République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 22/02/2012
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N° de MINUTE :
N° RG : 11/04884
Jugement (N° 11/2950)
rendu le 24 Juin 2011
par le Tribunal de Grande Instance de LILLE
REF : MZ/AMD
APPELANTS
SARL SOCIETE TIFLO
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 13]
représentée par ses dirigeants légaux
Monsieur [W] [O]
né le [Date naissance 4] 1956 à [Localité 12]
Madame [C] [E] épouse [O]
née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 15]
demeurant [Adresse 8]
[Localité 6]
Représentés par la SCP LEVASSEUR CASTILLE LEVASSEUR, avoués à la Cour
Assistés de Maître Guy SIX, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉS
Monsieur [R] [K]
né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 14]
demeurant [Adresse 10]
[Localité 7]
Représenté par la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avoués à la Cour
Assisté de Maître Philippe TALLEUX, avocat au barreau de LILLE
SARL CABINET MARTINOT
ayant son siège social [Adresse 11]
[Localité 7]
représentée par ses dirigeants légaux
Représentée par la SCP CARLIER REGNIER, avoués à la Cour
Assistée de Maître Alain DEMARCQ, avocat au barreau de LILLE
SCI DU 15 FDB prise en la personne de son co-gérant SARL ADH IMMO dont le siège est [Adresse 9],
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 5]
[Localité 7]
Représentée par la SCP THERY LAURENT, avoués à la Cour
Assistée de Maître Jean-François PERREAU, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS à l'audience publique du 12 Décembre 2011 tenue par Dominique DUPERRIER et Bruno POUPET magistrats chargés d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, ont entendu les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine POPEK
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Martine ZENATI, Président de chambre
Dominique DUPERRIER, Conseiller
Bruno POUPET, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 Février 2012 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Martine ZENATI, Président et Claudine POPEK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 décembre 2011
***
Vu le jugement rendu le 24 juin 2011 par le tribunal de grande instance de Lille, qui a :
- débouté la société [V] de sa demande en nullité de l'acte de vente du fonds de commerce conclue le 13 octobre 2008 et de toutes les autres demandes qui en découlent,
- condamné Monsieur [K] à payer à la sarl [V] la somme de 37.679,98 € sur le fondement des engagements contractuels contenus dans l'acte du 13 octobre 2008,
- débouté Monsieur et Madame [O] de leurs demandes,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la sarl [V] et Monsieur et Madame [O] à payer à Monsieur [K], au cabinet Martinot, à la sci du 15FDB la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'appel régulièrement interjeté par La sarl [V], [W] [O] et son épouse née [C] [E],
Vu les conclusions récapitulatives déposées le 5 décembre 2011 par les appelants,
Vu les conclusions déposées le 26 octobre 2011 par la sarl Cabinet Martinot,
Vu les conclusions déposées le 8 décembre 2011 par la sci du 15 FDB,
Vu les conclusions déposées le 9 décembre 2011 par [R] [K],
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 12 décembre 2011.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que [R] [K] a cédé selon acte sous seing privé dressé par le cabinet Martinot, agent immobilier, en date du 13 octobre 2008 à la sarl [V], constituée des époux [O], un fonds de commerce de bar restaurant situé à [Localité 13] exploité sous l'enseigne 'L'Atelier'; que la cession du bail commercial autorisée par la sci 15 FDB, bailleur, est intervenue le même jour ;
Attendu que la sarl [V] et les époux [O] ont saisi le tribunal de grande instance de Lille aux fins de voir prononcer la nullité de la cession du fonds de commerce et par voie de conséquence de la cession du droit au bail, pour vice du consentement, invoquant la réticence dolosive du vendeur qui n'aurait pas indiqué que l'établissement ne disposait pas d'un avis favorable de la commission de sécurité, et d'obtenir réparation, tant par le vendeur que par le bailleur et l'agent immobilier, attraits dans la cause, des préjudices qui en seraient résultés tant pour la société acquéreur que pour les associés, demandes dont ils ont été déboutés par le jugement qu'ils critiquent ;
Attendu que les appelants soutiennent que le vendeur aurait commis à l'égard de la sarl [V], acquéreur, une réticence dolosive portant sur l'absence d'autorisation d'exploiter le fonds de commerce cédé constitutif d'un dol ayant vicié son consentement ;
Attendu que l'acte de cession litigieux stipule les conditions particulières suivantes :
'SUR LA SITUATION GENERALE DU FONDS :
Le cédant déclare que rien dans la situation du fonds ou sa capacité juridique n'est susceptible de constituer un obstacle à la libre transmission du fonds.
.......
Qu'il n'existe aucune interdiction judiciaire ou autres tendant à paralyser totalement ou partiellement l'exploitation du fonds ou sa cession.
Que toutes les installations dudit fonds de commerce sont en bon état de fonctionnement (distribution d'eau, de gaz, d'électricité, et chauffage et de téléphone) qu'elles sont toutes régulièrement installées et répondent, à sa connaissance, aux normes d'hygiène et de sécurité en vigueur, et à ce jour, aucune notification des bailleurs ou d'une administration quelconque ou d'un tiers lui enjoignant d'effectuer des travaux ou de mettre des installations, agencements ou appareils en état de conformité, normes d'hygiène, de sécurité, de salubrité et d'acoustique ne lui a été adressée. S'il n'en était pas ainsi, il s'engage à supporter le coût de cette mise aux normes.
SUR L'URBANISME
.........
- Qu'il n'a fait l'objet d'aucune injonction, ni d'aucune procédure l'obligeant à effectuer quelques travaux de quelque nature que ce soit, relativement aux normes qu'elles soient d'hygiène, de sécurité, ou d'acoustique.
S'il n'en était pas ainsi, il s'engage à supporter le coût de cette mise aux normes.' ;
Attendu qu'il ressort des pièces produites aux débats que, lors de son entrée dans les lieux, le bail commercial à usage de café - bar - restaurant - salon de thé consenti par la sci du 15 FDB datant du 15 mai 2004, [R] [K] a adressé à la ville de [Localité 13] un dossier concernant l'aménagement du local ; que ce dossier étant incomplet, l'architecte de la ville l'informait par courrier du 24 août 2004 que la commission de sécurité incendie ne pouvait être saisie pour étude ; que l'exploitant n'a pas fait diligence de sorte que par courrier du 26 juillet 2006 la ville lui rappelait qu'elle n'était pas en mesure 'd'acter de l'existence de l'établissement officiellement' auprès de la sous-commission départementale de sécurité incendie qui, en cas de contrôle, ne manquerait pas de délivrer un avis défavorable quant à son exploitation ; que le 3 janvier 2007 (et non 2006 comme indiqué par erreur sur le document) le maire de la ville de [Localité 13] lui notifiait l'extrait du procès-verbal de la réunion de la sous-commission départementale pour la sécurité les risques d'incendie et de panique dans les ERP tenue le 19 décembre 2006, concluant à ce qu'aucun avis n'avait pu être formulé, 'le dossier étant incomplet' ;
Attendu que postérieurement à la cession du fonds, la société Socotec a procédé le 15 juin 2009 à une vérification portant notamment sur le respect du règlement de sécurité concernant les établissements recevant du public (ERP) relevant certaines non conformités des installations électriques ; que par courrier du 21 octobre 2009 la sarl [V] demandait à son vendeur, dans le respect de ses engagements de supporter le coût d'une éventuelle mise aux normes, de lui verser la somme de 34.689,98 € correspondant au coût de la mise aux normes de sécurité telle qu'évalué par la société C3D, son maître d'oeuvre ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que, si [R] [K] pouvait affirmer dans l'acte de cession qu'il ne faisait l'objet d'aucune injonction, ni d'aucune procédure l'obligeant à effectuer des travaux de remise aux normes d'hygiène, de sécurité ou d'acoustique, paralysant totalement ou partiellement l'exploitation, il ne pouvait par contre affirmer que les installations répondaient à sa connaissance aux normes d'hygiène et de sécurité en vigueur, dès lors qu'il n'avait pas répondu aux demandes réitérées de la ville de [Localité 13] de compléter le dossier qui devait être soumis à la commission de sécurité incendie pour avis ;
Attendu néanmoins que la volonté des parties à l'acte de cession a été clairement exprimée et réitérée aux termes des clauses sus rappelées, de faire supporter par le vendeur la charge des mises aux normes dans l'hypothèse où les installations n'y répondaient pas ; que dès lors qu'il ressort des pièces versées aux débats que ces mises aux normes sont réalisables et de nature à permettre à la commission compétente d'émettre un avis favorable, la sarl [V] ne peut soutenir que son vendeur aurait recélé des informations qui, si elle les avait connues, l'aurait empêché de contracter, la régularisation d'une telle situation ayant été prévue par les parties ; qu'au surplus, le manquement à une obligation précontractuelle d'information ne peut suffire à caractériser le dol par réticence si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement qui ne peut être retenue dès lors que le vendeur s'est engagé contractuellement à réparer un éventuel manquement à son obligation d'informer;
Attendu dans ces conditions que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la sarl [V] de sa demande de nullité de l'acte de cession intervenu le13 octobre 2008 ; que par voie de conséquence, elle sera déboutée de sa demande tendant à voir prononcer la nullité subséquente de la cession du droit au bail consentie le même jour, ainsi qu'à obtenir les restitutions de prix, taxes, frais, honoraires et accessoires ; que pour ce même motif, les époux [O], associés de la sarl [V], ne peuvent prétendre avoir subi un préjudice financier et moral causé par la nullité de ces actes ;
Attendu que la faute imputée au Cabinet Martinot, rédacteur de l'acte de cession du fonds de commerce, consistant à ne pas avoir veillé à sa validité et à son efficacité, n'est pas caractérisée dès lors que le vice du consentement de l'acquéreur n'étant pas retenu, la validité de l'acte ne peut être mise en cause ; que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il déboute la sarl [V] ainsi que les époux [O] des demandes formées à son encontre ; que pour ce même motif les demandes formées à l'encontre du bailleur, la sci du 15 FDB, en relation de causalité avec la validité de l'acte de cession ne peuvent prospérer ; que l'appel en garantie formée par [R] [K] à l'encontre de cette dernière devient sans objet ;
Attendu qu'à titre subsidiaire la sarl [V] demande réparation et produit aux débats 3 devis d'entreprise :
- le devis de la société C3D relatif aux mises aux normes selon le contrôle établi par la société Socotec le 15 juin 2009 pour le montant de 34.689,98 € ttc,
- un devis de la société PEIB du 25 janvier 2010 relatif aux levées de réserve du rapport Socotec d'un montant de 11.541,72 € ttc,
- un devis de la société C3D d'un montant de 66.306,75 € ttc relatif à la mise aux normes de sécurité incendie et d'accessibilité des personnes handicapées ;
Attendu qu'outre le fait que ce dernier devis intègre des travaux figurant dans le premier devis dressé par cette même entreprise (mise aux normes de sécurité incendie notamment), il n'est pas explicité en quoi le second correspondrait à des 'levées de réserve' alors qu'aucune intervention sur les installations n'avaient eu lieu antérieurement ; que la cour relève au demeurant que ces trois devis sont antérieurs à l'avis émis le 5 octobre 2010 par la commission de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les ERP, que le détail des coûts des mises aux normes préconisées par cette commission n'est pas porté à sa connaissance ;
Attendu par ailleurs que, si au jour de la cession le décret du 17 mai 2006 relatif à l'accessibilité des établissements recevant du public s'appliquait au commerce cédé par [R] [K], il convient de rappeler que ses dispositions ne devenaient impératives qu'à compter du 1er janvier 2015 ; qu'au surplus les conditions particulières font référence aux normes d'hygiène et de sécurité ou d'acoustique en vigueur et aucunement à celles relatives à l'accessibilité des personnes handicapées, de sorte que ces dernières n'entrent pas dans le champ contractuel ; qu'il en résulte que la sarl [V] n'est fondée à réclamer à [R] [K] que le montant des mises aux normes visées par le rapport Socotec évaluées à la somme de 34.689,98 € ttc par le devis de la société C3D, outre les honoraires de la société Socotec pour la réalisation de son rapport, soit la somme de 2.990 €, et les honoraires de maîtrise d'oeuvre pour la seule mise aux normes de sécurité que la cour évalue à partir de la facture de la société C3D du 18 décembre 2010 à la somme de 3.000 € ; que le jugement sera infirmé sur le montant des réparations alloué ;
Attendu que si les travaux de mise aux normes excluent qu'ils soient réalisés durant les moments où l'établissement reçoit du public, la sarl [V] ne fournit aucune précision sur la durée nécessaire pour leur exécution ni sur l'obligation d'une fermeture totale, de sorte que sa demande de 40.000 € en réparation d'un perte d'exploitation n'est aucunement démontrée ; que le recours à une mesure d'expertise ne saurait pallier sa carence dans l'administration d'une telle preuve qui aurait pu l'être par une mention au devis fourni par son maître d'oeuvre ; que c'est donc à juste titre que le premier juge l'a déboutée de ce chef de demande ; que la demande de dommages et intérêts pour le 'temps passé à négocier et à instruire le dossier de mise en conformité des installations auprès de la mairie', outre le fait qu'elle ferait double emploi avec la demande formée au titre des honoraires de maîtrise d'oeuvre, n'est pas justifiée, de sorte qu'elle a été à juste titre écartée par les premiers juges ;
Attendu que la sarl [V] n'ayant pas été empêché d'exploiter son fonds, ni par l'existence de vices cachés, ni par décision administrative, la faute qu'il impute au bailleur pour avoir manqué à ses obligations d'information, de délivrance et de garantie au titre de sa jouissance paisible des lieux loués n'est pas fondée ; qu'outre la faute qu'elle impute au Cabinet Martinot en sa qualité de rédacteur de l'acte de cession du fonds de commerce, non retenue ci-dessus, la sarl [V] ne caractérise pas la faute qu'elle impute à celui-ci au soutien de sa demande de condamnation solidaire avec la sci du 15 FDB et de [R] [K] au titre des remises aux normes ; que l'appelante sera donc déboutée de ses demandes de ce chef à l'encontre de ces deux intimés ; qu'aucune faute n'étant retenue à leur encontre sa demande de condamnation à des dommages et intérêts n'est pas davantage fondée ;
Attendu que la cour relève que dès le courrier recommandé adressé le 21 octobre 2009 par le conseil de la sarl [V] à [R] [K], ce dernier s'est proposé pour assister aux réunions en présence des services de la ville de [Localité 13] et du bureau de contrôle choisi par son acquéreur et a fait dresser un devis par les entreprises Lerouge et Cap'Tech dont les évaluations avoisinent celles de la société C3D retenues ci-dessus ; que si la situation n'a pas évolué plus rapidement c'est en raison de l'exigence de la sarl [V] au titre de la mise en conformité relative à l'accessibilité des lieux aux personnes à mobilité réduite, aux frais de son vendeur, demande non pertinente et non retenue, de sorte que l'appelante de même que les époux [O] ne peuvent prétendre à l'allocation de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Attendu que l'équité commande de faire bénéficier le Cabinet Martinot et la sci du 15 FDB des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; que [R] [K], qui est condamné au paiement pour partie des remises aux normes ne saurait y prétendre ni en première instance ni en cause d'appel ; que la sarl [V] et les époux [O] qui succombent partiellement en première instance et intégralement en cause d'appel ne sauraient bénéficier desdites dispositions ;
Attendu que la sci du 15 FDB ne démontrent ni la faute constitutive d'un abus de droit ni le préjudice dont elle demande réparation au soutien de ses demandes de dommages et intérêts formées tant à l'encontre des appelants que de [R] [K], de sorte qu'elle sera déboutée de cette demande.
PAR CES MOTIFS
Infirme partiellement le jugement entrepris,
Statuant à nouveau du seul chef infirmé,
Condamne [R] [K] à verser à la sarl [V] la somme de 34.689,98 € ttc au titre des mises aux normes de sécurité du fonds de commerce cédé le 13 octobre 2008, et celle de 5.990 € au titre des honoraires des sociétés Socotec et C3D,
Déboute [R] [K] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Confirme le jugement sur le surplus de ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne in solidum la sarl [V], [W] [O] et son épouse née [C] [E] à verser à la sci du 15 FDB et à la sarl Cabinet Martinot, la somme de 1.500 € à chacun d'entre eux en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires,
Condamne in solidum la sarl [V], [W] [O] et son épouse née [C] [E] d'une part, [R] [K] d'autre part, chaque partie pour moitié, aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier,Le Président,
Claudine POPEK.Martine ZENATI.