République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 3
ARRÊT DU 10/01/2013
***
N° MINUTE :
N° RG : 12/05629
Jugement (N° 12/00004)
rendu le 13 Juillet 2012
par le Juge de l'exécution de SAINT OMER
REF : PC/VC
APPELANTS
Monsieur [D] [S]
né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 10] - de nationalité Française
demeurant : [Adresse 9]
Représenté par Me François DELEFORGE (avocat au barreau de DOUAI)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/12/07378 du 11/09/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)
Madame [C] [R] [S] épouse [Y]
née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 8] - de nationalité Française
demeurant : [Adresse 9]
Représentée par Me François DELEFORGE (avocat au barreau de DOUAI)
INTIMÉE
SA BANQUE POPULAIRE DU NORD Prise en la personne de son représentant légal domicilié, en cette qualité, audit siège
ayant son siège social : [Adresse 3]
Représentée par Me Eric DHORNE (avocat au barreau de SAINT OMER)
DÉBATS à l'audience publique du 06 Décembre 2012 tenue par Pierre CHARBONNIER magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Patricia PAUCHET
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Pierre CHARBONNIER, Président de chambre
Catherine CONVAIN, Conseiller
Benoît PETY, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2013 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Patricia PAUCHET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
LA COUR ;
Attendu que les époux [D] [S]/[Y] ont interjeté appel d'un jugement rendu le 13 juillet 2012 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de SAINT OMER qui, statuant à l'audience d'orientation, a évalué à la somme de 55.654,71 € la créance dont la Société BANQUE POPULAIRE DU NORD est titulaire contre eux en vertu d'un acte de prêt notarié du 3 juin 2003, et qui a ordonné, sur la poursuite de saisie immobilière exercée par cet établissement suivant un commandement du 14 décembre 2011, la vente forcée d'une maison à usage d'habitation sise à [Adresse 9], propriété des époux [S]/[Y], sur la mise à prix de 35.000 € fixée au cahier des conditions de vente ;
Attendu que les époux [S]/[Y] demandent que la clause pénale figurant au contrat de prêt qui sert de titre à la procédure d'exécution soit réduite à un euro ; qu'ils sollicitent l'autorisation de vendre à l'amiable l'immeuble saisi pour le prix de 85.000 € et, subsidiairement, au cas où la Cour maintiendrait néanmoins la vente forcée de ce bien, le relèvement de sa mise à prix à la somme de 65.000 € ; qu'ils concluent pour le surplus à la confirmation du jugement déféré ;
Attendu que la BANQUE POPULAIRE DU NORD, formant appel incident, demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité de la stipulation contractuelle relative aux intérêts conventionnels du prêt consenti aux époux [S]/[Y], et l'a déchue du droit aux intérêts ; qu'elle entend en conséquence voir fixer sa créance à la somme de 75.715,26 € avec intérêts au taux de 5,35 % l'an à compter du 29 septembre 2011 ;
Attendu que pour annuler la stipulation d'intérêt du contrat de prêt et déchoir la BANQUE POPULAIRE DU NORD de son droit aux intérêts, le premier juge a retenu qu'une obligation d'assurance contre l'incendie ayant été imposée par l'établissement de crédit aux époux [S]/[Y], le taux effectif global qui figure sur l'offre de prêt était erroné dès lors qu'il n'avait pas été tenu compte dans son calcul des primes d'assurance contre l'incendie ;
Attendu que selon l'article L.313-1 du code de la consommation, « dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts, les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels » ;
Attendu qu'il est stipulé à la première page des conditions générales de l'offre de prêt souscrite par les époux [S]/[Y] le 27 mars 2003, sous la rubrique « Engagement de l'emprunteur », que celui-ci s'oblige pendant toute la durée du prêt et sous peine de résiliation du contrat à contracter « une police d'assurance concernant les biens immobiliers mentionnés dans les conditions particulières, couvrant le risque d'incendie d'un montant égal à la valeur à neuf » ; que ces mêmes conditions générales spécifient encore, sous l'intitulé « conditions suspensives », que « la Banque subordonne la conclusion du contrat à la réalisation de toutes les conditions assurances et garanties prévues au paragraphe "garanties des conditions particulières" » ; que sont seuls visés audit paragraphe le privilège du prêteur de deniers et la délégation d'assurance-vie personnelle à hauteur de 100 % sur la tête de [D] [S] au profit de l'organisme de crédit ;
Attendu qu'il suit de ce qui précède que l'assurance-incendie, si le contrat de prêt impose à l'emprunteur de se procurer à ce titre la garantie d'une police d'assurance, et précise généralement que l'exigibilité immédiate du solde impayé du prêt sera encourue en cas de non respect de l'une quelconque des obligations résultant du contrat de prêt, ne constitue pas une condition d'octroi du prêt ;
Attendu que les époux [S]/[Y] font également grief à l'offre de crédit d'avoir calculé le taux effectif global sans y inclure le coût de l'inscription du privilège du prêteur de deniers et celui de l'assurance-décès ;
Mais attendu, que l'article L.313-1 du code de la consommation qui fixe les éléments de calcul du taux effectif global, indique dans son deuxième alinéa que pour l'application des articles L.312-7 et L.312-8 relatifs à l'offre de crédit immobilier faite par écrit par le prêteur, « les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d'officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci-dessus, lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat » ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que le prêt dont il s'agit, réitéré dans l'acte authentique du 3 juin 2003 contenant vente aux époux [S]/[Y] de la maison d'habitation aujourd'hui visée par les poursuites de saisie, ait eu pour objet de financer l'achat de ce bien ; que la BANQUE POPULAIRE DU NORD, quand elle a établi son offre acceptée par les emprunteurs le 27 mars 2003, ne pouvait connaître de manière précise le montant des frais afférents à l'inscription du privilège du prêteur de deniers puisque celle-ci n'avait pas encore été prise ; que si l'offre de prêt énonce que « les frais de constitution de garantie occasionnés par les présentes (débours et honoraires du notaire, salaire du conservateur des hypothèques et droits versés à l'Etat) peuvent être estimés à 1.077 Euros », il s'agit là d'une mention purement indicative qui, du fait de son approximation, n'avait pas à entrer en ligne de compte dans le calcul du taux effectif global ;
Attendu que l'offre de crédit énonce au sujet de l'assurance-vie que « l'emprunteur reconnaît avoir été informé par la banque d'une possibilité de souscription à un contrat d'assurance groupe » et que « c'est en toute connaissance de cause qu'il a refusé d'y adhérer en choisissant de déléguer à la banque un autre contrat d'assurance-vie » ;
Attendu que les époux [S]/[Y] font valoir que, l'étude réalisée pour eux par la Société GENERALI FRANCE afin de formuler sa proposition d'assurance ayant été éditée le 10 février 2003, la BANQUE POPULAIRE DU NORD était donc informée de l'identité de l'assureur et du coût de l'assurance avant la conclusion du contrat de prêt dont le taux effectif global aurait donc dû tenir compte de cet élément ; que, cependant, ce n'est que le 5 septembre 2003 que les conditions particulières de la police "Temporaire Emprunteur" à effet du 26 mai 2003 ont été émises par la Société GENERALI FRANCE ; qu'il n'est, partant, pas démontré que l'organisme de prêt, lorsqu'il a formulé son offre de crédit du 27 mars 2003 ait su de manière certaine quel serait le coût de la délégation de l'assurance-vie dont les emprunteurs faisaient leur affaire personnelle ;
Attendu que la BANQUE POPULAIRE DU NORD a donc exactement évalué le taux effectif global du prêt, hors frais de notaire, à 5,438690 %
l'an ; qu'il y a lieu de rejeter, par suite, les moyens de nullité et de déchéance du droit aux intérêts tirés par les époux [S]/[Y] de l'irrégularité prétendue de ce taux ;
Attendu qu'à défaut de circonstances particulières propres à lui conférer un caractère manifestement excessif, la clause pénale de 7 % des sommes dues au titre du capital restant dû ainsi que des intérêts échus et non versés, stipulée conformément aux articles L.312-22 et R.312-3 du code de la consommation doit être admise pour l'intégralité de son montant parmi les postes de créance de la BANQUE POPULAIRE DU NORD ; que cette indemnité conventionnelle tient justement compte, comme il l'est prévu à l'article 1231 du code civil, de l'exécution partielle de l'engagement des emprunteurs, défaillants à partir de 2006 alors que leurs remboursements auraient dû s'échelonner jusqu'en mai 2023 ;
Attendu que les époux [S]/[Y] exposent qu'ils ont confié le soin de vendre leur maison de [Localité 8], d'abord à deux études de notaires, sans résultat, puis le 30 septembre 2011 à une agence EUROPALE IMMOBILIER à [Localité 7] qui s'est trouvée ultérieurement placée en liquidation judiciaire le 29 mars 2012 ; qu'ils ont alors décidé de mener cette opération par eux-mêmes en proposant leur bien à la vente pour le prix très attractif de 90.000 € sur le site « LE BON COIN.fr » ; que cette annonce a suscité un vif intérêt dans le public » ;
Mais attendu que les courriers électroniques parvenus aux époux [S]/[Y] en juillet et août 2012 contiennent seulement des demandes de renseignements complémentaires sur leur bien ou les conditions de son achat ; que les susnommés ne produisent aucun élément plus récent établissant l'existence de pourparlers en cours avec un acquéreur pressenti qui pourrait signer l'acte authentique de vente dans le délai de sept mois imparti à cet effet par l'article 54 du décret du 27 juillet 2006 devenu l'article R.322-21 du code des procédures civiles d'exécution ;
Attendu que notamment les époux [G]/[E] ne prouvent pas que les démarches qu'ils ont entreprises pour réaliser leur bien aient progressé pendant la période de près de cinq mois qui s'est écoulée entre le jugement de première instance et l'audience des débats de la Cour ; que, dès lors, il n'y a lieu, passé l'important délai de fait dont ils ont disposé sans en tirer profit pour l'avancement de leurs diligences, de faire droit à la demande des époux [S]/[Y] tendant à la vente amiable de l'immeuble saisi ;
Attendu que l'immeuble dont il s'agit a été acquis par les époux [S]/[Y], le 3 juin 2003, moyennant le prix de 68.602 € ; que ceux-ci n'expliquent pas les raisons pour laquelle la mise à prix de 35.000 € fixée par la BANQUE POPULAIRE DU NORD serait inadaptée aux nécessités de la vente par adjudication ;
PAR CES MOTIFS ;
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Réformant le jugement déféré ;
Evalue à la somme de 75.715,29 € avec intérêts au taux de 5,35 % l'an à compter du 29 septembre 2011 sur le principal de 71.379,56 € et intérêts au taux légal à compter de la même date sur le surplus, la créance dont la BANQUE POPULAIRE DU NORD est titulaire sur les époux [S]/[Y] ;
Confirme pour le reste le jugement dont il s'agit, en ce que notamment il a ordonné la vente forcée de l'immeuble saisi, sis à [Adresse 9], propriété des époux [S]/[Y], sur la mise à prix de 35.000 € ;
Renvoie la BANQUE POPULAIRE DU NORD à poursuivre sa procédure de saisie immobilière devant le juge de première instance ;
Condamne les époux [S]/[Y] aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SELARL DALLE-DHORNE, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
P. PAUCHETP. CHARBONNIER