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15/09/2011 | FRANCE | N°09/00432

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 15 septembre 2011, 09/00432


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 15/09/2011



***



N° de MINUTE :

N° RG : 09/00432



Jugement (N° 08/398)

rendu le 19 décembre 2008

par le Tribunal de Grande Instance

à compétence commerciale d'AVESNES SUR HELPE



REF : PB/CP



APPELANTS



Monsieur [V] [X]

né le [Date naissance 3] 1944 à [Localité 7]

Madame [K] [L] épouse [X]

née le [Da

te naissance 2] 1947 à [Localité 8]

demeurant ensemble [Adresse 6]

Monsieur [E] [X]

né le [Date naissance 4] 1972 à [Localité 10]

demeurant [Adresse 1]



Représentés par la SCP THERY - LAURENT, avoués à la Cour

A...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 15/09/2011

***

N° de MINUTE :

N° RG : 09/00432

Jugement (N° 08/398)

rendu le 19 décembre 2008

par le Tribunal de Grande Instance

à compétence commerciale d'AVESNES SUR HELPE

REF : PB/CP

APPELANTS

Monsieur [V] [X]

né le [Date naissance 3] 1944 à [Localité 7]

Madame [K] [L] épouse [X]

née le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 8]

demeurant ensemble [Adresse 6]

Monsieur [E] [X]

né le [Date naissance 4] 1972 à [Localité 10]

demeurant [Adresse 1]

Représentés par la SCP THERY - LAURENT, avoués à la Cour

Assistés de Me Guillaume FRANCOIS, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉES

M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE PRES LE T.G.I. D'AVESNES SUR HELPE représenté par Monsieur le Procureur Général près la Cour d'appel de DOUAI, en la personne de M. DOREMIEUX, avocat général en ses réquisitions

S.E.L.A.S. [P] ET ASSOCIES, représentée par Me [I] [P], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société GROUPE CENTRACOM

ayant son siège social [Adresse 5]

Représentés par la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avoués à la Cour

Ayant pour conseil Me Jean-Marc VILLESECHE, avocat au barreau d'AVESNES SUR HELPE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Nicole OLIVIER, Président de chambre

Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller

Philippe BRUNEL, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT

DÉBATS à l'audience publique du 19 mai 2011 après rapport oral de l'affaire par Philippe BRUNEL

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Nicole OLIVIER, Président, et Marguerite-Marie HAINAUT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 18 mai 2011

OBSERVATIONS ECRITES DU MINISTERE PUBLIC : Cf réquisitions du 8 juin 2009

***

Vu le jugement du tribunal de grande instance d'AVESNES-SUR-HELPE du 19 novembre 2008 qui, saisi par le ministère public à la demande du liquidateur de la société GROUPE CENTRACOM, à l'égard de laquelle d'une procédure collective avait été ouverte le 26 juin 2003 après résolution d'un précédent plan de redressement par apurement du passif, a condamné à supporter une partie de l'insuffisance d'actif de cette société, M. [V] [X], dirigeant et actionnaire principal, pour 2 700 000 euros, son épouse [K] [X], administratrice de la société pour 100 000 euros et [E] [X], administrateur de la société pour 150 000 euros ; le tribunal a par ailleurs prononcé la faillite personnelle de [V] [X] pour une durée de cinq ans mais rejeté les demandes qui lui étaient présentées visant à voir ordonner la même mesure de faillite à l'égard des deux administrateurs ; l'exécution provisoire a été ordonnée ;

Vu la déclaration d'appel des consorts [X] en date du 19 janvier 2009 ;

Vu l'ordonnance du délégué du premier président de la cour d'appel en date du 25 février 2010 suspendant l'exécution provisoire du jugement ;

Vu le visa du ministère public en date du 8 juin 2009 ;

Vu les dernières conclusions des consorts [X] signifiées le 31 mars 2011 demandant la réformation totale du jugement à l'égard de [V] [X] tant au regard de la condamnation prononcée en comblement de l'insuffisance d'actif qu'au regard de la condamnation prononcée pour faillite personnelle ;

Ils font valoir, s'agissant de l'action en comblement de passif, que les cinq fautes de gestion initialement reprochées par le liquidateur ne relèvent pas des conditions exigées par l'article L624 - 3 ancien du code de commerce :

- le recours à des procédés frauduleux par anticipation de créances mobilisées selon le système Dailly a été retenu par le tribunal au terme d'une lecture superficielle du jugement du tribunal correctionnel d'Evry qui a montré que les faits reprochés avaient eu une ampleur et un impact limités, les banques parties civiles n'ayant subi aucun préjudice,

- le défaut de comptabilité régulière n'est pas constitué, la juridiction pénale ayant relaxé [V] [X] du chef de présentation de faux bilans,

- l'absence d'outils de prévision mensuelle de trésorerie a un caractère purement théorique au regard de la crise globale ayant affecté l'économie et en particulier le secteur de la machine-outil en 2002.

Ils contestent par ailleurs les deux fautes de gestion imputées par le liquidateur et non retenues par le premier juge ni par le procureur et relatives, d'une part, au défaut de déclaration de cessation de paiement et la poursuite d'une activité déficitaire en faisant notamment valoir sur ce point que si le tribunal de grande instance d'Avesnes-sur-Helpe a reporté la date de cessation des paiements, ce jugement a fait l'objet d'une réformation par arrêt du 9 septembre 2009 de telle sorte que la cessation des paiements demeure fixée au 11 juin 2003 et d'autre part, à l'usage excessif de crédit qui lui est reproché, en faisant notamment valoir que la société n'avait pas dépassé le plafond d'engagement autorisé par les banques.

A titre subsidiaire, ils demandent la réduction du montant de l'insuffisance d'actif mise à la charge de [V] [X] ; s'agissant du passif, ils considèrent que la créance de l'AGS ne doit pas être prise en compte dès lors qu'elle est postérieure au jugement d'ouverture de la procédure ; s'agissant de l'actif, les consorts [X] font grief au liquidateur de n'avoir pas tenu compte de la valeur des parts d'une société RAFAMET qu'ils évaluent à 520 385 euros ; ils estiment donc que l'insuffisance d'actif s'élève à 5 691 436 euros ; ils font également valoir que cette insuffisance d'actif est en outre surévaluée compte tenu des conditions dans lesquelles les actifs de la société ont été cédés notamment un immeuble dont le prix réel était selon eux de 610 000 euros alors qu'il a été cédé pour 250 200 euros et compte tenu également de la valeur des stocks de pièces détachées ainsi que des encours de production qui ont fait l'objet d 'une vente par le commissaire-priseur pour 296 397,64 euros alors que leur valeur réelle était de 2 340 365,22 euros ; dans ces conditions, ils estiment que l'insuffisance d'actif réelle devrait être de 3 198 877 euros et que la condamnation de [V] [X] est disproportionnée au regard de ses erreurs supposées et de ses revenus et patrimoine.

A titre subsidiaire également, ils entendent démontrer que, à les supposer réelles, les erreurs de gestion reprochées à [V] [X] n'ont pas eu les conséquences qui ont été attachées par le tribunal, les difficultés de l'entreprise résultant de l'impact d'une crise globale ayant affecté le secteur de la machine outil en 2002 ;

[V] [X] conteste également la mesure de faillite personnelle dont il a fait l'objet pour une période de cinq ans même s'il reconnaît avoir omis de faire une déclaration de cessation de paiement ;

S'agissant de la condamnation au comblement partiel de l'insuffisance d'actif prononcée à l'égard des deux administrateurs [H] et [E] [X], les consorts [X] demandent la réformation du jugement et soutiennent qu'aucune faute positive de gestion ne peut leur être reprochée ;

Vu les dernières conclusions du liquidateur judiciaire de la société GROUPE CENTRACOM signifiées le 17 novembre 2010 demandant la confirmation du jugement ; il fait valoir que l'insuffisance d'actif s'élève à 8 485 150 euros et conteste l'argumentation des consorts [X] quant à la prise en compte de la créance de l'AGS, la charge des licenciements qui résultent de la liquidation judiciaire ne pouvant être extraite du passif ; il conteste également que les parts de la société RAFAMET n'aient pas été évaluées à leur juste valeur et fait valoir d'une façon générale que l'insuffisance d'actif doit être déterminée au regard de la réalité des opérations de vente de cet actif et non pas de sa valeur supposée ;

Quant aux fautes de gestion reprochées à [V] [X], il indique que celui-ci a poursuivi consciemment une activité déficitaire, l'exercice 2002 s'étant traduit par une perte de plus de 4 millions d'euros et les capitaux propres étant devenus négatifs à hauteur de moins 2 792 158 euros à la fin de l'exercice 2002 ; que la société GROUPE CENTRACOM souffrait d'une insuffisance chronique de trésorerie révélée par les mesures d'enquête et d'expertise, la date de cessation de paiement ayant été reportée au 30 novembre 2002 ; que des fausses factures ont été établies afin de permettre d'anticiper la mobilisation des créances Dailly ; quant à la comptabilité, le liquidateur fait valoir que les irrégularités ont été révélées par l'enquête pénale qui a mis à jour une escroquerie imputable à [V] [X] et par le rapport du commissaire aux comptes sur l'exercice 2002 qui faisait état d'irrégularités des facturations clients et des opérations Dailly ; quant aux procédés frauduleux d'obtention d'encours et usage excessif du crédit, il fait grief à [V] [X] d'avoir créé une apparence trompeuse de solvabilité qui a trompé les banques et contribué à aggraver l'insuffisance d'actif ; il indique aussi qu'un matériel pris à bail par la société aurait été cédé par elle à un tiers enfin de pallier aux difficultés de trésorerie et que, d'une façon générale, l'utilisation du procédé de mobilisation des créances Dailly a été excessive, générant des frais financiers très importants ; il fait valoir que ces fautes, si elles ne sont pas la cause exclusive de l'insuffisance d'actif y ont par contre largement contribué et l'ont aggravée ;

A l'égard des administrateurs, il soutient que toute faute, même légère, dans l'exercice de leurs fonctions de contrôle, est de nature à engager leur responsabilité dès lors qu'elle a contribué à l'insuffisance d'actif ; il soutient que les administrateurs étaient nécessairement informés du système frauduleux relatif à la mobilisation Dailly et des graves difficultés de la société, notamment compte tenu de la procédure d'alerte mise en oeuvre par le commissaire aux comptes et que, malgré ces éléments, ils sont restés passifs. ;

SUR CE

Attendu que la société GROUPE CENTRACOM est issue de la société CENTRAMEC créée en 1984 ; que la société CENTRAMEC, a fait l'objet d'un redressement judiciaire en juillet 1994 par le TGI d'Avesnes-sur-Helpe ; que, par arrêt du 2 mai 1996, la cour d'appel de Douai, réformant un jugement de liquidation du tribunal d'Avesnes-sur-Helpe, a ordonné un plan de redressement par apurement du passif sur une durée de 10 ans ;

Qu'en 2000, la société CENTRAMEC a absorbé les sociétés METRONIC INDUSTRIES et CENTRACOM et a pris la dénomination de GROUPE CENTRACOM ;

Que le capital de la société GROUPE CENTRACOM est divisé en 11 930 actions dont 3088 sont détenues par la société CROISSANCE Nord-Pas-de-Calais, 6570 par [V] [X] par ailleurs dirigeant de la société, 1016 actions par [E] [X] et 17 actions par [K] [X], épouse de [V] [X], [E] et [H] [X] étant par ailleurs administrateurs de la société ;

Attendu qu'en juin 2003, suite à une assignation l'URSSAF et après une enquête diligentée par le procureur de la République, a été ouverte au tribunal de grande instance d'Avesnes-sur-Helpe une procédure collective à l'égard de la société GROUPE CENTRACOM, le plan de redressement précédemment ordonné par la cour d'appel faisant l'objet d'une résolution ; que ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d'appel de Douai du 11 septembre 2003 ;

Qu'en 2004, le liquidateur de la société GROUPE CENTRACOM a assigné le dirigeant de la société, [V] [X], ainsi que les deux administrateurs, en comblement de passif et en faillite personnelle ; que c'est dans ces conditions qu'a été rendu le jugement déféré à la Cour ;

Qu'il sera également rappelé que, par jugement du 20 mai 2008 aujourd'hui définitif, le tribunal correctionnel d'Évry a reconnu [V] [X] coupable d'escroquerie commise du 29 mai 1999 au 11 juin 2002 au titre de faits relatifs à l'établissement de fausses factures ayant pour objet d'anticiper la mobilisation de créances suivant le système Dailly dans le cadre de la société GROUPE CENTRACOM et l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et 3000 euros d'amende ;

Sur le montant de l'insuffisance d'actif ;

Attendu que seules peuvent être retenues au titre de l'insuffisance d'actif les dettes constatées au jour du jugement d'ouverture ; que, dès lors que la créance de l'AGS résulte du paiement des dettes sociales nées pendant la poursuite d'activité et des licenciements mis en oeuvre par le liquidateur, cette dette doit effectivement être exclue du montant de l'insuffisance ; qu'en revanche, c'est à juste titre que, s'agissant des éléments d'actif, le liquidateur fait valoir que leur valorisation doit tenir compte des conditions réelles du marché dans lesquelles ils peuvent être cédés ; que les explications des appelants quant à l'insuffisance d'évaluation de l'immeuble dit de « [Adresse 9] », vendu sur adjudication, et du stock de pièces détachées vendues par un commissaire priseur ainsi que des travaux en cours ne peuvent être retenues ; que, s'agissant de la valeur de la participation détenue dans la société de droit polonais RAFAMET, les appelants ne justifient pas que cette société, qui avait manifesté son souhait de racheter ses propres actions, ait présenté une offre véritable assortie de garanties de paiement ; que, par ailleurs, le document produit par eux et rédigé en polonais aux fins d'établir la valeur boursière de cette société au 11 mai 2006, ne permet pas à la cour, à la date à laquelle elle statue, de savoir quelle serait la valeur de cession, les conditions de cotation et de cession sur le marché boursier polonais étant par ailleurs inconnues ; qu'au regard des motifs retenus ci dessus quant au montant du passif, l'insuffisance d'actif à retenir au titre de l'article L. 624-3 ancien du code de commerce s'élève à 6.211 816,24 euros, déduction faite de la créance de l'AGS (2.273.334,02 euros) ;

Sur les fautes de gestion reprochées à [V] [X] et sur les sanctions encourues par lui ;

Attendu qu'en application de l'article L. 624-3 ancien du code de commerce, lorsque le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées en tout ou en partie par les dirigeants de droit ou de fait ;

Que [V] [X] a été condamné pour escroquerie par jugement du tribunal de correctionnel d'Évry en date du 19 décembre 2008 ; que le tribunal l'a reconnu coupable d'escroquerie par production de bordereaux de cession de créances professionnelles faisant état de créances inexactes justifiées par de fausses factures sur la période du 29 mai 1999 au 11 juin 2002 ; qu' il ne peut être contesté que l'usage de fausses factures dans le but d'anticiper auprès des banques la mobilisation de créances dites Dailly et ainsi de pallier les difficultés de trésorerie chroniques affectant la société, constitue une faute de gestion au sens de l'article L624-3 ci-dessus visé ; qu'une telle faute a permis de dissimuler la situation réelle de la société, de tromper les organismes susceptibles de lui octroyer du crédit, peu important à ce titre qu'ils aient en définitive subi un préjudice de ce fait et, en permettant à la société de continuer à contracter des dettes alors que sa situation réelle ne le lui permettait pas, a nécessairement augmenté le passif et, par voie de conséquence, l'insuffisance d'actif ;

Qu'il résulte par ailleurs d'un courrier du commissaire aux comptes au procureur de la République en date du 6 janvier 2003 que certains événements n'avaient fait l'objet d'aucun retraitement comptable, que des affaires avaient été facturées par anticipation et que des informations lui avaient été dissimulées à l'occasion du contrôle des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2001 ; que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, la circonstance que le juge pénal n'ait pas retenu [V] [X] dans les liens de la prévention, faute de preuves suffisantes, s'agissant de l'escroquerie par présentation de faux bilan, est sans incidence sur la possibilité pour la juridiction civile de constater l'existence de manquements aux règles comptables pendant la période considérée ; que les anomalies ont été constatées sur un certain nombre de factures, pour des montants importants, celles-ci ayant fait l'objet d'annulations par un avoir postérieur à la clôture de l'exercice 2001 puis de refacturations ultérieures ou bien d'annulation sans contrepartie sans que ces événements aient fait l'objet d'un retraitement comptable ; qu'il a également été constaté que le 31 décembre 2000, une facture à établir avait été constatée en produits pour 125 008,19 euros alors qu'elle a en réalité été annulée au 31 août 2002, aucune prestation n'ayant été effectuée ; qu'il a enfin également été constaté que du 1er janvier 2002 aux 31 août 2002,plusieurs affaires avaient été facturées par anticipation pour des montants importants ; que les constatations ainsi effectuées par les commissaires aux comptes ainsi que celles effectuées par les services de police lors de l'enquête pénale, qui a révélé l'existence d'une double facturation, établissent sans contestation possible l'existence d'anomalies comptables dont [V] [X] avait nécessairement connaissance ; qu'il n'est donc pas fondé à critiquer la motivation du premier juge sur ce point, ces anomalies comptables ayant eu pour objet et, en toute hypothèse pour effet, de permettre à la société de continuer à contracter des dettes alors que sa situation réelle ne le lui permettait pas et a nécessairement augmenté le passif et, par voie de conséquence l'insuffisance d'actif ;

Qu'il est constant par ailleurs que [V] [X] n'a pas procédé à la déclaration de cessation des paiements, peu important la date effective de celle-ci, la cour étant d'ailleurs saisie d'une instance relative au report de cette date ;

Que s'agissant de la poursuite d'une activité déficitaire, la cour constate que le résultat d'exploitation de l'exercice 2001 était négatif de - 3 885 868 pour un chiffre d'affaires de 13 031 242 euros et que l'exercice 2002 s'est soldé par un résultat négatif de - 4 105 658 euros pour un chiffre d'affaires de 9 816 422 euros ; que, par ailleurs, à la clôture de l'exercice 2002, les capitaux propres apparaissaient au bilan pour une valeur négative de ' 2 792 158 euros ; que, s'il est exact que [V] [X] n'est pas resté inactif, sollicitant et obtenant notamment un moratoire fiscal, il apparaît que du fait de la sous capitalisation chronique de la société, la poursuite de l'activité n'était possible qu'à condition de réinjecter des capitaux à hauteur de 3.000.000 euros ce qu'a refusé d'envisager [V] [X] ; que la crise du secteur de la machine outil, survenue en 2001 et 2002, si elle a eu un impact réel sur l'activité de la société, n'a eu des conséquences aussi graves que du fait de la sous capitalisation chronique de celle ci, circonstance connue de [V] [X] à laquelle il n'a pas remédié choisissant au contraire de recourir de façon extensive à la mobilisation des créances clients ; que dans ces conditions, le liquidateur judiciaire est fondé à reprocher à [V] [X], auquel ses fonctions de dirigeant apportaient une rémunération non négligeable de l'ordre de 9000 euros par mois, d'avoir poursuivi en 2002, dans un intérêt personnel, une activité déficitaire qui ne pouvait aboutir qu'à la cessation des paiements ; que la poursuite de l'activité dans de telles conditions contribue nécessairement à l'insuffisance d'actif ;

Que c'est également à juste titre que le liquidateur soutient que [V] [X] a commis une erreur de gestion en ayant recours de façon excessive et ruineuse au crédit ; qu'il résulte en effet du rapport de l'expert que, au delà même de l'utilisation de procédés frauduleux ayant pour objet d'en « anticiper » le bénéfice, au 5 juin 2003, le montant des créances clients ainsi mobilisées s'élevait à 1 942 004, 21 euros, manifestant ainsi un usage systématique de ce financement, générant au détriment de la société des frais financiers considérables, le compte « intérêts et charges » progressant entre 2000 et 2002 de 182 707 euros à 276 027 euros ; qu'une telle situation a été favorisée par l'absence d'outil de prévision mensuelle de trésorerie relevée par l'expert judiciaire ; que c'est en vain que [V] [X] fait valoir que les plafonds de mobilisation Dailly fixés par les banques n'avaient pas été dépassés alors même que les banques se trouvaient dans l'ignorance de l'usage d'une anticipation frauduleuse à défaut duquel le financement à court terme de l'activité n'aurait pas été assuré ; qu'enfin, le liquidateur souligne sans être contredit sur cet élément de fait, qu'un matériel pris en crédit bail par la société a été revendu par elle en décembre 2002 alors qu'elle n'en était pas propriétaire aux fins d'obtenir ainsi de la trésorerie ; que le recours à des moyens de crédit ruineux est donc constitué ;

Attendu en conséquence qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu à la charge de [V] [X] les fautes de gestion ci dessus relevées ; que ces fautes justifient qu'il soit condamné à supporter en partie l'insuffisance d'actif de la société dont il était le dirigeant ; que, toutefois, il est constant que ces erreurs, si elles ont contribué à l'insuffisance d'actif, n'en ont pas été la cause exclusive ; que la Cour dispose des éléments pour fixer à la somme de 1.300.000 euros le montant de l'insuffisance d'actif imputable à [V] [X] ; que le jugement sera réformé sur ce point et que [V] [X] sera condamné à payer au liquidateur judiciaire ladite somme ;

Attendu que les fautes ci dessus relevées au titre de la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire, du caractère irrégulier de la comptabilité et de l'emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds justifient en outre, en application des articles L625-3, L625-4 et L625-5 anciens du code de commerce, que [V] [X] soit condamné à une mesure de faillite personnelle ; que le jugement sera confirmé sur ce point tant sur le principe de cette condamnation que sur son quantum ;

Sur la responsabilité des administrateurs ;

Attendu que la responsabilité des administrateurs au titre de l'article L. 624-3 ancien du code de commerce peut être retenue lorsque est démontré à leur charge un défaut de surveillance de l'activité du dirigeant ; qu'il importe peu que leur mandat d'administrateur n'ait pas été rétribué ; qu'il est constant que, comme le soutiennent les appelants, les rapports du commissaire aux comptes au titre des exercices 1999, 2000 et 2001 n'ont fait état d'aucune réserve ; que, toutefois il apparaît, d'une part, que la procédure d'alerte a été déclenchée par celui-ci le 28 novembre 2002 après qu'il ait décelé une perte de l'ordre de 360 000 euros sur quelques mois et que, d'autre part, l'enquête relative aux faits d'escroquerie pour lesquels [V] [X] a été condamné le 20 mai 2008 s'est déroulée dans le courant de l'année 2002 et s'est manifestée par la présence dans les locaux de la société des services de police qui ont procédé à des perquisitions et entendu de nombreux employés ; que les administrateurs ne pouvaient ainsi ignorer les graves difficultés de la société ni les soupçons pesant sur [V] [X] et l'usage possible d'une mobilisation de créance anticipée de façon frauduleuse ; que, de la même façon, ils étaient informés du résultat d'exploitation gravement déficitaire constaté au titre de l'exercice 2001 ; que dans ces conditions, la mission de contrôle inhérente à leur activité d'administrateur aurait dû les conduire, quel que soit le lien familial les unissant à [V] [X], à inciter celui-ci à procéder à une déclaration de cessation des paiements ; que leur abstention a ainsi contribué à l'insuffisance d'actif et que c'est à juste titre que le premier juge a retenu leur responsabilité, sans qu'il y ait là aucune « contradiction » avec le fait que le liquidateur judiciaire ait autorisé [E] [X] à acquérir la participation détenue par la société GROUPE CENTRACOM dans une autre société ; que le jugement sera donc confirmé à ce titre tant dans le principe de la condamnation que dans son quantum ;

Attendu qu'il serait inéquitable que le liquidateur de la société GROUPE CENTRACOM conserve à sa charge le montant des frais irrépétibles engagés pour les besoins de la présente instance devant la Cour ; que les consorts [X] seront condamnés à lui payer la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf quant au quantum de la condamnation prononcée à l'égard de [V] [X] au titre de l'article L 624-3 ancien du code de commerce et, statuant à nouveau sur ce point,

Condamne [V] [X] à payer au liquidateur judiciaire de la société GROUPE CENTRACOM la somme de 1.300.000 euros,

Condamne solidairement les consorts [X] à payer au liquidateur judiciaire de la société GROUPE CENTRACOM la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne solidairement les consorts [X] aux dépens avec possibilité de recouvrement direct dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

Marguerite Marie HAINAUTNicole OLIVIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 09/00432
Date de la décision : 15/09/2011

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°09/00432 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-09-15;09.00432 ?
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