République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 16/02/2015
***
N° de MINUTE : 86/2015
N° RG : 13/02203
Jugement (N° 11/01603)
rendu le 19 Mars 2013
par le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER
REF : MZ/AMD
APPELANTS ET INTIMES
Monsieur [E], [D], [F] [V]
né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Maître Virginie LEVASSEUR, membre de la SCP Dominique LEVASSEUR Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI
Assisté de Maître Anne-France PETIT, avocat au barreau de ROUEN
Monsieur [B] [V]
né le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 3]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 1]
Représenté par Maître Eric LAFORCE, membre de la SELARL Eric LAFORCE, avocat au barreau de DOUAI
Assisté de Maître Stanislas DUHAMEL, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER
INTIMÉE
Madame [Y] [K] ès qualités de légataire universelle de Madame [X] [M], décédée le [Date décès 2] 2013
née le [Date naissance 2] 1947 à VERVIERS (BELGIQUE)
demeurant [Adresse 4]
[Adresse 2])
- Intervenante volontaire -
Représentée par Maître Sylvie REGNIER, avocat au barreau de DOUAI
Assistée de Maître Antoine DEGUINES, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER
DÉBATS à l'audience publique du 08 Janvier 2015 tenue par Maurice ZAVARO magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine VERHAEGHE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Maurice ZAVARO, Président de chambre
Dominique DUPERRIER, Conseiller
Bruno POUPET, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 Février 2015 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Maurice ZAVARO, Président et Delphine VERHAEGHE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 30 décembre 2014
***
De l'union de [L] [V] et [W] [G] sont nés trois enfants, [E] et [B] ainsi que [U] [V], cette dernière étant décédée.
Le divorce des époux a été prononcé le 23 janvier 2009.
[L] [V], alors en couple avec [X] [M], est décédé le [Date décès 1] 2010.
[E] [V], soutenant que [X] [M] avait reçu des sommes devant revenir à la succession, a saisi le tribunal de grande instance de Boulogne sur mer qui, par jugement du 19 mars 2013, a écarté les demandes fondées sur le prêt, a retenu que les sommes litigieuses avaient été remises à titre de don manuel, a constaté que ces sommes excédaient la quotité disponible et a condamné Mme [M] à payer à [E] et [B] [V] 50 331,41 € plus 1300 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
[E] [V] considère que la somme remise à [X] [M] s'analyse en un prêt dont il demande la restitution à hauteur de 195 000 €. Il sollicite 4500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il soutient que la pièce cotée 12 communiquée par Mme [K] est « contraire au principe de partialité et ne peut être retenue comme preuve ».
[B] [V] conclut principalement dans le même sens et subsidiairement soutient que la donation consentie à [X] [M] en 2008 était frauduleuse s'agissant d'un bien relevant de la communauté Emarin/Neuillet. Il conclut donc à l'annulation de la donation et sollicite en toute hypothèse 4500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
[Y] [K], en qualité de légataire universelle de [X] [M], décédée le [Date décès 2] 2013, conclut à la confirmation du jugement déféré sauf à préciser que la donation portait sur 185 000 € et non 225 000. Elle en déduit que le montant excédant la quotité disponible se limite à 10 331,41 €, qu'elle offre de payer. Elle sollicite 3500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE
Sur la nature des sommes litigieuses :
Les parties s'accordent sur la remise à [X] [M] par [L] [V] de :
215 000 € par virement bancaire du 6 octobre 2008 ;
10 000 € par chèque du 18 juillet 2008.
Ils conviennent également de ce que [X] [M] a reversé une somme de 30 000 € à [L] [V].
Les consorts [V] soutiennent que leur père n'a pas fait don de la somme à sa compagne mais qu'il s'agit d'un prêt. Ils invoquent :
L'absence d'enregistrement et du paiement de droits ;
Un remboursement partiel.
Si l'article 931 du code civil dispose que tout acte portant donation entre vif doit être passé devant notaire, la dépossession réelle d'une personne au profit d'une autre laisse présumer une donation.
Les consorts [V] l'admettent, mais soulignent que cette présomption n'est pas irréfragable. Ils invoquent une impossibilité morale de se procurer un écrit pour leur père et un commencement de preuve par écrit dans la rétrocession faite à [L] [V], qu'ils analysent comme un remboursement partiel.
La tradition réelle de la somme en cause établit une présomption simple de don manuel, qui peut être combattue par faisceau d'indices. Aucun des éléments avancé par les consorts [V] ne constitue toutefois l'indice de l'absence de volonté libérale de M. [V].
L'absence d'enregistrement s'explique suffisamment par la perspective, certes répréhensible mais sans effet sur la donation, d'échapper au paiement des droits qui représentent 60% de la somme et aucun des éléments communiqués ne permet d'analyser le reversement par Mme [M] de 30 000 € par chèque du 6 octobre 2008 comme en remboursement partiel : Mme [K] ès qualités explique que le but de l'opération était de permettre à Mme [M] de financer l'achat de la maison acquise fin 2008, ce dont chacun convient, que M. [V] a versé 215 000 €, représentant la quasi totalité de l'investissement, à sa compagne ; que le virement date également du 6 octobre 2008 et que Mme [M], réalisant qu'elle n'aurait pas besoin de la totalité de la somme, a restitué aussitôt les 30 000 € dont elle disposait par ailleurs. Rien ne permet de douter de cette affirmation et la similitude des dates de virement et de restitution confirme qu'il s'agissait d'un ajustement alors que l'hypothèse d'un emprunt simultanément versé et remboursé à hauteur de 14% est incohérente.
Il convient en conséquence de retenir l'existence d'un don manuel d'un montant de 185 000 €, précédé par un don de 10 000 € par chèque du 18 juillet 2008. Mme [K] soutient en vain qu'il s'agissait là du remboursement de sommes avancées par Mme [M] au titre des charges courantes. Aucun élément n'est apporté de nature à établir des charges courantes pour un montant, assez exceptionnel au regard des conditions de vie des intéressés, de 20 000 €, Mme [K] n'établit donc pas qu'elle était créancière de M. [V]. Cette somme sera en conséquence également retenue à titre de don manuel dans le compte des parties.
Sur la fraude :
[B] [V] soutient encore que, le divorce ayant été prononcé le 23 janvier 2009, [L] [V] ne pouvait disposer de la somme donnée appartenant encore à la communauté. Il en déduit que la donation est frauduleuse et en sollicite l'annulation.
L'affirmation suivant laquelle [L] [M] a disposé d'un bien de communauté n'est pas autrement établi que par affirmation, faute de toute information sur la composition de son patrimoine à l'époque des faits. Par ailleurs il est constant qu'il disposait de la somme en numéraire et que ses droits dans la communauté excédaient ce montant. Enfin on ne peut opposer à quiconque la fraude éventuellement commise par un autre au détriment d'un troisième, sans établir au moins qu'il en avait connaissance, ce qu'en toute hypothèse les consorts [V] ne démontrent pas.
Sur la quotité disponible :
Il convient donc de retenir que [X] [M] a bénéficié de dons manuels pour un montant global de 195 000 €. Il sera observé à cet égard que les consorts [V] ne peuvent, sans se contredire, soutenir principalement demander restitution de la somme prêtée à hauteur de 195 000 € et, subsidiairement, que la somme donnée doit être incluse dans l'actif successoral pour 225 000 €, comprenant 30 000 € dont ils considèrent que la restitution concourt à la preuve du prêt.
Compte tenu de ce qui précède, l'actif successoral s'établit à 494 005,77 € et la quotité disponible à 164 668,59 € soit un écart de 30 331,40 € revenant à [E] et [B] [V].
Sur la pièce communiquée par Mme [K] sous la cote 12 :
Les parties ont également conclu sur une pièce communiquée par Mme [K] dont les consorts [V] contestent la valeur probante sans demander son retrait des débats. Le juge apprécie souverainement la valeur probante des pièces communiquées il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.
Sur les dépens :
C'est à juste titre que le jugement déféré a laissé la charge des dépens de première instance à Mme [M] et a débouté les consorts [V] de leur demande tendant à inclure les frais de sommation et d'hypothèque dans leur montant, pour des motifs que la cour adopte.
Les dépens d'appel seront en revanche à la charge des appelants qui succombent pour l'essentiel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il condamne [X] [M] à payer à [E] et [B] [V] 50 331,41 € ;
Le réforme sur ce point ;
Condamne Mme [K] ès qualités à payer à [E] et [B] [V] 30 331,40 € avec intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2011 ;
Dit que les intérêts produiront eux-mêmes intérêts dès lors qu'ils seront dus pour une année entière ;
Condamne in solidum [E] et [B] [V] à payer à [Y] [K] 3500 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
Les condamne aux dépens d'appel.
Le Greffier,Le Président,
Delphine VERHAEGHE.Maurice ZAVARO.