République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 20/11/2014
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N° MINUTE :
N° RG : 14/01344
Jugement (N° 11/08013)
rendu le 26 Novembre 2013
par le Tribunal de Grande Instance de LILLE
REF : HB/VC
APPELANTE
Sté.coopérative Banque Pop. BANQUE POPULAIRE DU NORD
ayant son siège social : [Adresse 1]
Représentée par Me Philippe CHAILLET, avocat au barreau de LILLE
Assistée de Me Laurent HEYTE, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE
Madame [I] [B] épouse [V]
née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1] ([Localité 1]) - de nationalité Française
demeurant : [Localité 2]
Représentée par Me Eric LAFORCE, avocat au barreau de DOUAI
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/14/03219 du 01/04/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)
DÉBATS à l'audience publique du 24 Septembre 2014 tenue par Hélène BILLIERES magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Annie DESBUISSONS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Pierre CHARBONNIER, Président de chambre
Benoît PETY, Conseiller
Hélène BILLIERES, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 Novembre 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Annie DESBUISSONS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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LA COUR,
Attendu que la BANQUE POPULAIRE DU NORD a interjeté appel d'un jugement du tribunal de grande instance de Lille du 26 novembre 2013 qui a déclaré irrecevable comme prescrite son action formée contre Madame [I] [B], épouse [V], afin d'obtenir sa condamnation à lui verser une somme de 95 371,89 euros avec intérêts au taux contractuel de 6 % l'an à compter du 23 juin 2011, en règlement du solde d'un prêt immobilier que Madame [I] [B], épouse [V], a souscrit auprès de cette banque avec son mari, Monsieur [U] [V], placé depuis en liquidation judiciaire, selon un acte sous seing privé du 13 novembre 2000 ;
Attendu qu'au soutien de son recours et par conclusions du 10 septembre 2014, la BANQUE POPULAIRE DU NORD fait valoir que le délai biennal de prescription édicté à l'article L. 137-2 du code de la consommation auquel est soumis son action en paiement a commencé à courir, non pas, à partir du 18 juin 2008, date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, comme l'a faussement retenu le premier juge, mais à compter du 16 juin 2011, date de la mise en demeure valant déchéance du terme qu'elle a adressée à Madame [I] [B], épouse [V] ; qu'elle fait valoir, à titre subsidiaire, que les démarches engagées par Madame [I] [B], épouse [V], pour l'acquisition des droits indivis de son mari dans l'immeuble à usage d'habitation sis à [Localité 2] appartenant au couple et l'engagement de cette dernière, expressément rappelé dans l'ordonnance du 7 décembre 2009 du juge-commissaire à la liquidation judiciaire de Monsieur [U] [V], à « faire son affaire personnelle du remboursement de sa quote-part de moitié du prêt immobilier consenti par la BANQUE POPULAIRE DU NORD » valent reconnaissance par Madame [I] [B], épouse [V], d'une reconnaissance des droits de la banque, interruptive de prescription ; que les premières conclusions de première instance de Madame [I] [B], épouse [V], du 15 mai 2012 aux termes desquelles celle-ci avait formulé une demande de délais de grâce et le courrier du 27 octobre 2010 par lequel le conseil de Madame [I] [B], épouse [V], lui a fait une proposition acceptée par elle de remboursement échelonné de la dette postérieurement à l'expiration du délai de prescription ont en tout état de cause entraîné renonciation de la part de la débitrice à se prévaloir de celle-ci ;
Qu'elle réitère en conséquence devant la cour les prétentions qu'elle avait initialement soumises au premier juge et réclame la condamnation de Madame [I] [B], épouse [V], à lui verser une somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation aux dépens, en ce compris tous les frais à la charge de la BANQUE POPULAIRE DU NORD en application de l'article 10 du tarif des huissiers de justice modifié par le décret du 8 mars 2001 ;
Attendu que dans ses écritures du 10 septembre 2014, Madame [I] [B], épouse [V], conclut à la confirmation du jugement entrepris et sollicite la condamnation de la BANQUE POPULAIRE DU NORD à lui payer une somme de 2 500 euros par application des articles 700-2 du code de procédure civile et 37 de la loi numéro 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Attendu qu'il ressort des éléments du dossier que suivant une offre préalable acceptée le 13 novembre 2000, la BANQUE POPULAIRE DU NORD a consenti à Monsieur [U] [V] et à Madame [I] [B], son épouse, un prêt immobilier de 583 000 francs, soit 88.877,78 euros, remboursable par cent quarante quatre mensualités de 5.893,26 francs, soit 898,42 euros, incluant des intérêts au taux nominal de
6 % l'an ;
Que par un jugement du 19 décembre 2006, le tribunal de commerce de Roubaix Tourcoing a prononcé la liquidation judiciaire de Monsieur [U] [V] ;
Que la BANQUE POPULAIRE DU NORD a, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 15 février 2007, produit entre les mains du mandataire liquidateur une créance d'un montant de 65 932,18 euros du chef de ce prêt ;
Qu'à raison de la défaillance de Madame [I] [B], épouse [V], dans le paiement des échéances de remboursement du prêt, la BANQUE POPULAIRE DU NORD a, par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 16 juin 2011 dont elle lui a accusé réception le 17 juin suivant, prononcé la déchéance du terme du prêt et mis l'intéressée en demeure de lui régler sous huitaine le solde de 95 298,92 euros ;
Attendu qu'en vertu de l'article L. 137-2 du code de la consommation issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; que dès lors que les crédits immobiliers et les crédits à la consommation consentis aux consommateurs par des organismes de crédit constituent des services financiers fournis par des professionnels, l'action en recouvrement qui en naît est soumise au délai biennal de prescription de l'article susvisé ;que l'article 26 II de la loi ci-dessus visée a prévu que les dispositions qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, soit le 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit dix ans en l'espèce ;
Attendu que pour déclarer l'action en recouvrement du solde du prêt exercée par la BANQUE POPULAIRE DU NORD contre Madame [I] [B], épouse [V], prescrite, le premier juge, après avoir rappelé que cette action était assujettie au délai biennal édicté à l'article L. 137-2 du code de la consommation qui s'applique aux prescriptions à partir de l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 18 juin 2008 dont ce texte est issu, savoir le 19 juin 2008, a considéré que ce délai a commencé à courir, non pas à compter de la lettre de mise en demeure adressée à Madame [I] [B], épouse [V], le 16 juin 2011, mais à compter du 19 décembre 2006, date du jugement prononçant la liquidation judiciaire de Monsieur [U] [V] de sorte qu'en l'absence de causes d'interruption, la prescription était acquise, et la créance du prêteur éteinte, lorsque ce dernier, plus de deux ans après l'entrée en vigueur de la loi, a engagé sa demande en paiement le 18 juillet 2011, jour de l'assignation introductive d'instance ;
Attendu que les parties s'accordent en cause d'appel à considérer que le point de départ du délai de prescription biennale édicté par l'article L. 137-2 susvisé coïncide à la date de déchéance du terme qu'elles demandent de fixer, pour la banque appelante, au 16 juin 2001, date d'envoi de la lettre mettant Madame [I] [B], épouse [V], en demeure de lui payer le solde du prêt, et pour cette dernière, au 19 décembre 2006, date du jugement prononçant la liquidation judiciaire de son mari, coemprunteur solidaire ;
Mais attendu que la déchéance du terme résultant de la liquidation judiciaire du débiteur principal n'a d'effet qu'à l'égard de celui-ci et reste sans incidence sur la situation de ses coobligés solidaires poursuivis en paiement ;
Qu'il suit que la déchéance du terme intervenue contre Monsieur [U] [V], époux débiteur, en raison de sa liquidation judiciaire prononcée le 19 décembre 2006 n'a pas eu d'effet sur l'exigibilité de la dette à l'égard de son épouse, codébitrice solidaire in bonis ;
Que c'est donc à tort que le premier juge a considéré que cette déchéance valait également à l'égard de Madame [I] [B], épouse [V] ;
Que dans la mesure où la banque ne s'est prévalu de la déchéance du terme du prêt à l'égard de Madame [I] [B], épouse [V], que par la lettre recommandée avec demande d'avis de réception qu'elle lui a adressée le 16 juin 2011, c'est à partir de cette date que le délai biennal de prescription a couru ;
Que l'instance ayant été introduite moins de deux ans plus tard, le 18 juillet 2011, l'action de la BANQUE POPULAIRE DU NORD n'est par conséquent pas atteinte par la prescription ;
Que la fin de non-recevoir proposée par Madame [I] [B], épouse [V], doit donc être écartée, le jugement étant en cela infirmé ;
Attendu, sur le montant de la créance, qu'au vu des pièces produites et notamment du contrat de prêt, du tableau d'amortissement, de l'historique de compte, du décompte de créance du 22 juin 2011 et de la lettre de mise en demeure du 16 juin 2011, la créance de la BANQUE POPULAIRE DU NORD s'établit à la somme de 95 371,89 euros, majorée des intérêts au taux de 6 % à compter du 23 juin 2011, somme au paiement de laquelle Madame [I] [B], épouse [V], sera, par infirmation du jugement déféré, condamnée ;
Attendu qu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la BANQUE POPULAIRE DU NORD les frais exposés par elle tant en première instance qu'en cause d'appel et non compris dans les dépens ; qu'il lui sera en conséquence alloué la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu en revanche que la demande relative à l'application de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 modifié par le décret du 8 mars 2001 qui prévoit que lorsque les huissiers de Justice recouvrent ou encaissent, après avoir reçu mandat ou pouvoir à cet effet, des sommes dues par un débiteur, il leur est alloué, en sus éventuellement du droit visé à l'article 8 (droit qui est à la charge du débiteur), un droit proportionnel dégressif à la charge du créancier, ne repose sur aucun argument ; qu'elle est en tout état de cause prématurée et doit être rejetée, la cour n'ayant pas à anticiper sur l'exécution ultérieure de ses décisions ;
PAR CES MOTIFS ;
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Condamne Madame [I] [B], épouse [V], à payer à la BANQUE POPULAIRE DU NORD la somme de 95 371,89 euros avec intérêts au taux de 6 % à compter du 23 juin 2011 ;
Condamne Madame [I] [B], épouse [V], à payer à la BANQUE POPULAIRE DU NORD la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la BANQUE POPULAIRE DU NORD de sa demande relative à l'application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 ;
Condamne Madame [I] [B], épouse [V], aux dépens de première instance et d'appel ;
Dit que ces derniers seront recouvrés par Maître CHAILLET, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
A. DESBUISSONSP. CHARBONNIER