République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 26/03/2015
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N° de MINUTE : 15/
N° RG : 13/05427
Jugement (N° 04/764) rendu le 20 Mai 2009 par le Tribunal de Commerce de BOULOGNE SUR MER
Arrêt (N° 09/5189) rendu le 1 juillet 2010 par la Cour d'appel de DOUAI
Arrêt (N° 959 F-D) rendu le 11 octobre 2011 par la Cour de cassation
REF : PB/KH
Renvoi après cassation
APPELANTE
Madame [V] [Y] [O]
née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 1]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 5]
[Adresse 4]
[Adresse 2]
Représentée par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI
INTIMÉE
SA BANQUE POPULAIRE DU NORD
représentée par son Président du Conseil d'Administration domicilié es qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 3]
[Adresse 1]
Représentée par Me Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI
Assistée de Me Philippe VYNCKIER, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me SURMONT
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Christine PARENTY, Président de chambre
Philippe BRUNEL, Conseiller
Sandrine DELATTRE, Conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Sylvie HURBAIN
DÉBATS à l'audience publique du 29 Janvier 2015 après rapport oral de l'affaire par Philippe BRUNEL
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 26 Mars 2015 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président, et Sylvie HURBAIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 29 janvier 2015
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Vu le jugement du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer en date du 20 mai 2009 condamnant Madame [V] [B] veuve [O] à payer à la Banque populaire du Nord la somme de 22 388,74 € et la somme de 96 740,32 € outre intérêts contractuels en sa qualité de caution solidaire des obligations de l'EURL Opaline Beauté dans le cadre de deux prêts de 25 000 € et 104 600 € consentis à cette société le 31 décembre 2002, la société Opaline Beauté ayant fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 28 juillet 2004 ; le tribunal a notamment écarté l'argumentation de Mme [B] qui invoquait l'article 2314 du Code civil et demandait à être déchargée de son obligation en expliquant que la banque avait omis d'inscrire le nantissement dont elle disposait sur le fond de commerce, le tribunal retenant que la banque n'aurait dégagé aucune valeur de la mise en 'uvre de cette garantie ;
Vu la déclaration d'appel de Mme [B] en date du 13 juillet 2009 ;
Vu l'arrêt de cette cour en date du 1er juillet 2010 confirmant le jugement sauf s'agissant du montant des sommes dues en principal, Mme [B] étant condamnée à payer la somme de 22 119,59 € outre intérêts à compter du 11 août 2004 au taux contractuel sur 20 521,46 € et au taux légal sur le surplus s'agissant du premier prêt et la somme de 95 083,92 € outre intérêts contractuels sur 88 373,50 € et au taux légal sur le surplus s'agissant du second prêt; la cour a écarté en premier lieu l'argumentation de Mme [V] [B] relative à l inopposabilité du cautionnement qui serait résultée du fait que celui-ci avait été souscrit en garantie des obligations d'une EURL Opaline alors que c'est la SARL Opaline Beauté qui a été liquidée ; elle a en deuxième lieu écarté l'argumentation relative à la nullité des engagements de caution qui serait résultée de la non-conformité de la mention manuscrite au regard de l'article L341-2 du code de la consommation ; elle a écarté en troisième lieu l'argumentation relative à l'application de l'article 2314 du Code civil ; elle a, ensuite rejeté l'argumentation relative à la disproportion de l'engagement de caution au regard des dispositions de l'article L341-4 du code de la consommation ; elle a enfin écarté l'argumentation relative à la durée du cautionnement, la cour retenant que les cautionnements, contrairement à ce que soutenait Mme [B] , étaient à durée déterminée ; la cour a en revanche retenu l'argumentation relative au défaut de respect de l'obligation d'information annuelle de la caution par application de l'article L313-22 du code monétaire et financier et a en conséquence déchu la banque des intérêts jusqu'à la date du 11 août 2004, « date de la mise en demeure valant information puisque comportant un décompte détaillé » ;
Vu l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation en date du 11 octobre 2011 cassant cet arrêt mais seulement en ce qu'il avait condamné Mme [B] à payer à la banque les intérêts au taux contractuel à compter du 11 août 2004 ; la cour de cassation a écarté les premier et deuxième moyens ainsi que la deuxième branche du troisième moyen ; le premier moyen était relatif à l'application de l'article 2314 du Code civil faute pour la banque d'avoir procédé selon Mme [B] au nantissement prévu à l'acte de prêt, le second moyen était relatif au caractère disproportionné de l'engagement de caution et le troisième moyen en sa seconde branche était relatif à une violation alléguée de l'article 1134 du Code civil , la condamnation au paiement des indemnités forfaitaires de 8 % étant selon Mme [B] supérieure au taux prévu au contrat ; s'agissant de la disposition cassée, à savoir la première branche du troisième moyen, la Cour de Cassation a relevé au visa de l'article L313-22 du code monétaire et financier que, en retenant que la banque avait droit au paiement des intérêts contractuels sur les sommes dues à compter du 11 août 2004, sans constater que l'information avait été donnée avant le 31 mars de chaque année de 2004 à 2010, la cour avait privé sa décision de base légale ;
Vu la déclaration de saisine de la cour d'appel de Douai par Mme [B] en date du 19 septembre 2013 ;
Vu les dernières conclusions de Mme [V] [B] en date du 7 janvier 2015 demandant que soit prononcée la déchéance du droit aux intérêts contractuels de retard et aux pénalités et sollicitant reconventionnellement la condamnation de la banque à lui payer 117 000 € au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde ; s'agissant de la déchéance du droit aux intérêts, elle indique qu'elle n'a jamais reçu l'information annuelle et qu'elle n'était pas en mesure, à la lecture de la mise en demeure d'appréhender les sommes dues en principal, intérêts et accessoires, les indications y figurant ne correspondant pas à celles résultant du contrat de prêt et du tableau d'amortissement ; elle indique à ce titre que le contrat de prêt versé au débat par la banque ne serait pas celui qu'elle a signé en tant que gérante de la société Opaline ; elle souligne que la mise en demeure n'a pas été adressée avant le 31 mars de l'année et ne peut donc valoir information au sens du code monétaire et financier ; elle estime que l'obligation d'information de la banque ne disparaît pas avec la mise en demeure ni avec l'assignation ; elle demande, dans les motifs de ses conclusions, que les intérêts versés par la société Opaline pour la période du 31 décembre 2002 au 31 mars 2004 soit imputés sur le principal des sommes dues en conséquence du défaut d'information ; s'agissant de la demande reconventionnelle en dommages-intérêts, elle impute à la banque un manquement à son obligation de mise en garde pour avoir accepté de consentir les financements demandés sans étude de marché préalable ou étude prévisionnelle et pour avoir recueilli son cautionnement sur la base d'une déclaration de patrimoine et de ressources qui faisait apparaître qu'elle n'en avait pas la capacité financière ;
Vu les dernières conclusions de la Banque populaire du Nord en date du 6 janvier 2015 demandant la « confirmation » de l'arrêt du 1er juillet 2010 ; la banque fait valoir que, s'agissant de la déchéance du droit aux intérêts conventionnels la mise en demeure du 10 août 2004 contenait les éléments requis par l'article L313-22 du code monétaire et financier, qu'elle a été autorisée le 29 décembre 2006 à pratiquer des inscriptions d'hypothèque sur le patrimoine de Mme [B] et que avec la dénonciation de ces mesures lui a été signifié un décompte des sommes restant dues et qu'une instance judiciaire sur le fond a ensuite été engagée, Mme [B], par sa qualité de gérante de la société emprunteur, ayant en toute hypothèse connaissance des sommes restant dues au 31 décembre ; la banque conteste toute incohérence quant au montant des sommes restant dues au regard des documents contractuels ; par ailleurs, elle estime irrecevables devant la cour d'appel saisie après renvoi de cassation les moyens développés quant à la mise en 'uvre du nantissement sur fonds de commerce et au caractère disproportionné de l'engagement de caution ; elle estime aussi que la demande reconventionnelle, en ce qu'elle vise un manquement à l'obligation de mise en garde au regard du financement accordé, constitue une demande nouvelle qui aurait dû être formulée avant le pourvoi en cassation et qui ne peut plus être désormais examinée puisqu'il s'agit d'une cassation partielle et que en ce qu'elle vise le manquement l'obligation de mise en garde au regard de la disproportion du cautionnement, elle est également irrecevable puisqu'elle tend à remettre en cause un dispositif de l'arrêt au titre duquel le pourvoi a été rejeté ;
MOTIFS
Attendu que la Banque populaire du Nord a consenti le 21 janvier 2003 à l'EURL Opaline dont Mme [B] était l'associée gérante deux prêts ayant pour objet le financement de l'aménagement ainsi que l'acquisition du matériel et du stock de la société, le premier prêt d'un montant de 25 000 € et l'autre de 104 000 € ; que Mme [B] s'est portée caution solidaire du remboursement de ces deux prêts dans le cadre de deux actes sous seing privé ; que l'EURL Opaline a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 28 juillet 2004 ; que la Banque populaire du Nord a produit sa créance le 10 août 2004 ; que par lettre recommandée du 10 août 2004, elle a mis la caution en demeure de lui payer la somme de 118 651,22 € en exécution de ses engagements de caution ;
Sur la déchéance du droit aux intérêts ;
Attendu que, aux termes de l'article L313-33 du code monétaire et financier : « Les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. » ;
Attendu qu'il s'agit là d'une obligation formelle d'information dont les strictes conditions de contenu et de délais doivent être respectées ;
Attendu que la banque ne conteste pas ne pas avoir satisfait à l'obligation d'information annuelle des cautions imposées par l'article L313-22 du code monétaire et financier dans les conditions légalement imposées; qu'en toute hypothèse, elle n'en rapporte pas la preuve ; qu'elle soutient toutefois que, au regard de la mise en demeure du 10 août 2004 et des procédures qui se sont ensuite succèdées, Mme [B], qui avait la qualité d'associée et dirigeant de la société emprunteur, avait connaissance des sommes restant dues ;
Attendu toutefois que la qualité d'associé ou dirigeant de la société emprunteur n'a pas pour effet de faire disparaître l'obligation d'information imposée à la banque par l'article L313-22 ; que cette information doit :
-être délivrée au plus tard le 31 mars de chaque année,
--mentionner le montant des sommes restant dues en principal, intérêts et accessoires au 31 décembre précédent,
-mentionner le terme de l'engagement ou bien rappeler ses modalités de révocation ;
Qu'elle doit être donnée annuellement jusqu'à extinction de la dette; que l'introduction d'une instance contentieuse ne dispense pas le créancier de cette obligation ;
Attendu en l'espèce que la mise en demeure du 10 août 2004 ne peut, eu égard notamment à sa date et indépendamment de son contenu, valoir information au titre de l'article L313-22 pour l'année 2004 ; qu'il en va de même pour l'assignation devant le tribunal de commerce en date du 22 octobre 2004 ; que les conclusions échangées dans le cadre de la procédure de première instance puis d'appel ne valent pas plus information au sens des dispositions précitées ; que la dénonciation le 10 janvier 2007 à Mme [B] de la mesure d'hypothèque judiciaire inscrite sur autorisation judiciaire ne saurait non plus valoir information puisque, au delà du fait que le montant des sommes restant dues mentionné n'est pas arrêté au 31 décembre 2006, il n'est pas fait rappel du terme de l'engagement;
Attendu en conséquence que la banque ne justifie pas avoir satisfait à l'obligation d'information de l'article L313-22 du code monétaire et financier ; qu'en application de l'alinéa deux de l'article L313-22 : 'Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l' établissement tenu à cette formalité déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés , dans les rapports entre la caution et l' établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.' ; que Mme [B] demande, dans le dispositif de ses conclusions, que la banque soit déchue de son droit aux intérêts contractuels et aux pénalités de retard ;que, toutefois, la cassation de l'arrêt du 1° juillet 2010 concerne exclusivement les dispositions relatives au paiement des intérêts contractuels ; que la banque sera ainsi déchue des intérêts contractuels, seul l'intérêt au taux légal étant du à compter de la mise en demeure ;
Sur la demande reconventionnelle de Mme [B] ;
Attendu que Mme [B] formule pour la première fois devant la cour, saisie après renvoi de cassation, une demande reconventionnelle en responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde ;
Attendu que, aux termes de l'article 633 du code de procédure civile : « La recevabilité des prétentions nouvelles est soumise aux règles qui s'appliquent devant la juridiction dont la décision a été cassée. » ; que, devant la cour, en application des articles 564 et suivants du code de procédure civile, est recevable une demande reconventionnelle en responsabilité tendant à obtenir compensation entre les dommages intérêts réclamés et les sommes demandées dans le cadre de l'action principale ;
Attendu toutefois que, dans le cadre d'une cassation partielle comme en l'espèce, une telle demande ne peut viser qu'à obtenir compensation avec le montant de la condamnation qui serait issue de la décision de la cour relative à la disposition cassée ; que, dès lors qu'il est fait droit à l'argumentation de Mme [B] quant au défaut d'information annuelle et que les demandes de la banque sont sur ce point rejetées après cassation, il ne peut y avoir lieu à compensation ;
Qu'une telle demande reconventionnelle ne peut au surplus avoir pour objet ou pour effet de remettre en cause la partie du dispositif de l'arrêt de la cour d'appel qui n'a pas fait l'objet d'une cassation ; qu'en l'espèce, la demande visant à voir reconnaître la responsabilité de la banque pour avoir fait souscrire par Mme [B] un engagement de caution disproportionné à ses facultés financières se heurte à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 1er juillet 2010 qui a écarté l'argumentation développée par Mme [B] sur ce point ;
Attendu dans ces conditions que la demande reconventionnelle de Mme [B] est irrecevable ;
Attendu que l'équité ne commande pas qu'il soit fait droit aux demandes respectives des parties présentées en application de l'article 700 du code de procédure civile ;que ces demandes seront rejetées ;
PAR CES MOTIFS,
la cour, statuant publiquement et contradictoirement par arrêt mis à disposition au greffe,
Dit que les condamnations à paiement de Mme [V] [B] épouse [O] au profit de la Banque populaire du Nord, prononcées par arrêt de cette cour du 1er juillet 2010, pour les sommes de 22 119,59 € et 95 083,92 € en principal portent intérêt au taux légal à compter du 11 août 2004,
Déclare irrecevable la demande reconventionnelle en responsabilité de la banque présentée par Mme [B] à la cour après renvoi de cassation,
Rejette les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Fait masse des dépens et dits qu'ils seront supportés à parts égales par chacune des parties.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
S. HURBAINC. PARENTY