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28/05/2015 | FRANCE | N°15/01370

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 28 mai 2015, 15/01370


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 1



ARRÊT DU 28/05/2015



***



N° de MINUTE :15/

N° RG : 15/01370



Ordonnance (N° 2013000430)

rendue le 19 Février 2015

par le Tribunal de Commerce de VALENCIENNES



REF : CP/KH





APPELANTES



SAS AKKA INGENIERIE PRODUIT prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentée par Me Dominique LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Jean-Marie PREEL, avocat au barreau de PARIS



SA AXA CORPORATE SOLUTIONS prise en la perso...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 28/05/2015

***

N° de MINUTE :15/

N° RG : 15/01370

Ordonnance (N° 2013000430)

rendue le 19 Février 2015

par le Tribunal de Commerce de VALENCIENNES

REF : CP/KH

APPELANTES

SAS AKKA INGENIERIE PRODUIT prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Dominique LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Jean-Marie PREEL, avocat au barreau de PARIS

SA AXA CORPORATE SOLUTIONS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Dominique LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Jean-Marie PREEL, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES

SAS COMPIN agissant poursuites et diligences de son représentant légal en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me François-Genêt KIENER du cabinet HESCOET et associés, avocat ai barreau de PARIS, substitué par Me Mathieu CENCIG, avocat au barreau de PARIS

SA TECHNIFRANCE Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés es qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Roger CONGOS, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Juliette MEL, avocat au barreau de PARIS, substitué par NDONG AISSATOU du cabinet ROME, associés, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Christine PARENTY, Président de chambre

Philippe BRUNEL, Conseiller

Sandrine DELATTRE, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Sylvie HURBAIN

DÉBATS à l'audience publique du 16 Avril 2015 après rapport oral de l'affaire par Christine PARENTY

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 28 Mai 2015 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président, et Sylvie HURBAIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu l'ordonnance rendue le 19 février 2015 par le président du Tribunal de Commerce de Valenciennes, en tant que juge chargé du contrôle des expertises ayant donné acte à la société Compin de ce qu'elle est disposée à communiquer à l'expert judiciaire le protocole transactionnel régularisé avec la SNCF le 14 juin 2013, dit qu'il incombera à l'expert d'apprécier à la lecture des dispositions du protocole le préjudice allégué par la société Compin au titre des pénalités de retard qu'elle a versées à la SNCF, et que les parties devront être en mesure de commenter l'analyse qu'en fera l'expert, ordonné à la société Compin de produire, au contradictoire des parties présentes à l'expertise judiciaire diligentée par monsieur [R], une liste de l'ensemble des DEP avec un descriptif sommaire de chaque DEP dans le cadre du projet Rise, rejeté la demande de la société Akka consistant d'une part à la limitation de la mission de l'expert, d'autre part à son extension;

Vu l'appel interjeté le 3 mars 2015 par la sa Akka Ingenierie Produit;

Vu les conclusions déposées le 16 avril 2015 pour la société Akka Ingenierie Produit et AXA Corporate Solutions ;

Vu les conclusions déposées le 15 avril 2015 pour la société Compin;

Vu les conclusions déposées le 15 avril 2015 pour la société Technifrance;

Vu l'ordonnance ayant autorisé les sociétés Akka etAxa à assigner à jour fixe en date du 16 avril 2015;

Vu les assignations à jour fixe délivrées le19 et 20 mars 2015 aux sociétés Techifrance et Compin, à personne habilitée.

Les sociétés Akka et Axa ont interjeté appel aux fins de réformation de l'ordonnance du 19 février 2015 en ce que le juge a donné acte à la société Compin de ce qu'elle était disposée à communiquer le protocole d'accord signé avec la SNCF et qu'il incomberait à ce dernier de procéder à son analyse; elles demandent à la cour de l' enjoindre sous astreinte de 300€ par jour de retard à communiquer le protocole en entier avec ses annexes et de dire et juger que l'expert ne pourra pas exécuter sa mission relative aux préjudices allégués et à leur imputabilité faute de ce document. Subsidiairement de dire que l'expert ne pourra pas exécuter ce chef de sa mission; elles réclament 5000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Compin sollicite la confirmation, subsidiairement qu'il soit dit et jugé que les sociétés Akka et Axa n'ont pas d'intérêt légitime à obtenir communication de ce protocole dans son intégralité, qu'il lui soit ordonné d'en communiquer une copie sur laquelle ne figureront que les textes du préambule et les articles 1,2,9 à14, avec mission pour l'expert de confirmer sa conformité à la copie qu'il détient; elle sollicite le débouté des appelantes et 3500€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Technifrance sollicite la confirmation de l'ordonnance; elle demande à la cour de dire qu'il n'y a pas lieu à référé contre elle; elle réclame 2500€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [R] a été désigné en référé comme expert le 3 mai 2013 pour établir les prestations dues par la société Akka Ingenierie Produit dans le cadre du contrat du 6 janvier 2011, et leur conformité, pour déterminer et chiffrer les préjudices allégués par la sas Compin du fait des inexécutions de la société Akka ( achats supplémentaires, surcoûts, dommages immatériels); cette mesure s'inscrit dans le cadre du marché de rénovation des rames TGV Sud Est qui a donné lieu à la conclusion de plusieurs contrats, dont un contrat principal et des contrats de sous- traitance.

Un contrat de sous traitance a été conclu entre la société Compin et sa filiale Sofanor pour les aménagements intérieurs, qui elle même a sous traité des études techniques à Technifrance.

Suite à des difficultés de Sofanor en redressement judiciaire le 27 septembre 2010, puis en liquidation judiciaire le 22 décembre 2010, un nouvel accord a été conclu entre les sociétés Compin et Akka le 6 janvier 2011, que les sociétés Akka et Axa affirment dans la continuité du contrat initial et indissociable de l'ensemble des accords dans le but de redéfinir les délais et de ré-échelonner les paiements.

Elles réclament la production aux débats du protocole d'accord transactionnel conclu entre la SNCF et la société Compin aux termes duquel celle-ci aurait versé 5 millions d'Euros à la SNCF au titre des pénalités de retard. Elles contestent que cette communication soit réservée à l'expert, estiment indispensable que la pièce soit communiquée à l'ensemble des parties, ou à tout le moins à la société Akka à laquelle la société Compin veut imputer les 5 millions d' Euros versés à la SNCF.

Elles plaident que l'appel est recevable puisqu'aucune instance au fond n'a été introduite et que l'appel vise une décision prise par le juge chargé du contrôle statuant sur une demande relative à l'exécution d'une mesure d'instruction ordonnée en référé sur la base de l'article 145 du code de procédure civile, qu'en outre la décision enfreint le principe fondamental de la contradiction.

Elles précisent que la société Compin affirme avoir subi un préjudice de 7 millions d'Euros, mais ne détaillait pas le poste relatif aux pénalités de retard SNCF, produisant une simple facture, que cette facture faisait allusion à un accord transactionnel, signé après désignation de l'expert, lequel avait reçu une mission proposée par la société Compin qui ne visait pas au titre des préjudices revendiqués l'existence de pénalités de retard, manifestement en cours de négociation à la date de saisine du juge des référés, que la communication de ce protocole est indispensable à l'exécution de la mission de l'expert, qui devra se prononcer sur l'existence d'un lien de causalité entre les défaillances prétendument imputables à la société Akka et les différents postes de réclamation de la société Compin, comme la Cour l'a réaffirmé ce 20 mars 2014, sachant que ces pénalités sont en lien avec des lots et des fournisseurs qui sont étrangers à la société Akka et que ce paiement pourrait être de nature à l'exonérer. Elles ajoutent que le sommaire tel que précisé par la société Compin rend encore plus nécessaire la communication du protocole en entier, avec les annexes, que la communication partielle proposée désormais en appel ne peut la satisfaire dans la mesure où la société Compin propose de faire l'impasse sur des articles très importants, comme la clarification du contrat, contenue dans l'article 4, ou l'article 5 qui concerne des dates de livraison qui pourraient la concerner et concerner les sous traitants, ou l'article 7 qui concerne les fiches d'évolution.

Elles estiment qu'elles ne peuvent être tenues dans l'ignorance des termes de cet acte juridique qui ne sera soumis qu'à l'interprétation de l'expert, que le juge est parti du postulat que ce protocole contiendrait une clause de confidentialité dont l'existence n'est pas avérée, et qu'il n'a pas vérifiée lui même, que cette pièce est fondamentale pour justifier de la réclamation formulée à hauteur de 5 millions d'Euros, d'autant que sa signature est postérieure au démarrage des opérations d'expertise, que soit elle est confidentielle et la société Compin ne peut en faire état, soit elle ne l'est pas; elles considèrent comme inapplicables les jurisprudences relatives à la confidentialité des affaires. Puis elles précisent en suite des écritures adverses que la société Compin accepte en appel et pour la première fois d'en communiquer les termes dont il ressort qu'elle ne fait pas référence au secret des affaires et qu'elle prévoit la communication possible sur décision de justice.

Elles ajoutent que l'accord est un accord négocié, global et forfaitaire, acte juridique majeur qui concerne le fondement de la responsabilité des parties de sorte que le débat doit être contradictoire sur cet acte qui comporte nécessairement des concessions sur la responsabilité de la société Compin, maître d'oeuvre général, que le magistrat a excédé son pouvoir en attribuant à l'expert le pouvoir d'apprécier la nature du contrat et d'en extraire les pénalités, compétence qu'il n'a pas au regard de l'article 232 et de l'article 238 du code de procédure civile puisqu'il ne peut porter d'appréciation juridique, de sorte que le document doit être soumis à la contradiction.

La société Compin précise que l'objectif du contrat du 6 janvier 2011 qui fixait un calendrier était de lui permettre de se conformer au calendrier du contrat Rise, mais que la société Akka n'a pas respecté ses obligations contractuelles, qu'elle a livré la SNCF en retard de ce fait et lui a réglé 5 millions de pénalités de retard, que le principe de sa réclamation a déjà été retenu par l'expert, qui s'est attelé à l'examen du préjudice, que le contrat autonome du 6 janvier 2011 contient une obligation de résultat vis à vis des livraisons; quant au protocole, elle affirme qu'elle ne l'a jamais tu mais s'est refusée à le communiquer car il contient une clause de confidentialité dont elle ne peut se défaire qu'avec l'accord de la SNCF ou sur décision du juge, que si dans son assignation elle n'a pas évoqué les pénalités de retard , c'est en raison du fait que leur montant n'était pas arrêté, étant entendu qu'il rentre parfaitement dans la mission de l'expert d'en tenir compte dès lors qu'il doit fournir au tribunal tous les éléments permettant d'apprécier les préjudices allégués. Elle fait en outre valoir que le protocole contient différents articles qui abordent différents aspects de l'exécution du projet Rise qui ne se résume pas à la seule prestation d' Akka, qui n'est qu'un des sous traitants concerné seulement par quatre lots, qu'un des articles prévoit le montant des pénalités, les autres dispositions étant relatives aux conditions de poursuite du projet en terme de cadence, planning, rames concernées; elle conteste l'intérêt que pourraient avoir les intimées à demander communication des aménagements convenus entre elle et la SNCF pour la poursuite du projet Rise, qui n'ont aucun impact sur leur propre relation issue du contrat de prestation signé entre elles; elle rappelle les termes de l'article 10 du code de procédure civile, qui trouve sa limite par l'existence d'un motif légitime qui peut notamment provenir du secret professionnel ou du secret des affaires, dans l'administration de la preuve. Elle plaide la crainte qu'elle a de l'usage que la société Akka pourrait en faire vis à vis de la SNCF puisqu'elles sont toutes deux en situation de concurrence et que la société Akka a tenté de ternir son image auprès de ce client stratégique évoquant une créance qu'elle aurait vis à vis d'elle de 2 2945 239,53€ qui n'a aucune consistance puisqu'aucun délai n'a été respecté.

Elle suggère que l'expert voit seul, ce qu'il peut faire, les articles frappés de confidentialité ; alternativement, elle propose une communication partielle, cachant certains articles et précise que l'expert détient déjà une copie intégrale de sorte qu'il est capable d'attester de la conformité d'une copie partielle.

La société Technifrance estime que la production aux débats du protocole transactionnel n'est pas nécessaire, que le juge a à juste titre reconnu la nécessité de préserver la confidentialité des affaires en raison des données sensibles que la SNCF a souhaité protéger par l'insertion d'une clause de confidentialité; elle fait remarquer qu'elle s'est associée à la proposition de soumettre l'analyse du protocole à l'expert, lequel est essentiellement chargé de fournir des éléments comptables, que l'ordonnance du 19 février 2015 s'inscrit dans cette mission en la complétant, cette nouvelle mission consistant à extraire du protocole les dispositions relatives aux pénalités de retard payées par la société Compin à la SNCF afin d'évaluer le préjudice subi par la dite société, ce qui ne correspond pas à une mission juridique. Elle fait en outre valoir que les droits de la défense seront respectés dès lors que l'expert met les parties à même de discuter des conclusions qu'il tirera de sa consultation, de sorte qu'il doit être considéré que l'absence de communication du protocole ne prive pas l'expert d'accomplir sa mission non plus que les parties de la possibilité de se défendre.

A l'audience, la cour a interpellé les parties sur l'application de l'article 170 du code de procédure civile qui dispose que les décisions relatives à une mesure d'instruction ne peuvent être frappées d'appel qu'en même temps que le jugement sur le fond; elle a sur leur requête autorisé le dépôt d'une note en délibéré sur ce point avant le 23 avril 2015: seules les sociétés Akka et Axa ont déposé cette note et font valoir qu'il est fait dérogation à l'interdiction de l'appel immédiat lorsque la décision enfreint un principe juridique fondamental et que le juge outrepasse ses pouvoirs, qu'il en va de même lorsque la mesure d'instruction que la décision critiquée modifie a été ordonnée avant tout procès sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.

Sur ce

Sur la recevabilité de l'appel

Il est fait dérogation au principe édicté par les articles 150 et 170 du code de procédure civile lorsque la décision qui modifie une mesure d'instruction ou est relative à son exécution concerne une mesure d 'instruction ordonnée au visa de l'article 145 du code de procédure civile, soit avant tout procès, car en effet, une solution inverse aboutirait à priver les parties de tout recours puisque la mesure d'instruction ne bénéficie pas du support d'une instance au fond. Au cas d'espèce, il n'est pas contesté que la mission d'expertise confiée le 3 mai 2013 à monsieur [R] l'a été au visa de l'article 145 du code de procédure civile, soit avant tout procès. L'ordonnance querellée a été rendue par le juge chargé du contrôle des mesures d'instruction qui était saisi d'un problème ayant trait à la communication d'un protocole d'accord à l'expert judiciaire, et à l'appréciation par ce dernier du préjudice allégué à la lumière de ce protocole. Il s'agit bien d'une décision relative au périmètre de la mission d'expertise et aux difficultés qu'elle pose, mission ordonnée au visa de l'article 145 du code de procédure civile; en conséquence, la décision déférée doit être considérée comme susceptible d'appel immédiat, lequel sera considéré comme recevable.

Sur la décision querellée

Le juge a donné acte à la société Compin de ce qu'elle était disposée à communiquer à l'expert judiciaire le protocole d'accord transactionnel régularisé avec la SNCF le 14 juin 2013, a dit qu'il incomberait à l'expert d'apprécier le préjudice allégué par la société Compin au titre des pénalités de retard versées à la SNCF à la lecture du protocole, les parties devant être en mesure de commenter l'analyse qu'en ferait l'expert judiciaire. La société Compin se refuse à communiquer intégralement ce protocole qui contient une clause de confidentialité et des éléments qu'elle désire garder secrets parce qu'ils concernent le secret des affaires et sont sans lien avec le contentieux qui l'oppose à la société Akka qu'elle qualifie de concurrente. Le juge de première instance a été sensible à cet argument qui n'est pas dénué de fondement puisque d'évidence, les relations entre la SNCF et la société Compin dépasse le cadre du présent litige mais ont en partie de l'impact sur le calcul du préjudice qui fait partie de la mission de l'expert. C'est la raison pour laquelle le juge chargé du contrôle a imaginé le filtre de la lecture du protocole par l'expert qui en quelque sorte ferait un tri sur ce qui doit être communiqué à la partie adverse et ce qui doit être conservé sous le sceau du secret des affaires, en vertu du pouvoir qui est donné à l'expert de procéder seul à certaines constatations, à la condition de soumettre à la discussion des parties les éléments obtenus lors de sa consultation dans le respect du contradictoire, ce qui a fait préciser au juge que les parties devraient être en mesure de commenter l'analyse faite par l'expert.

Mais l'article 238 du code de procédure civile interdit à l'expert ou au technicien commis de porter une appréciation d'ordre juridique et le juge ne peut jamais déléguer l'exercice de son pouvoir juridictionnel. Or la décision querellée n'attribue pas seulement à monsieur [R] le pouvoir d'une simple constatation; elle lui demande de procéder à un travail d'analyse et de tri afin de soumettre aux parties après ce travail de sélection les éléments qu'il aura 'jugés' comme en relation avec le présent litige. En procédant de la sorte, le juge a délégué son pouvoir souverain d'appréciation qui n'est pas du ressort de l'expert; il lui a donné un pouvoir d'appréciation qui n'est pas dans ses attributions et qu'il devait garder pour lui. La décision mérite d'être sur ce point infirmée.

Au cas d'espèce, il est clair que la communication du protocole, si elle est utile à la manifestation de la vérité, est limitée par l'existence d'un motif légitime tenant au secret des affaires; la décision mérite donc d'être confirmée dans le principe qu'elle n'a pas ordonné sa communication aux parties adverses en entier. Par contre, elle doit être infirmée en ce qu'elle a désigné l'expert aux fins d'extraire du protocole les informations qu'il estime en lien avec l'exécution de sa mission et de nature à l'éclairer, tâche qui ressort précisément de celle du juge. Il y a lieu en conséquence d'ordonner à la société Compin de communiquer au juge chargé du contrôle de l'expertise le protocole passé entre elle et la sncf à charge pour le juge d'en extraire les dispositions relatives à la mission confiée à l'expert et qui lui sont nécessaires.

L'équité ne commande pas à ce stade qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile: les parties seront déboutées des demandes qu'elles formulent de ce chef. L'appel ayant servi un intérêt commun aux parties en présence, les dépens d' appel seront partagés par moitié pour être supportés par les sociétés Akka, Axa et Compin.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, sur ordonnance du juge chargé du contrôle des expertises, par arrêt mis à disposition au greffe

Déclare l'appel recevable;

Confirme l'ordonnance en ce qu'elle n'a pas retenu le principe de la communication aux parties de l'intégralité du protocole transactionnel régularisé entre la société Compin et la SNCF le 14 juin 2013;

L'infirme pour le surplus;

Ordonne la communication de l'intégralité du protocole au juge chargé du contrôle de l'expertise à charge pour lui d'en extraire les dispositions relatives et nécessaires à la mission de l'expert afférente à la recherche des éléments de nature à définir le préjudice allégué par la société Compin, qui seront soumises, et elles seules, à l'expert et aux parties, lesquelles seront en mesure de les commenter.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article sur la base de l'article 700 du code de procédure civile;

Fait masse des dépens d'appel; les divise par moitié pour être supportés dans cette proportion d'une part par les sociétés Akka et AXA et d'autre part la société Compin, qui pourront être recouvrés directement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

S. HURBAINC. PARENTY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 15/01370
Date de la décision : 28/05/2015

Références :

Cour d'appel de Douai 21, arrêt n°15/01370 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-28;15.01370 ?
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