La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/03/2014 | FRANCE | N°13/02282

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 27 mars 2014, 13/02282


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 27/03/2014



***



N de MINUTE : 14/

N RG : 13/02282



Jugement (N° 2011001154)

rendu le 27 Février 2013

par le tribunal de commerce de DOUAI



REF : SB/KH

Admission des créances



APPELANTS



Monsieur [H] [E] (appelant dans le dossier enrôlé sous le n° de RG 13/02282)

demeurant [Adresse 3]

[Localité 1]


r>Représenté par Me Eric LAFORCE, avocat au barreau de DOUAI

Assisté de Me Franck SPRIET, avocat au barreau de LILLE





Maître [O] [L] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL DUGUE

(appelant dans le dossier ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 27/03/2014

***

N de MINUTE : 14/

N RG : 13/02282

Jugement (N° 2011001154)

rendu le 27 Février 2013

par le tribunal de commerce de DOUAI

REF : SB/KH

Admission des créances

APPELANTS

Monsieur [H] [E] (appelant dans le dossier enrôlé sous le n° de RG 13/02282)

demeurant [Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Eric LAFORCE, avocat au barreau de DOUAI

Assisté de Me Franck SPRIET, avocat au barreau de LILLE

Maître [O] [L] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL DUGUE

(appelant dans le dossier enrôlé sous le numéro de RG 13/02282)

demeurant [Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Eric LAFORCE, avocat au barreau de DOUAI

Assisté de Me Franck SPRIET, avocat au barreau de LILLE

SARL DUGUE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

(appelante dans le dossier enrôlé sous le numéro de RG 13/02282)

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Eric LAFORCE, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Franck SPRIET, avocat au barreau de LILLE

Monsieur [X] [Q] (appelant dans le dossier enrôlé sous le n° de RG 13/02293 ' intimé le dossier enrôlé sous le N de RG 13/02282)

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 5]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Jean-Claude HERBIN, avocat au barreau de CAMBRAI

INTIMÉS

Monsieur [X] [Q]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Jean-Claude HERBIN, avocat au barreau de CAMBRAI

SA BANQUE POPULAIRE DU NORD, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

(intimée dans les deux dossiers)

ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI, substituée par Me MEIGNIE

Assistée de Me Philippe VYNCKIER, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS à l'audience publique du 04 Février 2014 tenue par Stéphanie BARBOT magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Caroline NORMAND

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Patrick BIROLLEAU, Président de chambre

Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller

Stéphanie BARBOT, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 27 Mars 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Patrick BIROLLEAU, Président et Marguerite-Marie HAINAUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 décembre 2013

***

Le 29 décembre 2006, la Banque Populaire du Nord a consenti à la SARL DUGUE un prêt professionnel n°07774439 de 200 000 euros au taux d'intérêt de 4.35% l'an, remboursable en 11 ans, ayant pour objet l'acquisition des parts sociales de la SARL DECHY AMBULANCES.

Ce prêt a été garanti par les cautionnements solidaires suivants :

- ceux de [H] [E] et [X] [Q], associés de la société DUGUE, consentis par actes séparés du 29 décembre 2006 à hauteur de 240.000 euros chacun pendant une durée de douze ans ;

- ceux de [N] [Q] et [K] [Q], parents de [X] [Q], pour les mêmes montant et durée.

Par ailleurs, la Banque Populaire du Nord a consenti à la SARL DECHY AMBULANCES les prêts professionnels suivants :

* le 29 décembre 2006 : un prêt n°07774424 de 650 000 euros au taux d'intérêt de 4.35% l'an remboursable en 120 mois, garanti par les cautionnements solidaires des associés [H] [E] et [X] [Q], suivant actes séparés du 29 décembre 2006, dans la limite de 390 000 euros chacun et une durée de 12 ans ;

* le 22 juin 2009, un prêt n°07780339 de 85 000 euros au taux d'intérêt de 6% l'an remboursable en 40 mois, garanti par le cautionnement solidaire de [H] [E] consenti par acte séparé du 22 juin 2009, à hauteur de 25 500 euros et pendant une durée de 64 mois.

Le 23 décembre 2009, la SARL DECHY AMBULANCES a été placée en redressement judiciaire, Maître [O] [L] étant désigné en qualité de mandataire judiciaire, et le 29 janvier 2010, la banque a déclaré sa créance pour un montant global de 592 951,71 euros.

Le 15 décembre 2010, la SARL DECHY AMBULANCES a bénéficié d'un plan de redressement.

Par courriers du 28 janvier 2011, la banque a prononcé la déchéance du terme des prêts contractés par la société DECHY AMBULANCES vis-à-vis des cautions [H] [E] et [X] [Q], en application de l'article L. 622-28 alinéa 2 du Code de commerce.

Entre temps, par courrier du 26 mars 2010, la banque a fait application de la clause de déchéance du terme prévue au contrat de prêt consenti à SARL DUGUE et l'a mise en demeure d'avoir à payer les sommes restant dues au titre du prêt ; elle en a informé chacune des cautions par courriers recommandés du même jour, les mettant vainement mise en demeure d'avoir à régler les sommes restant dues à ce titre.

C'est dans ces conditions que la banque a fait assigner la SARL DUGUE et les cautions en paiement pour certaines devant le tribunal de commerce, et pour les autres devant le tribunal de grande instance :

- dans le cadre de l'instance l'ayant opposée aux cautions [N] et [K] [Q], devant le tribunal de grande instance de DOUAI, la banque est parvenue à un accord et a obtenu le règlement de la somme de 190 000 euros concernant le prêt de 200 000 euros ;

- le 14 décembre 2011, au cours de l'instance pendante devant le tribunal de commerce à l'encontre des autres cautions, la SARL DUGUE a été placée en liquidation judiciaire. La banque a régulièrement déclaré sa créance entre les mains de Maître [L], ès qualités de liquidateur et intervenant volontaire dans le cadre de cette instance.

Suivant jugement du 27 février 2013, le tribunal de commerce de DOUAI a :

×pris acte de l'intervention volontaire de Maître [O] [L] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL DUGUE,

×fixé au passif de la liquidation judiciaire de la SARL DUGUE la somme de 30.638.06 euros outre intérêts au taux contractuel de 4.35% sur la somme de 1.270.54 euros à compter du 1er octobre 2012 au titre du prêt n°07774439,

×rejeté tous les moyens de Monsieur [E],

×condamné solidairement Messieurs [E] et [Q] au paiement de la somme de 30.638,06 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 4.35% sur la somme de 1 270,54 euros à compter du 1er octobre 2012, au titre du prêt n°07774439,

×condamné solidairement Monsieur [E] et [Q] au paiement de la somme de 390 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 28 février 2011, au titre de leur engagement de caution du prêt n°07774424,

× condamne [H] [E] au paiement de la somme de 25 500 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2011, au titre de son engagement de caution du prêt n°0778339,

× débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

× condamné solidairement la SARL DUGUE, Maître [O] [L] ès qualités, [H] [E] et [X] [Q] à payer à la BANQUE POPULAIRE DU NORD la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

× condamné les mêmes aux dépens.

[H] [E], Maître [L] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL DUGUE et la SARL DUGUE d'une part, et [X] [Q] d'autre part, ont respectivement interjeté appel de ce jugement le 18 avril 2013.

Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 28 mai 2013.

PRETENTIONS DES PARTIES :

Selon leurs dernières écritures signifiées le 18 juillet 2013, la SARL DUGUE, [H] [E] et Maître [L], ès qualités de liquidateur de la société DUGUE, demandent à la cour de :

×constater le caractère disproportionné des actes de cautionnements souscrits par [H] [E] le 29 décembre 2006 relativement aux prêts n°07774439 et 07774424, et l'acte de cautionnement souscrit le 22 juin2009 relatif au prêt n° 07 78 0339,

×en conséquence, infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et statuant de nouveau,

×dire que la Banque Populaire du Nord ne peut se prévaloir des actes de cautionnement litigieux,

×par conséquent, débouter la Banque Populaire de ses demandes de condamnation formulées à l'endroit de Monsieur [E] pour les prêts n° 07774439, 07774424 et 07780339,

×donner acte de ce que la Banque Populaire du Nord a été désintéressée du remboursement « de ce prêt », en suite du règlement opéré par les Consorts [Q],

×statuer ce que de droit sur les demandes formulées à l'endroit de Monsieur [X] [Q],

×dans tous les cas : condamner la Banque Populaire du Nord à la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Ils font valoir que lors de la conclusion des engagements de caution du 29 décembre 2006, d'un montant total de 630 000 euros, [H] [E], simple chauffeur de la société DECHY AMBULANCE, n'était pas caution avertie puisqu'il ne possédait aucune expérience particulière ; qu'alors, ses ressources ne lui permettaient pas de faire face aux montants exorbitants sollicités par l'établissement bancaire ; que la banque ne pouvait ignorer la situation professionnelle et personnelle de Monsieur [E], et se garde bien de fournir la moindre « fiche de renseignement » portant sur sa solvabilité en tant que caution ; qu'il en va de même de l'engagement de caution du 22 juin 2009, dès lors qu'à cette date, la situation personnelle de Monsieur [E] demeurait identique, tandis que la société DECHY AMBULANCE se trouvait dans une situation économique difficile ayant abouti à sa mise en redressement judiciaire quelques mois plus tard (le 23 décembre 2009) ; que la BPN, qui ne pouvait ignorer cette situation, a cependant alourdi un peu plus les engagements de caution de l'intéressé pour les porter à un total de 655 500 euros ; que le caractère disproportionné des cautionnements étant avéré, ceux-ci doivent être privés d'effet.

Enfin, ils demandent qu'il leur soit donné acte de ce que le prêt n°07774439 a été remboursé par les parents de [X] [Q] qui s'en étaient portés cautions solidaires, de sorte que la Banque a été désintéressée et ne saurait obtenir la condamnation de la SARL DUGUE, de [H] [E] ou de [X] [Q].

***

Selon ses dernières conclusions signifiées le 7 juin 2013, [X] [Q] demande à la cour de :

×débouter la BPN de l'ensemble de ses prétentions,

×la condamner au paiement d'une indemnité de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Pour s'opposer aux demandes de la banque, il fait valoir que :

- à la date de sa conclusion, son engagement était disproportionné par rapport à ses ressources et biens, ses ressources n'ayant guère évolué aujourd'hui ;

- la responsabilité de la banque est engagée pour défaut de conseil à son égard, puisqu'il n'avait aucune expérience professionnelle et que la banque n'a pas satisfait à son obligation de mise en garde ;

- « l'exemplaire de caution » conservé par la banque contient une correction apportée à la mention manuscrite, à son insu à lui caution, ce dont il doit être tiré toute conséquence.

***

Par dernières conclusions signifiées le 13 septembre 2013, la BPN demande à voir :

×débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes, fins, moyens et prétentions

×débouter [X] [Q] de l'ensemble de ses demandes,

×confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

×condamner solidairement les appelants à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et dire que ces frais irrépétibles seront, pour moitié, passés en frais de justice de la procédure collective, et pour l'autre moitié à la charge de [H] [E],

×condamner [X] [Q] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

×condamner solidairement [X] [Q], [H] [E], la SARL DUGUE et Maître [O] [L] ès qualités aux dépens d'instance et d'appel, et dire que ces dépens seront passés, s'agissant de la part imputable à la SARL DUGUE et à Maître [L], en frais de justice de la procédure collective,

×rendre opposable la décision à Maître [O] [L] ès qualités.

Elle fait notamment valoir que c'est à bon droit que les premiers juges ont fixé sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL DUGUE à la somme de 30.638,06 euros, outre intérêts, dès lors que, contrairement à ce qu'indiquent les appelants, elle n'a pas été désintéressée de sa créance à la suite du règlement de la somme de 190 000 euros par les époux [Q] en août 2011 ; qu'en effet, demeure un solde en principal de 1 277,54 euros, outre les intérêts contractuels échus et à échoir, soit une créance s'élevant à 30 638,06 euros au 30 septembre 2012.

Ensuite, elle conteste le caractère prétendument disproportionné des cautionnement souscrits par Monsieur [E], relevant que ce dernier est incontestablement une caution avertie ; qu'il ne peut donc qu'être débouté de sa demande visant à être déchargé de son engagement de caution, d'autant qu'il ne démontre pas qu'elle-même, banque, disposât sur sa situation financière et ses facultés de remboursement des informations qu'il aurait lui-même ignorées ; que Monsieur [E] prétend à tort que son engagement financier était manifestement disproportionné, l'appréciation du caractère manifestement disproportionné devant être effectuée de manière individuelle pour chacun des actes ; que si, aux termes de l'article L. 341-4 du Code de la consommation, une banque ne peut se prévaloir d'un cautionnement manifestement disproportionné, il en va différemment si le patrimoine de la caution, au moment où celle-ci est appelée, lui permet de faire face à son obligation - ce qui est précisément le cas en l'espèce ; que les facultés contributives de Monsieur [E] doivent s'apprécier au regard notamment des perspectives réelles et sérieuses de développement des entreprises qu'il a créées ; que l'évolution de la société n'est pas le fait d'une conjoncture difficile mais d'une mésentente entre associés, de sorte qu'elle-même, banque, n'est pas responsable de cet échec dont elle subit les conséquences.

En réponse à l'argumentation développée par [X] [Q], la BPN reprend les mêmes arguments pour soutenir que les cautionnements souscrits par l'intéressé ne sont pas disproportionnés et que son patrimoine lui permet de faire face à son obligation au moment où il est appelé. Elle ajoute que les modifications apportées dans la mention manuscrite des cautionnements ne peuvent en remettre en cause la validité de ces actes, dès lors que les exemplaires produits par [X] [Q] en première instance ne sont altérés par aucune correction, les seules corrections apportées sur les exemplaires détenus par l'ayant été afin de tenir compte de la renumérotation des dispositions du code civil relatives au cautionnement.

SUR CE,

1 / Sur la situation de [H] [E]

Attendu qu'en vertu de l'article L341-4 du code de la consommation, « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusions, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation » ;

Qu'il convient de préciser :

- en premier lieu, que ce texte s'applique à toutes les cautions « personnes physiques », sans distinction suivant qu'elles sont profanes ou averties, de sorte que la BPN soutient en vain que [H] [E] serait une caution avertie,

- en second lieu, que lorsque plusieurs cautionnements ont été consentis par des personnes distinctes, la disproportion s'apprécie lors de la conclusion du contrat de cautionnement au regard du montant de l'engagement ainsi souscrit et des biens et revenus de chaque caution (Com. 22 mai 2013, n° 11-24812),

- en troisième lieu, que la proportionnalité de l'engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l'opération garantie (Com. 4 juin 2013, n° 12-18.216 et n° 12-15.518),

- et enfin, que la disproportion doit être appréciée en prenant en considération l'endettement global de la caution y compris celui résultant d'engagements de caution (cf Com. 22 mai 2013, précité) ;

Attendu qu'il convient donc dans un premier temps d'apprécier si, au moment de leur souscription, les trois cautionnements consentis par [H] [E] étaient proportionnés ou non, sans avoir égard ni aux autres cautionnements souscrits par d'autres personnes en garantie des mêmes prêts, ni aux perspectives de développement des entreprises créées par l'intéressé avec [X] [Q] ;

Attendu que le premier cautionnement, solidaire, a été souscrit le 29 décembre 2006 en garantie du prêt de 200 000 euros accordé à la SARL DUGUE, dans la limite de 240 000 euros, intérêts et frais compris ;

Que le second cautionnement, également solidaire, date du même jour, et a été donné en garantie de l'emprunt de 650 000 euros consenti à la SARL DECHY AMBULANCES, dans la limite de 390 000 euros ;

Que [H] [E] démontre qu'à l'époque, ses seuls revenus s'élevaient à 1 986,92 euros en moyenne (cf son avis d'impôt sur le revenu 2006, pièce n°4), l'intéressé ne disposant alors ni d'un patrimoine ni d'une épargne quelconque, et partageant avec son épouse, outre les charges courantes liées à l'entretien de deux enfants communs, un loyer (200 euros environ), outre le remboursement de deux prêts à la consommation (mensualités de 465,11 euros pour celui souscrit en février 2003, et de 325,54 euros pour le second souscrit en février 2005) ;

Qu'à l'évidence, à la date de sa souscription, ces deux cautionnements étaient manifestement disproportionnés aux biens et revenus de [H] [E] ;

Attendu que le troisième cautionnement, souscrit le 22 juin 2009, était destiné à garantir le prêt de 85 000 euros consenti à la SARL DECHY AMBULANCES, dans la limite de 25 500 euros ; qu'il n'est ni soutenu ni démontré que la situation financière et patrimoniale de [H] [E] se fût améliorée à cette date, alors qu'au contraire son endettement global s'était considérablement accru à raison de l'adjonction des deux précédents cautionnements ' représentant une garantie totale de 630 000 euros ;

Qu'en considération de ces éléments, la cour estime qu'à la date de sa souscription, ce troisième cautionnement était manifestement disproportionné au regard des biens et revenus de [H] [E] ;

Attendu enfin qu'au vu des pièces versées aux débats, il n'est pas établi que la situation financière de [H] [E] se serait améliorée à la date où il a été assigné en exécution des cautionnements litigieux, en mars 2011, ou encore à la date du présent arrêt, ce qui lui permettrait de faire face à ses obligations découlant de ces actes ;

Attendu qu'en conséquence, la BPN doit être déchue du droit de se prévaloir des cautionnements donnés par [H] [E] et, dès lors, déboutée de ses demandes en paiement formées à l'encontre de ce dernier au titre du solde des trois prêts en cause ; que le jugement déféré sera donc réformé à cet égard ;

2 / Sur le solde restant dû au titre du prêt n°07774439 de 200 000 euros

Attendu que la BPN justifie de ce que sa créance à ce titre s'établit à 30 368,06 euros, calculée comme suit, en tenant compte de la somme versée par certaines cautions :

×principal (échéances impayées + capital restant dû) : 191 277,54 euros

×intérêts conventionnels échus entre le 30/09/2009 et le 31/08/2011 : 15 980,06 euros

×dont à déduire la somme versée par les époux [Q], cautions, le 31 août 2011 : 190 000 euros

×intérêts contractuels échus entre le 01/09/2011 et le 30/09/2012 : 59,85 euros

×indemnité d'exigibilité anticipée : 13 320,61 euros

Qu'ainsi, c'est à tort qu'il est soutenu que la banque aurait été désintéressée au titre de ce prêt, et à l'inverse à raison que le jugement entrepris a fixé au montant sus visé la créance de la BPN au passif de la procédure collective ouverte à l'encontre de la SARL DUGNE ; que le jugement sera donc confirmé de ce chef ;

3 / Sur la situation de [X] [Q] :

Attendu que bien que [X] [Q] n'ait pas présenté sa défense dans cet ordre, la logique commande d'examiner dans un premier temps la régularité formelle des cautionnements donnés par l'intéressé ;

- Sur la régularité formelle des cautionnements :

Attendu que selon l'article L 341-2 du Code de la consommation : « Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci: « En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même » ;

Que l'article 341-3 du Code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'Ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 applicable à la cause compte tenu de la date des actes considérés (29 décembre 2006), énonce que : « Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante: « En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X...» ;

Qu'en l'occurrence, il résulte de la copie des actes de cautionnement détenus par [X] [Q], produits en original par l'intéressé en première instance mais pas en appel (cf pièces n°46 et 47 de la BPN), que ces cautionnement, signés par [X] [Q] sous la mention manuscrite qu'il a apposée, ne comportent aucune surcharge et sont rédigés à l'identique, dans les termes suivants :

En me portant caution de la SARL [DECHY AMBULANCES ou DUGUE selon le cautionnement] dans la limite de la somme de [390 000 euros pour le premier cautionnement, 240 000 euros pour le second, avec mention du chiffre en toutes lettres] couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard, et pour la durée de 12 ans, je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur les revenus et sur mes biens si la SARL [DECHY AMBULANCES ou DUGUE] n'y satisfait par elle-même. En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2021 du Code civil et en m'obligeant solidairement avec la SARL [DECHY AMBULANCES ou DUGUE], je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement la SARL [DECHY AMBULANCES ou DUGUE].

Attendu que la seule référence erronée à l'article 2021 du Code civil, au lieu de l'article 2298 dudit code, n'affecte pas la portée des mentions manuscrites ;

Que ce premier moyen sera donc rejeté ;

- Sur la disproportion alléguée du cautionnement :

Attendu que [X] [Q] a donné un cautionnement à la BPN dans les mêmes termes que [H] [E], au titre des prêts du 29 décembre 2006 respectivement consentis à la SARL DUGUE et à la SARL DECHY AMBULANCES, soit à hauteur de 240 000 euros s'agissant du premier, et de 390 000 euros s'agissant du second ;

Que de nouveau, la cour constate que la BPN ne justifie pas s'être enquise des facultés contributives de la caution, et, surtout, ne conteste pas les informations fournies par [X] [Q] suivant lesquelles, à la date de souscription de ces engagements, l'intéressé percevait de revenus mensuels limités à 1 489 euros en moyenne en 2006, et qu'il était locataire, sans qu'il soit fait état de la propriété d'un patrimoine immobilier ou d'une épargne quelconque ;

Qu'en considération de ces éléments, la disproportion des deux cautionnements au regard des biens et revenus de l'intéressé est manifeste ;

Attendu qu'il n'est pas démontré qu'à la date où [X] [Q] a été poursuivi par la BPN, ou à la date du présent arrêt, les revenus et biens de l'intéressé lui permettraient de faire face à ses engagements ;

Que dans ces conditions, la banque doit être déclarée déchue de son droit de se prévaloir des actes litigieux, et déboutée de ses demandes en paiement formées à l'encontre de [X] [Q], par voie de réformation du jugement entrepris ;

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :

Attendu que, succombant pour l'essentiel, la BPN sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, au paiement d'une indemnité procédurale de 2 500 euros au profit de la SARL DUGUE, [H] [E] et Maître [L] ès qualités, et de 1 000 euros à [X] [Q] ; qu'elle sera à l'inverse déboutée de sa propre demande formée en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Qu'enfin, Maître [L] étant partie en cause d'appel, le présent arrêt lui est pleinement opposable, sans qu'il y ait lieu de prévoir une disposition spéciale à ce titre ;

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

- INFIRME le jugement entrepris, sauf :

*en sa disposition ayant pris acte de l'intervention volontaire de Maître [O] [L] en qualité de liquidateur de la SARL DUGUE,

*et en sa disposition fixant à 30 638,06 euros la créance de la BPN au passif de la liquidation judiciaire de la SARL DUGUE au titre du prêt n° 07774439 ;

Et statuant de nouveau, par voie de réformation pour le surplus,

- Vu l'article L341-4 du Code de la consommation, DIT que la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD ne peut se prévaloir des actes de cautionnement souscrits par [H] [E] ;

- En conséquence, DEBOUTE la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD de ses demandes en paiement formées à l'encontre de [H] [E] au titre du solde du prêt n°07774439 de 200 000 euros du 29 décembre 2006, du prêt n°07774424 de 650 000 euros du 29 décembre 2006, et du prêt n°07780339 du 22 juin 2009 ;

- Vu l'article L341-4 du Code de la consommation, DIT que la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD ne peut se prévaloir des actes de cautionnement souscrits par [X] [Q] ;

- En conséquence, DEBOUTE la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD de ses demandes en paiement formées à l'encontre de [X] [Q] au titre du solde du prêt n°07774439 de 200 000 euros du 29 décembre 2006, et du prêt n°07774424 de 650 000 euros du 29 décembre 2006 ;

- Vu l'article 700 du Code de procédure civile, CONDAMNE la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD à payer :

×à la SARL DUGUE, à [H] [E] et à Maître [L], ès qualités de liquidateur de la société DUGUE : la somme de 2 500 euros,

×à [X] [Q] : la somme de 1 000 euros ;

- DEBOUTE la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD de sa demande présentée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNE la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

M.M. [F]. [W]


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 13/02282
Date de la décision : 27/03/2014

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°13/02282 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-03-27;13.02282 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award