République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 01/10/2015
***
N° MINUTE :
N° RG : 12/01004
Jugement (N° 09/05116)
rendu le 15 Novembre 2011
par le Tribunal de Grande Instance de BÉTHUNE
REF : JLC/AMD
APPELANT
Monsieur [J] [N]
demeurant [Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté et assisté de Maître Yann LAUGIER, avocat au barreau de LILLE, constitué aux lieu et place de Maître Aliette CASTILLE, ès qualités de suppléante de Maître Philippe Georges QUIGNON, anciennement avoué
INTIMÉS
Monsieur [N] [F]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1]
et Madame [S] [W]
née le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 2]
demeurant ensemble [Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentés et assistés de Maître Jérôme LESTOILLE, membre de la SCP LESTOILLE & CHAMBAERT, avocat au barreau de LILLE
Madame [Q] [Z]
née le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 3]
demeurant [Adresse 3]
[Adresse 3]
bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/12/06201 du 10/07/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI
Représentée et assistée de Maître Eric LAFORCE, membre de la SELARL Eric LAFORCE, avocat au barreau de DOUAI
Maître [R] [Y], notaire associé de la SCP [Y] - [B]
demeurant [Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée et assisté de Maître Lynda PEIRENBOOM, membre de la SELARL HERBAUX PEIRENBOOM DEBERT, avocat au barreau de BÉTHUNE
SARL N.D. FLANDRES EXPERTISES
ayant son siège social [Adresse 5]
[Adresse 5]
- En liquidation judiciaire -
Maître [Y] [J], Mandataire Judiciaire, pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Société ND FLANDRES EXPERTISE
demeurant [Adresse 6]
[Adresse 6]
Assigné en reprise d'instance le 17 octobre 2014 à domicile - N'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Jean-Loup CARRIERE, Président de chambre
Christian PAUL-LOUBIERE, Conseiller
Véronique FOURNEL, Conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine POPEK
DÉBATS à l'audience publique du 15 Juin 2015
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT RENDU PAR DÉFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 01 Octobre 2015 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Jean-Loup CARRIERE, Président, et Claudine POPEK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 05 juin 2015
***
FAITS & PROCÉDURE
Dans le cadre d'un contrat de construction de maison individuelle conclu avec la société Maisons Individuelles Nord-Est, titulaire de la marque Maison Phénix, M. [J] [N] et Mme [Q] [Z] ont fait édifier à [Localité 4] une habitation dont la réception est intervenue sans réserve le 12 mars 1999.
Ils ont ensuite procédé par eux-mêmes à l'aménagement des combles, y créant principalement trois chambres et un dégagement.
Par acte reçu le 24 mai 2006 par Maître [R] [Y], notaire, faisant suite à un compromis de vente du 26 février 2006 rédigé par la S.A.R.L. Lys Immo, M. [N] et Mme [Z] ont vendu l'immeuble à M. [N] [F] et à Mme [S] [W] moyennant le prix de 180.000 €.
Exposant qu'ils avaient rapidement constaté un phénomène d'affaissement de l'étage et que les vendeurs, en réponse à leur réclamation, leur avait fait transmettre par le notaire un rapport de visite établi par la S.A.R.L. ND Flandres Expertises ne relevant aucun désordre affectant l'aménagement des combles, M. [F] et Mme [W] ont assigné en référé M. [N] et Mme [Z] ainsi que Maître [Y], la S.A.R.L. ND Flandres Expertises et la S.A.R.L. Immo Lys aux fins d'expertise.
L'expert désigné, Mme [G], a déposé son rapport le 5 mai 2009.
Par actes des 4, 12, 19 et 26 novembre 2009, M. [N] [F] et Mme [S] [W] ont assigné M. [N], Mme [Z], Maître [Y] et la société ND Flandres Expertises devant le tribunal de grande instance en paiement de diverse sommes sur le fondement de l'article 1792 du code civil.
Par jugement du 15 novembre 2011, le tribunal de grande instance de Béthune a :
- condamné M. [N] et Mme [Z] à verser à M. [F] et à Mme [W] les sommes de':
* 102.041,71 €, indexée sur l'indice BT01 du coût de la construction entre le 5 mai 2009 et la date de la décision,
* 9.050 € en réparation de leur préjudice de jouissance,
- rejeté les autres demandes des parties,
- condamné M. [N] et Mme [Z] aux dépens, en ce compris les frais d'expertise,
- laissé à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.
M. [J] [N] a relevé appel de cette décision le 17 février 2012 à l'encontre de toutes les autres parties outre Maître [Y] [J] en sa qualité de mandataire au redressement judiciaire de la société ND Flandres Expertises.
Par arrêt du 12 avril 2013, cette cour a :
- déclaré nul le rapport d'expertise judiciaire de Mme [T] [G] en date du 5 mai 2009;
- sursis à statuer sur les demandes des parties,
- ordonné une nouvelle expertise et désigné pour y procéder M. [U] [I], avec mission, notamment de :
* se prononcer sur l'existence des désordres et dommages allégués, en préciser la nature et l'étendue,
* donner son avis sur les causes des désordres,
* rechercher quand sont apparues les premières manifestations de ces désordres, donner son avis sur le point de savoir si le vendeur pouvait ou non les ignorer et si leur étendue pouvait ou non être appréciée par les acquéreurs lors des visites ayant précédé la vente,
* dire si les désordres sont de nature à rendre l'immeuble impropre à sa destination ou à porter atteinte à sa solidité, ou s'ils diminuent tellement son usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquis ou en aurait donné un moindre prix,
* à cet égard, donner son avis sur le prix payé par les acquéreurs au regard de la valeur vénale d'un tel immeuble à l'époque de la vente, abstraction faite de tout désordre.
M. [U] [I] a déposé son rapport le 23 octobre 2014 en suite de quoi les parties ont conclut en ouverture de rapport.
La procédure devant la cour a été clôturée le 5 juin 2015.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu les conclusions en date du 19 mai 2015 par lesquelles M. [J] [N], appelant, invite la cour, au visa des articles 1641, 1642 et 1792 du code civil, à :
- infirmer le jugement entrepris,
- à titre principal, dire que les conditions d'application de la responsabilité de l'article 1792 du code civil ne sont pas réunies et débouter M. [F] et Mme [W] de leurs demandes,
- à titre subsidiaire, débouter M. [F] et Mme [W] de leurs demandes formulées sur le fondement de la garantie des vices cachés,
- en tout état de cause, condamner Maître [Y] à le garantir de toutes condamnations pouvant intervenir,
- condamner M. [F] et Mme [W] aux dépens, ainsi qu'à lui payer la somme de 20.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions en date du 21 avril 2015 par lesquelles Mme [Q] [Z], intimée ayant relevé appel incident, invite la cour à :
infirmer le jugement entrepris,
- à titre principal, au visa des articles 1792 et suivants du code civil,
- dire que les conditions d'application de la responsabilité décennale ne sont pas réunies et débouter M. [F] et Mme [W] de leurs demandes à ce titre,
- à titre subsidiaire, au visa des articles 1641 et suivants du code civil, dire que les conditions d'application de la garantie des vices cachés ne sont pas réunies et débouter M. [F] et Mme [W] de leurs demandes à ce titre,
- à titre infiniment subsidiaire, au visa des articles 1382 et suivants du code civil, condamner in solidum Maître [Y], la S.A.R.L. ND Flandres Expertises et M. [Y] [J] ès qualités de mandataire au redressement judiciaire de la S.A.R.L. ND Flandres Expertises à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre au profit de M. [N] [F] et Mme [S] [W],
- en tout état de cause, débouter Maître [Y], la S.A.R.L. ND Flandres Expertises et M. [Y] [J] ès qualités de leurs demandes en tant qu'elles sont dirigées à son encontre,
- condamner in solidum M. [N] [F], Mme [S] [W], Maître [Y], la S.A.R.L. ND Flandres Expertises et M. [Y] [J] ès qualités aux dépens, ainsi qu'à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions en date du 14 mai 2015 par lesquelles M. [N] [F] et Mme [S] [W], intimés ayant relevé appel incident, demandent à la cour, au visa du rapport d'expertise de M. [I], des articles 1792-1, 1134, 1147, 160 et suivants, 1382 du code civil, de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré responsable M. [N] et Mme [Z], sur le fondement des articles 1792-1 du code civil,
- subsidiairement, dire que la responsabilité de M. [N] et Mme [Z] se trouve engagée sur le fondement des articles 1640 et suivants du code civil,
- réformer la décision en ce que le tribunal les a débouté de leur demande à l'égard de Maître [Y],
- dire que celui-ci à engager sa responsabilité dans la rédaction de l'acte authentique,
- condamner in solidum, Maître [Y], M. [N] et Mme [Z], au paiement de la somme de 92.345 € TTC revalorisée selon l'indice BT01 de la construction à compter du 4 octobre 2014 et jusqu'à parfait paiement,
- les condamner in solidum au paiement de la somme de 4.000 € au titre du préjudice de jouissance dans le cadre de l'exécution des travaux telle que fixée par l'expert, augmentée des intérêts courus et à courir calculés au taux légal à compter de la date du rapport définitif et jusqu'à parfait paiement,
- les condamner in solidum au titre du préjudice de jouissance subi arrêté à fin septembre 2014 au paiement de la somme de 20.000 € augmentée des intérêts courus et à courir calculés au taux légal à compter de la date du jugement à intervenir et jusqu'à parfait paiement,
- fixer l'indemnité de jouissance jusqu'à la date de règlement effectif des sommes à hauteur d'une somme de 200 € par mois et les condamner in solidum au paiement de cette somme mensuelle à compter du 1er octobre 2014 et jusqu'à date de règlement des fonds,
- débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes à leur encontre,
- les condamner in solidum au paiement de la somme de 6.000 € sur le fondement de
l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens qui comprendront les frais de référé expertise, les frais des expertises et les frais de procédure au fond de première instance et d'appel ;
Vu les conclusions en date du 29 mai 2015 par lesquelles Maître [Y], intimé, demande à la cour, au visa des articles 1382, 1792 et suivants du code civil, de :
à titre principal,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [N], Mme [Z], M. [F] et Mme [W] de leurs demandes à son encontre,
- dire qu'il n'a commis aucune faute pouvant engager sa responsabilité,
- dire qu'en l'absence de désordres de nature décennale, il n'existe aucun lien de causalité entre une soi-disant faute et le préjudice évoqué par M. [F] et Mme [W], M. [N] et Mme [Z],
- débouter M. [N] et Mme [Z] de l'intégralité de leurs demandes à son encontre,
- condamner solidairement M. [F], Mme [W], M. [N] et /ou Mme [Z] au paiement d'une somme de 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
à titre subsidiaire,
- limiter le préjudice de M. [F] et Mme [W] à une somme correspondant à la perte de chance de pouvoir bénéficier de la garantie d'une assurance décennale ou dommages ouvrage, laquelle ne saurait atteindre les demandes formulées,
- condamner solidairement M. [F], Mme [W], M. [N] et Mme [Z] aux entiers frais et dépens de la présente instance ;
Vu l'assignation en reprise d'instance devant la cour à la requête de Mme [Q] [Z] délivrée à M. [Y] [J] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ND Flandres Expertises le 17 octobre 2014 à domicile ;
SUR CE,
M. [Y] [J] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ND Flandres Expertises n'a pas constitué avocat ; il sera statué par défaut ;
Sur la responsabilité de M. [N] et Mme [Z]
M. [N] et Mme [Z] ont, dans le cadre d'un contrat de construction de maison individuelle, fait édifier une habitation sur un terrain leur appartenant par la société Maisons Individuelles Nord-Est. L'ouvrage a été réceptionné sans réserve le 12 mars 1999. Les combles de la maison ont été stipulés 'perdus', c'est à dire non habitable (pièce [F] n° 19 : fiche de mise au point définitive), étant précisé que le pavillon ne comporte qu'un seul niveau ;
Ils ont obtenu le 5 juin 2001 un arrêté de permis de travaux délivré par le maire de [Localité 4] pour la pose de 5 châssis de toit ;
Ils ont aussi à des travaux d'aménagement de ces combles pour les rendre habitables : ils ont crée 3 pièces (délimités par des cloisons légères en plaques de plâtre sur ossature métallique) autour d'un couloir de distribution ; ils ont déposé en mairie une déclaration de travaux exemptés de permis de construire le 28 mai 2001.
Ces travaux ont consisté à transformer les fermettes industrielles en modifiant les fiches et contrefiches, en mettant en oeuvre deux entrais supplémentaires, ainsi qu'un plancher en aggloméré de 20 mm cloué sur lambourdes 54x36 mm posées sur les entraits des fermettes.
La maison a été vendue à M. [F] et Mme [W] suivant acte authentique du 24 mai 2006 de Maître [Y].
M. [I], expert judiciaire, a constaté la réalité des désordres allégués par M. [F] et Mme [W], à savoir que le plancher de l'étage présente des grincements importants, une grande souplesse et un affaissement conséquent dans la zone surplombant le séjour ;
L'expert indique que le plancher est constitué de panneaux d'aggloméré posés sur des lambourdes directement reprises sur les entraits ; sur ces entraits, sont également suspendus les faux plafonds par l'intermédiaires de suspentes métalliques ; il indique que l'ensemble est souple et affiche une flèche importante, soit 2,5 centimètre sous la règle de 2,20 mètres ; la note de calcul qu'il a réalisé montre que les contraintes appliquées aux pièces en bois constituant les entraits sont largement supérieurs aux contraintes admissibles ;
Il indique que les désordres observés proviennent du fait que les sections des entraits existants son incompatibles avec les charges nouvellement appliquées ; il précise que ces désordres sont vraisemblablement apparus dès la construction du plancher, que les vendeurs ne pouvaient pas les ignorer mais les ont manifestement sous-estimés, puisqu'ils utilisaient les pièces comme chambre d'enfants, et que, de même, les acheteurs n'ont pas pu les ignorer lors de leurs différentes visites ; pour l'expert, en l'état actuel du plancher, les combles, qui représente 30 % de la surface habitables, sont inutilisables ;
Il précise que seule la surface des combles est concernée, que le rez de chaussée n'est pas touché, que l'immeuble hors combles n'est pas rendu impropre à sa destination ; pour M. [I] la solidité de l'immeuble n'est pas aliéné si le plancher des combles n'est pas sollicité ;
Selon M. [I], M. [N] et Mme [F], qui ont modifiés eux mêmes la charpente et le plancher haut du rez de chaussée, sont seuls responsables des désordres ;
Le rapport d'expertise de M. [I] n'est contesté par aucune des parties ;
Les travaux réalisés par M. [N] et Mme [Z] ont consisté à modifier l'aspect extérieur de l'immeuble (pose de châssis de toit) et à augmenter la surface habitable de près du tiers par la création de 3 pièces dans des combles initialement non habitables ; il ne s'agit non pas d'un simple aménagement mais bien d'une transformation de l'ouvrage existant ; ces travaux, de par leur importance, s'assimilent à la construction d'un ouvrage ;
M. [N] et Mme [Z] ne peuvent valablement se retrancher derrière le fait qu'ils n'ont pas réalisé ces travaux dans les règles de l'art, en omettant notamment de transformer le plancher initial en plancher porteur et de renforcer la charpente, pour prétendre qu'ils n'ont procédé qu'à un simple aménagement des combles ; les travaux réalisés pour transformer des combles perdus en combles habitables dans le but d'augmenter la surface habitable de l'immeuble conserve leur qualification de construction d'un ouvrage, mêmes s'ils ont été mal faits puisque seule importe la finalité des travaux ;
Il résulte du rapport d'expertise que les combles ainsi transformés sont inhabitables, ce qui caractérise l'impropriété à la destination de l'ouvrage ; de plus, la solidité de l'immeuble dans son ensemble est atteinte si le plancher des combles est sollicité ;
Il ne saurait être contesté que les désordres étaient apparents ; toutefois, M. [F] et Mme [W] ne pouvaient connaître ni leur étendue, ni leur cause puisqu'ils n'ont pas eu connaissance de la réalité des travaux réalisé par M. [N] et Mme [Z] ; lorsqu'ils ont visité l'immeuble, les chambres situés dans les combles étaient habitées, ils ne pouvaient donc pas savoir qu'en réalité ces combles étaient inhabitables du fait des graves vices de construction affectant les travaux réalisés par leurs vendeurs ; M. [F] et Mme [W] soulignent à juste titre que le simple fait de constater la souplesse du sol au 1er étage , ainsi que des craquements, ne permet pas à des profanes en matière de construction de mesurer que ces manifestations étaient dues au fait que le plancher était si faible qu'il ne pouvait admettre que le dessus soit habité ; M. [N] et Mme [Z] leur ont indiqué qu'ils avaient effectués eux mêmes des travaux mais ils n'ont mentionné que de travaux d'aménagement des combles sans leur révéler qu'à l'origine ces combles n'étaient pas habitables et que, pour les rendre habitables, ils s'étaient dispensés de transformer le plancher existant en plancher porteur et de renforcer la charpente ; M. [F] et Mme [N] n'ont par conséquent pas reçu d'information suffisante leur permettant d'apprécier la réalité des vices de construction ; pour les acquéreurs, les vices étaient cachés et il n'y a, de leur part, aucune acceptation d'un quelconque risque ;
Par ailleurs le délai de 10 ans a été régulièrement interrompu par l'assignation en référé expertise des 16, 19 et 20 février 2007 et un nouveau délai de 10 ans a couru à compter de l'ordonnance de référé du 4 mai 2007 ; l'assignation en référé est intervenue moins de 10 ans après la réception, que M. [N], sans être contredit, entend fixer à juin 2001 ; l'assignation au fond a été délivrée les 4, 12, 19 et 26 novembre 2009, soit moins de 10 ans après le 4 mai 2007 ; la demande n'est donc pas prescrite, étant précisé que les désordres examinés par M. [I] sont strictement identiques à ceux examinés par l'expert dont le rapport a été annulé, ce qui signifie que les désordres constatés par M. [I] se sont manifestés dans le délai d'épreuve de 10 ans ;
Il résulte de ce qui précède que la responsabilité de M. [N] et Mme [Z] est engagée envers M. [F] et Mme [Z] sur le fondement de la garantie décennale ; en application de l'article 1792-5 du code civil, le fait que M. [F] et Mme [W] ont obtenu une réduction du prix de vente, pour des motifs en réalité non établis avec certitude, ne saurait avoir pour effet d'exonérer les vendeurs de leur responsabilité fondée sur les articles 1792 et 1792-1 du même code ;
Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a condamné M. [N] et Mme [Z] à indemniser intégralement M. [F] et Mme [W] des désordres de nature décennale ;
Sur la responsabilité de la société ND Flandre Expertises et de Maître [Y]
Sur la responsabilité du notaire rédacteur de l'acte authentique
En cause d'appel, Mme [Z] sollicite la garantie de Maître [Y] et de la société ND Flandres Expertises ; M. [F] et Mme [W] recherche également la responsabilité du notaire ; il en est de même de M. [N] ;
Comme l'a rappelé le tribunal, en application de l'article 1382 du code civil, le notaire est tenu d'un devoir d'information et de conseil à l'égard de toutes les parties à l'acte qu'il reçoit et authentifie ; aux termes de l'article L 243-2 alinéa 2 du code des assurances, lorsqu'un acte a pour effet de transférer la propriété ou la jouissance d'un immeuble construit depuis moins de dix ans, mention doit être faite dans le corps de l'acte ou en annexe de l'existence ou de l'absence de souscription de l'assurance de dommages obligatoire prévue par l'article L 242-1 du même code ; cette obligation pèse tant sur le notaire que sur l'agent immobilier chargé de négocier et de rédiger la promesse de vente ;
Les premiers juges ont exactement relevé que l'acte authentique dressé par Maître [Y] le 24 mai 2006 contient bien en annexe une copie de l'attestation d'assurance dommages-ouvrage se rapportant à la construction réalisée par la société Maisons Individuelles Nord-Est délivrée à M. [N] le 12 mars 1999 mais il est muet sur les travaux exécutés postérieurement par M. [N] et Mme [Z], travaux qui ne bénéficient pas de cette garantie ;
Les premiers juges ont exactement retenu que les acquéreurs et les vendeurs tentent vainement de tirer argument de l'attestation établie le 21 décembre 2007 par Mme [G] [L] sur papier à entête de l'Eurl Sabre exploitant sous l'enseigne Immo-Service pour soutenir que Maître [Y] avait connaissance de l'existence des travaux réalisés par M. [N] et Mme [Z] après sa livraison ; cette personne disant agir en qualité de commerciale en immobilier au sein de cette société expose qu'elle a mandaté le cabinet Agenda en janvier 2006 afin d'effectuer un état de la charpente de la maison appartenant à M. [N] et Mme [Z] pour renseigner un client intéressé par ce bien après avoir été informée par le vendeur de ce que l'aménagement des combles n'avait pas été effectué par une entreprise et 'sur le conseil du notaire en charge de la vente' ; en réalité, l'immeuble n' a pas été négocié par cette agence mais par l'agence Lys Immo et Mme [L] ne désigne pas nommément Maître [Y] connu étant le notaire en charge de la vente qui lui aurait donné le conseil de faire effectuer par un technicien un examen des travaux réalisés par les vendeurs ; en outre, seul un rapport de visite de la S.A.R.L. ND Flandres Expertises étant versé aux débats et à supposer qu'il s'agisse bien de la société que Mme [L] désigne sous le nom de cabinet Agenda, les circonstances dans lesquelles ce document a été rédigé
demeurent beaucoup trop imprécises pour que quelque conséquence que ce soit puisse être tirée d'une attestation émanant de la personne qui dit avoir sollicité ; ce rapport de visite en effet n'est pas daté et il en existe deux versions, l'une, ne comportant pas la signature de M. [Z] [M] et comportant la mention 'toutefois un calcul de charge ou le passage d'un homme de l'art s'avérera nécessaire afin d'évaluer la bonne faisabilité des travaux réalisés', l'autre comportant la signature de M. [Z] [M] mais ne comportant pas cette mention manifestement rajoutée a posteriori ;
Les premiers juges ont encore exactement relevé qu'il résulte des correspondances de M. [N] et Mme [Z] adressées respectivement à M. [F] et Mme [W] et à Maître [Y] les 9 et 16 décembre 2006 qu'ils ne leur ont pour la première fois révélé l'existence de ce rapport de visite qu'à ces dates, après que M. [N] [F] et Mme [S] [W] les aient mis en demeure de prendre leur réclamation en considération, par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 décembre 2006, après quelques échanges, et il est permis de douter de ce que ce document ait réellement été établi en janvier 2006 et, qui plus est, sur le conseil d'un notaire qui n'en aurait reçu communication qu'un an plus tard ; M. [N] et Mme [Z] n'affirment pas quant à eux que le notaire avait connaissance de l'existence des travaux réalisés par leurs soins après la livraison de l'immeuble et il résulte tout au contraire de leur courrier à Maître [Y] du 16 décembre 2006 que le notaire n'en était pas informé et qu'il est étranger à l'intervention de la société ND Flandres Expertises : 'en janvier 2006 nous avons fait expertiser nos travaux d'aménagement des combles. Pour information, ces travaux ont été effectués par nous et non par une entreprise et l'expertise nous a été proposée par une agence autre que celle qui a effectué la vente';
Les premiers juges ont encore exactement relevé que tant M. [F] et Mme [W] que M. [N] et Mme [Z] affirment vainement que le notaire se trouvait en possession de documents devant lui permettre de constater que l'immeuble avait fait l'objet de transformations depuis sa construction, dans la mesure où le contrat de construction de maison individuelle, en possession duquel le notaire a été mis, ne mentionne pas le nombre de pièces que comportait le modèle choisi par M. [N] et Mme [Z] et où le compromis de vente mentionnait 'semi plain pied sur +/- 2000 m2, 5 chambres, SDB, Salon, Séjour cuisine ouverte, lingerie, chalet, bureau', les plans n'ayant été fournis au notaire que sur sa demande du 30 mai 2006, après réception de l'acte authentique, sur sollicitation de M. [F] et Mme [W] ; comme l'a dit le tribunal, même si le grand nombre de pièces énoncées à la promesse de vente pouvait interpeller le notaire, celui ci soutient à bon droit qu'une nouvelle distribution pouvait être intervenue et ce d'autant que la désignation figurant à la promesse ne mentionne pas de garage et que l'appellation semi plain-pied désigne une construction de plain-pied érigée à deux hauteurs différentes alors que l'immeuble aurait dû être désigné sous l'appellation de maison à étage ou de maison à combles aménagés, de sorte que loin d'alerter le notaire sur d'éventuelles transformations de l'immeuble après sa construction, les termes de la promesse de vente, à la rédaction de laquelle Maître [Y] est étranger, l'ont induit en erreur sur sa configuration ;
Les premiers juges ont justement retenu que le notaire, qui comme en l'espèce n'intervient que pour authentifier les conventions des parties n'est, contrairement au notaire ou à l'agent immobilier qui les négocie, pas tenu de visiter l'immeuble et peut se fier aux pièces et aux déclarations des parties, et qu'aucune faute de Maître [R] [Y] n'est caractérisée au préjudice, aussi bien des vendeurs que des acquéreurs ;
Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté M. [F] et Mme [W], M. [N] et Mme [Z] de leurs demandes à l'encontre de Maître [R] [Y] ;
Sur la responsabilité de la société ND Flandres Expertises
A une date inconnue du tribunal et de la cour, la société ND Flandres Expertises a établi un rapport de visite qui s'intéresse exclusivement aux transformations de la charpente pour conclure qu'elles sont globalement satisfaisantes et mentionne laconiquement que 'le plancher porteur n'a pu faire l'objet du contrôle' ;
Les premiers juges ont exactement relevé que l'omission dans le rapport de la société ND Flandres Expertises des désordres affectant le plancher n'est à l'origine d'aucun préjudice pour les vendeurs qui puisque M. [N] et Mme [Z] étaient parfaitement informés des désordres affectant le plancher de leur habitation et que le rapport de la société ND Flandres Expertises ne fournit aucun élément susceptible de les rassurer à son sujet, que ce rapport n'a donc pas pu les conforter dans leur décision de vendre l'immeuble puisqu'il laissait la question entière, l'utilisation par la société ND Flandres Expertises du terme 'plancher porteur' n'ayant pas pu les induire en erreur, eux qui savaient que la pose par leurs soins 'd'un plancher léger agglo 22 mm' n'avait pas pu transformer en plancher porteur le plancher perdu qui leur avait été livré par leur constructeur ;
Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté toute demande contre la ND Flandres Expertises ;
Sur la réparation des préjudices
Le rapport d'expertise n'est pas contesté par les parties sur l'évaluation du coût des travaux de reprise et l'indemnisation du trouble de jouissance ;
S'agissant des travaux de reprise, l'expert a retenu deux devis : celui de l'entreprise Vennin pour un montant de 92.345 € TTC et celui de la société Maison Phénix pour un montant de 90.040 € TTC ; le premier devis étant le plus précis, notamment sur les travaux de peinture, il convient de tenir compte uniquement du devis de l'entreprise Vennin ;
M. [J] [N] et Mme [Q] [Z] doivent donc être condamnés in solidum à payer à M. [N] [F] et Mme [S] [W] la somme de 92.345 € TTC revalorisée selon les variations de l'indice BT01 de la construction du 4 octobre 2014, date du devis jusqu'à la date de l'arrêt ; au delà de cette date, la condamnation est augmentée de droit des intérêts au taux légal ;
L'expert a évalué le préjudice de jouissance arrêté à septembre 2014, à la somme de 20.000 € et le préjudice de jouissance dans le cadre des travaux de reprise (d'une durée de 4 mois selon M. [I]) à la somme de 4.000 € ; les acquéreurs n'ont pas utilisé les combles depuis 2007 en raison des avis des experts qui estimaient cette utilisation dangereuse ; la valeur locative des combles inutilisables a été évaluée par l'expert à 200 € par mois ; le trouble de jouissance perdure depuis le mois de juin 2006, soit 112 mois jusqu'en septembre 2015: 200 € x 116 mois = 22.400 € ;
Il doit être ajouté les 4 mois durant lesquels les travaux de reprise devront êtres exécutés ; l'expert indique que M. [F] et Mme [W] devront quitter les lieux ; il chiffre le coût du relogement provisoire à la somme de 4.000 € ;
La réparation du préjudice de jouissance doit donc être fixée à la somme de 22.400 € + 4.000 € = 26.400 €, arrêtée de manière définitive au 30 septembre 2015 ;
M. [J] [N] et Mme [Q] [Z] doivent donc être condamnés in solidum à payer à M. [N] [F] et Mme [S] [W] la somme de 26.400 € de dommages-intérêts en réparation du trouble de jouissance ; il n'y a pas lieu d'allouer une somme supplémentaire pour la période postérieure à de la date de l'arrêt compte tenu de ce qui sera dit plus loin s'agissant des intérêts au taux légal ;
Le jugement déféré doit donc être réformé sur le montant des sommes allouées en réparation des préjudices ;
Les condamnations pécuniaires sont augmentées de droit des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt en application de l'article 1153-1 du code civil, sans qu'une mention spéciale dans le dispositif ne soit nécessaire ; la demande tendant à faire courir ces intérêts à une date antérieure doit être rejetée ;
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens qui comprennent de droit ceux des instances en référés et les frais d'expertise de Mme [G], et le rejet de l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
M. [J] [N] et Mme [Q] [Z] parties perdantes, doivent être condamnés in solidum aux dépens d'appel qui comprennent de droit les frais d'expertise de M. [I], ainsi qu'à payer les sommes suivantes par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel :
- à M. [N] [F] et Mme [S] [W] : 6.000 €,
- à Maître [R] [Y] : 4.000 € ;
Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du code de procédure civile formulée par M. [J] [N] et Mme [Q] [Z] ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant par mise à disposition au greffe, par défaut,
Réforme le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [N] et Mme [Z] à verser à M. [F] et à Mme [W] les sommes de'102.041,71 €, indexée sur l'indice BT01 du coût de la construction entre le 5 mai 2009 et la date de la décision et 9.050 € en réparation de leur préjudice de jouissance ;
Statuant à nouveau,
Condamne in solidum M. [J] [N] et Mme [Q] [Z] à payer à M. [N] [F] et Mme [S] [W] la somme de 92.345 € TTC revalorisée selon les variations de l'indice BT01 de la construction du 4 octobre 2014, date du devis jusqu'à la date de l'arrêt ;
Condamne in solidum M. [J] [N] et Mme [Q] [Z] à payer à M. [N] [F] et Mme [S] [W] la somme de 26.400 € de dommages-intérêts en réparation du trouble de jouissance ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Y ajoutant,
Condamne in solidum M. [J] [N] et Mme [Q] [Z] aux dépens d'appel qui comprennent les frais d'expertise de M. [I] et qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les sommes suivantes par application de l'article 700 du même code :
- à M. [N] [F] et Mme [S] [W] : 6.000 €,
- à Maître [R] [Y] : 4.000 € ;
Rejette toute autre demande.
Le Greffier,Le Président,
Claudine POPEK.Jean-Loup CARRIERE.