République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 10/12/2014
***
N° MINUTE :
N° RG : 13/04352
Jugement (N° 12/01063)
rendu le 14 Mai 2013
par le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER
REF : VF/VC
APPELANTE
SCM BIOPATH, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Ayant son siège social
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Valérie DEVOS-COURTOIS, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER
Assistée de Me Gérard MERCIER, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
SELARL OPALEBIO, prise en la personne de ses cogérants
Ayant son siège social
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Roger CONGOS, membre de la SCP CONGOS-VANDENDAELE, avocat au barreau de DOUAI
Assistée de Me Cécile ROQUELLE MEYER membre du cabinet VATIER et Associés, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Jean-Loup CARRIERE, Président de chambre
Fabienne BONNEMAISON, Conseiller
Véronique FOURNEL, Conseiller
---------------------
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine POPEK
DÉBATS à l'audience publique du 13 Octobre 2014
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 Décembre 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur Jean-Loup CARRIERE, Président, et Claudine POPEK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 24 septembre 2014
***
Le 16 juillet 2008, le laboratoire d'analyses de biologie médicale Brunier-Crinquette, exploité à Coquelles par la SELARL BIOPATH, d'une part, et le laboratoire OPALEBIO, exploité à Etaples sur Mer par la SCP Bottelin-Quelquejay d'autre part, ont signé un contrat de collaboration sans exclusivité pour une durée indéterminée, avec faculté de résiliation sous préavis de 3 mois, aux termes duquel le laboratoire transmetteur ( OPALEBIO) transmettrait au laboratoire exécutant (SELARL BIOPATH) des prélèvements dont la liste se trouvait annexée.
Le 1er juillet 2009, les associés de la Société Civile de Moyens (SCM) BIOPATH, à savoir :
- la SELARL GROUPE BIOLOGIQUE DU VAL DE LIANE( GBVL) pour 400 parts
- la SELARL BIOPATH pour 401 parts
- la SELARL BIO-LITTORAL pour 399 parts
ont, par Assemblée Générale extraordinaire, décidé de procéder à une cession de parts au profit de la SELARL OPALEBIO.
La SELARL OPALEBIO a été agrée en qualité de nouvelle associée, la répartition des parts se faisant comme suit :
- la SELARL GBVL : 390 parts
- la SELARL BIOPATH : 390 parts
- la SELARL BIO-LITTORAL : 390 parts
- la SELARL OPALEBIO : 30 parts.
Par protocole du même jour il a été convenu que :
'les sociétés ci-dessus désignées sont associées de la SCM BIOPATH.
Le laboratoire OPALEBIO s'engage à transmettre à la SCM BIOPATH l'ensemble de leur activité d'immunologie et d'allergologie (liste des paramètres concernés jointe en annexe) et ce jusqu'au 31 décembre 2012. Pour mémoire, le nombre de 'B' immunologie réalisé par OPALEBIO en 2008 est de 3 113 500 B.
Dans l'hypothèse où cet engagement ne serai pas respecté, la société OPALEBIO versera à la SCM BIOPATH pour non-respect du présent protocole la somme de 50.000 € de pénalités par année d'engagement restante jusqu'au 31 décembre 2012.
La SCM BIOPATH s'engage au niveau tarifaire à ne pas facturer les analyses transmises par la société OPALEBIO à un prix supérieur à celui appliqué aux autres
membres de la SCM BIOPATH. La quote-part de charges fixes de la société OPALEBIO sera déterminée par la formule suivante :
total charges fixes x nombre de 'B' avec repasses transmis
nombre de 'B' avec repasses total
Dans le cas où le laboratoire OPALEBIO ne souhaitait plus transmettre ses analyses à la SCM BIOPATH, celui-ci s'engagera à céder à première demande ses parts qu'il détient dans la SCM BIOPATH à leur prix de revient aux trois autres associés actuels.'
Par courrier du 28 octobre 2010, le SELARL OPALEBIO a informé la SELARL BIOPATH de son souhait de résilier le contrat de collaboration régissant la réalisation d'analyses de biologie médicale par la SELARL BIOPATH pour la SELARL OPALEBIO, en faisant référence au préavis de trois mois du contrat du 16 juillet 2008.
Par courrier de leur conseil en date du 16 décembre 2010, les sociétés SCM BIOPATH et les SELARL BIOPATH, GBVL et BIO-LITTORAL ont réclamé la somme de 50.000 € de pénalités par année d'engagement, soit 100.000 € et la cession des parts que la SELARL OPALEBIO détenait dans la SCM BIOPATH.
Par courrier du 25 janvier 2011, la SELARL OPALEBIO a noté qu'au prorata de la durée de non-transmission des analyses, les pénalités dues s'élèveraient à 95.833 € et non 100.000 €.
Elle a rappelé le teneur de plusieurs réunions en mars et mai 2010 au cours desquelles il lui aurait été demandé 'd'intégrer la structure ou d'en tirer les conséquences' 'c'est à dire arrêter la transmission des analyses dans un délai pris d'un commun accord'.
Elle se disait surprise et déçue qu'il lui soit réclamé des pénalités dans ce contexte.
Par courrier du 31janvier 2011, il a été indiqué à la SELARL OPALEBIO que la société SCM BIOPATH et les SELARL BIOPATH, GBVL et BIO-LITTORAL maintenaient leur demande.
Par acte du 10 mai 2011 la SCM BIOPATH a fait assigner la SELARL OPALEBIO devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer aux fins d'obtenir la condamnation de la SELARL OPALEBIO à lui verser la somme de 95.833 € à titre de provision.
Par ordonnance du 10 août 2011, le juge des référés, constatant l'existence d'une contestation sérieuse, s'est déclaré incompétent.
Par acte du 19 mars 2012, la SCM BIOPATH a fait assigner la SELARL OPALEBIO devant le tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer aux fins d'obtenir la somme de 95.833 € à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 14 mai 2013, le tribunal a déclaré la SCM BIOPATH irrecevable à agir.
La SCM BIOPATH a relevé appel de ce jugement le 18 juillet 2013.
Dans ses dernières conclusions du 20 mai 2014, elle demande que le jugement entrepris soit réformé dans toutes ses dispositions et conclut au rejet de l'appel incident de la SELARL OPALEBIO.
Elle réclame la condamnation de la SELARL OPALEBIO à lui payer la somme de 95.833 € à titre de dommages et intérêts ainsi que la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La SCM BIOPATH fait valoir que la SCM BIOPATH, non signataire de la convention du 1er juillet 2009, a néanmoins qualité pour agir dans la mesure où l'acte comporte une stipulation pour autrui, claire et régulière.
Elle soutient que c'est bien le protocole d'accord du 1er juillet 2009 qui a été exécuté et non plus le contrat du 16 juillet 2008.
Elle dément qu'un accord ait pu être donné pour une rupture anticipée
La SELARL OPALEBIO, dans ses dernières conclusions du 13 mai 2014, sollicite à titre principal la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré la SCM BIOPATH irrecevable à agir, pour absence de qualité et d'intérêt à agir.
A titre reconventionnel, elle réclame la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 1382 du code civil en raison du caractère abusif de la procédure.
A titre subsidiaire, elle demande qu'il soit constaté que les parties ont renoncé d'un commun accord à l'application de la clause de pénalité incluse dans le protocole en date du 1er juillet 2009, que soit constatée l'absence de préjudice de la SCM BIOPATH du fait de son absence d'activité et de la fusion intervenue entre les trois membres de la SCM BIOPATH, et que cette dernière soit déboutée de ses demandes.
A titre infiniment subsidiaire, elle sollicite que la demande de dommages et intérêts soit ramenée à une proportion symbolique, au regard de son caractère excessif, par application de l'article 1152 du code civil.
En tout état de cause, elle réclame une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 septembre 2014.
SUR CE,
Sur la recevabilité de la demande de la SCM BIOPATH
La juridiction de première instance a considéré que la SCM BIOPATH n'avait pas intérêt à agir dans la mesure où elle n'était pas visée par les activités décrites par le protocole qui ne pouvaient concerner que les laboratoires associés et signataires de la convention.
L'article 1 du protocole litigieux comporte le terme assez général de ' transmettre' qui ne renvoie pas nécessairement aux 'transmissions' d'un laboratoire transmetteur à un laboratoire exécutant, visées et encadrées par l'article 760 du code de la santé publique qui prévoit notamment que :
'les transmissions de prélèvements aux fins d'analyse entre deux laboratoires ne peuvent être effectuées qu'en application d'un contrat de collaboration préalablement conclu entre eux'
et qui en détermine les conditions.
Il est possible à une SELARL de transférer en tant qu'associée ses prélèvements à une société civile de moyens, dont elle bénéficie du plateau technique, pour y effectuer ses analyses.
La société civile de moyens BIOPATH n'est pas un laboratoire. Elle a, conformément à ses statuts, pour objet exclusif :
' de faciliter à ses membres l'exercice de leur profession par l'amélioration et la rationalisation de leur activité et ce :
- par la mise en commun ou la mise à disposition de tous moyens nécessaires
- par l'acquisition, la location, la gestion d'immeubles, d'installations, de matériel, et de tous objets,
- par la gestion de personnel
- par la réalisation de toutes opérations financières, mobilières et immobilières se rapportant à l'objet social, et ne modifiant pas le caractère exclusivement civil de la société
- et par toutes opérations destinées à concourir directement ou indirectement à la réalisation de l'objet social.
Chaque laboratoire associé participe au fonctionnement technique de la société étant précisé qu'il est réputé agir au sein de celle-ci pour son propre compte.'
Il ressort du protocole d'accord du 1er juillet 2009, que la SELARL OPALEBIO est devenue associée de la SCM BIOPATH.
Le sens de l'article 1 signifie nécessairement qu'elle s'est engagée à traiter au sein de la SCM BIOPATH 'l'ensemble de son activité d'immunologie et d'allergologie'.
La facturation émise par la SCM BIOPATH, telle qu'elle ressort des éléments de comptabilité produits, établis par Flandre Comptabilité Conseil au 31 décembre 2010, est bien une facturation de répartition de charges entre les associés en fonction de leur volume d'activité.
Ces documents comptables confirment le sens du protocole et la réalité de sa mise en oeuvre.
L'intérêt à agir de la SCM BIOPATH en découle, la défaillance d'un associé alourdissant la charge des frais fixes pour les autres associés.
L'article 1121 du code civil dispose qu'on peut stipuler au profit d'un tiers.
Les stipulations entre associés au profit d'une société, tiers au contrat, sont d'usage courant en droit des sociétés.
L'absence de signature de la SCM BIOPATH sur le protocole litigieux est sans incidence sur la recevabilité de son action.
La SCM sera déclarée recevable à agir.
Le jugement sera réformé sur ce point.
Sur l'exécution du contrat
La SELARL OPALEBIO soutient dans ses écritures que ce serait le contrat du 16 juillet 2008 qu'elle aurait entendu résilier, conformément à sa lettre du 28 octobre 2010, et que les dispositions du protocole n'auraient pas été appliquées, d'un commun accord.
Aucun élément n'est produit permettant de vérifier que le contrat de collaboration du 16 juillet 2008 aurait continué à recevoir exécution après l'entrée en vigueur du protocole du 1er juillet 2009, qui concernait également SELARL BIOPATH, alors que les éléments de comptabilité produits permettent de démontrer que le protocole de 1er juillet 2009 a reçu exécution.
Il ne peut être soutenu, au vu de ces pièces comptables, que le protocole serait resté lettre morte.
Quant au contrat du 16 juillet 2008, il ne concerne pas, en tout état de cause, le présent litige.
La SELARL OPALEBIO reconnaît elle-même qu'en réalité c'est bien le protocole qu'elle entendait rompre puisqu'elle indique dans un courrier du 25 janvier 2011 'qu'au prorata de la durée de non-transmission des analyses, les pénalités dues s'élèvent à 95.833 € et non 100.000 €' et qu'elle fait référence à des réunions tenues en mars et mai 2010 au cours desquelles il lui aurait été demandé 'd'intégrer la structure ou d'en tirer les conséquences' 'c'est à dire arrêter la transmission des analyses dans un délai pris d'un commun accord.'
Le protocole a bien été dénoncé, de fait, par la SELARL OPALEBIO, qui a cessé de l'exécuter.
Elle s'est acquittée du paiement de ses charges en tant qu'associée jusqu'à la fin 2010, puis a cessé de le faire.
Aucun élément ne permet de vérifier que son retrait aurait été pris d'un commun accord, les autres membres associés démentant l'existence d'un accord comme d'une mise en demeure d'intégrer la structure.
Sur les pénalités prévues
La SELARL OPALEBIO invoque l'absence de préjudice de la SCM BIOPATH, au motif que les trois autres associés de la SCM ont fusionné.
L'extrait Kbis de la SELARL BIOPATH mentionne qu'au 20 octobre 2010, les SELARL BIOPATH, BIO LITTORAL et GROUPE BIOLOGIQUE DU VAL DE LIANE, devenu BIOPATH LABORATOIRE, ont fusionné.
Outre le fait que cette fusion ne remet pas en cause la personnalité morale de la SCM, et n'établit pas ipso facto une absence de préjudice pour cette dernière société, qui pouvait fonctionner avec deux associés, elle n'est pas de nature à remettre en cause l'application d'une clause claire et dépourvue d'ambiguïté du contrat établi le 1er juillet 2009, en l'absence de toute modulation ou de toute possibilité de dérogation à celle-ci.
La SCM n'a pas à démontrer l'existence d'un préjudice dès lors qu'elle est en droit de réclamer l'exécution pure et simple du contrat.
La SELARL OPALEBIO est mal fondée à réclamer la réduction de la pénalité par application de l'article 1152 du code civil dans la mesure où elle ne démontre pas en quoi la somme prévue serait manifestement excessive.
Conformément au calcul de la SELARL OPALEBIO qui correspond au montant de la demande, au prorata de la durée de non-transmission des analyses, les pénalités dues s'élèvent à 95.833 €.
La SELARL OPALEBIO sera condamnée à payer cette somme à la SCM BIOPATH.
Condamnée aux dépens de première instance et d'appel, elle devra payer à la SCM BIOPATH la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Réforme le jugement entrepris
Statuant à nouveau
Condamne la SELARL OPALEBIO à payer à la SCM BIOPATH la somme de 95.833 € à titre de dommages et intérêts
Condamne la SELARL OPALEBIO à payer à la SCM BIOPATH la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la SELARL OPALEBIO aux dépens de première instance et d'appel dont droit à recouvrement au profit de Me Valérie DEVOS-COURTOIS.
Le GreffierLe Président,
C. POPEKJ.L. CARRIERE