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14/04/2014 | FRANCE | N°13/07289

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 14 avril 2014, 13/07289


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 14/04/2014



***



N° de MINUTE : 272/2014

N° RG : 13/07289

Sur saisine en application de l'article 179-5 du décret du 27 novembre 1991 à défaut de décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau d'Avesnes-sur-Helpe

REF : EM/VC



DEMANDEUR

Monsieur [S] [Y]

Demeurant

[Adresse 2]

[Localité 2]



Régulièrement convoqué par let

tre recommandée avec accusé de réception

Comparant en personne

Assisté de Me Christophe DESURMONT, avocat au barreau de LILLE





DÉFENDEUR

Maître [V] [R]

Demeurant

[Adresse 1]

[Localité...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 14/04/2014

***

N° de MINUTE : 272/2014

N° RG : 13/07289

Sur saisine en application de l'article 179-5 du décret du 27 novembre 1991 à défaut de décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau d'Avesnes-sur-Helpe

REF : EM/VC

DEMANDEUR

Monsieur [S] [Y]

Demeurant

[Adresse 2]

[Localité 2]

Régulièrement convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception

Comparant en personne

Assisté de Me Christophe DESURMONT, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDEUR

Maître [V] [R]

Demeurant

[Adresse 1]

[Localité 1]

Régulièrement convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception

Représenté par Me Armand AUDEGOND, avocat au barreau de VALENCIENNES

En présence de Monsieur le Procureur Général près la Cour d'Appel de Douai

Représenté par Monsieur Jean-Louis KANTOR, Avocat Général

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Evelyne MERFELD, Président de chambre

Pascale METTEAU, Conseiller

Joëlle DOAT, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine VERHAEGHE

DÉBATS à l'audience publique du 03 Mars 2014, après rapport oral de l'affaire par Evelyne MERFELD

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 Avril 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame Evelyne MERFELD, Président, et Delphine VERHAEGHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Souhaitant mettre fin à son activité d'avocat, Maître [T] [Y] a régularisé le 25 janvier 2010 avec Maître [V] [R], avocat au barreau d'Avesnes-sur-Helpe, une convention de présentation de clientèle à effet au 1er janvier 2010.

Invoquant un différend l'opposant à Maître [R] au sujet de l'article 13 de cette convention, Monsieur [Y] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau d'Avesnes-sur-Helpe, par courrier recommandé du 24 juillet 2013, d'une demande d'arbitrage en application de l'article 179-1 du décret du 27 novembre 1991.

Le bâtonnier n'ayant pas rendu sa décision dans le délai de quatre mois, Monsieur [Y] a porté le litige devant la Cour d'Appel, conformément à l'article 179-5 dudit décret par lettre recommandée postée le 20 décembre 2013.

Il déclare :

- que l'article 13 de la convention de présentation de clientèle, intitulé 'comptes entre les parties sur les dossiers en cours' prévoit :

Maître [Y] s'engage à céder à son successeur les frais et honoraires dans les dossiers en cours à compter du 1er janvier 2010.

Sont exclus les frais et honoraires des affaires plaidées avant le 1er janvier 2010.

Le successeur s'engage à rétrocéder à Maître [Y] les honoraires reçus après le 1er janvier 2010 dans les affaires plaidées avant le 31 décembre 2009.

- qu'une difficulté est apparue concernant un dossier [X] C/ AVIVA qui était ouvert au cabinet d'avocat depuis de nombreuses années et qui avait fait l'objet d'un jugement rendu le 26 février 2008 par le Tribunal de Grande Instance d'Avesnes-sur-Helpe disant que la société AVIVA devait indemniser Monsieur [X], son client, dans la limite contractuelle de 605 000 €, que ce jugement a été confirmé par arrêt rendu le 27 juillet 2009 par la Cour d'Appel de Douai qui, avant dire droit sur la liquidation du préjudice, a ordonné une expertise, que du fait des délais nécessaires à l'expertise médicale et à la mise en état l'arrêt mettant fin à la procédure condamnant la société AVIVA à verser à Monsieur [X] la somme de 610 000 € n'a été rendu que le 2 février 2012,

- qu'il a été éconduit lorsqu'il a réclamé sa part d'honoraires sur ce dossier à Maître [R] alors que pour l'essentiel, l'affaire avait été plaidée avant le 31 décembre 2009 puisque tous les points essentiels du litige (prétention de nullité du contrat d'assurance, fins de non recevoir multiples, montant de la limite contractuelle de garantie) avaient été tranchés par le jugement du 26 février 2008 confirmé par l'arrêt du 27 juillet 2009 qui a ordonné une expertise uniquement pour vérifier si le préjudice de Monsieur [X] était bien supérieur à la limite contractuelle de garantie,

- que c'est à tort que Maître [R] soutient que la convention de présentation de clientèle du 25 janvier 2010 est d'interprétation stricte alors qu'il convient de se référer aux articles 1156 et suivants du code civil sur l'interprétation des conventions, desquels il ressort que l'on doit rechercher la commune intention des parties plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes,

- que la convention ne comporte aucune précision concernant l'hypothèse d'une affaire plaidée plusieurs fois, pour partie avant le 1er janvier 2010 et pour partie après, qu'il n'est pas indiqué à l'article 13 que seraient exclus les frais et honoraires des affaires définitivement plaidées avant le 1er janvier 2010,

- que le dossier [X] C/ AVIVA est un dossier de réparation de préjudice corporel pour lequel il est classique que l'essentiel de la rémunération soit réclamé au client en fin de procédure lorsqu'il perçoit ses indemnités, qu'il s'agit d'un dossier aux enjeux importants avec en conséquence un fort potentiel d'honoraires au terme de nombreuses années de procédure, qui a donné lieu à plusieurs décisions ayant tranché le fond du débat,

- qu'il a perçu une première provision de 717,60 € TTC en octobre 2006 et une seconde provision de 598 € TTC en 2007, qu'il ne saurait être soutenu qu'il a obtenu paiement de ses diligences alors qu'il a réalisé l'essentiel du travail, les points essentiels du dossier ayant été tranchés avant le 1er janvier 2010,

- qu'une convention d'honoraires peut être orale, qu'il faisait confiance à son client et il avait raison car Monsieur [X] n'a émis aucune contestation sur le principe d'un honoraire de résultat lorsque Maître [R] lui a fait signer la convention puisque cet honoraire avait été convenu dès l'origine.

Dans la mesure où le dossier a été plaidé à deux reprises par lui et une fois par Maître [R] il soutient qu'il est légitime de procéder à un partage des honoraires perçus par Maître [R] à hauteur des deux tiers pour lui et d'un tiers pour Maître [R]. Il demandait par conclusions du 22 janvier 2014 qu'il soit justifié du montant des honoraires perçus, ce qui a été fait en cours de procédure, Maître [R] ayant produit une facture d'honoraires en date du 26 avril 2012 pour un montant de 32 500 € HT, soit 38 870 € TTC, dont il a obtenu paiement.

Outre les deux tiers de cette somme Monsieur [Y] se porte demandeur d'une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Maître [V] [R] a conclu au rejet de la demande de Monsieur [Y] et à sa condamnation à lui verser une indemnité de procédure de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il déclare qu'il était le collaborateur de Maître [Y] qui était bâtonnier en exercice lorsqu'il a décidé de faire valoir ses droits à la retraite et donc parfaitement informé des modalités de cession d'une clientèle, que c'est Maître [Y] qui a pris l'initiative de la rédaction de la convention de présentation de clientèle, qu'il n'a pas souhaité, comme c'est souvent le cas, répertorier les dossiers en cours de traitement au sein du cabinet et établir une clé de répartition des honoraires entre le cédant et le cessionnaire selon l'état d'avancement du dossier à la date de cession, que par souci de simplification il a déterminé un prix de présentation de clientèle d'un montant de 80 000 € qui a été réglé.

S'agissant du dossier [X] C/ AVIVA il indique que le rapport d'expertise a été déposé le 27 avril 2010, quatre mois après la cession de clientèle, que les conclusions récapitulatives de Monsieur [X] ont été signifiées le 17 novembre 2010, que la CPAM a été mise en cause le 18 janvier 2011 et l'affaire a été plaidée le 1er décembre 2011 ce qui montre qu'il a accompli de multiples diligences postérieurement à la cession de clientèle.

Il fait observer que le dossier [X] est le seul dans lequel Monsieur [Y] entend obtenir une répartition d'honoraires et s'étonne que ce dossier, dont il est soutenu qu'il serait particulier, n'ait pas fait l'objet d'une disposition spéciale dans la convention afin de déterminer sans ambiguïté le sort des honoraires le concernant.

Il soutient que la clause de l'article 13 du contrat ne nécessite aucune interprétation, que son analyse permet de se convaincre qu'il ne devait restituer que les honoraires reçus après le 1er janvier 2010 et facturés par Maître [Y] avant ou après la plaidoirie mais avant la date de cession de clientèle. Il en déduit que Maître [Y] ne peut prétendre au paiement d'honoraires concernant le dossier [X], plaidé sur le fond postérieurement au 1er janvier 2010.

Il déclare que Maître [Y] a facturé ses honoraires selon deux factures qui lui ont été réglées et, que n'ayant pas jugé opportun de prévoir avec son client un honoraire complémentaire fondé sur le résultat, il ne dispose d'aucun droit à obtenir cet honoraire dont il n'a pas envisagé le paiement avant la cession de clientèle.

Monsieur [Y] n'étant plus en activité il s'interroge sur le mécanisme qu'il pourrait utiliser pour refacturer les deux tiers des honoraires en ce compris la TVA perçue et acquittée au Trésor Public. Il soutient que sa demande se heurte donc également à un problème d'ordre fiscal.

Monsieur le Procureur Général déclare qu'il convient de s'en tenir aux termes de l'article 13 de la convention de présentation de clientèle qui ne comporte aucune ambiguïté, que les honoraires dans les dossiers en cours au 1er janvier 2010 ont été cédés à Maître [R] par Maître [Y] et que les honoraires dans l'affaire [X] font donc partie de la cession qui s'est faite pour un prix forfaitaire de 80 000 €. Il considère que si en raison de l'importance du résultat dans l'affaire [X], Maître [Y] entendait conserver une part des honoraires il aurait dû faire inclure dans la convention une clause spécifique pour ce dossier.

SUR CE :

Attendu que le 25 janvier 2010 Maître [Y] et Maître [R] ont conclu une convention de présentation de clientèle par laquelle Maître [Y] autorisait Maître [R] à se dire son successeur dans l'exercice de son activité d'avocat à compter du 1er janvier 2010 ;

Qu'en contrepartie du versement par Maître [R] d'un prix de 80 000 € Maître [Y] s'engageait à présenter Maître [R] à sa clientèle, à mettre les dossiers du cabinet à sa disposition et à lui céder les frais et honoraires dans les dossiers en cours à compter du 1er janvier 2010 à l'exclusion des frais et honoraires des affaires plaidées avant le 1er janvier 2010, l'article 13 de la convention précisant que le successeur s'engage à rétrocéder à Maître [Y] les honoraires reçus après le 1er janvier 2010 dans les affaires plaidées avant le 31 décembre 2009 ;

Attendu que le litige porte sur les honoraires du dossier [X] C/ AVIVA qui, ainsi que le relate le demandeur, a fait l'objet d'un jugement du Tribunal de Grande Instance d'Avesnes-sur-Helpe en date du 26 février 2008, d'un arrêt de la Cour d'Appel du 27 juillet 2009 tranchant une partie du principal et ordonnant une expertise médicale et d'un second arrêt de la Cour du 2 février 2012 rendu après expertise et condamnant la compagnie AVIVA au paiement d'une somme de 610 000 € ;

Que le dossier a donc été plaidé au fond deux fois par Maître [Y] en 2008 et 2009 et une fois par Maître [R] en décembre 2011 ;

Attendu qu'il s'agit du seul dossier pour lequel Maître [Y] demande un partage d'honoraires alors que l'hypothèse d'une plaidoirie avant et après le 1er janvier 2010 a dû se retrouver dans tous ses dossiers pendant devant la Cour à la date de prise d'effet de la convention de présentation puisque le jugement dont appel était nécessairement antérieur au 1er janvier 2010 ;

Attendu que le particularisme du dossier [X] tient à l'importance des honoraires perçus par Maître [R] en avril 2012 après le prononcé de l'arrêt du 2 février 2012, en exécution de la convention d'honoraires qu'il a conclue avec Monsieur [X] le 13 janvier 2012 prévoyant un montant d'honoraires fixes de 2 000 € et des honoraires complémentaires de résultat de 5 % des sommes allouées à Monsieur [X] en réparation de son préjudice alors que Maître [Y] n'a facturé et reçu de son client que les seules sommes de 717,60 € et 598 € en 2006 et 2007 ;

Que toutefois aucune disposition spéciale n'a été prévue dans la convention de présentation du 25 janvier 2010, les parties n'ayant pas répertorié les dossiers en cours de traitement au cabinet pour établir une répartition des honoraires entre cédant et cessionnaire selon l'état d'avancement à la date de la cession ;

Attendu que le dossier [X] C/ AVIVA était un dossier en cours au 1er janvier 2010 ;

Que Maître [Y] n'avait pas facturé à son client, à la suite de ses plaidoiries en 2008 et 2009, d'autres honoraires que ceux dont il avait reçu paiement ; qu'il n'est pas apporté la preuve par le demandeur de l'existence d'une convention d'honoraires écrite ou orale conclue avec Monsieur [X] antérieurement au 1er janvier 2010 ;

Que Maître [R] s'est seulement engagé à rétrocéder à Maître [Y] les honoraires reçus par lui après le 1er janvier 2010, dans les affaires plaidées avant le 31 décembre 2009 ; que Maître [R] n'a pas reçu d'honoraires en 2012 pour les plaidoiries de 2008 et 2009, tous les honoraires facturés par Maître [Y] lui ayant été réglés ;

Attendu que le principe qui doit guider l'interprétation des conventions est certes celui de la commune intention des parties ;

Que cependant si comme le soutient le demandeur, les parties avaient entendu exclure de l'alinéa 1er de l'article 13 de la convention de présentation selon lequel Maître [Y] s'engage à céder à son successeur les frais et honoraires dans les dossiers en cours à compter du 1er janvier 2010, les dossiers qui ont fait l'objet d'une plaidoirie avant le 1er janvier 2010 ayant abouti à une décision sur le fond alors que l'affaire demeure en cours, Maître [Y] aurait été amené à réclamer une rétrocession d'honoraires dans d'autres dossiers que l'affaire [X] ;

Que l'exclusion prévue au 2ème alinéa de l'article 13 relative aux frais et honoraires des affaires plaidées avant le 1er janvier 2010 ne vise que les dossiers en délibéré à cette date, pour lesquels la décision ne sera rendue qu'après la date d'effet de la convention de présentation ;

Attendu que Monsieur [Y] doit être débouté de sa demande ;

Attendu qu'il n'apparaît toutefois pas inéquitable de laisser à la charge de Maître [R] les frais irrépétibles qu'il a engagés dans la présente procédure ; que la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant contradictoirement,

Déboute Monsieur [T] [Y] de sa demande,

Le condamne aux dépens,

Déboute Maître [V] [R] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,

D. VERHAEGHEE. MERFELD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 13/07289
Date de la décision : 14/04/2014

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°13/07289 : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-04-14;13.07289 ?
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