République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 18/12/2012
***
N° de MINUTE :
N° RG : 11/07388
Jugement (N° 2009/889)
rendu le 11 Octobre 2011
par le Tribunal de Commerce de VALENCIENNES
REF : SB/CL
APPELANTE
SAS SOGEM agissant en la personne de son représentant statutaire domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par la SCP FRANCOIS DELEFORGE-BERNARD FRANCHI (avocats au barreau de DOUAI) anciennement avoués
Assistée de Me Jean-François CORMONT (avocat au barreau de LILLE)
INTIMÉE
SAS MENISSEZ FRAIS prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 7]
[Localité 5]
Représentée par la SELARL Eric LAFORCE (avocat au barreau de DOUAI) anciennement avoué
Assistée de Me Mathieu MASSE substituant Me Aymeric DRUESNE (avocat au barreau de LILLE)
DÉBATS à l'audience publique du 06 Novembre 2012 tenue par Stéphanie BARBOT magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Patrick BIROLLEAU, Président de chambre
Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller
Stéphanie BARBOT, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2012 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Patrick BIROLLEAU, Président et Marguerite-Marie HAINAUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 septembre 2012
***
Le 4 mai 2007, la SAS MENISSEZ FRAIS, qui exerce une activité de fabrication industrielle de pains et pâtisseries à [Localité 5] (59), a commandé à la SAS SOGEM la fourniture et le montage d'un ensemble de tuyauteries et de chaufferie vapeur dans le cadre de la construction d'une nouvelle ligne de production, moyennant un coût total de 290 000 euros HT suivant offre initiale acceptée.
Estimant que demeuraient impayés des travaux supplémentaires, la SAS SOGEM a fait assigner la SAS MENISSEZ FRAIS en justice.
Aux termes d'un jugement prononcé le 11 octobre 2011, le tribunal de commerce de VALENCIENNES a :
Donné acte à la SAS MENISSEZ FRAIS de ce qu'elle a spontanément réglé la somme de 36 064,39 euros TCC,
Dit ce paiement satisfactoire,
Constaté, pour le surplus, qu'il n'existe aucun accord de la SAS MENISSEZ FRAIS,
En conséquence, dit la SAS SOGEM mal fondée en sa demande et l'en a déboutée,
Condamné la SAS SOGEM à payer à la SAS MENISSEZ FRAIS la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
condamné aux dépens.
La SAS SOGEM a interjeté appel de ladite décision suivant déclaration reçue au greffe le 31 octobre 2011.
PRETENTIONS DES PARTIES :
Selon ses dernières écritures signifiées le 31 janvier 2012, la SAS SOGEM demande à voir :
réformer la décision entreprise,
débouter la SAS MENISSEZ FRAIS de toutes ses demandes,
condamner la SAS MENISSEZ FRAIS à lui payer :
137 911,36 euros en principal, outre les intérêts au taux de l'article 441-6 du Code de commerce à compter du 3 juillet 2009 et avec capitalisation,
dont à déduire l'acompte de 36 064,39 euros versé postérieurement à l'assignation,
5 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,
4 500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
les dépens.
Elle fait valoir que la réalité des travaux supplémentaires réalisés est établie tant en nature que dans leur montant ; qu'ont été envoyés des descriptifs de travaux complémentaires dont la SAS MENISSEZ FRAIS n'a contesté ni la nature, ni le chiffrage, ni la bonne exécution ; que les pièces communiquées permettent donc de distinguer entre travaux principaux et travaux supplémentaires ; qu'un salarié atteste même que lors d'une réunion, la SAS MENISSEZ FRAIS a donné son accord sur un prix de 90 000 euros au titre des travaux supplémentaires, en promettant de régulariser un avenant qui n'est jamais intervenu ; que le calcul unilatéral effectué par la SAS MENISSEZ FRAIS n'est ni détaillé, ni étayé ; que les remises commerciales qu'elle-même avaient initialement consenties n'ont plus lieu d'être et sont caduques, en raison de l'attitude de la SAS MENISSEZ FRAIS.
¿¿¿
¿
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées 2 avril 2012, la SAS MENISSEZ FRAIS demande à la cour de :
confirmer dans sa totalité le jugement entrepris,
vu l'article 1134 du Code civil,
constater qu'elle a procédé au règlement spontané de 36 064,39 euros,
pour le surplus, constater qu'il n'existe aucun accord de sa part et en tout état de cause que les postes allégués ont déjà été réglés au titre de la commande initiale ou des commandes ultérieures,
débouter la SAS SOGEM de l'ensemble de ses prétentions,
condamner la SAS SOGEM au paiement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
condamner la même aux dépens de première instance et d'appel.
Elle prétend que la SAS SOGEM ne rapporte pas la preuve de sa créance ; qu'en effet, il n'y a pas d'accord, exprès ou tacite, de sa part aux propositions formulées par la SOGEM ; que les factures de celle-ci, documents unilatéraux, ne sont pas probantes ; que l'absence de contestation après intervention de la SAS SOGEM ne prouve pas l'acception de cette intervention, seul important le consentement du cocontractant pour que le contrat soit formé ; que l'attestation d'un salarié invoquée par la SAS SOGEM, n'est pas probante, comme émanant d'une personne soumise à un lien de subordination, violant l'interdiction de se constituer une preuve à soi-même et étant imprécise quant aux travaux réalisés ; que la demande en paiement est mal fondée, dès lors que le marché principal et les travaux complémentaires acceptés ont été payés. La SAS MENISSEZ FRAIS procède ensuite à l'analyse des travaux complémentaires allégués par la SAS SOGEM et en conclut que certains n'ont pas été faits, tandis que d'autres figuraient déjà au devis initial ou n'ont jamais été acceptés.
SUR CE,
Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que la SAS MENISSEZ FRAIS a passé une première commande auprès de la société SOGEM relativement à des travaux portant construction d'une nouvelle ligne de production, le 4 mai 2007, moyennant le prix de 290 000 euros, régulièrement payé ;
Qu'à la faveur de la réalisation du chantier initial, la SAS MENISSEZ FRAIS a verbalement commandé des travaux complémentaires, lesquels ont donné lieu à établissement de factures régulièrement payées ; qu'il en va ainsi de travaux pour l'alimentation en azote du réseau de la ' ligne premium' d'août 2007, de travaux de tuyauteries dans un local compresseur, également d'août 2007, et enfin de travaux complémentaires portant sur une ligne dite « SV11 », facturés le 25 octobre 2007 au prix de 11 856 euros HT (cf pièces n°4, 33, 34 de l'appelante) ; qu'il importe de relever que cette dernière facture, basée sur des commandes verbales faites sur site, n'a fait l'objet d'une régularisation écrite que deux mois plus tard, le 21 décembre 2007 (pièce n°6 de l'appelante), et que par bon de commande du même jour, la SAS MENISSEZ FRAIS a également régularisé les travaux, commandés verbalement et déjà exécutés, relativement aux travaux sur le réseau d'azote, la régularisation d'eau chaude sanitaire et les travaux sur le local compresseur, le tout à hauteur de la somme de 21 980 euros HT (pièce n°5 de l'intimée) ;
Qu'il a donc existé entre les parties des relations d'affaires durant plusieurs mois et au cours desquelles il existait une pratique consistant à ce que la SAS MENISSEZ FRAIS commande verbalement des travaux faisant ultérieurement l'objet de régularisations écrites de sa part ;
Qu'entre temps, la SAS SOGEM a, selon un procédé identique, envoyé à la SAS MENISSEZ FRAIS deux factures détaillées portant sur d'autres travaux complémentaires- verbalement commandés sur site est-il indiqué :
- le 20 novembre 2007, concernant des travaux complémentaires réalisés sur la « ligne Premium » fin septembre 2007, avec descriptif détaillé des travaux accomplis, moyennant le prix total de 79 069 euros HT,
- le 7 janvier 2008, descriptif relatif à des travaux complémentaires effectués sur la même ligne de production, du début du mois d'octobre 2007 au 11 décembre 2007, au prix de 36 241 euros HT ;
Que ce sont ces travaux complémentaires qui sont l'objet du désaccord entre les parties ;
Que postérieurement à l'envoi des deux descriptifs sus visés, la SAS MENISSEZ FRAIS n'a jamais contesté ces documents, que ce soit quant à la nature ou à la qualité des travaux y mentionnés,
Que pourtant, entre le mois de juillet 2008 et le mois de décembre 2008, la SAS SOGEM n'a eu de cesse de tenter d'obtenir le règlement de ces deux factures et de connaître les motifs susceptibles de s'opposer à leur paiement, ainsi qu'en attestent les nombreux courriers électroniques et les deux courriers recommandés versés aux débats par la SOGEM (cf ses pièces n°11 à 19) ; mais ce en vain, la SAS MENISSEZ FRAIS n'ayant jamais apporté de réponse écrite à ces demandes ;
Qu'en définitive, les parties sont convenues de se rencontrer afin de tenter de remédier à la situation ; qu'une réunion s'est donc tenue entre elles le 24 décembre 2008 dans les locaux de la société MENISSEZ, réunion à la suite de laquelle la SAS SOGEM a établi une facture ramenant le montant total par elle réclamé à 90 000 euros (pièce n°20 de l'appelante) ;
Que l'existence de cette réunion et le résultat de l'accord qui en est issu sont corroborés par la seule et unique réponse apportée par la SAS MENISSEZ FRAIS, suivant correspondance du 13 mai 2009 (pièce n°24 de l'appelante) ; qu'en effet, aux termes de cet écrit, la SAS MENISSEZ FRAIS écrit « Nous ne contestons pas qu'il y ait eu des travaux complémentaires de fait par rapport au devis initial » ; qu'elle indique également que « Monsieur [F] [représentant la SOGEM] avait accordé une remise de 21,94% », ce qui, après application de ce taux au montant total des factures réclamées par la SAS SOGEM, correspond exactement à la somme de 90 000 euros par elle facturée après négociations ;
Que dans ces conditions, la discussion sur la valeur probante de l'attestation d'un salarié de la SOGEM - qui n'est pas arguée de faux et émane d'une personne disposant de la capacité de témoigner en justice requise par l'article 205 du Code de procédure civile - apparaît vaine, dès lors que cette pièce ne fait que corroborer la position de la SAS MENISSEZ FRAIS telle qu'elle résulte de sa propre correspondance du 13 mai 2009 ; qu'ainsi, le témoin relate en des termes précis le contenu de la réunion du 24 décembre 2008 à laquelle il a assisté, et atteste que le représentant de la SAS MENISSEZ FRAIS, Monsieur [R], n'a jamais contesté la réalité des travaux ni remis en cause leur bonne exécution, et qu'au terme de leurs négociations, la société SOGEM avait accepté de réduire le prix total desdits travaux à 90 000 euros, tandis que Monsieur [R] - de la SAS MENISSEZ FRAIS - s'était engagé à régulariser l'avenant correspondant « dans les meilleurs délais » (pièce n°35 de l'appelante) ;
Que dans sa correspondance du 13 mai 2009, la SAS MENISSEZ FRAIS contestait le montant réclamé par la société SOGEM, pour les motifs suivants :
- elle indiquait avoir vainement demandé au chef de chantier, à l'époque des travaux, des « feuilles d'attachements » afin d'établir les bons de commande ; or, non seulement ses allégations ne sont étayées par aucune pièce justificative, mais en outre, cette pratique ne correspond pas à celle suivie antérieurement, entre les parties, concernant les travaux complémentaires non discutés et dûment honorés ;
- elle contestait le tarif horaire appliqué dans le calcul du coût des travaux complémentaires ; cependant, le taux horaire appliqué dans les descriptifs de travaux en cause correspond exactement à celui appliqué pour les travaux initiaux et complémentaires payés par la SAS MENISSEZ FRAIS ;
- enfin, elle déclarait, in fine de sa correspondance : « Nous avons refait un inventaire des travaux supplémentaires et nous arrivons à un montant de 29 318 euros sur lequel vous voudrez bien appliquer une remise sur le tarif horaire » ; néanmoins, elle n'a produit ni à cette époque, ni devant le tribunal ni davantage devant la cour, aucun détail quant à ce prétendu inventaire réalisé dans des conditions inconnues ;
Qu'en considération de l'ensemble de ces éléments, la cour estime que la SAS MENISSEZ FRAIS apparaît mal fondée à revenir à présent sur la réalité, le contenu et le coût des travaux complémentaires en litige, d'autant que, contrairement à ce qu'elle soutient désormais, d'une part, il ne ressort aucunement de l'analyse des descriptifs très précis desdits travaux complémentaires que ceux-ci fussent déjà inclus soit dans le marché initial, soit dans les travaux complémentaires déjà payés par elle, et que, d'autre part, elle ne rapporte pas la preuve de l'inexécution ou de la mauvaise exécution de certains de ces travaux complémentaires ;
Que par ailleurs, compte tenu de l'inexécution de ses engagements par la SAS MENISSEZ FRAIS - elle n'a pas payé le prix convenu dans les jours qui ont suivi les négociations du 24 décembre 2008 - c'est à bon droit que la SAS SOGEM s'est prévalue, dans sa mise en mise en demeure du 3 juillet 2009, de ce que son propre accord pour une remise commerciale à hauteur de 90 000 euros était devenu caduc ;
Attendu qu'en définitive, la cour considère qu'il résulte de tout ce qui précède que la démonstration est faite de ce que la SAS SOGEM a accompli au profit et à la demande de la SAS MENISSEZ FRAIS des travaux complémentaires impayés, dûment facturés par la société SOGEM à hauteur de la 115 310 euros HT, soit 137 911,36 euros TTC ; que doit être imputée sur cette somme le paiement partiel opéré en première instance par la SAS MENISSEZ FRAIS à hauteur de 36 064,39 TCC ; que la SAS MENISSEZ FRAIS sera dès lors condamnée au paiement de la somme de 101 846,97 € TTC qui produira intérêts au taux prévu à l'article L 441-6 du Code de commerce, à compter du 3 juillet 2009, date de la première mise en demeure ;
Que le jugement entrepris mérite donc infirmation en toutes ses dispositions;
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive :
Attendu que la SAS SOGEM n'établit pas la faute de la SAS MENISSEZ FRAIS qui aurait abusivement résisté à sa demande ; qu'elle doit donc être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :
Attendu que, succombant, la SAS MENISSEZ FRAIS sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à la SAS SOGEM une indemnité de 4 500 euros, conformément aux dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; qu'elle sera à l'inverse déboutée de sa propre demande de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
- INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Statuant de nouveau, par voie de réformation,
- CONDAMNE la SAS MENISSEZ FRAIS à payer à la SAS SOGEM la somme de 101 846,97 euros TTC, outre les intérêts au taux prévu à l'article L441-6 du Code de commerce, à compter du 3 juillet 2009 ;
- DEBOUTE la SAS SOGEM de la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- DEBOUTE la SAS MENISSEZ FRAIS de sa demande formée en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- CONDAMNE la SAS MENISSEZ FRAIS à payer à la SAS SOGEM la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- CONDAMNE la SAS MENISSEZ FRAIS aux dépens de première instance et d'appel et AUTORISE la S.C.P. DELEFORGE-FRANCHI à recouvrer directement ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
Marguerite Marie HAINAUTPatrick BIROLLEAU