La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/12/2015 | FRANCE | N°13/03848

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 03 décembre 2015, 13/03848


COUR D'APPEL DE DOUAI
TROISIEME CHAMBRE
ARRÊT DU 03/ 12/ 2015
***
No MINUTE : 15/ 901 No RG : 13/ 03848

Ordonnance (No 13/ 03260) rendue le 28 Juin 2013 par le Conseiller de la mise en état de DOUAI

REF : BM/ CL

APPELANT

Monsieur Albéric X...né le 23 Avril 1979 à Tourcoing (59200) demeurant ...59800 LILLE

Représenté et assisté par Me Bruno CARPENTIER, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉS
MATMUT ASSURANCES INTIMÉ SUR APPEL PROVOQUÉ ayant son siège social 66 rue de Sotteville 76100 ROUEN

Représentée et assistée

par Me Patrick DELBAR, avocat au barreau de LILLE

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS INTIMÉE SUR APPEL PROVOQUÉ aya...

COUR D'APPEL DE DOUAI
TROISIEME CHAMBRE
ARRÊT DU 03/ 12/ 2015
***
No MINUTE : 15/ 901 No RG : 13/ 03848

Ordonnance (No 13/ 03260) rendue le 28 Juin 2013 par le Conseiller de la mise en état de DOUAI

REF : BM/ CL

APPELANT

Monsieur Albéric X...né le 23 Avril 1979 à Tourcoing (59200) demeurant ...59800 LILLE

Représenté et assisté par Me Bruno CARPENTIER, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉS
MATMUT ASSURANCES INTIMÉ SUR APPEL PROVOQUÉ ayant son siège social 66 rue de Sotteville 76100 ROUEN

Représentée et assistée par Me Patrick DELBAR, avocat au barreau de LILLE

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS INTIMÉE SUR APPEL PROVOQUÉ ayant son siège social 9 rue de l'Amiral Hamelin 75783 PARIS

Représentée par Me Arnaud DRAGON, avocat au barreau de DOUAI Assistée de Me Marc FLINIAUX, avocat au barreau de PARIS,

Monsieur Ambroise Y...INTIMÉ SUR APPEL PROVOQUÉ demeurant ...59420 MOUVAUX

Représenté par Me Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI Assisté de Me Yves LETARTRE, avocat au barreau de LILLE,

Monsieur Pierre Z...ès qualités de liquidateur de la société ARRAS ARCHITECTURE, ASSIGNÉ EN APPEL PROVOQUÉ demeurant ...59500 DOUAI

Représenté par Me Véronique DUCLOY, avocat au barreau de LILLE Assisté de Me CROQUELOIS, avocat au barreau de LILLE substituant Me DUCLOY, avocat au barreau de LILLE

SARL ARRAS ARCHITECTURE, prise en la personne de son administrateur ad hoc Me A..., domicilié en cette qualité audit siège ayant son siège socia 4 rue Roger Salengro 62000 ARRAS

Assignée en appel provoqué le 24 septembre 2013 à domicile
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE ROUBAIX TOURCOING venant aux droits de la CPAM DE ROUBAIX, agissant par ses représentants légaux dont ses Directeur et Directeur adjoint domiciliés en cette qualité au siège. ayant son siège social 6, rue Rémy Cogghe 59100 ROUBAIX

assignée en appel provoqué le 24 septembre 2013 à personne habilitée Représentée et assistée par Me Benoît DE BERNY, avocat au barreau de LILLE

SA ALLIANZ IARD venant aux droits de la Société GAN EUROCOURTAGE IARD, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège ayant son siège social 87, rue de Richelieu 75002 PARIS

Représentée par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI Assistée de Me Daniel ZIMMERMANN, avocat au barreau de LILLE,

SCI COLBERT prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège ayant son siège social 4 rue Georges Louchet 62223 ANZIN SAINT AUBIN

Représentée par Me Isabelle CARLIER, avocat au barreau de DOUAI Assistée de Me Thierry LORTHIOIS, avocat au barreau de LILLE,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ Benoît MORNET, Président de chambre Cécile ANDRE, Conseiller Sara LAMOTTE, Conseiller--------------------- GREFFIER LORS DES DÉBATS : Harmony POYTEAU

DÉBATS à l'audience publique du 22 Octobre 2015 Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 Décembre 2015 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Benoît MORNET, Président, et Harmony POYTEAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 20 octobre 2015

Exposé du litige

Le 13 avril 2003, M. X...a été grièvement blessé à la suite d'un incendie survenu dans un logement appartenant à la SCI Colbert et loué à M. Y..., situé au 2ème étage d'un immeuble, rue Colbert à Lille.
Par ordonnance du 24 juin 2003, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lille a ordonné une mesure d'expertise (incendie) confiée à M. B..., lequel a déposé son rapport le 18 août 2008.
Par ordonnance du 19 septembre 2006, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lille a ordonné une mesure d'expertise médicale confiée au Dr C..., remplacé par le professeur D..., lequel a déposé son rapport le 9 juillet 2007, en préconisant un nouvel examen après la greffe des deux mains envisagée sur la personne de M. X....
Par actes des 30 janvier et 3 février 2009, M. X...a fait assigner la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix Tourcoing et la SCI Colbert afin de voir déclarer la SCI Colbert responsable du dommage et la voir condamner à lui payer une provision de 1. 500. 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.
La société GAN Eurocourtage, aux droits de laquelle se trouve la société Allianz est intervenue volontairement à l'instance en sa qualité d'assureur de la SCI Colbert.
Par actes des 7, 8, 9, et 14 avril 2009, la SCI Colbert a fait assigner en garantie devant le tribunal de grande instance Maître A... en sa qualité d'administrateur de la société Arras Architecture, M. Z...en sa qualité de liquidateur de cette société, M. Y...(locataire de l'appartement) et la société Mutuelle Assurances des Travailleurs Mutualistes (MATMUT) en sa qualité d'assureur de M. Y.... Par acte du 18 novembre 2010, la SCI Colbert a fait assigner en garantie la société mutuelle des architectes de France (MAF) en sa qualité d'assureur de la société Arras Architecture.

Par jugement rendu le 11 avril 2013, le tribunal de grande instance de Lille a :

- dit que la SCI Colbert a commis une faute ayant concouru à la réalisation du dommage subi par M. X...le 13 avril 2003 ;
- dit que le préjudice de M. X...est constitué d'une perte de chance ouvrant droit à une indemnisation à hauteur de 33 % du préjudice subi ;
- condamné in solidum la SCI Colbert et la société GAN Eurocourtage IARD à payer à M. X...la somme de 500. 000 euros à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur l'indemnisation de son préjudice ;
- condamné in solidum la SCI Colbert et la société GAN Eurocourtage IARD à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix Tourcoing la somme de 712. 348, 04 euros au titre de ses débours provisoirement arrêtés à la date du 11 février 2012 ;
- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jugement ;
- dit que la compagnie GAN Eurocourtage IARD doit sa garantie à la SCI Colbert au titre des conséquences dommageables subies par M. X...;
- condamné in solidum la SCI Colbert et la société GAN Eurocourtage IARD à verser à M. X...la somme de 10. 000 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile ;
- condamné la SCI Colbert à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix Tourcoing la somme de 1. 500 euros, et à M. Y...la somme de 3. 000 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code procédure civile en faveur de la société GAN Eurocourtage IARD, de la MAF, de la MATMUT, de M. Z...en sa qualité de liquidateur amiable de la société Arras Architecture et de la SCI Colbert ;
- dit n'y avoir lieu à sursis à statuer ni à déclaration de jugement commun ;
- déclaré irrecevables les demandes dirigées par la SCI Colbert contre M. Z...en son nom personnel ;
- débouté les parties de leurs autres demandes, et condamné in solidum la SCI Colbert et la société GAN Eurocourtage IARD aux dépens de l'instance, y inclus les frais de référés et des deux expertises judiciaires.
M. X...a interjeté appel de ce jugement dans des conditions qui ne sont pas critiquées ; la SCI Colbert a formé un appel incident.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 11 septembre 2015, M. X...demande à la cour, au visa des articles 1382, 1383 et 1384 du code civil, d'infirmer le jugement et de :- déclarer la SCI Colbert entièrement responsable des conséquences dommageables subies par M. X...;- dire que la garantie de la compagnie Allianz IARD, venant aux droits du GAN, est acquise ;- condamner en conséquence in solidum la SCI Colbert et la société Allianz IARD à réparer la totalité du préjudice subi par M. X...;- les condamner in solidum à lui payer une provision de 1. 500. 000 euros dont à déduire la somme de 500. 000 euros déjà payée en raison de l'exécution provisoire du jugement ;- les condamner in solidum à lui payer une indemnité de 60. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;- renvoyer la cause et les parties devant le tribunal de grande instance de Lille pour qu'il soit statué sur l'indemnisation de la victime ;- les condamner in solidum aux dépens y inclus les frais de référés, d'expertise judiciaire, et du coût de l'expertise CNPP.

M. X...soutient que les constructions ont été engagées par la SCI Colbert en l'absence de permis de construire et que le non respect des obligations administratives est en lien direct avec l'absence des moyens de lutte contre l'incendie. Il soutient également que l'encloisonnement de la cage d'escalier était obligatoire en application de l'arrêté interministériel du 31 janvier 1986, et que l'absence d'encloisonnement de la cage d'escalier, retenue par l'expert comme facteur aggravant, a conduit à l'aggravation du développement de l'incendie dans ses deux phases. Il soutient encore que l'installation d'extincteurs était obligatoire au vu de l'arrêté préfectoral du 8 juillet 1987 et l'expert retient que l'absence d'extincteur a joué un rôle causal direct sur le préjudice subi par la victime, et que cet élément a été entièrement confirmé par le rapport du CNPP qu'il a sollicité ; il précise sur ce point que ce rapport du CNPP est versé aux débats comme moyen de preuve et que même s'il ne s'agit pas d'une expertise judiciaire, rien ne s'oppose à ce qu'il soit versé aux débats et soumis à la contradiction des autres parties à l'instance. Il soutient ensuite qu'en présence d'extincteurs, il est certain qu'il aurait pu échapper aux flammes et qu'il n'aurait pas subi de préjudice lequel ne peut être réduit à une perte de chance. Il soutient enfin que le rapport d'expertise du professeur D...justifie sa demande de provision à hauteur de 1. 500. 000 euros.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 5 octobre 2015, la SCI Colbert demande à la cour d'infirmer le jugement et de débouter M. X...et la caisse primaire d'assurance maladie de leurs demandes. Elle soutient qu'elle a respecté ses obligations administratives au stade de la réalisation des travaux, que l'encloisonnement de la cage d'escalier et la présence d'extincteurs n'étaient pas obligatoires, et qu'en tout état de cause, la preuve n'est pas rapportée d'un lien de causalité entre l'absence d'encloisonnement et l'absence d'extincteurs d'une part, et le dommage d'autre part. La SCI Colbert demande subsidiairement à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société Allianz doit sa garantie à la SCI Colbert au titre des conséquences dommageables subies par M. X.... Elle soutient à cet égard qu'elle a souscrit une assurance en qualité de propriétaire non occupant, et que l'assureur ne peut opposer une non garantie au motif que la SCI Colbert n'aurait pas déclaré son activité passée de maître d'ouvrage de la réhabilitation de l'immeuble ; elle précise qu'elle a répondu au questionnaire communiqué par l'assureur en application de l'article L. 113-2 du code des assurances, et que l'assureur ne peut pas prétendre que certaines des circonstances du risque lui auraient été cachées si elles ne sont pas reprises dans le questionnaire qu'il lui a adressé ; elle ajoute enfin qu'en tout état de cause, la société Allianz ne justifie pas d'une exclusion de garantie au préjudice du propriétaire qui aurait assuré la maîtrise d'ouvrage ou un rôle quelconque dans la construction de l'immeuble assuré. Plus subsidiairement, elle demande à la cour de dire que M. X...a subi une perte de chance et de limiter son préjudice à un taux inférieur à celui retenu par les premiers juges, de débouter la caisse primaire d'assurance maladie de ses demandes ou de limiter la réparation due à la caisse primaire d'assurance maladie en fonction du taux de réparation accordé à M. X.... Elle demande enfin à la cour de faire droit à son appel en garantie, de dire qu'in solidum, ou l'un à défaut de l'autre, M. Y...et son assureur la MATMUT, Maître A... en sa qualité d'administrateur ad'hoc de la société Arras Architecture, M. Z...en sa qualité de liquidateur de la société Arras Architecture, et la MAF en sa qualité d'assureur de la société Arras Architecture, devront la garantir de l'ensemble des demandes formées contre elle, et seront condamnés à lui payer une indemnité de 25. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle soutient que la responsabilité de M. Y...et de son assureur est engagée en application de l'article 1733 du code civil, et à défaut en application d'une clause du bail prévoyant que le preneur est seul responsable des dégâts occasionnés à l'immeuble, aux occupants et autres personnes s'y trouvant par lui-même, cette clause n'étant aucunement abusive ; elle soutient encore que la responsabilité de son locataire et également engagée sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil, et à défaut sur le fondement des articles 1382 et 1384, M. Y...ayant commis une imprudence dans l'utilisation de l'appartement et n'ayant pas réveillé la victime en temps utile.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 22 septembre 2015, la société Allianz demande à la cour de la déclarer recevable en son intervention volontaire au lieu et place de la société GAN, d'infirmer le jugement en déboutant M. X...et la caisse primaire d'assurance maladie de leurs demandes. Elle reprend à son compte les observations de la SCI Colbert quant à l'absence de faute en lien causal avec le dommage. Elle demande ensuite à la cour de la dire fondée à dénier sa garantie au motif que les manquements retenus à l'encontre de la SCI Colbert seraient intervenus dans le cadre de l'opération de rénovation de l'immeuble, courant 1989-1990, que cette opération relève du régime de l'assurance professionnelle spécifique, et que la SCI ne peut en transférer les risques sur un autre contrat souscrit 6 ans plus tard. Elle demande subsidiairement à la cour de réduire le taux de perte de chance de M. X..., de le débouter de sa demande de provision complémentaire, et de limiter le recours subrogatoire de la caisse primaire d'assurance maladie au prorata de la perte de chance. En toute hypothèse, elle demande à la cour de juger qu'elle ne peut être tenue au delà du plafond de garantie fixé à 7. 642. 450 euros. Enfin, elle reprend à son compte l'appel en garantie contre M. Y..., la MATMUT, M. Z...es qualité de liquidateur de la société Arras Architecture, la société Arras Architecture représentée par Maître A... en qualité d'administrateur ad'hoc, et son assureur la MAF, pour toute condamnation susceptible d'être mise à sa charge. Elle reprend sur ce point les moyens de la SCI Colbert. Elle sollicite également la condamnation de M. X..., la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix Tourcoing, la SCI Colbert, M. Z...es qualité, la société Arras Architecture représentée par Maître A..., M. Y...et la MATMUT, ou les uns à défaut des autres, à lui payer une indemnité de 20. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 14 janvier 2015, M. Y...demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI Colbert et la société Allianz de leur appel en garantie et de les condamner in solidum à lui payer une indemnité de 5. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient d'abord que cet appel en garantie ne peut être fondé sur l'article 1733 du code civil puisque ce texte ne s'applique que dans les rapports entre bailleurs et locataires alors qu'en l'espèce, la demande en garantie concerne l'indemnisation des préjudices subis par un tiers au contrat de louage. Il soutient ensuite que sur le fondement de l'article 1384 al. 2 du code civil, seul applicable en l'espèce, aucune faute n'est démontrée à son encontre puisqu'il résulte du rapport d'expertise que le dommage trouve sa cause soit dans un feu occasionné par les conditions d'utilisation de l'installation électrique de l'appartement, soit dans un feu consécutif à une cause accidentelle imprévisible. Il soutient enfin que la clause du bail invoquée par la SCI Colbert est illicite en application de l'article 4 de la loi du 6 juillet 1989 puisqu'en prévoyant une dispense conventionnelle de l'origine du dommage, cette clause est contraire aux dispositions d'ordre public régissant les rapports entre bailleurs et preneurs.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 29 septembre 2015, la MATMUT demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI Colbert et la société Allianz IARD de leur appel en garantie, et de condamner la SCI Colbert à lui payer une indemnité de 40. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle reprend à son compte les moyens développés par M. Y..., sauf à préciser que l'expert retient également l'hypothèse d'un feu occasionné par l'installation électrique de l'immeuble. Subsidiairement, la MATMUT demande à la cour de juger que la garantie ne peut dépasser le plafond contractuel de 7. 622. 450 euros, et qu'en vertu du contrat d'assurance, la garantie n'est pas acquise si la cour fait application de la clause du bail prévoyant la responsabilité du locataire. Elle demande alors à la cour de dire que la SCI Colbert, la société Allianz IARD, la MAF, Maître A... en sa qualité d'administrateur ad'hoc de la sociétté Arras Architecture, et M. Z...en sa qualité de liquidateur de la société Arras Architecture, devront garantir la MATMU et M. Y...de l'ensemble des condamnations qui pourraient être mises à leur charge ; elle soutient sur ce point que les fautes commises par la SCI ont été prédominantes dans la réalisation de l'incendie dont l'origine est inconnue.

M. Z...en sa qualité de liquidateur de la société Arras Architecture demande à la cour de déclarer irrecevables les appels en garantie dirigés contre lui es qualité, et de condamner la SCI Colbert et la société Allianz, chacune à lui payer une indemnité de 3. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il soutient que la société Arras Architecture, dûment assurée auprès de la MAF au titre de sa responsabilité civile professionnelle d'architecte n'était chargée, en 1990, que des travaux d'aménagement du dispositif d'évacuation des fumées et d'installation des portes coupe-feu ; il rappelle que cette société a fait l'objet d'une radiation du registre du commerce et des sociétés le 2 février 1996, après avoir été liquidée amiablement par son ancien gérant, M. Z....

L'assignation afin d'appel provoqué a été délivrée au domicile de Maître A... es qualité le 24 septembre 2013 ; il n'a pas constitué avocat devant la cour ; le présent arrêt sera donc rendu par défaut.
La MAF soutient d'abord l'irrecevabilité de l'appel provoqué de la SCI Colbert et la société Allianz IARD et de l'appel incident de la MATMUT à son encontre ; elle soutient que l'assignation en appel provoqué a été délivrée à son assuré postérieurement à l'expiration du délai d'appel. A toutes fins utiles, elle demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI Colbert les la société Allianz de leur appel en garantie ; elle soutient que la SCI Colbert et la société Allianz ne rapportent pas la preuve d'une mission confiée à la société Arras Architecture pour une intervention sur la partie habitation de l'immeuble. Subsidiairement, elle soutient que M. E..., dirigeant de la SCI Colbert, était également associé de la société Arras Architecture à hauteur de 24 % à l'époque de la construction, que la société Arras Architecture ne disposait donc pas de l'indépendance nécessaire lui permettant d'agir dans le strict respect des règles de l'art, de sorte qu'elle ne saurait garantir la société architecte. A titre infiniment subsidiaire, elle demande à la cour de juger que la non déclaration du risque a pour conséquence une réduction proportionnelle à 100 % donc à néant ; elle soutient que la mission n'ayant pas été déclarée, la société Arras Architecture n'a payé aucune cotisation de sorte que l'indemnité est réduite à néant. En tout état de cause, elle sollicite la condamnation in solidum de la SCI Colbert, de la société Allianz et de la MATMUT, ou l'une à défaut de l'autre, à lui payer une indemnité de 4. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix Tourcoing demande à la cour de déclarer la SCI Colbert responsable du préjudice subi par M. X...et de condamner in solidum la SCI Colbert et la société Allianz à lui payer les sommes suivantes :
-393. 077, 12 euros au titre des dépenses de santé, avec intérêts à compter du 26 avril 2009 ;-46. 215, 88 euros au titre des pertes de gains professionnelles actuelles, avec intérêts à compter du 26 avril 2009 ;-28. 199, 63 euros au titre des dépenses de santé actuelles, avec intérêts à compter du 26 décembre 2010 ;-244. 855, 41 euros au titre des dépenses de santé actuelles, avec intérêts à compter du 17 février 2012 ;-94. 934, 51 euros au titre de la pension d'invalidité servie à M. X...du 13 avril 2006 au 31 décembre 2011, avec intérêts à compter du 15 mars 2012 ;-27. 167, 38 euros au titre des dépenses de santé actuelles, avec intérêts à compter du 7 octobre 2015 ;-44. 568, 39 euros au titre de la pension d'invalidité servie du 1er janvier 2012 au 30 juin 2014, avec intérêts à compter du 7 octobre 2015 ;-129. 104, 48 euros au titre des dépenses de santé actuelles avec intérêts à compter du 7 octobre 2015 ;-37. 884, 56 euros au titre de la pension d'invalidité servie du 1er juillet au 30 août 2014, avec intérêts à compter du 7 octobre 2015 ;-54. 898, 06 euros au titre du capital invalidité au 5 septembre 2014, avec intérêts à compter du 7 octobre 2015 ;-415. 374, 12 euros au titre des frais futurs arrêtés au 5 septembre 2014, avec intérêts à compter du 7 octobre 2015. Elle demande également la capitalisation des intérêts dus pour une année entière, leur condamnation in solidum au paiement de la somme de 1. 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, et la condamnation des parties succombantes à lui payer une indemnité de 3. 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que ces sommes lui sont dues au titre du recours subrogatoire qu'elle exerce compte tenu des prestations servies à M. X.... Elle soutient que la responsabilité de la SCI Colbert résulte des fautes commises par elle et notamment de l'absence d'extincteur, de l'absence d'encloisonnement de la cage d'escalier et plus généralement de l'absence de dispositif permettant la protection contre les risques incendie.

Motifs de la décision

I-Sur les circonstances de l'incendie
Il résulte de l'enquête de police produite aux débats que le 13 avril 2003, M. Y...est rentré chez lui accompagné de deux amis, M. X...et M. F..., que le locataire s'est couché dans sa chambre et ses deux amis se sont endormis dans le canapé-lit du séjour, que vers 8h, M. F...a été réveillé par les flammes se situant à peu de distance du bout du canapé-lit, qu'après avoir donné l'alerte en criant, M. F...s'est dirigé vers la porte de sortie de l'appartement dont il est sorti avec M. Y..., que M. X...n'est pas parvenu à sortir de l'appartement en raison d'un " mur de flammes " le séparant de la porte de sortie de l'appartement malgré l'assistance que ses amis ont tenté de lui apporter, qu'il a ouvert une fenêtre et s'est suspendu à la rambarde métallique jusqu'à sa chute au sol deux étages en contrebas.
Il résulte ensuite de l'expertise diligentée par M. B...que deux causes du sinistres peuvent être retenues, l'une ou l'autre : soit un feu occasionné par les conditions d'utilisation de l'installation électrique de l'appartement, soit un feu consécutif à une cause accidentelle imprévisible.
II-Sur la responsabilité de la SCI Colbert
Il résulte de l'article 1384 alinéa 2 du code civil que la responsabilité de celui qui détient à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble dans lequel un incendie a pris naissance est engagée vis à vis des tiers victimes des dommages causés par cet incendie, dès lors qu'il est prouvé que soit la naissance de l'incendie, soit son aggravation ou son extension doivent être attribuées à sa faute.

1- sur la faute de la SCI Colbert

Il résulte de l'article 19 de l'arrêté interministériel du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l'incendie des bâtiments d'habitation, pris en application du code de la construction et de l'habitation, que les parois des cages d'escalier non situées en façade doivent être coupe-feu, et que les habitations dont le plancher bas du logement le plus haut est à plus de huit mètres du sol doivent être équipées de portes séparant l'escalier des circulations horizontales.
En l'espèce, il résulte du rapport d'expertise réalisé par M. B...que l'immeuble appartenant à la SCI Colbert dans lequel se trouvait l'appartement incendié est de la " deuxième famille " et que le plancher bas du logement le plus haut est à plus de huit mètres du sol.
Ce sont ces éléments qui conduisent l'expert à écrire dans son rapport en page 62 : " Comme l'immeuble incendié a son plancher bas du logement le plus haut à plus de huit mètres (exactement 11, 17 m selon mesure contradictoire le 7 novembre 2003), il aurait dû être prescrit un encloisonnement de l'escalier, comme cela a été fait après l'incendie, lors de la reconstruction ".
Il résulte de l'article 2 de l'arrêté préfectoral (Préfet du Nord) du 8 juillet 1987, pris au visa du code de la construction et de l'habitation et de l'arrêté interministériel du 31 janvier 1986 susvisé que " dans les immeubles collectifs d'habitation, devront être posés soit des extincteurs à eau pulvérisée de 6 litres tous les niveaux, soit de 9 litres tous les deux niveau ".
Il est ensuite produit aux débats un courrier adressé le 23 février 1989 par le Colonel commandant le corps des sapeurs-pompiers de Lille au Directeur départemental des services d'incendie et de secours de Lille concernant la réhabilitation de l'immeuble ; ce courrier mentionne bien l'article 2 de l'arrêté préfectoral susvisé comme étant applicable et prescrit la mise en place d'un dispositif d'évacuation des fumées en haut de la cage d'escalier.
La SCI Colbert produit aux débats un courrier, daté du 8 novembre 1990 et adressé par le directeur du SDIS au maire de Lille, faisant état d'une visite de l'immeuble le 26 octobre 1990 et mentionnant que les prescriptions émises par le colonel des sapeurs-pompiers ont été suivies d'effet. Elle produit également un courrier du service de l'urbanisme de Lille mentionnant que les mesures de sécurité prises sont conformes aux observations émises par le SDIS.

Compte tenu de l'ampleur des travaux de réhabilitation (réhabilitation d'un immeuble en vue de créer une surface commerciale et 22 logements), et des termes de l'arrêté du 31 janvier 1986, ces courriers ne pouvaient pas dispenser la SCI Colbert du respect de la réglementation en vigueur, et notamment de l'obligation d'encloisonnement de la cage d'escalier prescrite par l'arrêté interministériel de 1986.

La SCI Colbert produit enfin une réponse ministérielle du 29 février 1988 selon laquelle l'arrêté du 31 janvier 1986 modifié le 18 août 1986 n'exige pas la présence d'extincteur dans les bâtiments d'habitation. Cette réponse ne fait pas échec à l'obligation de respecter l'arrêté préfectoral du 8 juillet 1987 applicable au département du Nord, et pris en application de l'arrêté interministériel du 31 janvier 1986, imposant la présence d'extincteurs dans les immeubles d'habitation dans le département du Nord.

Il résulte de ces éléments que, sans qu'il y ait lieu de rechercher si une faute a été commises dans les conditions d'obtention du permis de construire, l'expert a pu retenir à juste titre dans la conclusion de son rapport que l'absence d'encloisonnement de la cage d'escalier et l'absence d'extincteur caractérisaient des non conformités de l'immeuble.
La cour retient en conséquence que la SCI Colbert a commis une faute en ne respectant pas l'obligation d'encloisonnement de la cage d'escalier et l'obligation de pose d'extincteurs dans l'immeuble litigieux.

2- sur le lien de causalité

-sur le lien de causalité entre l'absence d'encloisonnement de l'escalier et l'aggravation de l'incendie
Il résulte du rapport d'expertise réalisé par M. B..., reprenant à son compte les observations de M. G..., que lorsque M. Y...et M. F...ont ouvert la porte de l'appartement donnant sur le palier pour en sortir, il y a eu un apport d'air neuf accentué par le fait que l'escalier n'était pas cloisonné, car cet air est venu de l'ensemble de la cage d'escalier. L'expert précise que si l'escalier avait été encloisonné, l'appartement dont le volume est d'environ 85 mètres cube n'aurait été mis en contact qu'avec les 32 mètres cube du palier du 2ème étage, alors qu'en l'absence d'encloisonnement, il a été mis en contact avec environ 200 mètres cube d'air représentant le palier et la cage d'escalier.

Le CNPP, consulté par l'expert B..., conclut d'ailleurs que " la conception même d'un escalier encloisonné permet d'envisager sans ambiguïté " une influence en réduisant l'alimentation en air du foyer.
L'expert retient donc à juste titre que l'encloisonnement aurait diminué la puissance de feu.
Il résulte de ces éléments, sans qu'il y ait lieu de s'appuyer sur le rapport réalisé par le CNPP à la demande de M. X..., que l'absence d'encloisonnement a causé une aggravation de la puissance de feu.
- sur le lien de causalité entre l'absence d'extincteur et l'aggravation de l'incendie
Il résulte d'abord de l'audition de M. Y...par les services de police qu'après être sorti de l'appartement sur le palier, il a cherché un extincteur pour venir en aide à son ami. M. X...verse d'ailleurs aux débats une attestation de l'employeur de M. Y...démontrant que ce dernier avait suivi une formation relative au maniement d'un extincteur sur feu réel en octobre 2002, soit quelques mois avant l'accident.

L'expert B...note dans son rapport qu'un extincteur envoyant pendant environ 30 secondes (s'il a une capacité de 6 litres) ou environ 45 secondes (s'il a une capacité de 9 litres), jusqu'à une distance de 3 à 4 mètres, de l'eau pulvérisée sous forme facilement orientable par lance avec poignée, aurait permis de dégager très provisoirement M. X...des fumées et des flammes, rendant ainsi possible le franchissement en quelques secondes du " rideau de flammes " qui le séparait de ses camarades.
Pour répondre aux dires de la SCI Colbert et de la société GAN, et notamment au rapport du commandant H...consulté par la SCI et son assureur, l'expert B...a consulté le Centre national de prévention et de protection (CNPP). Le rapport du CNPP, particulièrement technique sur l'alimentation du feu et sa puissance, et d'ailleurs non sérieusement contesté par les parties, conclut dans les termes suivants : " Les argument développés dans le rapport (de M. H...) ne permettent pas de démontrer qu'un extincteur de 6 litres aurait été inefficace ".

Après avoir répondu de manière objective et argumentée aux dires des parties, et après avoir consulté le CNPP, l'expert conclu clairement que la présence d'extincteurs, comme exigée par l'arrêté préfectoral du Nord, aurait permis à M. X...de traverser en quelques secondes le rideau de flammes le séparant de ses camarades.
Il résulte de ces éléments qu'en ne réalisant pas l'encloisonnement de la cage d'escalier et en ne respectant pas l'obligation d'installer des extincteurs dans l'immeuble, la SCI a commis des fautes ayant concouru, de manière certaine et directe, à l'aggravation de l'incendie à l'origine du dommage subi par M. X....
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré et de déclarer la SCI Colbert entièrement responsable des conséquences dommageables subies par M. X..., à la suite de l'incendie dont il a été victime le 13 avril 2003.

III-Sur la garantie de la société Allianz

Il résulte de l'article L. 113-5 du code des assurances que la réalisation du risque oblige l'assureur à exécuter dans le délai convenu la prestation déterminée par le contrat.
Le contrat souscrit par la SCI Colbert auprès de la société GAN aux droits de laquelle se trouve la société Allianz précise que la compagnie couvre la responsabilité civile de la SCI dans les termes suivants : " Nous garantissons les conséquences pécuniaires des dommages dont, en qualité de propriétaire du bâtiment assuré, vous pourriez être reconnue responsable en vertu des articles 1382 à 1384 et 1386, 1719 et 1721 du code civil ".

La responsabilité de la SCI Colbert est en l'espèce retenue en application de l'article 1384 alinéa 2, de sorte que la société Allianz ne peut sérieusement prétendre que la garantie recherchée le serait sur le fondement d'une activité de promoteur constructeur.
Il résulte des pièces produites que la SCI Colbert a souscrit un contrat d'assurance pour son immeuble en qualité de propriétaire non occupant.
Peu importe qu'elle ait auparavant fait réaliser les travaux de réhabilitation en qualité de maître de l'ouvrage ; elle aurait pu remédier aux fautes qui lui sont reprochées, en qualité de propriétaire non occupant, au cours des années écoulées, sans pour autant que sa qualité de maître de l'ouvrage ne vienne mettre en cause sa qualité d'assuré.

Le fait de ne pas avoir respecté son obligation d'encloisonner la cage d'escalier et d'installer des extincteurs ne peut s'analyser en une abstention dolosive au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances ; il s'agit à l'inverse d'une faute susceptible d'engager la responsabilité de la SCI, ce pourquoi elle a justement souscrit une contrat d'assurance.

La responsabilité de la SCI Colbert étant donc retenue sur le fondement de l'article 1384 alinéa 2 du code civil, il convient de dire que la société Allianz doit sa garantie à la SCI Colbert au titre des conséquences dommageables subies par M. X..., et sera tenue, in solidum avec la SCI Colbert, de réparer l'entier préjudice de M. X...à la suite de l'incendie dont il a été victime dans l'immeuble de la SCI Colbert le 13 avril 2003.
La société Alianz justifie d'un plafond contractuel de garantie au delà duquel elle ne peut être tenue à hauteur de 7. 622. 450 euros.
IV-Sur l'appel en garantie contre M. Y...et la MATMUT
1- sur le fondement légal
En cas d'incendie, les relations entre le propriétaire et le locataire sont régies par les articles 1733 du code civil.
Mais l'article 1733 du code civil ne s'applique que dans les rapports entre bailleur et locataire. Vis à vis des tiers, le preneur n'est responsable des dommages causés par l'incendie ayant pris naissance dans l'immeuble que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable.
Dès lors, c'est seulement sur le fondement de l'article 1384 al. 2 que la garantie de M. Y...et de son assureur pourraient être recherchée.
Contrairement à ce qu'écrit la SCI Colbert, aucune faute ni négligence n'a été mis en évidence ni établie par le rapport d'expertise du M. B....
Au contraire, il résulte du rapport d'expertise que la cause de l'incendie est indéterminée puisqu'il peut s'agir des conditions d'utilisation de l'installation électrique de l'appartement ou d'une cause accidentelle imprévisible.
Les hypothèses de " cigarette mal éteinte " ou de " plaque de cuisson restée allumée " proposées par la SCI Colbert dans ses conclusions ne sont aucunement établies ni étayées.
Dès lors, aucune faute en lien avec la naissance, l'aggravation ou la propagation de l'incendie ne peut être mise à la charge de M. Y....
L'action en garantie de la SCI Colbert et de son assureur pour les dommages subis par M. X..., tiers non partie au contrat de bail, ne peut donc être fondée sur l'article 1733 du code civil ou sur l'article 1384 al. 2 du code civil.
2- sur le fondement des clauses du bail
La SCI Colbert et son assureur soutiennent que la responsabilité de M. Y...serait engagée sur la base d'une clause du bail selon laquelle " il (le preneur) sera seul responsable des dégâts occasionnés à l'immeuble, aux occupants et autres personnes s'y trouvant par lui-même, par les personnes dont il doit répondre, ou par les animaux et les objets qu'il a sous sa garde ".
La SCI Colbert déduit de cette clause que " sauf à démontrer-ce qui n'est pas le cas-que l'incendie soit imputable à la SCI Colbert, M. Y...doit toutes garanties à la SCI Colbert des dommages dont M. X...sollicite réparation ".
Comme le notent M. Y...et la MATMUT dans leurs conclusions, cette clause dont l'objet est l'exonération du bailleur de sa responsabilité sauf en cas de faute prouvée, ce qui est d'ailleurs le cas en l'espèce, est totalement contraire aux dispositions d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989, et est réputée non écrite par l'article 4- m de ladite loi.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il convient de débouter la SCI Colbert et la société Allianz de leur appel en garantie contre M. Y...et la MATMUT.
L'appel en garantie de la MATMUT à l'encontre Maître A... es qualité, de M. Z...es qualité et de la MAF deviennent sans objet.
V-Sur l'appel en garantie de la SCI Colbert et de la société Allianz contre M. Z...es qualité de liquidateur amiable de la société Arras Architecture, Maître A... es qualité d'administrateur ad'hoc de la société Arras Architecture et la MAF A titre liminaire, il convient de rappeler que M. Z...n'est partie à l'instance qu'en sa qualité de liquidateur amiable de la société Arras Architecture.

Comme le note M. Z...es qualité, il sera également rappelé que la société Arras Architecture a fait l'objet d'une radiation du registre du commerce et des sociétés d'Arras le 2 février 1996, après avoir été liquidée amiablement par son gérant, M. Z....
La SCI Colbert et la société Allianz ne produisent aux débats aucune mission de maîtrise d'oeuvre confiée à la société Arras Architecture. Ils produisent un document daté du 30 novembre 1990 démontrant que la société Arras Architecture est intervenue pour adresser les procès-verbaux de conformité concernant l'aménagement du dispositif d'évacuation des fumées et de l'installation de portes coupe feu.
Cette pièce est totalement insuffisante à démontrer l'existence d'une prétendue mission de conseil de la société Arras Architecture dans la réalisation des travaux de réhabilitation de l'immeuble. Surabondamment, la SCI Cobert et la société Allianz ne démontrent aucun manquement à un éventuel devoir de conseil en lien avec le dommage.

Il convient en conséquence de débouter la SCI Colbert et la société Allianz de leurs appels en garantie dirigée contre M. Z...es qualité de liquidateur amiable de la société Arras Architecture, Maître A... es qualité d'administrateur ad'hoc de la société Arras Architecture et la MAF.

VI-Sur la demande de provision

Le tribunal note qu'il y a lieu de fixer la part de préjudice devant être indemnisée par la SCI Colbert en tenant compte du fait que, alors que l'incendie couvrait une zone de plusieurs mètres carrés en dégageant une chaleur de plusieurs centaines de degrés, il n'a pas été possible à MM. Y...et F...d'actionner un extincteur en direction de M. X...afin de pulvériser un jet d'eau à une distance de plusieurs mètres pendant une quarantaine de secondes de nature à créer une zone refroidie au travers de laquelle ce dernier aurait pu tenter de passer. Le tribunal en déduit qu'il convient de considérer que M. X...a perdu une chance de pouvoir s'extraire de l'appartement en feu équivalente à un taux de 33 %.

En introduisant une perte de chance, non pas dans la consistance du préjudice, mais dans la réalisation du fait dommageable en faisant un partage de responsabilité, le tribunal fait une confusion entre la cause exclusive et la cause non exclusive en lien avec le préjudice. En effet, peu importe que la faute retenue par la cour ne soit pas la cause exclusive du dommage ; la faute du détenteur de tout ou partie de l'immeuble susceptible d'engager sa responsabilité peut consister dans toute négligence ou imprudence ayant seulement concouru à l'aggravation du sinistre, ce qu'a retenu la cour à la charge de la SCI Colbert.

Le préjudice de M. X...ne saurait donc s'analyser en une perte de chance ; dès lors que la cour a constaté une faute et un lien de causalité certain et direct entre la faute et le préjudice, le préjudice doit être intégralement réparé par l'auteur de la faute. Son préjudice consiste dans l'ensemble des conséquences dommageables de l'incendie dont il a été victime en lien direct et certain avec la faute de la SCI Colbert comme il a été expliqué ci-dessus.
Il résulte des documents médicaux produits aux débats et notamment le rapport d'expertise médicale du Pr D...en date du 9 juillet 2007, que si M. X...n'était pas alors consolidé, il présentait à la suite de l'accident des brûlures à 70 % de la surface corporelle du 2ème et 3ème degrés, des fractures du bassin, du calcanéum et du coude droit, qu'il a subi sur la plan chirurgical des greffes cutanées multiples, qu'il a passé 4 ans dans un centre de rééducation fonctionnelle, que son déficit fonctionnel permanent ne sera pas inférieur à 75 %, que les souffrances endurées son majeures, que son préjudice esthétique ne sera pas inférieur à 6/ 7, que le préjudice professionnel est également très important puisqu'il verse aux débats un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'ingénieur, et qu'à la date de l'expertise, une tierce personne était nécessaire 6 heures par jour.
Au vu de ces éléments, s'agissant d'un jeune homme de 24 ans au moment de l'accident, et compte tenu de la responsabilité entière de la SCI Colbert, il convient de condamner in solidum la SCI Colbert et la société Allianz à payer à M. X...une provision de 1. 000. 000 d'euros (un million d'euros).
La cour n'étant saisie que d'une demande de provision, elle ne saurait renvoyer l'affaire devant le tribunal de grande instance de Lille pour la liquidation du préjudice, ni surseoir à statuer sur cette question.
La cour étant dessaisie de l'affaire par le présent arrêt, il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir la juridiction compétente aux fins de liquidation du préjudice de M. X....
VII-Sur les demandes de la Caisse primaire d'assurance maladie
Il résulte de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale que le recours des caisse est un recours subrogatoire qui s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu'elles ont pris en charge.
La cour n'étant saisie que d'une demande de provision, elle ne peut allouer qu'une provision à la caisse primaire d'assurance maladie.
Compte tenu des décomptes de débours produits par la caisse primaire d'assurance maladie, il convient de condamner in solidum la SCI Colbert et la société Allianz à lui payer une provision de 500. 000 euros à valoir sur sa créance définitive.
La demande de la caisse primaire d'assurance maladie au titre de l'indemnité forfaitaire n'est pas contestée ; cette indemnité est due au titre de la gestion administrative du dossier ; il convient en conséquence de faire droit à cette demande, et de condamner in solidum la SCI Colbert et la société Allianz à lui payer la somme de 1. 037 euros à ce titre.
VIII-Sur les dépens et les demandes d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile

La SCI Colbert et la société Allianz succombant à l'instance, elles seront condamnées in solidum aux dépens, lesquels comprendront les frais d'expertises judiciaires, mais non les frais de l'expertise CNPP réalisée à la seule demande de M. X..., et à payer :- à M. X...une indemnité de 30. 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ;- à M. Y...et à la MATMUT une indemnité de 3. 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;- à M. Z...es qualité et à la MAF une indemnité de 2. 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;- à la Caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix Tourcoing une indemnité de 1. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort :
INFIRME le jugement déféré, et statuant à nouveau :
DÉCLARE la SCI Colbert entièrement responsable des conséquences dommageables subies par M. X..., à la suite de l'incendie dont il a été victime le 13 avril 2003 ;
DIT que la société Allianz doit garantir la SCI Colbert au titre des conséquences dommageables subies par M. X...dans la limite du plafond contractuel fixé à 7. 642. 450 euros ;
DÉBOUTE la SCI Colbert et la société Allianz de leurs appels en garantie contre M. Y..., la MATMUT ;
DÉBOUTE la SCI Colbert et la société Allianz de leurs appels en garantie contre M. Z...es qualité de liquidateur amiable de la société Arras Architecture, Maître A... es qualité d'administrateur ad'hoc de la société Arras Architecture et la MAF ;
CONDAMNE in solidum la SCI Colbert et la société Allianz à payer à M. X...la somme de 1. 000. 000 d'euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, sauf à déduire la somme de 500. 000 euros déjà payée au titre de l'exécution provisoire du jugement ;
CONDAMNE in solidum la SCI Colbert et la société Allainz à payer à la Caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix Tourcoing la somme de 500. 000 euros à titre de provision à valoir sur sa créance et la somme de 1. 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
CONSTATE que la cour étant dessaisie, il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir la juridiction compétente aux fins de liquidation du préjudice de M. X...;

CONDAMNE in solidum la SCI Colbert et la société Allianz aux dépens de première instance et d'appel, lesquels comprendront les frais d'expertises judiciaires, et à payer :- à M. X...une indemnité de 30. 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ;- à M. Y...et à la MATMUT une indemnité de 3. 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;- à M. Z...es qualité et à la MAF une indemnité de 2. 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;- à la Caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix Tourcoing une indemnité de 1. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GreffierLe Président

H. POYTEAUB. MORNET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 13/03848
Date de la décision : 03/12/2015
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

ARRET du 02 mars 2017, Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 2 mars 2017, 16-11.715, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2015-12-03;13.03848 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award