République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 17/09/2015
***
N° de MINUTE : 15/
N° RG : 14/04445
Jugement (N° 2011/01251) rendu le 28 Juin 2011 par le Tribunal de Commerce de LILLE
Arrêt (N° 11/4799) rendu le 19 juin 2012 par la Cour d'appel de Douai
Arrêt (N° 283 F-P+B) rendu le 18 mars 2014 par la Cour de cassation de PARIS
REF : SD/KH
APPELANT
Monsieur [N] [Z]
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI
Assisté de Me Aymeric DRUESNE, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE
CAISSE DE CREDIT DE MUTUEL DE MESLAY L'OCEANE, agissant par ses représentants légaux, dont le Président et les membres de son conseil d'administration
DA et conclusions signifiées le 06.08.2014 à personne habilitée
ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Benoît DE BERNY, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me LANCIEN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Christine PARENTY, Président de chambre
Philippe BRUNEL, Conseiller
Sandrine DELATTRE, Conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Sylvie HURBAIN
DÉBATS à l'audience publique du 21 Mai 2015 après rapport oral de l'affaire par Sandrine DELATTRE
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 Septembre 2015 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président, et Marguerite-Marie HAINAUT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 21 mai 2015
***
Vu le jugement contradictoire du 28 juin 2011 du tribunal de commerce de Lille, qui a débouté la SELARL [C] - [M] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL GROUPE RENAIRGIES et Monsieur [Z] de leur demande de dommages et intérêts dirigée contre la banque, prononcé la nullité, pour défaut de cause, de l'engagement de caution de Monsieur [Z] souscrit le 20 septembre 2009, condamné Monsieur [Z] à payer au CRÉDIT MUTUEL les sommes de 48.000,00 euros au titre du cautionnement souscrit le 4 juin 2009 et de 15.000,00 euros au titre du cautionnement souscrit le 11 décembre 2007, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement, débouté les parties du surplus de leurs demandes et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'appel interjeté le 6 juillet 2011 par [N] [Z] et la SELARL [K] [C] - [G] [I] [M] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société GROUPE RENAIRGIES ;
Vu l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 19 juin 2012, qui a confirmé le jugement entrepris, débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, et condamné la SELARL [C] - [M] ès qualités et Monsieur [Z] aux dépens d'appel ;
Vu l'arrêt du 18 mars 2014 de la Cour de cassation ayant cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Douai le 19 juin 2012, mais seulement en ce qu'il a dit que l'arrêt des concours en compte courant de la caisse ne caractérise pas une rupture abusive au sens de l'article L313-12 du code monétaire et financier et a rejeté la demande de dommages-intérêts de [N] [Z], remettant en conséquence, sur ces points la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Douai autrement composée ;
Vu la déclaration de saisine de la cour d'appel de Douai du 11 juillet 2014 par [N] [Z] ;
Vu les conclusions déposées le 24 avril 2015 pour ce dernier, aux termes desquelles il demande à la cour de constater que le Crédit Mutuel de Meslay n'a pas mis en demeure la société RENAIRGIES de combler le découvert du compte courant professionnel, de constater que le Crédit Mutuel de Meslay a rompu de manière fautive le concours bancaire accordé à la société GROUPE RENAIRGIES, de constater qu'il a un intérêt et une qualité à agir pour solliciter la réparation des préjudices personnels qu'il a subis de débouter la Banque de sa fin de non-recevoir, de dire que la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral qu'il a subi est parfaitement recevable en ce qu'elle ne constitue pas une demande nouvelle mais l'accessoire et le complément de ses prétentions formulées précédemment, de juger qu'à l'égard de la caution, le Crédit Mutuel de Meslay a engagé sa responsabilité et qu'elle doit être condamnée à verser à M. [N] [Z] les sommes de 48.000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement du tribunal de commerce de LILLE METROPOLE du 28 juin 2011 correspondant à sa condamnation au titre de la caution souscrite le 4 juin 2009, de 15.000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement du Tribunal de commerce de LILLE METROPOLE
du 28 juin 2011 correspondant à sa condamnation au titre de la caution souscrite le 11 décembre 2007, de 20.000 euros en réparation de son préjudice moral, d'ordonner la compensation entre les sommes qu'il a été condamnées à verser à la Banque au titre de l'arrêt de la Cour d'appel de DOUAI du 19 juin 2012 avec les sommes que la Banque devra lui verser au titre de la présente instance, de condamner la Caisse de Crédit Mutuel de MESLAY à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les entiers frais et dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP DELEFORGE ' FRANCHI ;
Vu les conclusions déposées le 22 avril 2015 pour la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE MESLAY L'OCEANE, aux termes desquelles elle demande à la cour :
1/ Sur la notification,
- de constater que la banque a notifié à la Société RENAIRGIE son intention de limiter, réduire ou supprimer le découvert par sa LRAR du 15 septembre reçu par Monsieur [Z] le 18 septembre 2009 et par son message du 24 septembre 2009,
- de constater que les rejets sont postérieurs à ces notifications,
- en conséquence, de dire n'y avoir lieu à responsabilité de la banque.
2/ Sur la situation irrémédiablement compromise
- de constater que la situation de la Société GROUPE RENAIRGIE était compromise avant le 25 septembre 2009,
3/ Sur le maintien des crédits,
- de dire que la banque n'a ni réduit ni supprimé les crédits,
- de dire qu'elle a refusé d'accorder un crédit supplémentaire,
- de dire qu'elle a refusé d'exécuter un virement de 11.000 euros qui aurait constitué un découvert occasionnel supplémentaire,
4/ Sur les liens de causalité entre les notifications et la situation de [N] [Z],
- de constater que [N] [Z] ni n'allègue ni ne justifie d'un préjudice lié à une absence de notification particulière,
- de dire que sa situation aurait été identique ' ou aggravée - en cas de notification, 25
- de dire que la dette cautionnée se serait aggravée en cas de poursuite des crédits notamment par l'appel d'un cautionnement de 96.000 euros,
5/ Sur le comportement de la caution,
- de constater que [N] [Z] caution a remis à la banque des prévisionnels optimistes que lui seul savait irréalistes,
- de dire qu'il a commis une faute en incitant trompeusement la banque à accorder, maintenir et/ou aggraver un découvert,
- de dire qu'il est responsable de la perte subie par la poursuite de l'activité de sa société notamment à hauteur de 60.281,78 euros montant du solde du compte.
6/ Sur les dommages et intérêts,
- de dire la banque recevable à solliciter une demande indemnitaire compensatoire
- de condamner [N] [Z] à lui payer la somme de 60.281,78 euros avec les intérêts à compter de l'admission du 18 juin 2010,
- d'ordonner la compensation avec toute somme qui serait allouée à Monsieur [N] [Z],
- de rappeler que les actions sont fondées sur l'article 1147 du Code Civil et que ne peut être demandé que l'indemnisation d'un préjudice prévisible,
- de dire [N] [Z] irrecevable en sa demande d'indemnisation d'un prétendu préjudice moral, qui n'a pas été sollicité avant le renvoi devant la Cour d'Appel de DOUAI,
- de dire n'y avoir lieu à indemnisation d'un prétendu préjudice moral subi par [N] [Z].
De dire [N] [Z] irrecevable en sa demande d'indemnisation d'un préjudice personnel ou distinct de celui de sa société, notamment son préjudice moral,
7/ Sur les frais
- de condamner [N] [Z] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et à supporter les dépens ;
Vu l'ordonnance de clôture du 21 mai 2015 ;
Référence étant faite au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, il suffit de rappeler que la société GROUPE RENAIRGIES, immatriculée le 10 décembre 2007 au registre du commerce et des sociétés, ayant pour gérant [N] [Z], ouvrait, le 25 novembre 2007, auprès de la CAISSE de CRÉDIT MUTUEL de MESLAY un compte courant, que, par acte du 11 décembre 2007, la société GROUPE RENAIRGIES obtenait de cette banque un prêt d'un montant de 33.000,00 euros, [N] [Z] se portant caution dans la limite de 15.000,00 euros, que le 4 juin 2009, [N] [Z] souscrivait un engagement de caution, à hauteur de 48.000,00 euros, au titre des sommes dues sur le compte courant professionnel, que le 20 septembre 2009, il s'engageait de nouveau en qualité de caution pour une durée de cinq ans à hauteur de la somme de 96.000,00 euros, que le 24 septembre 2009, la banque interrompait ses concours, que la société GROUPE RENAIRGIES était placée en liquidation judiciaire le 27 octobre 2009, la SELARL [C] - [M] étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire, que par courriers du 17 novembre 2009 la CAISSE de CRÉDIT MUTUEL de MESLAY mettait [N] [Z] en demeure de respecter ses engagements de caution en payant les sommes dues au titre du solde débiteur du compte courant et de l'emprunt, en vain, que c'est dans ces conditions que par acte d'huissier de justice du 5 mars 2010, la CAISSE de CRÉDIT MUTUEL de MESLAY faisait assigner [N] [Z] en qualité de caution de la SARL GROUPE RENAIRGIES devant le tribunal de commerce de Lille, aux fins d'obtenir , à titre principal, sa condamnation au paiement des sommes de 60 281, 78 euros au titre du solde débiteur du compte courant de la société GROUPE RENAIRGIES, avec intérêts au taux de 14, 11% l'an à compter du 29 octobre 2009, et 12 234, 98 euros au titre du solde du prêt outre intérêts légaux à compter du 27 octobre 2009 dues par le débiteur garanti.
Par acte d'huissier de justice du 12 mai 2010, la SELARL [C] - [M] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société GROUPE RENAIRGIES faisait assigner la CAISSE de CRÉDIT MUTUEL de MESLAY en condamnation pour rupture abusive des concours bancaires, réclamant une somme en principal de 474 000 euros.
Les deux instances étaient jointes, et le tribunal de commerce de Lille prononçait le jugement déféré à la cour.
Au soutien de son appel, [N] [Z] expose que même si la banque n'a pas à respecter selon les cas un délai de préavis avant de rompre un concours à durée indéterminée, elle a en toutes circonstances l'obligation préalable de notifier par écrit sa décision de rompre ce concours, que le courrier du 15 septembre 2009 dont se prévaut la banque est ambigü et ne révèle pas une intention claire et préalable de rompre le crédit puisqu'il est question de ' limiter, réduire ou supprimer un crédit de trésorerie', que le concours accordé n'était pas occasionnel puisqu'il s'agissait d'un découvert autorisé, que pour sa part il a géré son entreprise en bon père de famille, que ses demandes indemnitaires sont justifiées car il s'agit d'une rupture brutale et abusive au 25 septembre 2009, d'un découvert autorisé à hauteur de 96 000 euros, qui a entraîné sa condamnation pécuniaire en qualité de caution et un préjudice moral, que la banque a ainsi engagé sa responsabilité à son égard en qualité de caution, que la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral est recevable , même présentée pour la première fois en cause d'appel, car elle est l'accessoire et le complément de la demande principale.
En réponse la société CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE MESLAY L'OCEANE explique qu'elle a, par courrier recommandé avec accusé de réception du 15 septembre 2009, indiqué à [N] [Z] que le compte de la société GROUPE RENAIRGIE était débiteur de 78 679, 41 euros, qu'elle lui demandait de revenir au découvert autorisé fixé à 40 000 euros pour le 30 septembre 2009, le compte ne pouvant enregistrer de solde débiteur supérieur , que cette mise en demeure est claire, qu'elle a notifié une seconde fois sa décision de suppression partielle des concours le 24 septembre 2009, qu'il a été définitivement jugé que la société GROUPE RENAIRGIE se trouvait dans une situation irrémédiablement compromise, qu'elle n'était pas tenue d'adresser une notification complémentaire, que [N] [Z] ne justifie d'aucun préjudice, son cautionnement ayant été annulé, qu'elle n'est pas responsable de la déconfiture de l'entreprise, que la demande au titre du préjudice moral est irrecevable, que ce préjudice est de toute façon inexistant, qu'elle est bien fondée à solliciter des dommages-intérêts du fait de l'attitude de [N] [Z] qui savait que la situation de la société était définitivement obérée, que les chiffres d'affaires réels étaient bien éloignés du prévisionnel, ce qui atteste de sa déloyauté.
SUR CE
Sur la portée de l'arrêt de la Cour de cassation du 18 mars 2014
L'arrêt de la Cour de cassation du 18 mars 2014 a cassé et annulé l'arrêt du 19 juin 2012 de la cour d'appel de Douai, mais seulement en ce qu'il a dit que l'arrêt des concours en compte courant de la caisse ne caractérise pas une rupture abusive au sens de l'article L313-12 du code monétaire et financier, et a rejeté la demande de dommages-intérêts de [N] [Z], remettant en conséquence, sur ces points la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt;
Aux termes de l'article 624 du code de procédure civile, 'la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire';
En l'espèce seul le problème de la rupture abusive au sens de l'article L313-12 du code monétaire et financier est l'objet de la cassation ;
La demande de dommages-intérêts qui était formulée de ce chef par [N] [Z] étant étroitement liée au problème de la rupture abusive du concours bancaire, elle fait également l'objet de la cassation ;
La cassation annulant intégralement le chef de dispositif qu'elle atteint, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation, la cour de renvoi n'est pas liée par les motifs de l'arrêt cassé, ni tenue de respecter même ceux des motifs qui n'ont pas été critiqués, mais qui venaient au soutien du chef de dispositif annulé dans l'arrêt attaqué ;
Les chefs de dispositif non cassés de l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 19 juin 2012, à savoir le prononcé de la nullité de l'engagement de caution souscrit le 20 septembre 2009 par [N] [Z] pour défaut de cause, la condamnation de ce dernier à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE MESLAY L'OCEANE les sommes de 48 000 euros, et 15 000 euros outre intérêts, le débouté ce cette dernière s'agissant de ses demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive ont quant à eux acquis l'autorité de la chose jugée;
Sur la rupture des concours bancaires
Le 23 novembre 2007, la société GROUPE RENAIRGIES, en la personne de son gérant [N] [Z], concluait avec la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE MESLAY L'OCEANE, une convention d'ouverture de compte courant ;
Il résulte des éléments de la procédure, non contestés par les parties, que ce compte était à découvert à hauteur de 72 261 euros fin avril 2009, de 101 719 euros fin mai 2009, de 98 429 euros fin juin 2009, de 113 073 euros fin juillet 2009, de 96 490 euros fin août 2009 et de 93 475 euros fin septembre 2009, ce qui représente une moyenne de 96 000 euros sur cette période ;
Comme l'ont indiqué les premiers juges, la permanence des soldes négatifs sur une telle période et le compte courant fonctionnant constamment en situation débitrice permettent d'établir que la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE MESLAY L'OCEANE avait tacitement accordé à la société GROUPE RENAIRGIES un découvert autorisé à hauteur de 96 000 euros, et non dans la seule limite de 40 000 euros ;
S'agissant d'un découvert autorisé dans la limite de 96 000 euros, et donc d'un crédit consenti par la banque, sa rupture est soumise au respect des dispositions de l'article L313-12 du code monétaire et financier, qui dispose que tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, qu'un établissement de crédit consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours, ce délai ne pouvant, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours ;
Cet article précise cependant que l'établissement de crédit n'est pas tenu de respecter un délai de préavis, que l'ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s'avérerait irrémédiablement compromise ;
En outre, il résulte de ces dispositions que la banque doit notifier par écrit sa décision d'interrompre un concours accordé pour une durée indéterminée, même dans les cas où elle est dispensée de respecter un délai de préavis ;
En l'espèce, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE MESLAY L'OCEANE soutient que la société GROUPE RENAIRGIES était dans une situation irrémédiablement compromise avant le 25 septembre 2009 ;
Les éléments de la procédure révèlent que la société GROUPE RENAIRGIES n'a jamais connu de situation bénéficiaire ;
En 2008, son chiffre d'affaires était de 1.240 000,00 euros, mais elle affichait une perte d'exploitation de 83.000,00 euros, une perte nette de 88.000,00 euros et des fonds propres négatifs à hauteur de - 63.000,00 euros ;
En 2009, et alors que son compte bancaire était constamment en débit avec de fortes pointes à compter d'avril 2009, elle réalisait sur 9 mois un chiffre d'affaires de 508.000,00 euros, subissait une perte d'exploitation de 220.000,00 euros, une perte nette de 223.000,00 euros et ses fonds propres étaient négatifs à hauteur de - 286.000,00 euros ;
Par ailleurs la société GROUPE RENAIRGIES n'a plus honoré les échéances mensuelles de 649, 99 euros de son prêt professionnel de 33 000 euros à compter du 15 juillet 2009, et elle n'a plus payé ses cotisations URSSAF à compter du 2ème trimestre 2009, une somme de 46 600 euros étant due à la fin du 3ème trimestre 2009 ;
De même les factures de son expert comptable n'ont plus été payées dès le mois de juin 2009 ;
Il en ressort qu'en septembre 2009, la société GROUPE RENAIRGIES n'était plus capable de faire face à son endettement, ne disposait d'aucune solution pour y remédier, ni de perspective de redressement, de sorte qu'elle se trouvait effectivement dans une situation irrémédiablement compromise ;
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 15 septembre 2009 distribué le 18 septembre 2009, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE MESLAY L'OCEANE a indiqué à la société GROUPE RENAIRAGIES que son compte était débiteur de 78 679, 41 euros et lui demandait de régulariser sa situation pour la fin septembre 2009 et de respecter le montant du découvert autorisé de 40 000 euros ;
Ainsi le 15 septembre 2009 la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE MESLAY L'OCEANE a notifié à la société GROUPE RENAIRGIES sa volonté de réduire la facilité de caisse à hauteur de 40 000 euros ;
Aux termes d'un courrier électronique du 24 septembre 2009, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE MESLAY L'OCEANE confirmait sa position et indiquait à la société GROUPE RENAIRGIES qu'il n'était pas possible de faire droit à ses plus amples demandes de virement eu égard à son solde débiteur de 71 000 euros pour une autorisation de 40 000 euros ;
Ce courrier, sans ambiguïté sur la volonté de la banque de réduire à 40 000 euros la facilité de caisse octroyée, est conforme aux dispositions de l'article L313-12 du code monétaire et financier ;
Eu égard à la situation irrémédiablement compromise de la société GROUPE RAINERGIES, le délai de préavis de 60 jours ne s'imposait pas à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE MESLAY L'OCEANE ;
Il ressort de l'historique des mouvements du compte bancaire de la société GROUPE RENAIRGIES pour la période du 30 juin 2009 au 27 octobre 2009, que la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE MESLAY L'OCEANE a respecté les termes de sa notification de réduction du concours bancaire en date du 15 septembre 2009, rejetant les paiements au delà de la limite autorisée sans pour autant prononcer l'exigibilité de sa créance, de sorte qu'il ne peut être argué ni d'une rupture abusive du concours en compte courant, ni d'une réduction abusive de ce concours ;
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit qu'il n'y avait pas eu de rupture abusive au sans de l'article L313-12 du code monétaire et financier, mais réformé sur le terme 'arrêt' des concours , dès lors qu'il a été précédemment démontré qu'il s'agissait de la notification d'une réduction des concours bancaires, et non d'une rupture ;
[N] [Z] n'établissant aucune faute de la part de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE MESLAY L'OCEANE, il sera débouté de ses demandes de dommages-intérêts en lien à hauteur de 63 000 euros, qui correspond au montant de ses condamnation en qualité de caution, et à hauteur de 20 000 euros pour préjudice moral ;
Sur la demande de dommages-intérêts à hauteur de 60 281, 78 euros formulée par la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE MESLAY L'OCEANE
La CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE MESLAY L'OCEANE prétend que [N] [Z] a commis une faute en l'incitant trompeusement à maintenir ou aggraver un découvert par la remise de prévisionnels optimistes que lui seul savait irréalistes ;
Cependant, il a été précédemment démontré que la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE MESLAY L'OCEANE, malgré les demandes de la société GROUPE RAINERGIES, n'avait pas accepté de maintenir le découvert tacitement autorisé à hauteur de 96 000 euros, ayant notifié sa décision de le réduire à 40 000 euros par courrier recommandé avec accusé de réception du 15 septembre 2009, de sorte qu'elle ne peut prétendre avoir été trompée par le prévisionnel, produit aux débats, dont on ignore la date de communication par [N] [Z] ;
En outre, il résulte du courrier adressé le 25 août 2009 à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE MESLAY L'OCEANE par [N] [Z], que même si ce dernier nourrissait encore l'espoir de redresser sa société, il était parfaitement conscient de ses difficultés et de la persistance du découvert du compte de sa société ;
La CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE MESLAY L'OCEANE n'établissant aucun dol ou mauvaise foi de la part de [N] [Z], elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 60281, 78 euros ;
[N] [Z] qui succombe sera condamné aux dépens et débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE MESLAY L'OCEANE les frais exposés par elle en cause d'appel et non compris dans les dépens ; il lui sera alloué la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a utilisé le terme 'arrêt' des concours, et statuant à nouveau de ce seul chef,
Dit que la situation de la Société GROUPE RENAIRGIE était irrémédiablement compromise avant le 25 septembre 2009,
Dit que la société CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE MESLAY L'OCEANE a réduit ses concours bancaires conformément aux dispositions de l'article L313-12 du code monétaire et financier, après notification de sa décision par courrier du 15 septembre 2009 réitéré le 24 septembre 2009,
Dit qu'il n'y a eu ni arrêt ni rupture fautive des concours bancaires de la part de la société CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE MESLAY L'OCEANE,
En conséquence,
Déboute [N] [Z] de ses demandes de dommages intérêts à hauteur de 48 000 euros et 15 000 euros,
Déboute [N] [Z] de sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 20 000 euros pour préjudice moral,
Y ajoutant,
Déboute [N] [Z] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la société CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE MESLAY L'OCEANE de sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 60 281, 78 euros,
Condamne [N] [Z] à payer à la société CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE MESLAY L'OCEANE somme de 3000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel,
Condamne [N] [Z] aux dépens d'appel
LE GREFFIERLE PRESIDENT
M.M. HAINAUTC. PARENTY