République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 10/04/2013
***
N° de MINUTE : 13/
N° RG : 12/02979
Jugement (N° 2011/01686)
rendu le 02 Mai 2012
par le Tribunal de Commerce de DOUAI
REF : PB/KH
APPELANTE
SA BILS DEROO HOLDING
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Marie-Hélène LAURENT (avocat au barreau de DOUAI)
Assistée de Me Hubert SOLAND (avocat au barreau de LILLE)
INTIMÉES
SA FINAMUR anciennement dénommée UCABAIL IMMOBILIER
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Dominique LEVASSEUR (avocat au barreau de DOUAI)
Assistée de Me TORIEL JOHANNSEN ROUILLON (avocat au barreau de PARIS), substitué par Me COLLET, collaboratrice
SA FORTIS LEASE venant aux droits de la société BATICAL
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Dominique LEVASSEUR (avocat au barreau de DOUAI)
Assistée de Me TORIEL JOHANNSEN ROUILLON (avocat au barreau de PARIS), substitué par Me COLLET, collaboratrice
SA BAIL IMMO NORD
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Dominique LEVASSEUR (avocat au barreau de DOUAI)
Assistée de Me TORIEL JOHANNSEN ROUILLON (avocat au barreau de PARIS), substitué par Me COLLET, collaboratrice
DÉBATS à l'audience publique du 13 Février 2013 tenue par Philippe BRUNEL magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Véronique DESMET
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Christine PARENTY, Président de chambre
Philippe BRUNEL, Conseiller
Sandrine DELATTRE, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 Avril 2013 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président et Véronique DESMET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 24 janvier 2013
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Vu le jugement du tribunal de commerce de Douai en date du 2 mai 2012 qui a rejeté l'action en responsabilité délictuelle engagée par la société BILS DEROO HOLDING à l'égard des société FINAMUR, FORTIS LEASE et BAIL IMMO NORD auxquelles il était reproché d'avoir procédé abusivement à la déclaration de deux créances de 11 066 320,32 € et 457 905,15 € dans le cadre de la procédure collective ayant affecté la société BILS DEROO HOLDING, au titre d'un contrat de crédit bail immobilier consenti à la société ANZIN LOGISTIQUE dont la société BILS DEROO HOLDING était caution, alors que les déclarations de créance étaient irrégulières et que la société ANZIN LOGISTIQUE était à jour de ses règlements, la déclaration de créance ayant été rejetée sans que les sociétés créancières contestent cette décision ; la société BILS DEROO HOLDING demandant la condamnation des sociétés FINAMUR, FORTIS LEASE et BAIL IMMO NORD au paiement de la somme de 384 140,83 € correspondant aux droits qui ont dus être payés au représentant des créanciers en raison de cette déclaration de créance;
Vu la déclaration d'appel de la société BILS DEROO HOLDING en date du 21 mai 2012;
Vu les dernières conclusions de la société BILS DEROO HOLDING en date du 26 juillet 2012 demandant la réformation du jugement et qu'il soit fait droit à ses demandes initiales ; elle fait valoir que, à défaut de tout incident de paiement imputable à la société ANZIN LOGISTIQUE, la déclaration de créance n'était pas fondée et que, en toute hypothèse, elle n'aurait pas dû être maintenue dès lors que le crédit-bail avait été cédé un peu plus de deux mois après la déclaration de créance, la société BILS DEROO HOLDING se trouvant alors déchargée de son engagement de caution par l'acte de cession ; elle observe que les créanciers ont acquiescé à la proposition de rejet de leurs créances faite par le mandataire judiciaire ;
Vu les dernières conclusions des sociétés FINAMUR, FORTIS LEASE et BAIL IMMO NORD en date du 28 aout 2012 demandant la confirmation du jugement ; elles font valoir que, à la date à laquelle elle ont été effectuées, leurs déclarations de créance étaient fondées compte tenu de l'engagement de caution donné par la société BILS DEROO HOLDING et dans l'hypothèse d'une défaillance du crédit preneur la société ANZIN LOGISTIQUE ; elles estiment que ce n'est que postérieurement du fait de la cession du contrat de crédit-bail au profit de la société LOG, par ailleurs cessionnaire du fonds de la société ANZIN LOGISTIQUE, que la caution a été déchargée et que la déclaration de créance est devenue sans objet ce qui explique pourquoi les sociétés déclarantes n'ont pas contesté la proposition du représentant des créanciers de rejet de leurs créances ; elles estiment qu'aucune faute ne peut leur être reprochée, l'obligation de déclarer sa créance s'imposant à tous créanciers même si la créance est conditionnelle ou éventuelle, que le créancier bénéficiaire d'un cautionnement est tenu de déclarer sa créance au passif de la procédure collective ouverte à l'égard de la caution même si le débiteur principal n'est pas défaillant et qu'au surplus les déclarations effectuées faisaient apparaître une somme échue demeurée impayée par le débiteur; elles estiment également que la régularité de la déclaration de créance ne peut être utilement contestée alors qu'elle n'avait pas été mise en cause dans le cadre de la procédure de vérification et que, au surplus, la délégation de pouvoir était régulière ;
SUR CE
Attendu que , par acte du 25 février 1999, les sociétés UCABAIL IMMOBILIER ultérieurement devenues FINAMUR, BATICAL aux droits de laquelle est venue la société FORTIS LEASE et BAIL IMMO NORD ont consenti à la société ANZIN LOGISTIQUE un contrat de crédit-bail immobilier d'une durée de 12 ans relatif à un ensemble immobilier à usage industriel d'une surface de 37 438 mètres carrés situé à [Localité 5] ; qu'en garantie des engagements souscrits par la société ANZIN LOGISTIQUE, la société BILS DEROO HOLDING s'est portée caution solidaire ; que par jugement du 7 mai 2002, le tribunal de commerce de Douai a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société BILS DEROO HOLDING ; que le 27 juin 2002, la société UCABAIL IMMOBILIER a procédé, pour le compte des trois sociétés de crédit-bail, à deux déclarations de créance résultant de l'engagement de caution solidaire donné par la société BILS DEROO HOLDING, la première pour un total de 11 066 320,32 € et la seconde pour un total de 457 905,15 € ; que, par ailleurs, par ordonnance du 30 juillet 2002, le juge-commissaire a autorisé la société BILS DEROO HOLDING, associée de la société ANZIN LOGISTIQUE, a céder le fonds de commerce exploité par cette société à une société LOG; que par acte notarié du 30 septembre 2002, le bénéfice du contrat de crédit-bail a été cédé au profit de la société LOG ; que les crédits bailleur déclaraient dans cet acte décharger la société BILS DEROO HOLDING de son engagement de caution et de son engagement de reprise du crédit-bail pour toutes les sommes pouvant être dues au crédit bailleur ; que par lettres recommandées avec accusé de réception du 16 mai 2003 et du 1er avril 2003, Me [W], représentant des créanciers, a contesté dans leur intégralité les créances déclarées en faisant valoir que la caution avait été dénoncée dans le cadre de la cession autorisée par ordonnance du juge-commissaire en juillet 2002 ; que la société UCABAIL a acquiescé à la contestation par télécopie envoyée au représentant des créanciers le 21 mai 2003 indiquant : « OK sur annulation de notre créance, [Localité 5] repris par SAS LOG » ; qu'en définitive l'état des créances a été déposé au greffe le 8 septembre 2003 et a constaté l'absence de créance des sociétés crédit-bailleresses ; que, par requête du 28 janvier 2004, Me [W] a sollicité du président du tribunal de commerce de Douai la fixation à la somme de 708 323,29 € TTC du droit sur créance contestée prévu par l'article 15 du décret n° 85 - 1390 du 27 décembre 1985 soit 5 % de 11 844 870,97 € ; que par ordonnances du 11 mars 2004, le président du tribunal de commerce a arrêté l'émolument à la somme de 503 081,75 € TTC; que cette somme a été payée au mandataire par la société BILS DEROO HOLDING sous forme de plusieurs virements effectués de mai 2004 à juin 2005 ;
Attendu que la société BILS DEROO HOLDING met en cause la régularité de la déclaration de créance ; que toutefois, d'une part, la régularité de cette déclaration n'a pas été contestée par le mandataire judiciaire et ce n'est pas pour ce motif que la créance n'a pas été admise ; que d'autre part, à supposer que les deux déclarations de créance puissent être considérées comme irrégulières pour avoir été faites par une préposée de la société UCABAIL dépourvue de pouvoir, la société BILS DEROO HOLDING n'explique pas en quoi cette irrégularité à elle seule aurait contribué au préjudice dont elle demande la réparation et qui est constitué par le coût des émoluments du mandataire judiciaire en conséquence de la contestation des créances ; que cette argumentation ne saurait donc être retenue ;
Attendu que, si la société BILS DEROO HOLDING dans ses conclusions a indiqué contester le bien-fondé de la déclaration de créance initiale du crédit bailleur à l'égard de la caution, elle a reconnu lors de l'audience par la voix de son conseil que la créance potentielle du crédit bailleur devait, en l'état de la jurisprudence de la Cour de Cassation, être déclarée dès lors que l'engagement de caution avait été souscrit avant l'ouverture de la procédure collective ; qu'en toute hypothèse, comme l'a retenu à juste titre le premier juge, l'obligation de déclarer prescrite par l'article L621 - 43 du code de commerce s'impose aux créanciers titulaires d'une créance conditionnelle ou éventuelle tel en l'espèce le créancier bénéficiant d'un engagement de caution, la circonstance que le débiteur principal ne soit pas défaillant demeurant sans incidence ;
Attendu toutefois que la circonstance que la déclaration de créance initiale effectuée par le crédit bailleur présente un caractère régulier au regard du droit applicable ne fait pas obstacle à ce que, si les conditions en sont réunies, son comportement ultérieur puisse être considéré comme fautif pour n'avoir pas renoncé en temps utile à sa déclaration de créance si les circonstances de fait le justifiaient ; qu'en l'espèce c'est précisément le grief qui est fait par la société BILS DEROO HOLDING aux sociétés intimées ;
Attendu en effet que la société BILS DEROO HOLDING reproche aux sociétés crédit-bailleresses de ne pas avoir fait savoir au représentant des créanciers qu'elles renonçaient à leurs déclarations de créance alors même que par acte du 30 septembre 2002, la caution avait été déchargée de son engagement ; que, de fait, dès lors que par acte du 30 septembre 2002 transférant le bénéfice du contrat de crédit-bail à la société LOG, les crédits bailleurs ont explicitement déchargé la société BILS DEROO HOLDING de son engagement de caution, ils ne disposaient plus à compter de cette date d'aucune créance à l'égard de la société BILS DEROO HOLDING fondée sur un tel engagement dont elle l'avaient explicitement déchargée ; qu'une telle situation ne peut être confondue avec celle décrite par les sociétés intimées dans leurs conclusions et ayant donné lieu à l'arrêt, cité par elles de la chambre commerciale de la Cour de Cassation en date du 2 février 1999 dans laquelle une banque avait à bon droit maintenu sa déclaration de créance malgré des paiements effectués postérieurement par des cautions ; qu'en l'espèce, c'est le principe même de la créance des sociétés crédit bailleresses qui s'est trouvé remis en cause par l'acte notarié du 30 septembre 2002 ; que, par voie de conséquence, leurs déclarations de créance, initialement opérées à bon droit, devaient nécessairement, compte tenu de l'évolution des circonstances de fait, être rejetées ; que la contestation en leur totalité, par le représentant des créanciers, des créances ainsi déclarées était donc totalement prévisible;
Que les sociétés intimées ne sauraient contester utilement le bien-fondé des émoluments attribués au représentant des créanciers qui, en l'état des textes applicables à une procédure collective ouverte avant le 11 juin 2004 (article 108 - IX du décret du 10 juin 2004) avait droit à l'émolument proportionnel de 5 % prévu par l'article 15 du décret du 27 décembre 1985 dès lors que la renonciation du créancier à sa déclaration de créance était intervenue postérieurement à la lettre de contestation envoyée par le représentant des créanciers ; que les sociétés intimées ne peuvent non plus s'étonner de ce que « l'ordonnance du juge-commissaire » ayant fixé le montant des émoluments n'ait pas été contestée, observation étant faite qu'il ne s'agit pas là d'une ordonnance du juge-commissaire mais d'une ordonnance du président du tribunal de commerce prise après proposition du juge-commissaire et que ladite ordonnance a procédé en l'espèce à une réduction substantielle du montant des droits réclamés par le mandataire judiciaire ;
Attendu en conséquence que la société BILS DEROO HOLDING est fondée à soutenir que les sociétés crédit-bailleresses ont fait preuve d'une négligence fautive en ne faisant pas part au représentant des créanciers dans les temps qui ont suivi l'acte notarié du 30 septembre 2002 qu'elles renonçaient à leurs déclarations de créance ; qu'en effet leurs créances à l'égard de la société BILS DEROO HOLDING au titre de l'engagement de caution étaient éteintes depuis la date de cet acte et les société crédit bailleresses devaient nécessairement savoir, d'une part, que leurs créances seraient de plein droit contestées puis rejetées et, d'autre part, que la société BILS DEROO HOLDING serait exposée au paiement du droit prévu par l'article 15 du décret du 27 décembre 1985 ; que, eu égard au montant des créances déclarées par elle, les sociétés crédit bailleresses auraient dû être d'autant plus vigilantes ; qu'elles ont ainsi engagé leur responsabilité délictuelle à l'égard de la société BILS DEROO HOLDING dont le préjudice est égal au montant hors-taxes du droit proportionnel payé à Me [W] soit 384 140,83 € ; que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2011 date de la mise en demeure;
Attendu que le jugement déféré sera ainsi infirmé sauf en ce qu'il a écarté l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés crédit-bailleresses ;
Attendu qu'il serait inéquitable que la société BILS DEROO HOLDING conserve à sa charge le montant des frais irrépétibles engagés pour les besoins de la présente instance; que les sociétés intimées seront solidairement condamnées à lui payer la somme de 1500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et contradictoirement par arrêt mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a écarté l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés crédit-bailleresses et, statuant à nouveau,
Dit que les sociétés crédit-bailleresses ont engagé leur responsabilité délictuelle à l'égard de la société BILS DEROO HOLDING en ne renonçant pas auprès du mandataire judiciaire au temps utile à leurs déclarations de créance,
Condamne en conséquence solidairement les sociétés crédit-bailleresses FINAMUR, FORTIS LEASE et BAIL IMMO NORD à payer à la société BILS DEROO HOLDING la somme de 384 140,83 € à titre de dommages-intérêts assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2011,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne solidairement les sociétés FINAMUR, FORTIS LEASE et BAIL IMMO NORD à payer à la société BILS DEROO HOLDING la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne solidairement les sociétés FINAMUR, FORTIS LEASE et BAIL IMMO NORD aux dépens qui pourront être recouvrés directement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le GreffierLe Président
V. DESMETC. PARENTY