République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 7 SECTION 2
ARRÊT DU 15/ 09/ 2011
No MINUTE :
No RG : 10/ 05524
Jugement (No 08/ 01322)
rendu le 03 Juin 2010
par le Juge aux affaires familiales d'ARRAS
REF : HA/ VV
APPELANTE
Madame Christine X... épouse Y...
née le 22 Juillet 1951 à LA BUISSIERE (38530)
demeurant... 62223 ST NICOLAS LES ARRAS
représentée par la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avoués à la Cour
assistée de Me Danièle SCAILLIEREZ, avocat au barreau D'ARRAS
INTIMÉ
Monsieur Jean-Marie Y...
né le 31 Janvier 1957 à HENIN LIETARD (62110)
demeurant... 62223 ST NICOLAS LES ARRAS
représenté par Me Philippe georges QUIGNON, avoué à la Cour
assisté de Me Frank DUBOIS, avocat au barreau de DOUAI
DÉBATS à l'audience en chambre du Conseil du 15 Juin 2011, tenue par Hervé ANSSENS magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maryline MERLIN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Patrick BIROLLEAU, Président de chambre
Hervé ANSSENS, Conseiller
Cécile ANDRE, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Hervé ANSSENS, conseiller, conformément aux dispositions de l'article 452 du code de procédure civile et Maryline MERLIN, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Jean-Marie Y... et Christine X... se sont mariés le 24 février 1979 à Lens sans contrat préalable et cinq enfants aujourd'hui majeurs sont issus de leur union :
- Thomas né le 21 novembre 1979,
- Benjamin né le 14 août 1981,
- Vincent né le 16 décembre 1989,
- Simon né le 24 mai 1992,
- Marion née le 30 août 1993.
Autorisé par ordonnance de non conciliation du 06 novembre 2008, Jean-Marie Y... fit assigner son épouse en divorce le 03 avril 2009 par devant le Juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Arras sur le fondement de l'article 233 du code civile et celle-ci a formé une demande reconventionnelle aux mêmes fins et sur le même fondement.
L'une et l'autre parties ont par ailleurs conclu sur les mesures accessoires, Christine X... réclamant notamment une prestation compensatoire de 65 000 € et le report des effets du divorce entre les parties quant à leurs biens au 08 mai 2005.
Jean-Marie Y... s'est opposé à toute prestation compensatoire et a demandé quant à lui que les effets du divorce soient reportés entre les parties quant à leurs biens au mois d'octobre 2005.
C'est dans ces conditions que par jugement du 03 juin 2010 le Juge aux affaires familiales d'Arras a prononcé le divorce des époux Y.../ X... en application de l'article 233 du code civil avec toutes ses conséquences de droit quant à la publicité et la liquidation des droits patrimoniaux des parties.
Statuant par ailleurs sur les mesures accessoires, le Juge a reporté les effets du divorce entre les parties quant à leurs biens au 1er octobre 2005, condamné Jean-Marie Y... à payer à Christine X... une prestation compensatoire de 14 400 € l'autorisant à s'en acquitter par versements mensuels indexés de 200 € pendant 6 années, fixé la résidence habituelle de Marion alors encore mineure chez sa mère dans le cadre de l'exercice conjoint de l'autorité parentale, dit que le père exercera " librement " son droit de visite et d'hébergement sur sa fille, fixé la part contributive de celui-ci à l'entretien et à l'éducation de sa fille Marion à la somme mensuelle indexée de 200 € et débouté les parties du surplus de leurs réclamations.
Le Juge a enfin condamné chaque partie aux dépens par moitié.
Christine X... a interjeté appel général de cette décision le 28 juillet 2010 et aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 15 juin 2011, limitant sa contestation à la prestation compensatoire, à la pension alimentaire pour Marion ainsi qu'à la date de fixation des effets du divorce entre les parties quant à leurs biens, elle demande à la Cour, par réformation de ces chefs :
- de condamner Jean-Marie Y... à lui payer une prestation compensatoire de 65 000 €,
- de le condamner encore à lui payer une pension alimentaire mensuelle de 400 € pour Marion,
- de reporter les effets du divorce entre les parties quant à leurs biens au 08 mai 2005.
Elle réclame par ailleurs une indemnité de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de l'intimé aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions signifiées le 14 juin 2011, Jean-Marie Y... demande quant à lui la confirmation de la décision entreprise sauf en ses dispositions relatives à la prestation compensatoire et à la pension alimentaire pour Marion.
Formant lui-même appel incident de ces chefs, il demande à la Cour, par réformation, de fixer la pension alimentaire dont il est redevable pour Marion " sous réserve du transfert de la résidence de celle-ci chez sa mère " à la somme mensuelle de 180 € et à titre subsidiaire de confirmer sur ce point la décision entreprise.
Il demande par ailleurs à la Cour de débouter Christine X... de sa demande de prestation compensatoire et subsidiairement de réduire cette prestation à la somme de 10 000 €.
A titre plus subsidiaire encore il demande sur ce point la confirmation du chef entrepris.
Jean-Marie Y... demande par ailleurs à la Cour de " fixer la résidence des enfants Simon et Vincent au domicile du père " alors pourtant que ceux-ci sont devenus majeurs depuis un certain temps déjà comme l'est d'ailleurs également devenue Marion.
Christine X... a indiqué qu'elle n'entendait plus maintenir la demande qu'elle avait formulée tendant au rejet des débats des dernières conclusions de son époux.
SUR CE
Attendu que ne sont pas contestées les dispositions du jugement déféré autres que celles relatives à la date des effets du divorce entre les parties quant à leurs biens, à la prestation compensatoire et à la pension alimentaire pour Marion, de sorte que les dites dispositions non critiquées doivent être en tant que de besoin confirmées sous réserve de celles relatives à l'exercice de l'autorité parentale à propos desquelles l'appel est aujourd'hui sans objet, les enfants étant tous devenus majeurs ;
Sur le report des effets du divorce entre les parties quant à leurs biens
Attendu que Christine X... ne justifie nullement de ses prétentions tendant à ce que les effets du divorce entre les parties quant à leurs biens soient reportés au 08 mai 2005 plutôt qu'au 1er octobre 2005 comme le demande Jean-Marie Y... ;
Que c'est à bon droit dans ces conditions que le premier Juge a retenu la date du 1er octobre 2005 à partir de laquelle les parties ont commencé à établir des déclarations fiscales séparées ;
Qu'il convient dès lors de confirmer sur ce point encore la décision déférée ;
Sur l'obligation alimentaire de Jean-Marie Y... à l'égard de sa fille Marion
Attendu qu'il n'est pas contesté que bien que devenue majeure, Marion soit à ce jour encore à la charge principale de sa mère ;
Attendu que le parent qui assume à titre principal la charge d'un enfant majeur ne pouvant subvenir lui-même à ses besoins peut demander à l'autre parent de contribuer à son entretien et à son éducation ;
Attendu que Jean-Marie Y... travaille à la SNCF dans des conditions et selon un statut qui ne sont pas clairement déterminés et qu'il ne justifie pas précisément de ses ressources actuelles ;
Qu'il a produit cependant une déclaration fiscale de revenus de laquelle il ressort qu'il a perçu au cours de l'année 2010 des salaires nets fiscaux cumulés de 46 658 €, soit un revenu mensuel net fiscal moyen de 3 888 € ;
Attendu qu'il justifie d'un état de santé déficient l'ayant amené à s'interroger sur une réforme éventuelle ;
Que compte tenu cependant de son âge il pourrait se prévaloir très prochainement de ses droits à retraite ;
Qu'il n'a pas produit d'estimation précise à cet égard ;
Attendu qu'il a à ce jour encore l'entière charge de son fils Simon qui n'est pas en mesure de subvenir lui-même à ses besoins ;
Que Vincent n'est plus aujourd'hui à sa charge dès lors qu'il a intégré l'armée à la fin de l'année 2010 ;
Que ce jeune homme a cependant établi une attestation pour dire qu'il se rend toujours chez son père en compagnie de sa fiancée lors de ses permissions ;
Attendu que Jean-Marie Y... justifie d'un prêt contracté pour l'acquisition d'un véhicule automobile remboursable par échéances mensuelles de 199 € ;
Qu'au vu cependant d'un courrier d'AXA banque, ce prêt devrait être totalement remboursé depuis le 07 juillet 2011 ;
Qu'il produit par ailleurs un relevé de compte bancaire faisant état de prélèvements AXA d'un montant mensuel de 137 € ;
Qu'il s'agirait là du remboursement d'un prêt trésorerie dont le terme n'est pas justifié ;
Attendu qu'il doit faire face bien évidemment à toutes les dépenses habituelles de la vie courante en ce compris les cotisations d'assurance et impositions diverses ;
Attendu qu'il bénéficie depuis l'ordonnance de non conciliation de la jouissance du domicile conjugal à titre onéreux, de sorte qu'il va se trouver redevable d'une indemnité d'occupation dont le montant n'est pas précisément déterminé ;
Qu'il fait part de son intention de racheter la part de son épouse dans l'immeuble commun au moyen d'un emprunt ;
Attendu que Christine X... s'est dans le passé dédiée à l'éducation de ses nombreux enfants ;
Qu'elle a commencé à travailler dans le courant de l'année 2003 à temps partiel d'abord puis à temps plein en qualité d'infirmière scolaire ;
Qu'au vu des pièces produites elle perçoit un salaire mensuel net de l'ordre de 1 950 € ;
Attendu qu'au vu d'une estimation de la CRAM Nord Picardie ses droits à retraite évalués au 1er août 2011 s'élèvent à la somme mensuelle de 599 € ;
Que dans l'hypothèse où elle continuerait à travailler jusqu'à l'âge de 65 ans, ses droits à retraite pourraient alors être évalués à une somme mensuelle de l'ordre de 800 € ;
Attendu qu'elle justifie d'un loyer mensuel (provision sur charges comprises) de 649 € ;
Qu'elle justifie d'un prêt contracté pour l'acquisition d'un véhicule automobile remboursable par échéances mensuelles de 299 € jusqu'en juin 2013 ;
Qu'elle fait état par ailleurs d'un crédit à la consommation qui est en réalité une réserve de trésorerie pour ses besoins de consommation courants ;
Qu'elle doit faire face enfin elle aussi à toutes les dépenses habituelles de la vie courante en ce compris les cotisations d'assurance et impositions diverses ;
Attendu qu'au vu des éléments ci-dessus analysés, la Cour estime que le premier Juge a sous-estimé la pension alimentaire à charge du père pour Marion ;
Que par réformation dès lors de la décision entreprise, il convient de plus justement fixer celle-ci à la somme indiquée au disposition ci-après ;
Sur la prestation compensatoire
Attendu qu'aux termes des dispositions des articles 270, 271 et 272 du code civil, la prestation que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre est destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des parties ;
Qu'elle est fixée selon les besoins de celui à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ;
Attendu que Jean-Marie Y... et Christine X... sont aujourd'hui respectivement âgés de 54 ans et 60 ans ;
Qu'ils ont été mariés pendant plus de 32 ans ;
Qu'ils devraient pouvoir bientôt faire valoir leurs droits à retraite et que ceux de Christine X... seront sensiblement inférieurs à ceux de Jean-Marie Y... ;
Attendu qu'ils sont propriétaires d'un immeuble estimé par le mari à une somme de l'ordre de 140 000 € sur lequel ils semblent avoir des droits identiques ;
Attendu qu'au vu des éléments ci-dessus analysés, c'est à juste titre que le premier Juge a considéré que la rupture du mariage crée au détriment de la femme une disparité dans les conditions de vie respectives des parties justifiant l'allocation à son profit d'une prestation compensatoire dont il a cependant sensiblement sous-estimé le montant ;
Que par réformation dès lors de la décision entreprise, il convient de plus justement fixer celle-ci à la somme indiquée au dispositif ci-après ;
Qu'il convient d'autoriser Jean-Marie Y... à se libérer de cette somme selon les modalités également définies au dispositif ci-après ;
Sur les dépens ainsi que sur l'application éventuelle de l'article 700 du code de procédure civile
Attendu que s'agissant d'un divorce prononcé en application de l'article 233 du code civil et des mesures accessoires à celui-ci, il convient de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens d'appel et de confirmer le jugement déféré du chef des dépens de première instance ;
Qu'il y a lieu par ailleurs de rejeter la demande d'indemnité formulée par Christine X... au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Constate qu'est devenu sans objet l'appel du chef des dispositions du jugement déféré relatives aux modalités d'exercice de l'autorité parentale, tous les enfants étant à ce jour devenus majeurs ;
Confirme en toutes ses autres dispositions le jugement déféré à l'exclusion de celles relatives à la pension alimentaire pour Marion et à la prestation compensatoire ;
Par réformation de ces chefs,
Condamne Jean-Marie Y... à payer à Christine X... une pension alimentaire mensuelle de 350 € pour leur fille Marion ;
Dit que cette pension sera indexée sur l'indice national des prix à la consommation des ménages urbains, série France entière, publié par l'INSEE et révisée chaque année en fonction de la variation de cet indice à la date anniversaire du présent arrêt ;
Condamne encore Jean-Marie Y... à payer à Christine X... une prestation compensatoire en capital de 35 000 € ;
Dit cependant que Jean-Marie Y... pourra se libérer de ce capital en 8 années par 96 mensualités égales de 364, 58 € chacune ;
Dit que ces versements seront indexés sur l'indice national des prix à la consommation des ménages urbains, série France entière, publié par l'INSEE et révisés chaque année en fonction de la variation de cet indice à la date anniversaire du présent arrêt ;
Rejette la demande d'indemnité formulée par Christine X... au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens d'appel.
Le Greffier, P/ Le Président empêché,
L'un des conseillers ayant
délibéré (article 456 du
code de procédure civile)
M. MERLINH. ANSSENS