République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 14/06/2012
***
N° de MINUTE :
JONCTION :
N° RG : 11/02364
N° RG : 11/04106
Jugement (N° 08/01630)
rendu le 09 Mars 2011
par le Tribunal de Grande Instance d'ARRAS
REF : FB/AMD
APPELANT
Monsieur [O] [M]
né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Maître Brigitte VANDENDAELE de la SCP CONGOS VANDENDAELE, avocats au barreau de DOUAI constituée aux lieu et place de la SCP COCHEME LABADIE COQUERELLE, anciens avoués
Assisté de Maître Etienne CHEVALIER, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE
[N] [P] [M] SCM
ayant son siège social [Adresse 17]
[Localité 7]
Déclaration d'appel signifiée à personne habilitée le 5/5/11 - N'ayant pas constituée avocat
Monsieur [B] [P]
né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 19]
demeurant [Adresse 5]
[Localité 7]
Représenté par Maître Philippe QUIGNON, avocat au barreau de DOUAI, ancien avoué
Assisté de Maître HULLIN, avocat substituant Maître LUCAS BALOUP, avocat au barreau de PARIS
INTERVENANTE VOLONTAIRE
Madame [G] [N]
née le [Date naissance 4] 1944 à [Localité 18]
demeurant [Adresse 17]
[Localité 7]
Représentée par Maître Bernard FRANCHI de la SCP FRANCOIS DELEFORGE-BERNARD FRANCHI, avocats au barreau de DOUAI, anciens avoués
Assistée de Maître MASSE, avocat substituant Maître DRUESNE, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Martine ZENATI, Président de chambre
Fabienne BONNEMAISON, Conseiller
Dominique DUPERRIER, Conseiller
---------------------
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine POPEK
DÉBATS à l'audience publique du 02 Avril 2012 après rapport oral de l'affaire par Fabienne BONNEMAISON
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2012 après prorogation du délibéré en date du 06 Juin 2012 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Martine ZENATI, Président, et Claudine POPEK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 02 avril 2012
***
Par jugement du 9 Mars 2011, le Tribunal de Grande Instance d'ARRAS a constaté la régularité du retrait de Mr [O] [M] de la société civile de moyens des docteurs [N], [P] et [M], fixé au 30 Juin 2008 la date de ce retrait, condamné Mr [P] à racheter les parts de Mr [M] évaluées à dire d'expert, renvoyant Mr [M] à mieux se pourvoir pour la réalisation de l'expertise, donné acte à la SCM [N]- [P]-[M] du paiement des charges à hauteur de 8908€, condamné Mr [M] à lui verser une somme de 325.69€ au titre des intérêts échus entre le 30 Juin 2008 et 10 Juillet 2009 et à Mr [P] une somme de 166 034.94€ avec intérêts au taux légal à compter du 30 Juin 2008 au titre de l'indemnité de rupture, débouté les parties du surplus de leurs demandes et laissé à chacune d'elles la charge de ses dépens.
Mr [M] a relevé appel de ce jugement le 4 Avril 2011 à l'encontre de la SCM [N]- [P]-[M] (affaire inscrite sous le n° 11/2364) et le 10 Juin 2011 l'encontre de Mr [P] (affaire n° 11/4106).
Mr [M] a déposé respectivement les 29 Décembre 2011 (affaire n° 2364) et 26 Mars 2012 (affaire n° 4106) des conclusions tendant à voir, au visa des statuts, des articles 1131, 1845 et suivants du code civil :
-déclarer son appel recevable et fondé
-ordonner la jonction des deux appels
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il constate la régularité de son retrait, en fixe la date au 30 Juin 2008, condamne Mr [P] au rachat de ses parts, évaluées à dire d'expert et déboute la SCM [N]-[P]-[M] de sa demande reconventionnelle
- s'agissant des demandes de Mr [P], qualifier la clause invoquée de clause pénale, débouter Mr [P] de sa demande d'indemnités faute de qualité à agir, sinon réduire de moitié les sommes réclamées, constater la caducité de la convention ou sa nullité par disparition de son objet, prononcer la nullité de la clause en ce qu'elle contrevient à la liberté d'établissement et d'exercice de la profession de chirurgien dentiste et repose en tout état de cause sur une cause illicite et fausse
- subsidiairement constater le retrait du Dr [N], réduire à l'euro symbolique les dommages et intérêts réclamés au regard des sommes déjà versées et de l'absence de préjudice subi par l'associé restant
-condamner in solidum la SCM et Mr [P] au paiement d'une indemnité de procédure de 15 000€.
- s'agissant des demandes de Mme [N], déclarer celles-ci irrecevable en ses demandes en application de articles 554 et 564 du code de procédure civile sinon la débouter.
Au terme de conclusions déposées le 6 Septembre 2011 (affaire n° 2364) et 20 Mars 2012 (affaire n° 4106), Mr [P] sollicite:
-le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de l'incident en cours sinon l'irrecevabilité des demandes de Mr [M]
-la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il déboute Mr [P] de sa demande de dommages et intérêts
-la condamnation de Mr [M] à lui verser de ce chef une somme de 10 000€ outre une indemnité de procédure de 15 000€.
Suivant conclusions déposées le 29 Février 2012 (pour les deux affaires), Mme [N] demande à la Cour au visa des articles 554 du code de procédure civile, 1134 et suivants du code civil et 18-2 des Statuts, de dire recevable son intervention volontaire en cause d'appel, de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mr [M] au versement de l'indemnité de rupture et d'en affecter la moitié à Mme [N] , de condamner par suite Mr [M] à lui verser une somme de 83 017.47€ avec intérêts au taux légal à compter du 30 Juin 2008 outre une indemnité de procédure de 500€, sinon de donner acte à Mr [P] de ce qu'il reconnaît son droit à une quote-part du tiers de cette indemnité et de condamner Mr [M] à lui verser une somme de 55 344.98€ augmentée des mêmes intérêts.
La SCM [N]- [P]-[M] (ci-après désignée la SCM) n'a pas constitué avoué quoiqu'assignée le 5 Mai 2011.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 Avril 2012.
SUR CE
Il convient, à titre liminaire, d'ordonner la jonction des deux instances précitées, étant rappelé que par ordonnance d'incident du 22 Novembre 2011, le conseiller de la mise en état a déclaré recevable l'appel interjeté par Mr [M] à l'encontre de Mr [P] , ce qui rend sans objet la demande de sursis à statuer formée de ce chef par ce dernier.
Sur le fond:
Il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties au jugement entrepris duquel il résulte essentiellement que Mr [M], chirurgien -dentiste, a intégré le 1er Avril 1992, par l'acquisition de 15 parts sociales, la société civile de moyens créée en 1987 par ses confrères [P] et [N] dont la dénomination sociale comme les Statuts ont été modifiés à cet effet, une convention étant signée le même jour par les trois praticiens afin notamment de définir les conditions d'exercice en commun de leur profession dans un immeuble sis [Adresse 17] ainsi qu'un règlement intérieur; que prétextant l'opposition de ses associés à son retrait de la SCM notifié le 16 Décembre 2007 pour le 30 Juin 2008, Mr [M] a saisi le Tribunal pour entendre constater la régularité de ce retrait que la SCM a contestée, Mr [P] étant intervenu volontairement aux débats en sa qualité d'associé afin notamment d'obtenir le paiement de l' indemnité de rupture prévue à la convention d'exercice en commun.
C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement dont appel qui a admis la régularité du retrait de Mr [M] avec toutes conséquences de droit et fait droit à la demande d'indemnité de Mr [P]
Sur le retrait de Mr [M] de la SCM :
La Cour constate que la régularité du retrait notifié par Mr [M] le 16 Décembre 2007, contestée par la SCM en première instance, et admise par le Tribunal à effet du 30 Juin 2008 sur le fondement combiné des articles 18-1 et 23 de la convention d'exercice en commun et de l'article 14 des Statuts, n'est plus critiquée en cause d'appel en sorte que le jugement doit être confirmé de ce chef.
Les conséquences:
Rappelant qu'au terme des conventions passées, le retrait d'un associé obligeait les associés 'restants' à racheter les parts de Mr [M] dans la SCM et que Mr [P] restait le seul associé de cette dernière compte-tenu du départ en retraite de Mme [N], le Tribunal a renvoyé Mr [M] à se conformer aux dispositions de l'article 1843-4 du code civil relative à la désignation d'un expert pour établir la valeur de rachat de ses parts.
Mr [P] estime cette expertise inutile à défaut de désaccord de Mr [M] sur l'estimation proposée .
Les conclusions de Mr [M] tendant à la confirmation du jugement de ce chef et le défaut d'approbation non équivoque de l'intéressé sur l'évaluation proposée imposent toutefois la confirmation du jugement quant au renvoi des parties à l'application des dispositions légales précitées, le jugement étant de même confirmé de ce chef.
Sur la contribution de Mr [M] au paiement des charges de la SCM :
Le Tribunal a estimé fondée la demande de paiement formée par la SCM au titre de la contribution de Mr [M] au paiement des charges communes et, prenant acte du versement opéré en cours d'instance, a condamné Mr [M] au paiement des intérêts de retard échus du 30 Juin 2008 au 10 Juillet 2009.
Mr [M] conteste le jugement de ce chef au motif qu'il ne peut être tenu de contribuer au paiement de charges après expiration du préavis, à défaut d'une quelconque contrepartie.
La Cour relève que le Tribunal a constaté que la contribution sollicitée correspondait au compte courant débiteur de Mr [M] pour les six mois précédant son départ ce dont il se déduit qu'il s'agissait de charges antérieures à son retrait.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef en ce compris s'agissant des intérêts de retard.
Sur l'indemnité de rupture:
Rappelant les termes de l'article 18-2 de la convention d'exercice en commun organisant les conséquences financières du retrait d'un associé, selon que celui-ci se réinstalle ou non dans un rayon de dix kilomètres du cabinet, et analysant celle-ci en une clause de dédit, le Tribunal a estimé Mr [M] redevable de cette indemnité du rupture par suite de son installation dans le périmètre précité et chiffré celle-ci à 166 034.94€.
Mr [M], qui estime Mr [P] irrecevable à agir seul dès lors que la clause dont s'agit avait pour objet de défendre les intérêts indissociables des deux associés et que Mr [P] restait seul au jour de son retrait, la convention liant les parties étant devenue caduque par suite du départ en retraite de Mme [N], soutient que, sous couvert d'avantages d'exercice en groupe, la clause litigieuse instaure de fait une cession forcée de patientèle et une clause de non concurrence, nulle parce que fondée sur une cause illicite et fausse, dès lors qu'elle ne protège aucun intérêt légitime puisque chaque praticien dispose de sa propre patientèle.
Il soutient encore que cette clause, ouvrant droit à une indemnité à défaut de présentation de la patientèle du retrayant ou d'un successeur, tend en réalité à sanctionner une réinstallation à proximité sans contrepartie financière et s'analyse donc en une clause pénale.
Il ajoute qu'une telle indemnité n'est la contrepartie d'aucun préjudice subi par l'associé restant dans la mesure où Mr [P] n'exerce pas l'activité d'implantologie développée par Mr [M], seul spécialiste en ce domaine dans la région, et où il a tiré profit de son retrait puisqu'il a conservé la patientèle de ses deux ex-associés et a pu se maintenir dans les locaux de la [Adresse 17].
Il conclut, dès lors, à la nullité d'une clause pénale attentatoire au principe de la liberté d'installation et dépourvue de cause, sinon à sa réduction à l'euro symbolique.
Mr [P] estime, quant à lui, que la clause litigieuse assortissant la faculté de retrait d'un associé du versement d'une indemnité n'a pas pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation mais bien d'aménager les conséquences de la rupture de sorte qu'elle s'analyse, non en une clause pénale, mais en une clause de dédit, exclusive d'une réduction.
Il conteste, de même, la qualification de clause de non réinstallation invoquée par Mr [M] et sa prétendue nullité à raison de non conformité aux objectifs sociaux et s'insurge contre l'argumentaire de Mr [M] tendant à établir qu'il aurait été contraint de quitter l'association ou encore que l'indemnité sollicitée ne serait la contrepartie d'aucun préjudice.
La Cour rappelle que les parties ont signé le 1er Avril 1992 une convention au terme de laquelle les docteurs [N] et [P] s'engageaient à permettre à Mr [M] d'exercer, en toute indépendance, sa profession au sein des locaux qu'ils occupaient à [Localité 7], de s'associer à parts égales dans la SCM constituée par eux en 1987 et de bénéficier de la clientèle du cabinet (sans cession du droit de présentation de la clientèle) moyennant paiement d'une somme de 356 000 francs.
Ont été signés le même jour les nouveaux Statuts de la SCM constituée entre les trois praticiens et le Règlement Intérieur portant répartition des charges et frais, étant précisé que la convention susvisée établissait une interdépendance entre la SCM et la convention d'association en sorte que le départ d'un associé pour quelque motif que ce soit de cette dernière emportait l'obligation corrélative de céder les parts de la SCM.
Cette convention autorisait le retrait volontaire d'un associé moyennant respect d'un préavis de six mois et en aménageait les conséquences de la manière suivante:
-si le retrayant décidait de se réinstaller dans un rayon de dix kilomètres à vol d'oiseau du cabinet, il s'obligeait au versement d'une indemnité égale à deux mois d'honoraires des trois associés réunis (calculés sur la moyenne des trois dernières années)
-si le retrayant optait pour une installation hors de ce périmètre et s'engageait à ne pas y revenir pendant cinq années consécutives, ces associés restants qui auraient fait le choix de lui succéder personnellement ou auraient refusé les successeurs présentés par le retrayant, sinon le successeur choisi, lui étaient redevables d'une indemnité égale à la moitié de la moyenne des recettes brutes annuelles perçues par lui sur les trois dernières années, la seule exception prévue à ce versement étant l'hypothèse d'une carence du retrayant qui n'aurait pas fait 'l'effort' de présenter trois candidats à sa succession.
La convention ne formulait donc pas d'interdiction d'installation à proximité du cabinet dont l'indemnité substantielle prévue viendrait sanctionner le non respect, mais instaurait, moyennant contrepartie financière, la faculté discrétionnaire, pour tout associé, de quitter une association créée pour une durée indéterminée, de s'implanter à proximité ou non du cabinet dans lequel les trois praticiens exerçaient leur art, de présenter ou non un successeur et, pour les associés restants, d'agréer ou non les successeurs présentés, d'intégrer un nouvel associé ou de rester seuls.
Les indemnités forfaitaires prévues, contrepartie de cette liberté 'encadrée' des associés, avaient à l'évidence pour but de protéger les intérêts légitimes en présence: -ceux des associés restés dans la SCM (situation qui aurait pu être celle de Mr [M]) confrontés au déséquilibre créé par le départ d'un associé (que ce soit en terme de répartition des charges, de complémentarité entre associés pour les remplacements, urgences etc.., étant rappelé que pour pouvoir accueillir Mr [M] la SCM avait engagé plus de 190 000 francs d'investissements qu'il fallait amortir) et exposés à une installation dont la proximité était susceptible d'avoir un impact sur leur propre patientèle,
- ceux du retrayant, qu'un éloignement géographique conséquent exposait de même à un risque de perte de patientèle.
La Cour estime donc non fondée l'analyse de Mr [M] selon laquelle la clause litigieuse instaurait en réalité une interdiction d'installation à proximité assortie d'une sanction financière, attentatoires au principe de la liberté de s'établir, et serait nulle pour fausse cause ou cause illicite, étant de surcroît observé d'une part que l'indemnité forfaitaire réclamée a été acceptée par Mr [M] en 1992 en pleine connaissance de la situation d'un cabinet dentaire dans lequel il travaillait depuis deux ans comme collaborateur salarié, d'autre part que Mr [M] ne rapporte pas la preuve de la prétendue nécessité impérieuse de déménagement auquel l'aurait acculé la passivité, voire la résistance de ses associés à tout changement alors que divers investissements avaient été réalisés au cours des années précédant son départ et que Mme [N] avait proposé la mise à disposition d'un terrain de quelques 900m² situé en face du cabinet pour répondre à son souhait de disposer d'un espace professionnel plus vaste et mieux adapté que celui dont bénéficiait la SCM dans une partie de l'immeuble d'habitation de Mme [N].
Il est, par ailleurs, inexact de soutenir que le choix de Mr [M] de se spécialiser depuis quelques années en implantologie, spécialité que n'exercent pas ses ex-associés, excluait tout risque de concurrence et donc de préjudice en sorte que l'indemnité prévue serait exorbitante lorsque les pièces communiquées révèlent que l'intéressé a créé, à deux kilomètres du cabinet de la SCM, des locaux pouvant accueillir cinq chirurgiens-dentistes, et que Mr [P] démontre, par la production de ses bilans comptables, l'accroissement de ses charges lié au départ Mr [M] en Juin 2008, aggravé par celui de Mme [N] en Décembre 2009 (ses dépenses totales ont été de 165000€ en 2007, 170 000€ en 2008, 177 000€ en 2009) lorsque corrélativement ses recettes diminuaient (311 000€ en 2007, 272 000€ en 2008, 260 000€ en 2009) en sorte que son bénéfice net est passé de 146 000€ au 31 Décembre 2007 à 83 000€ au 31 Décembre 2009, ce qui nuit à l'évidence à l'attractivité du cabinet à l'égard d'un éventuel candidat à une nouvelle association.
Le jugement sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il déclare Mr [M] redevable, en contrepartie de son choix de se réinstaller à proximité immédiate du cabinet de ses anciens confrères, de l'indemnité de rupture prévue à la convention dont le chiffrage à 166 034€ n'est pas sujet à contestation.
S'agissant des intérêts de retard:
Le Tribunal a, en application de l'article 1153-1 alinéa 1 du code civil, fait courir les intérêts de retard à compter du 30 Juin 2008, date à laquelle est né selon lui le préjudice que cette indemnité avait pour objet de réparer.
La Cour relève toutefois que la convention des parties stipulait l'indemnité de rupture payable pour moitié au jour où elle serait exigible et le solde en trois fractions semestrielles égales, exigibles à intervalles de six mois, ces sommes payables à terme produisant intérêts au taux des avances sur titres de la Banque de France.
La convention ( article 21) précisait encore que l'indemnité serait considérée comme exigible une fois écoulé le délai d'un mois suivant sa fixation amiable ou par voie d'expertise.
Compte-tenu du litige opposant les parties, cette évaluation est intervenue dans le cadre de la présente instance judiciaire et procède de l'estimation qu'en a faite le Tribunal.
La Cour estime, dès lors, que les intérêts, calculés au taux prévu par la convention, sont dûs à compter du jugement.
Le jugement sera par suite réformé de ce chef.
Sur l'intervention de Mme [N] :
Au motif qu'elle n'avait eu connaissance de cette instance qu'en Septembre 2011, Mme [N] est intervenue en cause d'appel afin d'obtenir le versement de sa part sur cette indemnité.
Mr [P] le conteste qui affirme que l'intéressée, cogérante de la SCM , a toujours été informée de cette procédure et ajoute que celle-ci ne peut prétendre à la moitié de l'indemnité précitée lorsqu'elle n'a continué à exercer son activité au sein de la SCM que jusqu'au 31 Décembre 2009 date de son départ en retraite en sorte que sa quote-part doit être inférieure au tiers de l'indemnité.
Mr [M] invoque quant à lui l'irrecevabilité de cette demande par application des articles 554 et 564 du code de procédure civile sinon conclut au débouté.
Peuvent intervenir en cause d'appel, selon l'article 554 du code de procédure civile, les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.
Le fait que Mme [N] ait eu connaissance voire ait été directement intéressée à l'instance pendante devant le Tribunal en sa qualité de cogérante représentant la SCM assignée par Mr [M] n'exclut pas son intervention à titre personnel en cause d'appel pour entendre reconnaître ses droits sur l'indemnité de rupture découlant du retrait de Mr [M], objet du litige opposant Mr [M] à Mr [P] devant les premiers juges, en sorte que son intervention doit être déclarée recevable.
Mme [N] fait à raison valoir que, selon la convention des parties, l'indemnité de rupture est due par le retrayant aux patriciens restants, cette qualité devant s'apprécier au jour où le retrait prend effet soit en l'espèce le 30 Juin 2008, date à laquelle elle exerçait encore son activité [Adresse 17] et était membre de la SCM de sorte qu'elle est fondée à solliciter l'attribution de la moitié de l'indemnité forfaitaire mise à la charge de Mr [M], aucune clause conventionnelle n'autorisant une répartition inégale entre associés en fonction de leurs préjudices respectifs.
Sur les demandes accessoires :
* Le droit pour Mr [M] de contester en justice l'exigibilité de l'indemnité de rupture de même que son droit de relever appel du jugement de condamnation prononcé à son encontre n'ont pas dégénéré en abus.
La demande de dommages et intérêts de Mr [P] sera rejetée.
* L'équité commande, par contre, de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mr [P] et de Mme [N] suivant modalités prévues au dispositif.
* Mr [M] succombe pour l'essentiel dans ses prétentions.
Il sera condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
Ordonne la jonction des instance inscrites sous les n°11/4106 et 11/2364.
Constate que par ordonnance du 22 Novembre 2011, le conseiller de la mise en état a déclaré recevable l'appel interjeté par Mr [M] à l'encontre de Mr [P].
Dit en conséquence sans objet la demande de sursis à statuer formulée par Mr [P].
Déclare recevable en cause d'appel l'intervention volontaire de Mme [N].
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions excepté en ce qui concerne les intérêts de retard dûs sur l'indemnité de rupture et en ce qu'il attribue celle-ci à Mr [P] exclusivement.
Statuant à nouveau de ces chefs:
Dit que l'indemnité de rupture dûe par Mr [M] produira intérêts au taux conventionnel à compter du 9 Mars 2011, capitalisables dans les conditions prévues à l'article 1154 du code civil.
Déclare Mme [N] fondée à obtenir la moitié de cette indemnité de rupture.
Condamne, par suite, Mr [M] à verser à Mr [P] et à Mme [N] chacun la somme de 83 017.47€ augmentée des intérêts de retard.
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
Condamne Mr [M] à verser à Mr [P] une indemnité de procédure de 3000€ et à Mme [N] une indemnité de procédure de 500€.
Condamne Mr [M] aux dépens d'appel distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier,Le Président,
Claudine POPEK.Martine ZENATI.