République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 19/01/2012
***
N° MINUTE :
N° RG : 11/01687
Jugement (N° 10-001065)
rendu le 11 Février 2011
par le Tribunal d'Instance d'ARRAS
REF : BP/VC
APPELANTE
Madame [O] [G]
née le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 3]
demeurant : [Adresse 4]
Représentée par la SCP COCHEME LABADIE COQUERELLE, avoués à la Cour, Assistée de la SELARL VAAST-DEBLIQUIS-MARTINUZZO, avocats au barreau d'ARRAS
INTIMÉE
SA CREDIPAR prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social : [Adresse 1]
Représentée par la SCP CARLIER REGNIER, avoués à la Cour,
Assistée de Me Benoît DE BERNY, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS à l'audience publique du 06 Décembre 2011 tenue par Benoît PETY magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Annie DESBUISSONS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Pierre CHARBONNIER, Président de chambre
Benoît PETY, Conseiller
Hélène BILLIERES, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2012 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Annie DESBUISSONS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
*****
Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties
La S.A. CREDIPAR a accordé à Madame [O] [G], suivant offre préalable acceptée le 15 novembre 2006, un prêt de 9.263 euros au taux de 9,95 % l'an, accessoire d'un contrat d'achat d'un véhicule CITROËN. L'offre de crédit comportait une clause de réserve de propriété avec subrogation au profit de l'établissement prêteur.
Par décision du 21 décembre 2009, le tribunal d'instance de SAINT-POL-SUR-TERNOISE ouvrait au profit de Madame [G] une procédure de rétablissement personnel et prononçait la clôture pour insuffisance d'actif avec effacement des dettes de l'intéressée dont celle envers la société CREDIPAR.
Le 21 avril 2010, la société CREDIPAR a fait délivrer à Madame [G] une sommation aux fins de restitution du véhicule. Par jugement du 3 juin 2010, le juge de l'exécution au tribunal de grande instance d'ARRAS a enjoint Madame [O] [G] de restituer le véhicule CITROËN, décision signifiée le 28 juin 2010 à l'intéressée qui a alors formé opposition.
Par exploit du 27 juillet 2010, la société CREDIPAR a fait assigner Madame [O] [G] devant le tribunal d'instance d'ARRAS aux fins d'être autorisée à appréhender le véhicule. Par jugement du 11 février 2011, cette juridiction a autorisé la société demanderesse à appréhender ce véhicule au domicile de Madame [G] ou en tout autre lieu, si besoin avec le concours de la force publique, la défenderesse étant condamnée au paiement de dommages et intérêts à concurrence de 500 euros outre une indemnité de procédure de 150 euros.
Madame [O] [G] a interjeté appel de cette décision. Elle demande à la cour de débouter purement et simplement la personne morale de toutes ses demandes. L'appelante fait valoir que l'effacement de ses dettes rend irrecevables les prétentions de la société CREDIPAR qui ne détient à son encontre plus aucune créance. La clause de réserve de propriété n'a plus de cause. Il ne saurait être question de laisser cette société de crédit contourner les effets du rétablissement personnel. Elle ajoute que le véhicule lui est indispensable en ce qu'elle est handicapée.
***
La société CREDIPAR conclut à la confirmation du jugement entrepris, y ajoutant une demande de dommages et intérêts à concurrence de 2.000 euros ainsi qu'une demande d'indemnité de procédure du même montant.
La société prêteuse rappelle qu'elle est subrogée dans les droits du vendeur et bénéficie ainsi de la clause de réserve de propriété du véhicule litigieux. Elle énonce que Madame [G] ne peut utilement prétendre qu'elle a réglé intégralement le prêt. La créance du prêteur a certes été effacée à concurrence de 9.645,65 euros mais cet effacement n'est pas assimilable à un paiement intégral du prix. La clause de réserve de propriété n'est pas une sûreté accessoire au paiement de la dette car les parties ont convenu de différer le transfert de la propriété du bien vendu jusqu'au paiement intégral du prix. La banque subrogée dans les droits du vendeur peut revendiquer le bien jusqu'au paiement intégral du prix, que la créance ait été ou non éteinte pour un motif distinct du paiement. L'utilité du véhicule pour Madame [G] n'est pas acquise. Le bien revendiqué depuis deux ans se déprécie, la perte de valeur devant être compensée par des dommages et intérêts.
***
Motifs de la décision
Sur la revendication du véhicule
Attendu que s'il est exact que la clause de réserve de propriété contenue dans un contrat de vente constitue l'accessoire de la créance de prix, il n'est cependant pas discutable que l'extinction de cette créance n'équivaut pas à son paiement de sorte que le transfert de propriété ne peut être intervenu au profit de l'acquéreur tant que la condition suspensive du paiement du prix ne s'est pas réalisée ;
Attendu, en l'occurrence, qu'il n'est pas contestable que, suite au jugement rendu le 21 décembre 2009 par le tribunal d'instance de SAINT-POL-SUR-TERNOISE, Madame [O] [G] a pu bénéficier d'une procédure de rétablissement personnel, laquelle a été clôturée pour insuffisance d'actif de sorte que les dettes déclarées dans ce cadre sont aujourd'hui effacées, c'est-à-dire que les créanciers au nombre desquels se trouve la société CREDIPAR ne peuvent plus poursuivre la débitrice en vue de leur règlement ;
Que, pour autant, cette circonstance est indifférente quant à la faculté pour le créancier subrogé dans les droits du vendeur et bénéficiant d'une clause de réserve de propriété de revendiquer le bien pour le financement de l'acquisition duquel un concours a été sollicité ;
Qu'il faut en effet faire le constat que Madame [G], bien que n'étant plus débitrice de la société CREDIPAR, n'a pas intégralement réglé le prix du véhicule qu'elle détient et qui n'a par définition jamais été sa propriété, celle-ci restant acquise à la société subrogée dans les droits du vendeur ;
Qu'en conclusion, c'est à raison que le premier juge a favorablement accueilli la demande de la société CREDIPAR tendant à l'autoriser à appréhender le véhicule CITROËN détenu par la défenderesse, le cas échéant à le faire saisir par déclaration en Préfecture s'il s'avérait introuvable ;
Qu'en effet, Madame [G], qui justifie jusqu'au 1er avril 2008 de sa qualité de travailleur handicapé classé en catégorie 2 par la C.O.T.O.R.E.P., ne démontre pas le caractère actuellement indispensable du véhicule litigieux ;
Que le jugement déféré sera donc confirmé en ses dispositions autorisant l'appréhension voire la saisie du véhicule revendiqué par la société CREDIPAR ;
Sur les dommages et intérêts
Attendu qu'un véhicule constituant par essence un bien à dévalorisation rapide, c'est de manière pertinente que le tribunal d'instance a entendu indemniser le préjudice engendré par la perte de valeur du bien revendiqué en vain depuis la sommation de restituer du 21 avril 2010 ;
Que toutefois la résistance opposée par Madame [O] [G] n'a pu qu'amplifier cette perte de valeur et accroître d'autant le préjudice du propriétaire légitime du bien, ce qui commande de porter à 1.000 euros de dommages et intérêts l'indemnité arrêtée par le premier juge à 500 euros ;
Qu'il y a donc lieu de réformer de ce chef la décision entreprise ;
Sur les frais irrépétibles
Attendu que si l'équité justifie l'indemnité de procédure arrêtée par le premier juge en faveur de la société CREDIPAR, la décision déférée devant à ce titre être confirmée, cette même considération commande en cause d'appel de fixer au profit du même créancier une indemnité pour frais irrépétibles de 500 euros ;
***
PAR CES MOTIFS ;
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf celles relatives à la condamnation de Madame [G] au paiement de dommages et intérêts ;
Réformant dans cette limite,
Condamne Madame [O] [G] à payer à la S.A. CREDIPAR à titre de dommages et intérêts la somme de 1.000 euros ;
Y ajoutant,
Condamne Madame [G] à verser en cause d'appel à la société CREDIPAR une indemnité de procédure de 500 euros ;
Condamne Madame [O] [G] aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de la S.C.P. d'avoués CARLIER-REGNIER.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
A. DESBUISSONSP. CHARBONNIER