République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 04/03/2013
***
N° de MINUTE : 114/2013
N° RG : 10/06363
Jugement (N° 08/1025)
rendu le 13 Juillet 2010
par le Tribunal de Grande Instance de BETHUNE
REF : PM/AMD
APPELANTE
SARL JLV AUTOMOBILES
ayant son siège social [Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 5]
Représentée par Maître Eric LAFORCE de la SELARL Eric LAFORCE, avocat au barreau de DOUAI, constitué aux lieu et place de la SCP COCHEME LABADIE COQUERELLE, anciennement avoués
Assistée de Me Jean-Luc TIGROUDJA, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉS
Monsieur [B] [A]
né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 13]
demeurant [Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Maître Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI, constituée aux lieu et place de la SCP THERY LAURENT, anciennement avoués
Assisté de Maître Nathalie LESAGE, avocat au barreau de BETHUNE
SOCIETE VOLKSWAGEN BANK
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Maître Bernard FRANCHI de la SCP FRANCOIS DELEFORGE-BERNARD FRANCHI, avocats au barreau de DOUAI, anciennement avoués
Assistée de Maître VOGEL, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS à l'audience publique du 10 Janvier 2013 tenue par Pascale METTEAU magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine VERHAEGHE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Evelyne MERFELD, Président de chambre
Pascale METTEAU, Conseiller
Joëlle DOAT, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 Mars 2013 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président et Delphine VERHAEGHE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 19 novembre 2012
***
Par jugement rendu le 13 juillet 2010, le tribunal de grande instance de BETHUNE a :
- prononcé la résolution de la vente du véhicule de marque SKODA FABIA COMBI TOUR DE FRANCE TDI 100, n° de châssis 6Y74079548, pour un prix de 17.359 euros TTC, en date du 29 août 2006, entre M. [B] [A] et la SARL JLV AUTOMOBILES,
- condamné M [B] [A] à restituer le véhicule de marque SKODA FABIA COMBI TOUR DE FRANCE TDI 100, n° de châssis 6Y74079548, à la SARL JLV AUTOMOBILES,
- condamné la SARL JLV AUTOMOBILES à payer à M. [B] [A] la somme de 17.359 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2008,
- condamné la SARL JLV AUTOMOBILES à payer à M. [B] [A] la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- débouté la SARL JLV AUTOMOBILES de sa demande au titre du paiement d'une indemnité de jouissance à la charge de M. [B] [A],
- débouté, en conséquence, la SARL JLV AUTOMOBILES de sa demande de compensation,
- constaté que le droit de rétention exercé par la société VOLKSWAGEN BANK sur la carte grise du véhicule de marque SKODA FABIA COMBI TOUR DE FRANCE TDI 100, n° de châssis 6Y74079548, est justifié,
- débouté la SARL JLV AUTOMOBILES de sa demande visant à lui restituer la carte grise dudit véhicule,
- constaté que M. [B] [A] ne sollicite pas la restitution de la carte grise dudit véhicule,
- débouté la SARL JLV AUTOMOBILES de son appel en garantie à l'encontre de la société VOLKSWAGEN BANK,
- condamné la SARL JLV AUTOMOBILES à payer à M. [B] [A] la somme de 1.500 euros sur le fodnement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SARL JLV AUTOMOBILES à payer à la société VOLKSWAGEN BANK la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SARL JLV AUTOMOBILES aux dépens.
La SARL JLV AUTOMOBILES a interjeté appel de cette décision le 6 septembre 2010.
RAPPEL DES DONNEES UTILES DU LITIGE :
La société JLV AUTOMOBILES distribue des véhicules de marque Skoda, appartenant au groupe Volkswagen.
Elle a conclu avec la société Volkswagen France un contrat de réparateur et un contrat de distribution automobile renouvelés pour la dernière fois les 10 et 30 septembre 2003. Au terme de ces conventions, elle s'est engagée à acheter auprès de Volkswagen France des véhicules de marque Skoda pour les revendre.
Pour financer l'acquisition de ces véhicules, un contrat de financement a été régularisé le 6 janvier 2006 avec la société Volkswagen Finance ( aux droits de laquelle vient la société Volkswagen Bank). Dans ce cadre, une ligne de crédit annuel de 300.000 euros lui a été accordée pour lui permettre d'acquérir des véhicules neufs, des véhicules de démonstration et des véhicules de direction outre des véhicules d'occasion pour un montant de 170.000 euros. Ce contrat de financement prévoit en ses articles 5 et 6, l'affectation en garantie des documents administratifs des véhicules financés ainsi que l'interdiction pour le distributeur de vendre les véhicules financés avant qu'ils ne soient entièrement réglés.
M. [B] [A] a passé commande le 29 août 2006 auprès de la société JLV AUTOMOBILES d'un véhicule Skoda Fabia neuf, lequel lui a été livré le 27 octobre 2006. A cette date, un certificat d'immatriculation provisoire lui a été délivré, certificat valable jusqu'au 17 novembre 2006. Le prix a été payé après déduction du montant de la reprise de l'ancien véhicule de l'acquéreur de 5.300 euros soit un prix net de 12.059 euros.
Malgré de nombreuses démarches et mises en demeure notamment par lettre recommandée du 7 février 2007, M. [B] [A] n'a pas obtenu la carte grise du véhicule et, par acte d'huissier du 13 mars 2007, il a fait assigner la SARL JLV AUTOMOBILES devant le président du tribunal de grande instance de Béthune statuant en référé aux fins de la voir condamner sous astreinte à lui délivrer ce document.
Par ordonnance rendue le 4 mai 2007, la SARL JLV AUTOMOBILES a été condamnée à remettre la carte grise à M. [A],au plus tard le 20 mai 2007, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Le document n'ayant pas été délivré, M. [A] a saisi le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Béthune lequel a, par jugement du 15 janvier 2009, liquidé l'astreinte à la somme de 13.300 euros. Par arrêt du 20 mai 2010, la cour d'appel de Douai a réformé cette décision et condamné la SARL JLV AUTOMOBILES au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte et 1.200 euros au titre des frais irrépétibles.
Entre-temps, par acte d'huissier du 27 février 2008, M. [B] [A] a fait assigner la SARL JLV AUTOMOBILES devant le tribunal de grande instance de Béthune aux fins de voir prononcer la résolution de la vente conclue le 28 août 2006. Par assignation du 9 octobre 2008, la société venderesse a mis en cause la société Volkswagen Finance lui réclamant la restitution des documents administratifs afférents au véhicule cédé à M. [B] [A].
La décision déférée a été rendue dans ces conditions.
Par ordonnance du 28 juin 2011, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Douai a ordonné une expertise confiée à M. [L] aux fins d'examiner le véhicule Skoda Fabia, de décrire son état, de dire s'il a subi des dommages, de relever son kilométrage, d'indiquer sa valeur actuelle et de donner son avis sur la dépréciation subie par cette voiture consécutivement à son usage et à sa vétusté.
Le rapport d'expertise a été déposé le 20 janvier 2012.
Dans ses dernières conclusions, la SARL JLV AUTOMOBILES demande à la cour de :
à titre principal :
réformer le jugement en ce qu'il a jugé le droit de rétention exercé sur le véhicule acquis par M. [A] justifié,
dire et juger que le droit de rétention a été perdu par l'effet du compte-courant ayant existé entre les sociétés JLV AUTOMOBILES et Volkswagen Finance,
à titre subsidiaire :
dire et juger que le droit de rétention exercé par la société Volkswagen Bank venant aux droits de la société Volkswagen Finance sur le véhicule acquis par M. [A] a dégénéré en abus de droit,
en tout état de cause :
réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de son appel en garantie dirigé contre la société Volkswagen Bank,
la dire bien fondée en son appel en garantie,
en conséquence, condamner la société Volkswagen Bank venant aux droits de la SA à directoire et conseil de surveillance Volkswagen Finance à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de M. [A],
réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre du paiement d'une indemnité de jouissance et de sa demande de compensation,
condamner M. [A] à lui payer la somme provisionnelle de 11.125,29 euros à titre d'indemnité de jouissance et de vétusté,
dire que ces sommes viendront en compensation de celle de 17.359 euros 'poursuivie' par M. [A],
condamner la société Volkswagen Bank venant aux droits de la SA à directoire et conseil de surveillance Volkswagen Finance à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
la condamner aux entiers dépens.
Elle affirme que :
il existait entre la société Volkswagen Bank venant aux droits de la société Volkswagen Finance et elle-même un compte courant tacite, la volonté de la société Volkswagen Finance étant démontrée par la recommandation de la SA Volkswagen Finance d'ouvrir un tel compte et par l'observation du fonctionnement de ce compte ouvert dans les livres de la société Volkswagen Bank. Il existait donc une convention de compte courant écrite entre Volkswagen Bank et elle et une convention de compte courant tacite entre Volkswagen Finance et elle.
la société volkswagen Finance lui a accordé, pour financer l'acquisition de véhicules auprès de la société Volkswagen, un encours de 300.000 euros par mois, encours porté au crédit du compte-courant ouvert dans les livres de la société Volkswagen Bank en conformité avec les prescriptions de la convention de financement du 6 janvier 2006. Par novation, les créances figurant au compte courant ont perdu leur individualité et se sont fondues dans un tout qui s'est substitué à elles. En conséquence, les sûretés attachées à ces créances ont disparu du fait de leur entrée en compte-courant. Si la société Volkswagen Bank avait prévu, dans la convention écrite, une clause de report des sûretés sur le solde, rien de tel n'a été conclu entre la société Volkswagen Finance et elle, de sorte que le droit de rétention conventionnellement prévu par Volkswagen Finance a, du fait de l'entrée en compte-courant des créances de cette dernière, été perdu. Une clause de report de sûretés sur le solde ne peut être stipulée que par la convention de compte courant.
par ailleurs, du fait de la perte d'individualité des créances, elle ne pouvait payer isolément le prix du véhicule de M. [A] pour obtenir la restitution des documents administratifs y afférents. Le droit de rétention opposé au client final est donc illégitime.
en tout état de cause, la société Volkswagen Bank a commis un abus de droit. Les trois sociétés du groupe Volkswagen ont sciemment et intentionnellement provoqué la résiliation de l'ensemble contractuel les liant à la société JLV. Ses difficultés avec le groupe Volkswagen ont commencé en 2006 par des retards de livraison de véhicules Skoda pourtant vendus à des clients finaux. L'encours fournisseur lui a alors été supprimé bien qu'il n'ait jamais été dépassé, ce qui lui interdisait de commander de manière fluide des véhicules neufs. Ces retards de livraison ont entraîné l'annulation de certaines commandes et provoqué, pour elle, des problèmes de trésorerie. Par ailleurs, des délais de paiement raccourcis lui ont été imposés ce qui a accru ses charges financières. Bien que son chiffre d'affaires ait été en progression constante depuis trois années, les concours bancaires qui lui étaient accordés par le groupe ont été brutalement rompus ; après avoir dénoncé un impayé à hauteur de 14.378,23 euros le 18 octobre 2006, la société Volkswagen Finance l'a mise en demeure de lui régler, le 20 octobre 2006, la somme totale de 103.696,37 euros sous 48 heures. La société Volkswagen Bank a, quant à elle, résilié le découvert autorisé de 135.000 euros le 23 octobre 2006 et la société Groupe Volkswagen France a supprimé l'encours fournisseur dont elle bénéficiait le 18 octobre 2006.
le comportement de la société Volkswagen Bank et sa volonté d'étouffement de la société JLV sont caractérisés par le fait que les clients finaux ont été instrumentalisés et ceci dans le but de défaire irrégulièrement des liens contractuels unissant les parties; ceci explique que les clients n'ont pas pu obtenir concomitamment à leur achat, la délivrance des documents administratifs relatifs aux véhicules, malgré la valeur modique des véhicules au regard de la somme qui lui est réclamée qui s'élève à plus de 900.000 euros. Certaines cartes grises ont été restituées à des clients bien que ces derniers n'aient pas entamé de démarches judiciaires. Compte tenu de ce comportement, elle sollicite la condamnation de la société Volkswagen Bank à lui payer la somme de 19.859 euros à titre de dommages et intérêts, sauf à ramener ce montant à de plus justes proportions en fonction des dommages et intérêts qui pourraient lui être accordés à raison de la dépréciation du véhicule vendu à M. [A].
elle a tenté de récupérer auprès de la société Volkswagen le certificat d'immatriculation litigieux mais, en même temps, elle a permis à M. [A] d'utiliser le véhicule acheté et de circuler, des renouvellements successifs des certificats provisoires ayant été effectués. M. [A] a également pu bénéficier d'un véhicule de prêt de sorte qu'il n'a subi aucun trouble de jouissance et n'a pas vocation à être indemnisé au-delà de la somme de 1.000 euros de dommages et intérêts qui lui a été allouée par le tribunal de grande instance. M. [A] ne justifie pas qu'il n'a parcouru que des trajets courts avec ce véhicule dans la mesure où il a effectué, en moyenne, 20.000 km par an. Son client était, en outre, couvert par sa police d'assurance.
par contre, le véhicule utilisé a subi, depuis son acquisition, de par l'écoulement du temps et l'utilisation qui en a été faite, une dépréciation de sorte qu'elle est en droit de solliciter que soit appliquée au prix de cession une décote. Le véhicule litigieux a aujourd'hui une valeur d'environ 8.800 euros selon sa côte argus ce qui justifie qu'il lui soit accordé une somme de 11.125,29 euros à titre d'indemnité de jouissance et d'usure à titre provisionnel, le rapport d'expertise datant du 30 novembre 2011. Elle constate que si M. [A] s'oppose actuellement à cette prétention, tel n'était pas le cas au cours des premiers débats. Restituer à l'acquéreur le prix d'origine reviendrait à lui procurer un enrichissement sans cause.
Dans ses dernières conclusions, M. [B] [A] sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, de débouter la SARL JLV AUTOMOBILES de toutes ses demandes, fins et conclusions et subsidiairement, si la cour le condamnait au paiement d'une indemnité de vétusté, de déduire de cette indemnité la somme de 1.596,69 euros correspondant au coût d'entretien du véhicule. Il demande, en toute hypothèse, de condamner la société JLV AUTOMOBILES à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel.
Il rappelle que les dispositions du code de la route imposent l'obtention d'une carte grise pour la mise en circulation d'un véhicule et que, ce document ne lui ayant pas été remis, le vendeur a manqué à son obligation contractuelle de délivrance d'une chose conforme. Il s'estime donc fondé à solliciter la résolution de la vente et, en conséquence, la remise des parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient au moment de la conclusion du contrat. Il s'oppose à la déduction du prix d'achat de la reprise faite pour son précédent véhicule, cette somme de 5.300 euros correspondant à la valeur de ce bien qui a été racheté par la société JLV. Il s'oppose également à la demande d'indemnité de jouissance et de vétusté, invoquant l'effet rétroactif de la résolution de la vente. Il estime que l'acquéreur n'a à indemniser le vendeur que de la détérioration ou de la dépréciation de la chose, à l'exclusion de la vétusté liée à son usage. Or, il affirme que la preuve d'une dépréciation du véhicule autre que celle liée à l'usage n'est pas rapportée. Il ajoute avoir assuré le véhicule, l'avoir entretenu et n'avoir pas pu l'utiliser de manière normale puisqu'il a évité les longs déplacements pour ne pas avoir de contrôle routier.
Subsidiairement, si une indemnité devait être mise à sa charge, il sollicite le remboursement des factures d'entretien du véhicule qui s'élèvent à 1.596,89 euros.
Dans ses dernières conclusions, la SARL Volkswagen Bank sollicite de confirmer en toutes ses dispositions le jugement, de constater que le droit de rétention qu'elle a exercé est parfaitement fondé, de rejeter l'ensemble des demandes de la société JLV AUTOMOBILES, de rejeter l'appel en garantie de cette société et, en tout état de cause, si par impossible la cour devait considérer que le droit de rétention n'est pas fondé et la condamnait de ce fait à garantir la société JLV AUTOMOBILES, de condamner celle-ci au paiement des sommes qui lui sont dues au titre du financement du véhicule Skoda Fabia, soit la somme de 15.134,22 euros augmentée des intérêts conventionnels, c'est-à-dire au taux légal augmenté de six points, prévus par l'article 15 «intérêts de retard» de la convention de financement du 6 janvier 2006, ces intérêts ayant commencé à courir à la date du 9 novembre 2006, date de la mise en demeure. Elle demande de condamner la société JLV AUTOMOBILES à lui payer la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
Elle rappelle que, par le biais d'une convention de financement signée le 6 janvier 2006 avec la société JLV, elle a proposé au distributeur Skoda la mise à disposition de lignes de crédit pour financer notamment ses activités de vente de véhicules neufs, véhicules de démonstration et d'occasion. Elle fait valoir que la société JLV a accumulé d'importants retards de paiement, alors même que chaque contrôle de stocks révélait des livraisons aux clients finaux sans règlement du financement correspondant, en violation de la convention. Elle explique qu'elle s'est vue dans l'obligation de résilier sans préavis cette convention, le 14 décembre 2006. Elle indique que cette résiliation entraînait la déchéance du terme et l'exigibilité de toutes les sommes dues.
Elle expose que le droit de rétention est une sûreté réelle opposable à tous, y compris aux tiers non tenus de la dette et que cette sûreté est même opposable lorsqu'un véhicule a été revendu à un sous-acquéreur, en fraude des droits du légitime propriétaire. Elle relève que, selon la convention de financement du 6 janvier 2006, les documents d'immatriculation remis en garantie sont conservés jusqu'à ce que le montant du financement ait été remboursé. Elle affirme que le véhicule vendu à M. [A] n'ayant jamais fait l'objet d'un paiement, le droit de rétention qu'elle exerce sur les documents relatifs à ce véhicule est parfaitement fondé.
Elle affirme que l'existence d'un compte courant tacite entre la société JLV et elle n'est pas démontrée, les remises réciproques constatées entre les parties provenant de l'exécution de la convention de financement laquelle a expressément exclu toute perte de sûreté attachée à ses créances. En outre, selon elle, l'extinction du droit de rétention ne peut se produire que par l'extinction de la créance dont il était l'accessoire ou lorsque le rétenteur renonce à son droit. Elle remarque que tel n'est pas le cas en l'espèce.
Elle ajoute que la société JLV a eu des comportements douteux vis-à-vis de plusieurs clients et précise qu'elle ne pouvait se départir des documents administratifs dont elle disposait au titre de son droit de rétention au risque de se voir pénaliser financièrement comme ayant manqué à ses devoirs envers la caution garantissant des dettes de la société JLV.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la résolution de la vente :
L'article 1615 du code civil prévoit que l'obligation de délivrer la chose, pesant sur le vendeur, comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel.
Il découle de ces dispositions que le vendeur d'un véhicule doit remettre à l'acquéreur tous les documents administratifs afférents à la voiture qu'il vend et, en particulier, la carte de grise, ce document étant nécessaire à la circulation.
Cette obligation est une obligation essentielle du vendeur.
En l'espèce, il n'est pas contesté que, depuis août 2006, date à laquelle M. [A] a acquis le véhicule Skoda Fabia auprès de la SARL JLV AUTOMOBILES, son vendeur, n'a pas pu lui remettre la carte grise de la voiture, seuls des certificats d'immatriculation provisoire ayant été délivrés.
Il en résulte que, malgré les demandes répétées de M. [A] et malgré l'ordonnance du juge des référés ordonnant la remise de ce document, la SARL JLV AUTOMOBILES n'a pas satisfait à l'égard de son acquéreur, à son obligation de délivrance conforme.
Dès lors, la résolution de la vente doit être prononcée et le jugement confirmé sur ce point.
Suite à la résolution de la vente, laquelle a un effet rétroactif, le prix payé, soit 17.539 euros (ce montant n'étant pas contesté par la SARL JLV AUTOMOBILES en cause d'appel) doit être remboursé à M. [A] qui devra quant à lui, restituer le véhicule SKODA. La somme de 17.539 euros portera intérêts au taux légal à compter du 27 février 2008, date de l'assignation valant mise en demeure.
Le jugement sera également confirmé sur ce point.
Sur la demande d'indemnité de jouissance et de vétusté présentée par la SARL JLV AUTOMOBILES :
Suite à la résolution de la vente, les parties doivent être remises dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant la conclusion du contrat ; dans la mesure où cette convention a été partiellement exécutée et où le véhicule SKODA a été remis à M. [A] qui a pu l'utiliser, ce dernier est redevable à l'égard de son vendeur d'une indemnité consécutive à la dépréciation subie par le véhicule du fait de l'usage qui en a été fait, à l'exclusion de toute indemnité consécutive à la seule vétusté de la voiture.
Il ressort du rapport d'expertise de M. [L] que :
- le véhicule présentait, le 15 novembre 2011, un kilométrage de 100.537.
- il a subi divers chocs, son pare brise a un éclat et le pare choc arrière est déformé sur le côté droit et rayé sur le flanc droit.
- les deux silentblocs sont avachis, usés, à remplacer.
- les disques de frein arrières sont usés, hors côte acceptable.
- le synchronisateur de la boîte de vitesse est défaillant (conséquence d'une utilisation du véhicule en ville).
Les désordres relevés par l'expert sont consécutifs à l'usage qui a été fait du véhicule. Le montant des réparations à effectuer s'élève à 766,29 euros.
La valeur vénale du véhicule est actuellement de 6.233,71 euros, déduction faite de ces frais.
M. [A] est donc redevable, à l'égard de son vendeur, d'une indemnité de 766,29 euros représentant le montant des réparations à effectuer sur le véhicule, ces dernières étant la conséquence directe de l'utilisation qu'il a faite de ce bien.
Tel que précédemment rappelé, la SARL JLV AUTOMOBILES n'est pas fondée à solliciter une somme plus importante à ce titre dans la mesure où :
- elle ne justifie de l'existence d'aucune dépréciation supplémentaire depuis le rapport d'expertise,
- elle n'est pas fondée à solliciter une indemnité destinée à compenser la seule vétusté du véhicule (et donc sa perte de valeur à l'argus) puisque la vente étant rétroactivement anéantie, cette perte de valeur doit être mise à sa charge, sans que cette situation ne crée, au profit de M. [A], un enrichissement sans cause.
La compensation entre les sommes dues entre les parties sera ordonnée en application de l'article 1289 du code civil.
Le jugement sera réformé en ce sens.
Sur le préjudice de jouissance subi par M. [A] :
Les parties sollicitent la confirmation du jugement sur ce point ; il sera
fait droit à leur demande, le tribunal ayant fait une exacte appréciation du préjudice de jouissance subi par M. [A] du fait du défaut de remise de la carte grise du véhicule.
Sur la demande de M. [A] tendant à obtenir le remboursement des frais d'entretien du véhicule :
M. [A] justifie que, depuis 2006, il a exposé, pour l'entretien du véhicule SKODA, des frais à hauteur de 1.596,89 euros. Cependant, les réparations qu'il a fait effectuer sur la voiture (révisions, changement de la courroie, du kit de distribution,....) sont la seule conséquence de l'utilisation qu'il a eue de ce bien. Dès lors, il n'est pas fondé à solliciter le remboursement de ces dépenses par le vendeur. Sa demande de ce chef sera rejetée.
Sur l'appel en garantie formé par la SARL JLV AUTOMOBILES à l'encontre de la Société Volkswagen Bank :
La SARL JLV AUTOMOBILES prétend qu'elle aurait été titulaire d'un compte courant tacite ouvert auprès de Volkswagen Finance, que, dans ces conditions, les créances de cette société à son égard ont perdu toute individualité et qu'en conséquence, le droit de rétention exercé par Volkswagen Finance sur les documents administratifs des véhicules financés par le biais des sommes versées en compte courant ne pouvait pas s'exercer. Elle en déduit que la société Volkswagen Finance a abusé de ce droit de rétention prévu uniquement dans une convention de financement et non au titre du compte courant, ce qui a été la cause de son impossibilité de remettre la carte grise à M. [A].
Il appartient à la société JLV AUTOMOBILES, qui prétend à l'existence d'un tel compte courant tacite, d'en rapporter la preuve.
A ce titre, il sera rappelé qu'en 2006, la société Volswagen Finance était une personne morale distincte de la société Volkswagen Bank.
La SARL JLV AUTOMOBILES a ouvert, dans les livres de la société Volkswagen Bank, un compte courant au moyen d'une convention écrite. Le fait que le Président du directoire de la SA Volkswagen Finance ait incité la SARL JLV AUTOMOBILEs à ouvrir un tel compte auprès de la société Volkswagen Bank ne peut traduire une volonté de la société Volkswagen Finance, entité juridique distincte de Volkswagen Bank, d'accorder elle-même à la SARL JLV AUTOMOBILES l'ouverture d'un autre compte courant, en ses livres.
Au contraire, il apparaît à la lecture des documents versés aux débats que si la SARL JLV AUTOMOBILES disposait effectivement d'un compte courant ouvert auprès de la société Volkswagen Bank (ce compte laissant apparaître des versements réciproques des deux sociétés), tel n'était pas le cas entre la SARL et Volkswagen Finance.
En effet, ces deux parties étaient liées par une convention de financement datée du 6 janvier 2006 selon laquelle la SARL disposait de deux lignes de crédit pour financer les véhicules qu'elle entendait acquérir. Cette convention prévoyait que le distributeur pouvait faire financer ses achats par le biais de ces lignes de crédit, le capital prêté étant alors remboursable au bout de 8 mois (les intérêts étant calculés mensuellement) ou par prélèvement accéléré notamment en cas de vente du véhicule financé. Les sommes qui ont ainsi pu être versées par Volkswagen Finance sur le compte courant de la SARL ouvert auprès de Volkswagen Bank correspondent donc au déblocage de fonds dans le cadre de ces lignes de crédit. Si un paiement par compensation a pu être prévu, ce n'était que dans le cas où 'le compte distributeur présente des dettes exigibles non régularisées'. Ce mode de fonctionnement ne caractérise donc pas le fonctionnement d'un compte courant. Par ailleurs, la facturation mensuelle de la société Volkswagen Finance au titre des intérêts de ces prêts a été faite et portée au compte courant ouvert auprès de Volkswagen Bank. En outre, dans son courrier du 26 décembre 2006, la SARL JLV indiquait à Volkswagen Finance qu'elle lui envoyait trois chèques pour honorer ses échéances du 27 octobre 2006, 27 novembre 2006 et 27 décembre 2006 'concernant notre prêt'. De même, dans un courrier du 22 novembre 2006, la SARL JLV proposait le paiement de 17.000 euros en contrepartie de la carte grise d'un véhicule vendu à un client, M. [C] : une telle demande exclut que les parties aient pu convenir de l'ouverture d'un compte courant dans le cadre duquel les créances auraient perdu toute individualité.
Dès lors, l'existence d'un compte courant entre la société JLV et la société Volkswagen Finance n'est pas démontrée.
Dans la mesure où la convention de financement qui s'appliquait entre Volkswagen Finance et la SARL JLV AUTOMOBILES prévoyait que 'les documents administratifs remis en garantie seront conservés par Volkswagen Finance, ils seront remis au distributeur sur sa demande, dès que le montant du financement correspondant aura été remboursé intégralement', où la SARL JLV AUTOMOBILES ne justifie pas qu'elle a effectivement réglé le montant du crédit accordé pour l'achat de la voiture de M. [A], le distributeur ne peut prétendre que le droit de rétention a été exercé abusivement par la société Volkswagen Finance.
La société Volkswagen Finance a uniquement, en exerçant son droit de rétention, fait application de la convention conclue en 2006 entre les parties qui l'autorisait, à défaut de paiement intégral du prix du véhicule vendu à M. [A], à conserver, à titre de garantie, les documents administratifs. Quelque puisse être le montant de la créance totale réclamée par les sociétés du groupe Volkswagen à la SARL JLV, aucune faute de Volkswagen Finance dans l'exercice de son droit de rétention et dans la persistance de cet exercice, n'est démontrée en l'absence de tout paiement de la part de la SARL JLV au titre de cette voiture. Par ailleurs, les circonstances des ruptures contractuelles intervenues entre JLV AUTOMOBILES et Volkswagen Finance mais également entre le distributeur et l'ensemble des société du groupe Volkswagen sont sans incidence quant à l'exercice du droit de rétention sur le véhicule Skoda Fabia livré à M. [A] ; à supposer le comportement des sociétés du groupe Volkswagen à l'égard de la société JLV fautif, celle-ci ne rapporte pas la preuve qu'une telle faute ait été à l'origine du défaut de paiement du prix du véhicule de M. [A] à Volkswagen Finance dans la mesure où le prix de ce bien lui avait été réglé par le client final.
Dès lors, la demande de garantie présentée par la SARL JLV à l'encontre de Volkswagen Bank (anciennement Volkswagen Finance) dans le cadre de la présente instance doit être rejetée et le jugement confirmé sur ce point.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
La SARL JLV AUTOMOBILES succombant en ses principales
prétentions, elle sera condamnée aux dépens d'appel, en ce compris les frais d'expertise.
Il serait inéquitable de laisser à M. [A] et à la société Volkswagen Bank la charge des frais exposés et non compris dans les dépens. La SARL JLV AUTOMOBILES sera condamnée à leur payer, chacun, la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et le jugement sera confirmé en ce qu'il leur a alloué la même somme au titre des frais irrépétibles de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire :
CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté la SARL JLV AUTOMOBILES sa demande en paiement d'une indemnité à l'encontre de M. [B] [A] ;
L'INFIRME de ce chef ;
Statuant à nouveau sur ce point et y ajoutant :
CONDAMNE M. [B] [A] à payer à la SARL JLV AUTOMOBILES une indemnité de 766,29 euros ;
ORDONNE la compensation entre les sommes dues entre M. [B] [A] et la SARL JLV AUTOMOBILES ;
DEBOUTE M. [B] [A] de sa demande au titre des frais exposés pour le véhicule ;
CONDAMNE la SARL JLV AUTOMOBILE aux dépens d'appel en ce compris les frais d'expertise ;
AUTORISE, s'ils en ont fait l'avance sans en avoir reçu provision, la SCP THERY LAURENT et la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués, au titre des frais exposés avant le 1er janvier 2012, et Me FRANCHI et Me LAURENT, avocats, pour les frais exposés à compter du 1er janvier 2012, à recouvrer les dépens d'appel selon les modalités prévues par l'article 699 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SARL JLV AUTOMOBILES à payer à M. [B] [A] et à la société Volkswagen Finance, chacun, la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Le Greffier,Le Président,
Delphine VERHAEGHE.Evelyne MERFELD.