République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 03/07/2014
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N° MINUTE :
N° RG : 13/05663
Jugement (N° 11/00670)
rendu le 14 Mai 2013
par le Tribunal de Grande Instance de BÉTHUNE
REF : HB/VC
APPELANTES
SA BANQUE POPULAIRE DU NORD Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social : [Adresse 3]
Représentée par Me Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI
Assistée de Me Philippe VYNCKIER, avocat au barreau de LILLE
SA CASDEN BANQUE POPULAIRE Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social : [Adresse 4]
Représentée par Me Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI
Assistée de Me Philippe VYNCKIER, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉS
Monsieur [Z] [G]
né le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 1] - de nationalité Française
demeurant : [Adresse 5]
Représenté par Me Sylvie REGNIER, avocat au barreau de DOUAI
assisté de Me NORDMANN, avocat au barreau de PARIS
Madame [L] [C] épouse [G]
née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 2] - de nationalité Française
demeurant : [Adresse 2]
Représentée par Me Sophie VANHAMME, avocat au barreau de BÉTHUNE
DÉBATS à l'audience publique du 21 Mai 2014 tenue par Hélène BILLIERES magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Annie DESBUISSONS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Pierre CHARBONNIER, Président de chambre
Benoît PETY, Conseiller
Hélène BILLIERES, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Annie DESBUISSONS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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LA COUR,
Attendu que les sociétés BANQUE POPULAIRE DU NORD et CASDEN ont interjeté appel d'un jugement du tribunal de grande instance de Béthune du 14 mai 2013 qui les a déclarées irrecevables à agir contre Monsieur [Z] [G] et Madame [L] [C], épouse [G], afin d'obtenir leur condamnation solidaire à leur verser, pour la première, une somme de 120 051 euros avec intérêts au taux contractuel à compter du 10 décembre 2010, en règlement du solde de trois crédits que les époux [G] avaient contractés auprès de la société BANQUE POPULAIRE DU NORD suivant trois actes en date des 30 juillet 1994, 24 décembre 2000 et 5 février 2003, et pour la seconde, une somme de 106 803,59 euros avec intérêts au taux contractuel à compter du 18 février 2011 en remboursement de la somme que la société CASDEN a acquittée en sa qualité de caution des engagements de Monsieur [Z] [G] et Madame [L] [C], épouse [G], envers la société BANQUE POPULAIRE DU NORD ; et qui s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande reconventionnelle des époux [G] en mainlevée des inscriptions d'hypothèque judiciaire prises sur trois immeubles leur appartenant par la société BANQUE POPULAIRE DU NORD pour sûreté d'une somme de 120 000 euros ;
Attendu que dans leurs conclusions du 22 avril 2014, les société BANQUE POPULAIRE DU NORD et CASDEN demandent la condamnation solidaire de Monsieur [Z] [G] et Madame [L] [C], épouse [G], à payer à la société CASDEN, régulièrement subrogée dans les droits de la banque, les sommes de 90 591,46 euros avec intérêts au taux conventionnel de 6,10 % l'an sur un principal de 86 215,03 euros à compter du 11 décembre 2010 au titre du prêt du 24 décembre 2000, 14 991,83 euros avec intérêts au taux conventionnel de 6,10 % l'an sur un principal de 13 334,19 euros à compter du 11 décembre 2010 au titre du prêt du 30 juillet 1994 et 14 417,22 euros avec intérêts au taux conventionnel de 5,40 % l'an sur un principal de 12 894,60 euros à compter du 11 décembre 2010 au titre du prêt du 5 février 2003 ; qu'elles réclament l'allocation, à la charge solidaire de Monsieur [Z] [G] et Madame [L] [C], épouse [G], d'une somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive et de 3 000 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que dans ses écritures signifiées le 28 février 2014, Madame [L] [C], épouse [G], conclut à la confirmation du jugement entrepris, et subsidiairement, au mal fondé des demandes formées par les sociétés BANQUE POPULAIRE DU NORD et CASDEN ; qu'elle sollicite l'allocation, à la charge des sociétés BANQUE POPULAIRE DU NORD et CASDEN, d'une somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que par écritures signifiées le 14 mai 2014, Monsieur [Z] [G] conclut à l'irrecevabilité des demandes en paiement formées contre lui par les sociétés BANQUE POPULAIRE DU NORD et CASDEN, et subsidiairement à leur mal fondé ; qu'il conclut très subsidiairement à la déchéance des sociétés BANQUE POPULAIRE DU NORD et CASDEN de leur droit aux intérêts contractuels sur les prêts litigieux à compter de leur transformation en crédits in fine conformément à l'article L. 311-33 ancien du code de la consommation ; qu'il demande en tout état de cause à la Cour de prononcer la mainlevée des inscriptions d'hypothèques judiciaires prises sur trois immeubles sis [Adresse 1], [Adresse 2] et [Adresse 5] ; qu'il réclame enfin l'allocation, à la charge des sociétés BANQUE POPULAIRE DU NORD et CASDEN, d'une somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il ressort des éléments du dossier que selon une offre préalable acceptée le 30 juillet 1994, la société BANQUE POPULAIRE DU NORD a consenti à Monsieur [Z] [G] et Madame [L] [C], épouse [G], un prêt immobilier de 352 000 francs au taux de 8,50 % l'an, cet engagement, destiné à financer l'acquisition d'une maison ancienne sise [Adresse 1], étant garanti par l'aval de la société CASDEN à hauteur de 100 % de la somme empruntée ;
Que selon une offre préalable acceptée le 24 décembre 2000, la banque leur a consenti un second prêt immobilier de 791 000 francs au taux de
6,10 % l'an, et remboursable par cent quatre vingt mensualités de 7 097,40 francs, destiné à financer l'acquisition d'un immeuble sis [Adresse 2], engagement également garanti par l'aval de la société CASDEN ;
Que suivant offre préalable acceptée le 5 février 2003, la société BANQUE POPULAIRE DU NORD leur a enfin accordé un prêt personnel de 34 400 euros au taux de 5,50 % l'an, remboursable par quatre-vingt-quatre mensualités de 508,09 euros chacune afin de financer l'acquisition d'un véhicule automobile ;
Attendu que Monsieur [Z] [G] ayant formé une demande de traitement de sa situation de surendettement déclarée recevable le 24 juillet 2007, il a bénéficié d'un plan conventionnel de redressement élaboré par la commission de surendettement des particuliers des Pyrénées Orientales prévoyant la suspension, à compter du mois d'août 2007, de l'exigibilité des créances déclarées contre lui, en ce comprises les créances de la BANQUE POPULAIRE DU NORD au titre des trois prêts en cause, pour une durée de six mois pendant laquelle il était entendu que l'intéressé mettrait ce délai à profit pour procéder aux opérations de liquidation de la communauté ayant existé entre son épouse, Madame [L] [C], et lui-même ;
Que le 27 mars 2008, il a à nouveau saisi la commission de surendettement des particuliers des Pyrénées Orientales d'une demande visant à voir traiter sa situation de surendettement déclarée recevable le 8 avril 2008 ; que figuraient encore à l'état du passif déclaré par le débiteur les créances de la BANQUE POPULAIRE DU NORD au titre des trois prêts en cause ; que par une ordonnance rendue le 15 décembre 2009, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Perpignan a constaté que Monsieur [Z] [G] avait expressément renoncé au bénéfice de la procédure de traitement des situations de surendettement et renvoyé en conséquence le dossier au secrétariat de la commission ;
Que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 19 janvier 2010, la société BANQUE POPULAIRE DU NORD, en même temps qu'elle a prononcé la déchéance du terme de chacun des concours consentis et la clôture du compte courant ouvert à leur nom dans ses livres, a mis Monsieur [Z] [G] et Madame [L] [C], épouse [G], en demeure de lui payer la somme totale de 114 279,83 euros et a mis en 'uvre la garantie de la société CASDEN, laquelle, en exécution de son obligation, s'est acquittée d'une somme globale de 106 803,59 euros entre les mains de la banque qui lui en a donné quittance le 18 février 2011 ;
Attendu qu'en vertu de l'article L. 137-2 du code de la consommation issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; que dès lors que les crédits immobiliers et les crédits à la consommation consentis aux consommateurs par des organismes de crédit constituent des services financiers fournis par des professionnels, l'action en recouvrement qui en naît est soumise au délai biennal de prescription de l'article susvisé ; que l'article 26 II de la loi ci-dessus visée a prévu que les dispositions qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, soit le 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit dix ans en l'espèce ;
Attendu par ailleurs que selon l'article 2240 du code civil, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit interrompt le délai de prescription, l'acte interruptif résultant de cette reconnaissance par le débiteur du droit du créancier faisant courir, à compter de sa date, un nouveau délai de prescription ; qu'il résulte en outre de la combinaison des articles 2241, 2242 et 2243 du même code que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion jusqu'à l'extinction de l'instance, cette interruption étant toutefois regardée comme non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède qu'en sollicitant en juillet 2007 le plan conventionnel par lequel sa dette a été aménagée, Monsieur [Z] [G] a reconnu les créances de la société BANQUE POPULAIRE DU NORD en exécution des trois prêts des 30 juillet 1994, 24 décembre 2000 et 5 février 2003, de sorte que le délai de prescription a été interrompu en application de l'article 2240 du code civil, avec effet du mois d'août 2007 au mois de mars 2008, date à laquelle un nouveau délai de dix ans a commencé à courir ;
Que la nouvelle saisine par Monsieur [Z] [G], débiteur, de la commission de surendettement le 27 mars 2008 a également valu reconnaissance des dettes qu'il déclarait de sorte que le délai de prescription a de nouveau été interrompu en application de l'article 2240 du code civil, le nouveau délai de prescription décennale commençant à courir sitôt l'acte récognitif, soit à compter du 27 mars 2008, et non pas, la saisine émanant, non de la BANQUE POPULAIRE DU NORD, créancière, mais du débiteur lui-même qui prescrivait, à l'extinction de l'instance, le 15 décembre 2009 ;
Attendu par ailleurs que la mise en 'uvre, à une date au demeurant non précisée, du recours dirigé par la société BANQUE POPULAIRE DU NORD contre la décision rendue le 8 avril 2008 par la commission de surendettement des particuliers des Pyrénées Orientales qui a déclaré recevable la demande de Monsieur [Z] [G] de traitement de sa situation de surendettement qu'il lui avait présentée le 27 mars 2008, en ce qu'il est distinct par son objet et par sa cause d'une action en paiement, n'a pas eu pour effet d'interrompre le cours de la prescription des créances de la banque ;
Qu'il suit qu'à la date de l'entrée en vigueur des dispositions de la loi réformant la prescription le 19 juin 2008, la prescription antérieure de dix ans n'était pas acquise de sorte que la prescription applicable aux présentes actions en recouvrement du solde des trois prêts en cause est bien la prescription biennale de l'article L. 137-2 du code de la consommation ;
Que la renonciation de Monsieur [Z] [G] au bénéfice de la procédure de traitement des situations de surendettement, constatée par le juge de l'exécution dans sa décision du 15 décembre 2009, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi précitée, en ce qu'elle est dépourvue de tout élément impliquant sans équivoque l'aveu de l'existence à cette date des droits de la banque, n'a pu produire aucun effet interruptif de cette prescription ;
Attendu que c'est en conséquence à bon droit qu'en l'absence de tout historique de compte, le premier juge a, au vu des lettres des 3, 10 et 17 avril 2008 invitant les époux [G] à régulariser les échéances impayées au titre des trois prêts litigieux, fixé le point de départ du délai biennal de prescription au 19 juin 2008 ;
Qu'en l'absence de causes d'interruption des créances dans les deux années qui ont suivi, les créances de la BANQUE POPULAIRE DU NORD se sont trouvées prescrites, tant à l'égard de Monsieur [Z] [G] qu'à l'égard de son épouse, en application de l'article 2245 du code civil, à partir du 19 juin 2010, antérieurement à l'assignation délivrée à Monsieur [Z] [G] par acte du 31 janvier 2011 par laquelle elle a introduit sa demande devant le premier juge ;
Attendu que la fin de non-recevoir proposée par Monsieur [Z] [G] et Madame [L] [C], épouse [G], doit donc être accueillie, et le jugement entrepris confirmé ;
Attendu que par suite, il doit être fait droit à la demande en mainlevée formée par Monsieur [Z] [G] des inscriptions d'hypothèque judiciaire provisoire que la société BANQUE POPULAIRE DU NORD a prises en vertu d'une ordonnance du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Béthune du 6 janvier 2011 à l'encontre de Monsieur [Z] [G] et Madame [L] [C], épouse [G], sur les immeubles sis à [Adresse 2] et [Adresse 2], leur appartenant et contre Monsieur [Z] [G] seul, sur l'immeuble sis à [Adresse 5] dont il est nu-propriétaire ;
Attendu que la demande en dommages et intérêts pour résistance abusive formée par les sociétés BANQUE POPULAIRE DU NORD et CASDEN devant la Cour, qui vient en complément de leur demande en paiement, échappe en vertu de l'article 566 du code de procédure civile à la prohibition dont l'article 564 du même code frappe le prétentions nouvelles formées pour la première fois en cause d'appel ; que le moyen d'irrecevabilité soulevé par Monsieur [Z] [G] doit donc être écarté ;
Attendu toutefois que les sociétés BANQUE POPULAIRE DU NORD et CASDEN succombant en leurs prétentions, leur demande en dommages et intérêts ne saurait prospérer ;
Attendu que s'il ne parait pas inéquitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance, il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [Z] [G] et Madame [L] [C], épouse [G], les frais exposés par eux en cause d'appel et non compris dans les dépens ; qu'il leur sera en conséquence alloué la somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS ;
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions, à l'exception de celles relatives à la demande en mainlevée d'inscriptions d'hypothèques judiciaire provisoire formée par Monsieur [Z] [G] ;
Statuant à nouveau,
Ordonne la mainlevée des hypothèques judiciaires inscrites à titre conservatoire à la requête de la S.A. BANQUE POPULAIRE DU NORD en vertu d'une ordonnance du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Béthune du 6 janvier 2011 sur les immeubles communs aux époux [G] sis à [Adresse 2], cadastré section AY n° [Cadastre 1] ainsi que sur les 1/17ème indivis des parcelles communes cadastrées section AY n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5], et [Adresse 2], cadastré section AC n° [Cadastre 3] et [Cadastre 6], ainsi que sur l'immeuble sis à [Adresse 5], cadastré section BL n° [Cadastre 2] lot n° 29 dont Monsieur [Z] [G] est nu-propriétaire ;
Y ajoutant,
Déboute la S.A. BANQUE POPULAIRE DU NORD et la S.A. CASDEN, comme non fondées, de leur demande en dommages et intérêts formée contre Monsieur [Z] [G] et Madame [L] [C], épouse [G] ;
Condamne la S.A. BANQUE POPULAIRE DU NORD et la S.A. CASDEN à payer à Monsieur [Z] [G] et à Madame [L] [C], épouse [G], la somme de 1 000 euros chacun par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la S.A. BANQUE POPULAIRE DU NORD et la S.A. CASDEN aux dépens d'appel qui pourront le cas échéant être recouvrés par Maître Sylvie REGNIER et Maître Sophie VANHAMME, avocats, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
A. DESBUISSONSP. CHARBONNIER