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30/10/2014 | FRANCE | N°13/06339

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 30 octobre 2014, 13/06339


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 1



ARRÊT DU 30/10/2014



***



N° de MINUTE : 14/

N° RG : 13/06339



Jugement (N° 2010+03016)

rendu le 25 Septembre 2013

par le Tribunal de Commerce de LILLE METROPOLE



REF : CP/KH





APPELANTS



Monsieur [G] [O]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 4] ([Localité 1])

de nationalité Française

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[Localité 2]



Représenté par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI

Assisté de Maître Xavier HARANGER Avocat au Barreau de Paris



Madame [L] [O] NÉE [B]

née le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 6]...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 30/10/2014

***

N° de MINUTE : 14/

N° RG : 13/06339

Jugement (N° 2010+03016)

rendu le 25 Septembre 2013

par le Tribunal de Commerce de LILLE METROPOLE

REF : CP/KH

APPELANTS

Monsieur [G] [O]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 4] ([Localité 1])

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

[Localité 2]

Représenté par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI

Assisté de Maître Xavier HARANGER Avocat au Barreau de Paris

Madame [L] [O] NÉE [B]

née le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 6] ([Localité 1])

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Maître Xavier HARANGER Avocat au Barreau de Paris

INTIMÉE

SA LA SOCIETE GENERALE, agissant par ses représentants légaux dont ses président et conseil d'administration

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Benoît DE BERNY, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me

Delphine LANCIEN

DÉBATS à l'audience publique du 17 Septembre 2014 tenue par Christine PARENTY magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Caroline NORMAND

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Christine PARENTY, Président de chambre

Philippe BRUNEL, Conseiller

Sandrine DELATTRE, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 Octobre 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président et Caroline NORMAND, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 septembre 2014

***

Vu le jugement contradictoire du 25 septembre 2013 du Tribunal de Commerce de Lille Métropole, ayant débouté les époux [O] de leurs fins de non recevoir et de leur demande de nullité du contrat de cautionnement du 13 mars 1998, les ayant condamnés à payer solidairement à la Société Générale la somme de 76 224,50€ au titre de leur engagement de caution, avec intérêts légaux à compter de l'assignation du 8 novembre 2010, ordonné la capitalisation des intérêts, débouté les parties du surplus, condamné les époux [O] à payer à la Société Générale 5000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté le 7 novembre 2013 par les époux [O];

Vu les conclusions déposées le 3 septembre 2014 pour la Société Générale;

Vu les conclusions déposées le 9 septembre 2014 pour les époux [O];

Vu l'ordonnance de clôture du17 septembre 2014;

Monsieur et madame [O] ont interjeté appel aux fins de réformation du jugement; ils demandent à la cour de constater l'accord de principe de la Société Générale et de monsieur [O] au plan de restructuration financière mis en place dès Mars 1997 et en janvier 1998 et reposant notamment sur le déblocage des contrats d'assurance-vie nantis afin de recapitaliser Medianor, de constater que le cautionnement conclu par monsieur [O] a été souscrit en considération du concours de la banque à Medianor et de sa recapitalisation, de constater que la banque a rompu son concours, refusé d'octroyer à Medianor le crédit à moyen terme promis et refusé de libérer les contrats d'assurance-vie nantis, de dire que le cautionnement souscrit par monsieur [O] est dépourvu de cause, donc de prononcer la nullité du contrat du 13 mars 1998 et de débouter la Société Générale.

A titre subsidiaire, ils considèrent que son action est irrecevable, la banque ne démontrant pas être créancière de l'intégralité des sommes réclamées à monsieur [O], ne démontrant pas l'avoir informé en sa qualité de caution; ils demandent à la Cour de constater que la créance s'élève à 4 608,24€ pour déchéance des intérêts et subsidiairement à 19 613,11€ si la cour décidait que les sommes du nantissement sont venues apurer les intérêts.

A titre encore plus subsidiaire, ils plaident la responsabilité délictuelle de la banque, qui leur a accordé de manière inadaptée un crédit de campagne, alors que dès le 13 mars 1998, elle savait que son remboursement était impossible faute de l'octroi du crédit à moyen terme, crédit promis mais pour lequel elle n'a pas respecté sa promesse et demandent à la Cour de constater ces fautes qui ont entraîné l'insolvabilité de Medianor et causé un préjudice à monsieur [O], de condamner la banque à leur régler une somme correspondant à l'éventuelle condamnation outre 5000€ pour le préjudice moral.

A titre infiniment subsidiaire, ils demandent 24 mois de délais de paiement.

En tout état de cause, ils demandent à la Cour de constater que madame [O] n'a pas engagé ses biens propres; ils réclament 15 000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée sollicite la confirmation, avec un point de départ des intérêts au 25 août 2000, date de la mise en demeure et une demande subsidiaire à hauteur de 72 297,26€; elle demande à la Cour de dire que le cautionnement engage les biens de la communauté des époux [O].

Elle soulève l'irrecevabilité de la demande d'annulation du cautionnement, la cour d'appel de Douai et la Cour de Cassation ayant déjà statué, leurs demandes se heurtant à l'autorité de la chose jugée, notamment sur le prétendu dol, et le principe de sa responsabilité, mais se heurtant également à la prescription même par exception.

Subsidiairement, la Société Générale demande à la cour de constater que le cautionnement Omnibus de 500 000 F avait une cause licite, qu'il avait une contrepartie effective résultant des crédits accordés par la banque à la société Medianor, que les époux [O] étaient des dirigeants avertis et avisés, de dire qu'elle n'a pas substitué un débiteur à un autre par le cautionnement, de dire qu'elle a une créance envers Medianor au moins égale à 500 000 F en principal, de dire qu'elle a négocié sérieusement, mais obtenu de faux documents, que des faits nouveaux sont intervenus après le 13 mars 1998 , comme la révélation d'une situation beaucoup plus grave, le refus de participer de la BSD et d'un investisseur.

Elle demande également de constater qu'il n'est pas établi qu'elle ait refusé de libérer le nantissement du contrat d'assurance -vie, de constater qu'elle a toujours informé ses clients, qu'à la fin 97 elle aurait pu mettre fin à toute relation, qu'il ne doit pas y avoir de délai de grâce, qu'elle a pratiqué une saisie conservatoire entre les mains d'un tiers qui détient une somme suffisante. Elle réclame 20 000€ pour appel abusif et 10 000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

Les époux [O] étaient à la tête d'un groupe de plusieurs sociétés spécialisées dans le textile enfant, situées à [Localité 5], issues de la société Historique Medianor.

Au dernier trimestre 96, la société Medianor a connu des difficultés de trésorerie et le 13 mars 1998, elle a souscrit auprès de la Société Générale un crédit de campagne de 3 000 000€ remboursable le 30 juin 1998; le même jour, monsieur [O] a souscrit un cautionnement solidaire de 500 000€ et son épouse a consenti à ce cautionnement.

La banque plaide qu'elle a accordé ce crédit au vu d'un prévisionnel du 11 mars 1998, qui s'est révélé très différent du prévisionnel qu'elle a eu en mains début avril 1998, avec un écart anormal et une aggravation inexpliquée du besoin de trésorerie, malgré une note rassurante des époux [O] et de leur expert comptable. Le 31 juillet 1998, la Société Générale rencontrait les époux [O], sachant qu'un dossier de crédit à moyen terme était à l'étude par différents établissements bancaires pour financer la restructuration.

Le 3 août 1998, la Société Générale notifiait la clôture du compte avec délai de préavis de 60 jours, différé jusqu'au 17 novembre 1998.

Le 19 janvier 1999, la SA Medianor et la SA Tertianor étaient placées en redressement judiciaire; la Société Générale a déclaré ses créances; un plan de continuation a été mise en place, puis résolu et la liquidation a été ouverte le 26 juin 2000. Le 25 août 2000, elle a mis monsieur [O] en demeure.

Une action en responsabilité a été engagée contre la Société Générale par le mandataire qui a abouti à la condamnation de cette dernière à lui verser des dommages et intérêts; de même, assignée par les époux [O] pour faute contractuelle, elle a été condamnée en appel, mais l'arrêt a été partiellement cassé et la cour de renvoi saisie.

Les époux [O] précisent que ce crédit de campagne visait à apporter un soutien immédiat à Medianor dans l 'attente d'un concours de moyen terme dont la concrétisation était imminente; outre le cautionnement, le prêt était garanti par deux nantissements sur deux contrats d'assurance vie au nom de monsieur [O] [N] et au nom des époux [O], mais que la banque n'a jamais mis en oeuvre le plan de restructuration générale qui devait permettre de sauver la société Medianor, ne libérant jamais le nantissement du contrat d'assurance-vie qui devait être ré-injecté dans Medianor, et n'octroyant pas le crédit à moyen terme promis, alors que la BSD avait accepté le principe de sa participation pour moitié; selon eux, la banque paralysait le refinancement de Medianor, ce crédit de campagne n'ayant fait que retarder l'ouverture de la procédure collective.

Ils plaident:

- la nullité du cautionnement pour défaut de cause, pour deux raisons:

.d'une part parce qu'il n'a été souscrit qu'en considération de l'octroi imminent d'un crédit à moyen terme à Medianor, qui n'a pas été octroyé malgré les promesses de la Société Générale, et la preuve de l'accord de la banque est apportée par 5 courriers , par les conclusions adverses, et souligné par la cour d 'appel de Douai dans un arrêt de septembre 2012, le cautionnement omnibus visant à garantir l'ensemble des engagements, et faisant monter à 4 000 000F le montant global des garanties. Pour les époux [O], la banque n'a cherché qu'à obtenir des débiteurs de substitution, à un moment où le découvert de Medianor n'avait jamais été aussi élevé( 1212 KF), son but n'étant pas sa pérennité mais le bénéfice de garanties suffisantes pour couvrir son engagement quitte à faire échouer l'opération globale de refinancement , à une époque où elle savait nécessairement que le crédit de campagne ne suffirait pas , plusieurs juridictions ayant reconnu ce fait.

.d'autre part parce que la banque a mis fin à son concours aussitôt après la conclusion du dit cautionnement, concrétisé seulement dans l'idée de la poursuite de la relation, alors qu'elle connaissait la situation de Medianor, comme l'affirment les juridictions saisies, et que sans son concours chacun savait que la société ne pourrait se redresser, qu'elle l'a fait alors qu'aucun événement nouveau n'était survenu .

Sur le problème de la nullité, la banque leur objecte tout d'abord que leur demande se heurte à l'autorité de la chose jugée , la cour d'appel de Douai ayant statué le 20 septembre 2012 dans le cadre du procès en responsabilité engagé par eux, cet arrêt n'ayant été cassé que sur les dommages et intérêts, que de surcroît, cette action est prescrite puisque non engagée dans les 5 ans à l'endroit d'un acte ayant déjà reçu exécution.

Puis elle leur répond que le cautionnement Omnibus avait une contrepartie, qu'il a été jugé que les époux [O] étaient des dirigeants avertis qui n'apportaient pas la preuve que la banque aurait eu sur la société des informations qu'ils n'auraient pas détenues, et qu'elle aurait caché ses intentions de se constituer un débiteur substitué et de ne pas consentir au concours sollicité, qu'ils ont sollicité et obtenu deux prêts à court terme ( 3 000 000F et 500 000F) pour un besoin de trésorerie décrit le 11 mars 1998 comme de 4 099 000 F, qu'ils ont mis fin à la relation avec leur banque par leur comportement puisque quelques jours après l'octroi du crédit de campagne, soit en avril ils présentaient un prévisionnel très différent avec un besoin maximal de trésorerie de 9 352 000F , ce qui motivait de sa part un courrier du 14 avril 1998, dans lequel elle écrivait qu'elle stoppait l'étude du crédit; elle affirme qu'alors elle a réclamé un prévisionnel certifié par l'expert comptable qui n'a rien à voir avec les documents fournis, qu' à partir de ce moment là elle a sollicité la participation de la BSD pour 50% et l'apport d'un million de francs par un nouvel associé; la BSD s'étant désistée, et la situation apparaissant plus grave, elle décidait de cesser son concours.

Les époux [O] soulignent qu'il ne peut y avoir autorité de la chose jugée puisqu'aucune décision n'a statué sur la nullité du contrat de cautionnement , les juges ayant statué sur celle du contrat Valcap, et eux mêmes n'ayant jamais invoqué cette nullité, que leur action n'est pas prescrite, argument au demeurant soulevé pour la première fois en appel, puisque il s'agit d'une exception de nullité, laquelle est perpétuelle, qui concerne un acte qui n'a certes pas reçu exécution. Ils ajoutent que le cautionnement n'est pas venu garantir le crédit de campagne, crédit temporaire.

En réponse aux arguments de la Société Générale sur de prétendus faux, ils précisent que le deuxième prévisionnel comportait une erreur matérielle qui a été signalée à la banque parfaitement au courant, à une époque où le crédit de campagne avait déjà été accordé, et qui a réclamé un prévisionnel certifié au vu duquel elle a continué à négocier, comme le prouvent les courriers de Mai 98 émanant de la Société Générale. Ils affirment que la BSD n'a jamais refusé de financement mais était en attente d'une attestation en relation avec la renégociation des deux prêts de la SCI Berzin transformés en amortissables, selon laquelle le montant du contrat d'assurance vie serait remis dans la trésorerie de Medianor, attestation qui semble t'il n'a jamais été adressée à la BSD, à propos de laquelle les époux [O] ne connaissent pas les raisons de la non participation; ( pièce réclamée non communiquée). Monsieur [O] déclare qu'il était prêt à cet apport de fonds propres de nature à motiver la participation de la Sofaris et que c'est bien la Société Générale qui a bloqué toute l'opération, pour couvrir son propre intérêt , soit son risque de découvert.

Les époux [O] plaident encore:

- que la banque est irrecevable, puisqu'elle ne démontre pas qu'elle est toujours titulaire d'une créance à hauteur du montant qu'elle réclame, le taux d'intérêt retenu étant erroné qui serait de 6,69%, et ses demandes variables, et la déchéance devant intervenir faute de l'information de la caution; ils ajoutent qu'il doit être tenu compte de deux versements de sorte que le solde est de 4608,24€.

Sur ce point , la Société Générale fait valoir que sa créance a été admise à hauteur de 256 169,75€, que la réalisation du nantissement ne s'impute pas sur le principal, mais d'abord sur les intérêts, que le capital restant dû après le dividende reçu de la liquidation judiciaire est bien de 72 297,26€.

-Puis ils invoquent la responsabilité délictuelle de la banque qui leur a octroyé un crédit de campagne inadapté, ce qui a été reconnu par la Cour d' Appel de Douai, qui leur a refusé le crédit à moyen terme promis , n 'a pas mis en place le plan de restructuration sans expliquer son refus, rendant inutile le crédit de campagne et conduisant à la liquidation de la société, et qui s'est montrée d'une particulière inertie comme en témoignent les échanges de courriers dans une situation d'urgence. Ils font valoir que leur préjudice est double, lié aux pertes financières, et à un préjudice moral.

Sur ce point, la Société Générale estime également que la question est déjà jugée, qu'ils ont menti à leur commissaire aux comptes, qu'ils ont favorisé leur société Tunisienne au détriment des françaises, qu'ils étaient avertis et avisés et connaissaient parfaitement la situation réelle.

Ils répliquent que la précédente instance concernait un soutien abusif à Médianor sur la base de l'article 1382, que madame [O] n'est pas avertie, que les fautes de la banque ne pouvaient être anticipées même par un dirigeant averti, que le commissaire aux comptes de Médianor a attesté de l'image fidèle de l'entreprise donnée par les bilans et les comptes de Médianor, que la société Tunisienne n'a pas été favorisée qui dépendait des françaises pour exister, qu'ils n'ont rien dissimulé.

Ils demandent des délais de paiement, que la Société Générale demande de rejeter puisqu'elle peut convertir une saisie conservatoire qu'elle a opérée et précisent que la banque, qui a été plusieurs fois condamnée, ne rapporte pas la preuve de leur abus d'ester, et que madame [O] n'a pas engagé ses biens propres.

Sur ce

Sur la prescription de l'action en nullité

Pour la banque, l'action aurait dû être engagée dans les 5 ans du refus de la banque de consentir le prêt par application de l'article 1304 du code civil. Mais il est de principe que l'exception de nullité est perpétuelle et ne se prescrit, en conséquence, pas; en l'espèce, les époux [O] invoquent la nullité du cautionnement qu'on leur oppose par voie d'exception et si cette exception n'est pas recevable à l'égard d'un acte ayant déjà reçu exécution, ici il faut considérer que les époux [O] sont poursuivis en exécution ,non du contrat de prêt, mais du cautionnement garantissant celui-ci, qui lui, n'a pas été exécuté. Leur action n'est donc pas prescrite.

Sur l'autorité de la chose jugée

Plusieurs points ont d'ores et déjà été jugés dans les procédures antérieures et doivent être considérés comme définitivement tranchés; il convient de les inventorier , en tous cas ceux qui peuvent avoir un impact sur la présente décision. Par ailleurs, il convient de répondre à l'argument de la société Générale selon lequel la Cour d'Appel de Douai, dans son arrêt du 20 septembre 2012 aurait déjà tranché la question de la nullité du cautionnement.

- la question de la nullité du cautionnement a t'elle été tranchée' Pour cela il faut que la question constitue l'objet de la décision et ait été tranchée dans le dispositif. Il est nécessaire de vérifier également l'étendue du litige tel que soumis à la juridiction; Or la cour d'appel était saisie d'une action personnelle des époux [O] en raison du préjudice personnel subi du fait de la société Générale. La cour a confirmé l'inexistence d'un dol commis à leur égard, mais a infirmé le jugement en retenant que la faute contractuelle commise à l'égard de la société Medianor consistant à lui avoir octroyé un crédit abusif avait atteint ses dirigeants en raison de la prise de garanties et elle leur a octroyé 350 000€ de dommages et intérêts. L'arrêt a été cassé sur ce point précis dans la mesure où à un autre endroit de la décision, la cour avait considéré que monsieur [O] était une caution avertie et que partant de là ce dernier n'était pas fondé à rechercher la responsabilité de la banque à raison de la faute commise par celle-ci lors de l'octroi du crédit. Or la demande des époux [O] était en relation, comme cela ressort de l'arrêt lui même et de leurs conclusions de l'époque, avec les garanties déjà actionnées, soit le nantissement du contrat Valcap souscrit le 13 mars 1998 mais prenait également pour support le cautionnement à hauteur de 500 000€, non retenu dans le préjudice puisque non encore actionné. Il s'en suit que la Cour a tranché la question du dol sur la base de l'article 1109 et de l'article 1116 du code civil mais n'était pas saisie d'une demande de nullité du contrat pour défaut de cause en vertu de l'article 1131 du même code. C'est en ce sens qu'avait jugé le JEX de Lille le 6 mai 2013 et la Cour confirme cette interprétation: il n' y a donc pas autorité de la chose jugée dans la partie non cassée de l'arrêt.

- par contre, un certain nombre d'éléments doivent être considérés comme définitivement acquis, car déjà jugés:

. La cour d'appel de Douai , dans un arrêt définitif du 30 mars 2006 , a considéré qu'il était établi que monsieur [O] souhaitait faire un apport en fond propres à la société Medianor, que la Société Générale en pleine restructuration interne n'avait pas donné suite à ses lettres du début 97, que le 13 mars 1998, jour où elle accordait un crédit de campagne de 3 MF remboursable par escompte le 30 juin 2008, elle avait connaissance de la situation lourdement obérée de la société à savoir un solde débiteur de compte alarmant ( - 1,09 MF le 30 janvier 1998; - 1,7 MF le 27 février ; 2,9 MF le 13 mars 1998), avec peu de recettes en face, et surtout une impossibilité de régler ses concours à la banque, celle-ci ne réclamant le prévisionnel qu'en mai 98, exigeant dans le même temps le nantissement des contrats d'assurance vie et le cautionnement dont s'agit alors qu'elle constatait un endettement au 31 décembre 1997 de 11,9 MF pour des capitaux propres de 3,9 MF etc.., que le concours de 3 MF accordé remboursable par billets à ordre 3 mois plus tard n'était pas légitime, la société Medianor n'ayant aucune chance de se redresser, que ce concours n'avait servi qu' à retarder la procédure collective. La responsabilité de la Société Générale est définitivement consacrée dans l'octroi du crédit de campagne à une société irrémédiablement compromise.

. En outre, dans une décision du 20 septembre 2012 qui concerne Tertianor, demandeur via Maître [F], la cour a retenu qu'il n'était pas sérieusement contestable qu'un accord de principe avait été donné par la Société Générale quant à un plan de restructuration financier des sociétés Medianor et Tertianor, non encore arrêté au mois de Mai 98.

. Troisièmement, dans la partie non cassée de l'arrêt frappé de pourvoi, la cour d'appel de Douai a dit que monsieur [G] [O] était une caution avertie totalement impliquée dans l'opération de restructuration financière de son groupe, que les garanties étaient données en contrepartie de l'augmentation du crédit de campagne et pas du plan de restructuration financière encore en discussion et non arrêté, ceci pour rejeter l'argument selon lequel la banque aurait manifesté sa véritable intention qui était de se constituer un débiteur substitué et rejeter l'hypothèse du dol.

Tout ceci étant acquis, il convient de s'interroger sur l'absence de cause plaidée par les époux [O].

Sur le fond

Le tribunal, à juste titre, a rappelé que l'engagement contesté est un engagement omnibus, cautionnant donc l'ensemble des engagements de la société Medianor et qu'il était nécessaire de se placer au moment de sa signature, au demeurant totalement contemporaine de l'octroi du crédit de campagne.

Il a donc été reconnu que la banque avait donné son accord pour un plan de restructuration , comme le retient la cour dans un arrêt précédent, et comme le souligne [M] [E], nommé administrateur, dans un de ses courriers; dans des conclusions rédigés pour l'autre procès, la banque reconnaît qu'elle a accordé ce crédit de campagne de 3 MF , ' dans l'attente de la mise en place du crédit en pool bancaire' Société Générale - BSD', qu'elle 'a étudié avec attention et constitué un dossier de crédit moyen terme en partenariat avec d'autres banques, qui n'a pu intervenir pour des causes extérieures à sa volonté.'.' compte tenu du refus de la seconde banque'. Il est à noter qu' à l'époque de ces conclusions, la Société Générale se déclarait parfaitement informée par les documents comptables remis et ne remettait nullement en question leur véracité, chose qu'elle fait aujourd'hui en contradiction avec l'attestation du commissaire aux comptes qui les décrit comme des images fidèles de la société Medianor.

En tant qu'engagement Omnibus, il est certain que le cautionnement contesté, lorsqu'il a été signé, n'était pas sans cause objective apparente non plus qu'affecté qu'au seul crédit de campagne, a fortiori que celui-ci était temporaire, tellement temporaire que chacun le savait insuffisant. Il a même été qualifié par la juridiction d'inadapté. Si le cautionnement en est contemporain, on ne peut considérer que monsieur [O] aurait une nouvelle fois engagé ses biens personnels au seul regard de ce concours limité dans le temps. Il est clair qu'il a accepté de s'engager personnellement en fonction du projet de restructuration globale, impensable sans le concours de la société Générale, qui à l'époque de la signature n'avait aucune velléité , semble t'il, de rompre son concours. À partir du moment où il a été considéré que la banque n'aurait pas dû prolonger artificiellement la vie de cette société en accordant le crédit de campagne, il doit être considéré qu'il n'était pas plus légitime de recueillir la caution contemporaine du dirigeant , personne physique, dans cette période où tout était joué. La caution doit être considérée comme s'étant obligée dans la perspective de la poursuite de la relation de crédit; or celle-ci s'est terminée de par la volonté de l'établissement financier dans un délai rapproché. S'agissant d'un protocole, il est certain qu'il ne pouvait produire ses effets que dans une certaine durée et la banque ne pouvait sans raison particulière se désengager. La Société Générale a voulu voir un élément nouveau dans le refus énoncé plus tard par la BSD, dont les motivations restent obscures, faute de production des pièces réclamées mais il apparaît que dans le même temps, elle n'a pas accompli toutes les diligences nécessaires, ( fourniture d'une attestation à la BSD, modification des prêts de la SCI Berzin, permettant à monsieur [O] de disposer des fonds à ré-injecter dans Medianor), réservant la concrétisation de son accord, et l'écrivant, alors qu'elle connaissait la situation de la société débitrice, comme l'a consacré l'arrêt de cette même cour , devenu définitif, et ce dès la signature du cautionnement et appréhendait son incapacité à la rembourser, puis rompant brutalement.

Monsieur [O], réputé caution avertie ne pouvait pas anticiper ce comportement.

Il doit être considéré que les deux causes qui sous tendaient l'engagement de monsieur [O], à savoir le crédit de campagne, dont l'octroi a été considéré judiciairement comme abusif, et la promesse de l'octroi d'un crédit à moyen terme dans le cadre du projet de restructuration, qui n'a jamais été tenue, ont disparu et que le cautionnement obtenu sur ces promesses de soutien , s'en est trouvé dépourvu de cause. Le cautionnement dont il est demandé paiement n'a donc pas été atteint d'un vice initial mais est devenu privé d'effet , l'obligation étant devenue sans cause; en conséquence il doit être considéré comme sans effet au sens de l'article 1131 du code civil et le jugement doit être infirmé.

La Société Générale sera déboutée de l'ensemble de ses demandes, y compris sa demande de dommages et intérêts et sa demande sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient de condamner la Société Générale à payer aux époux [O] une somme globale de 8000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe

Dit que l'action en nullité du cautionnement Omnibus de monsieur [G] [O] n'est pas prescrite ni atteinte par l'autorité de la chose jugée;

Vu l'article 1131 du code civil,

Infirme le jugement entrepris;

Dit que ce cautionnement est devenu sans cause , donc sans effet;

Déboute la Société Générale de l'ensemble de ses demandes;

Condamne la Société Générale à payer aux époux [O] une somme globale de 8000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

C. NORMANDC. PARENTY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 13/06339
Date de la décision : 30/10/2014

Références :

Cour d'appel de Douai 21, arrêt n°13/06339 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-30;13.06339 ?
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