992, le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni connaître de demandes tendant à remettre en cause le titre dans son principe ou la validité des droits ou obligations qu'il constate ; que, par suite, il n'y a pas lieu de rechercher si le jugement du juge de proximité de DOUAI du 9 juin 2009 sur lequel repose le commandement de payer du 13 janvier 2010, a à bon ou à mauvais escient liquidé le dommage subi par la S.C.P. [E] eu égard aux éventuelles irrégularités dont la procédure d'immobilisation du véhicule RENAULT Scénic aurait été entachée ;
Attendu que [Z] [I] ne peut se faire un grief de l'absence de signification des pièces visées au bordereau de la S.C.P. [E] sous les numéros 1 à 5 quand les documents dont il s'agit ont été versés par lui-même aux débats sous les numéros 29 à 31 et 35 de son propre bordereau de communication de pièces ;
Attendu que les époux [I]/[O] succombant dans le principal de leurs prétentions, leur demande d'indemnité ne saurait
prospérer ;
Attendu qu'il apparaît équitable de faire supporter par les époux [I]/[O], au titre des frais exposés en appel par la S.C.P. [E] et non compris dans les dépens, la somme de 1.000 € ;
PAR CES MOTIFS ;
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Infirme le jugement déféré ;
Déclare les époux [I]/[O] non fondés en leurs demandes en nullité d'actes de procédure et dommages-intérêts formées contre la Société Civile Professionnelle (S.C.P.) [E] ; les en déboute ;
Condamne les époux [I]/[O] à payer à la S.C.P. [E] une somme de 1.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne les époux [I]/[O] aux dépens de première instance et d'appel ; dit que ces derniers seront recouvrés par la S.C.P. COCHEME/LABADIE/COQUERELLE, avoué, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
P. PAUCHETP. CHARBONNIER