République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 16/02/2017
***
N° de MINUTE : 17/
N° RG : 15/02374
Jugement (N° 2014002224) rendu le 11 mars 2015
par le tribunal de commerce de Douai
APPELANTE
SA Nord Climatisation
ayant son siège social [Adresse 1]
[Adresse 2]
représentée par Me Laurent Guilmain, constitué aux lieu et place de Me Frédéric Brazier, avocat au barreau de Lille
INTIMÉS
M. [M] [G]
né le [Date naissance 1] 1969
demeurant [Adresse 3]
[Adresse 4]
représenté par Me Emmanuel Lacheny, avocat au barreau de Lille
SARL CK Réfrigération prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 5]
[Adresse 6]
représentée par Me Guy Dragon, membre de la SCP Dragon & Biernacki, avocat au barreau de Douai, substitué par Me Mélanie Tondelier
DÉBATS à l'audience publique du 06 septembre 2016 tenue par Stéphanie André magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maryse Zandecki
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Pascale Fontaine, président de chambre
Stéphanie André, conseiller
Nadia Cordier, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 février 2017 après prorogation du délibéré initialement prévu le 1er décembre 2016 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie André, conseiller, en remplacement de Pascale Fontaine, Président légitimement empêché, en vertu de l'article 456 du code de procédure civile et Maryse Zandecki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 1er juillet 2016
***
FAITS ET PROCEDURE
La SA Nord Climatisation est spécialisée depuis 1966 dans la conception, la pose, l'entretien et la maintenance de systèmes de chauffage et de climatisation. Elle fait régulièrement appel à des sous-traitants, avec lesquels elle régularise des contrats cadre d'une année renouvelable.
La SARL CK Réfrigération exerce l'activité de montage, installation dépannage en froid et climatisation.
Le 14 février 2013, la société Nord Climatisation et la société CK Réfrigération ont renouvelé le contrat cadre de sous-traitance qui les liait, convention portant sur la maintenance des installations.
Dans le cadre de ce contrat, CK Réfrigération sera amenée à réaliser en 2013 et début 2014, des prestations chez Amarine à Villeneuve d'Ascq et Englos, dans les laboratoires Boiron à Villeneuve d'Ascq, chez Brigdestone à Béthune, dans le restaurant [Établissement 1] chez Finaref à [Localité 1], chez Phoenix Pharma à Wambrechies et Sin Rejac à Wattrelos.
La SARL CK réfrigération a mis fin à leur relation contractuelle à compter du 31 décembre 2013.
Depuis 1998, la société Nord Climatisation employait M. [G], responsable du service après-vente, en charge du pilotage et du suivi des sous-traitants ainsi que des relations avec les clients.
M. [G], par courrier du 18 février 2014, a rompu son contrat de travail avec Nord Climatisation. Suivant contrat du 21 février 2014, il a été embauché par SARL CK réfrigération à compter du 1er mars 2014 en qualité de responsable de production.
Reprochant, d'une part, à M. [G] d'avoir fourni de nombreux renseignements techniques à son nouvel employeur ainsi que des informations sur ses clients, d'autre part, à CK Réfrigération d'avoir violé la clause de concurrence stipulée dans le contrat de sous-traitance et fait preuve de concurrence déloyale, Nord climatisation a saisi le président du tribunal de commerce de Douai aux fins de faire procéder à un constat par voie d'huissier dans les locaux de CK Réfrigération.
Par ordonnance du 26 mars 2014, le président du tribunal de commerce a commis Me [D] avec mission, notamment, de se faire remettre copie des pièces comptables, listings clients et programmation de visite de CK Réfrigération et de prendre copie des mails échangés avec M. [G].
CK Réfrigération ayant refusé à l'huissier l'accès aux fichiers informatiques et la remise de leur copie, ainsi qu'aux mails échangés avec M. [G], Nord Climatisation l'a assignée en référé afin d'obtenir la production sous astreinte d'un certain nombre de documents, finalement transmis par la suite par CK Réfrigération.
Par exploit d'huissier du 10 juillet 2014, Nord Climatisation a assigné CK réfrigération à jour fixe afin de la voir condamnée à lui payer une somme totale de 600 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Selon jugement en date du 11 mars 2015, le tribunal de commerce de Douai a :
- mis M. [G] hors de cause,
- condamné la société Nord Climatisation à payer à M. [G] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Nord Climatisation de toutes ses demandes, fins et conclusions relatives aux manquements à ses engagements contractuels et à la concurrence déloyale de la société CK réfrigération,
- condamné la société Nord climatisation à payer à la SARL CK Réfrigération la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.
La SA Nord climatisation a interjeté appel par déclaration du 17 avril 2015.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 15 juillet 2015, la SA Nord Climatisation demande à la cour d'appel, au visa des articles 1134, 1147 et 1382 du code civil, 331, 4, 12 et 455 du code de procédure civile, d'infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Douai le 15 mars 2015, et, statuant à nouveau, de:
- constater le non-respect par la société CK réfrigération de son engagement contractuel de non concurrence à l'égard de Nord Climatisation,
- constater que la société CK réfrigération a directement contracté avec la société Bridgestone,
- en conséquence, condamner la société CK réfrigération à payer à la société Nord climatisation une somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
- constater les actes de concurrence déloyale de la société CK réfrigération,
- la condamner à payer à la société Nord climatisation une somme de 500 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par application de l'article 1382 du code civil,
- ordonner sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée à la société CK réfrigération de cesser toute relation contractuelle avec les clients suivants : SEDEV, enseigne Devianne, Chronodrive, Copytop, PPG, Bridgstone, Groupe Zannier et notamment IKKS , Camaïeu international .
- déclarer l'arrêt commun et opposable à M. [G].
A titre subsidiaire, si par impossible la cour s'estimait mal éclairée,
- organiser d'une mesure d'expertise destinée à retracer l'ensemble de l'activité de CK Réfrigération sur 2013 et 2014,
- dire que l'expert aura notamment pour mission de collecter l'ensemble des factures et des fiches d'intervention, de prendre connaissance du carnet de commandes, de se procurer les bilans de la société et de comparer les années 2013 et 2014,
-condamner par provision la société CK réfrigération à payer une somme de 250 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la concurrence déloyale ou ordonner la consignation de cette somme entre les mains du bâtonnier du barreau de Lille.
En toute hypothèse,
- condamner la Société CK réfrigération à payer la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers frais et dépens de première instance et d'appel.
Elle rappelle qu'elle ne formule aucune prétention à l'égard de M. [G] mais sollicite seulement que le jugement lui soit déclaré commun et opposable en application de l'article 331 du code de procédure civile, et fait valoir que c'est à tort que le tribunal de commerce a mis hors de cause M. [G] aux motifs qu'il serait incompétent à l'égard de ce salarié.
Sur le non-respect du contrat de sous-traitance par CK Réfrigération, elle soutient que:
- CK Réfrigération a violé la clause lui imposant une obligation de non-concurrence pendant les deux années suivant la fin du contrat, en concluant le 20 janvier 2014, un
contrat de maintenance avec la société Bridgestone, chez laquelle elle avait été amenée
à effectuer des interventions, alors même que le contrat de sous-traitance n'était pas arrivé à échéance,
- le détournement de ce client lui cause un préjudice qui doit être indemnisé à hauteur de 100 000 euros correspondant à deux années de chiffre d'affaires HT chez ledit client.
A l'appui de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 500 000 euros pour concurrence déloyale, la société Nord Climatisation reproche en premier lieu à CK Réfrigération le détournement de documents en ce que:
- M. [G] a transmis à CK Réfrigération des documents (exemplaires de contrats, documentation technique, devis..) appartenant à son employeur, dont certains dès le 21 janvier 2014, ainsi que les prévisionnels de Nord Climatisation, documents confidentiels dont CK Réfrigération ne devait pas être destinataire,
- les contrats dénoncés par les clients sont de ceux qui avaient été signés par M. [G] pour Nord Climatisation, le business plan établi par l'interessé démontrant que celui-ci escomptait réaliser un chiffre d'affaires de 830 000 euros HT dès la première année chez CK Réfrigération uniquement avec les clients de Nord Climatisation.
En second lieu, Nord Climatisation évoque le débauchage par CK Réfrigération de deux de ses salariés, M. [H] et M. [L] respectivement démissionnaires les 24 février et 1er avril 2014, ainsi que de M. [G], qui a pris soin, peu de temps avant de partir chez CK Réfrigération, d'avoir des contacts réguliers et de déjeuner avec plusieurs des clients de Nord Climatisation (Nocibé, Wypak, Bridgestone, Camaieu, Pimkie, Chauss'port, Calzedonia, Chronodrive, H et M, Zanier, Devianne).
En troisième lieu, Nord Climatisation reproche à CK Réfrigération la dissimulation de son activité, relevant que CK Réfrigération, qui se présente comme une modeste entreprise ne pouvant travailler pour de gros clients, a dissimulé à l'huissier un certain nombre de contrats, notamment avec IKKS, le groupe Sedev (enseigne Devianne), Chronodrive, Sephora Strasbourg, Pimkie et Wipac.
Elle souligne qu'une modeste entreprise ne rémunérerait pas M. [G] à hauteur de 72 000 euros par an, outre 5% de commissions et frais, sans avoir envisagé préalablement un apport massif de clients. Elle en déduit que grâce aux informations détournées par M.[G], CK Réfrigération a accès à des clients de renom, ayant un fort potentiel et pour lesquels elle dispose de toute la documentation technique, faisant l'économie des études.
Par ailleurs, Nord Climatisation reproche à CK Réfrigération une tentative de détournement de sa clientèle puisqu'en raison de l'action de M. [G] au bénéfice de
CK Réfrigération, tant avant son départ (déjeuners avec les clients) qu'après (par les réseaux sociaux), certains clients de Nord Climatisation ont dénoncé ou tenté de dénoncer leur contrat (Calzedonia, Spodis Chauss'port, Camaïeu International).
Enfin, Nord Climatisation pointe des captations avérées de clients, CK Réfrigération ayant effectué des interventions dans des sociétés contractuellement liées à Nord Climatisation (Devianne, IKKS du groupe Zannier, PPG, Copytop), directement liées à l'embauche de M. [G] et au détournement de documents appartenant à Nord Climatisation et couverts par le secret professionnel.
Elle en déduit que CK Réfrigération engage sa responsabilité civile sur le fondement de l'article 1382 du code civil en ce que:
- elle a eu connaissance et a utilisé ces documents détournés,
- elle s'est accaparée, par des procédés illégaux et déloyaux, des clients de la société Nord Climatisation, dont certains génèrent un chiffre d'affaires très important,
- elle a profité de la confiance de son partenaire commercial, dont elle a eu connaissance de l'activité grâce au contrat de sous-traitance et à l'embauche de M. [G].
Elle sollicite qu'il soit ordonné sous astreinte à CK Réfrigération de cesser toute relation commerciale avec les sociétés Bridgestone, Devianne groupe Sedev, PPG, Copytop, Chronodrive et Wypak, relevant pour cette dernière que M. [G] a été contacté en juin 2014 alors qu'elle avait confié des travaux à Nord Climatisation.
Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 3 septembre 2015, la SA Nord Climatisation demande à la cour d'appel de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de débouter la SA Nord climatisation de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Y ajoutant,
- condamner la SA Nord climatisation à payer à la SARL CK réfrigération la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité procédurale, ainsi que les entiers frais et dépens de l'instance.
CK Réfrigération souligne qu'elle est une petite entreprise insusceptible de mettre en péril l'activité de Nord Climatisation, et expose qu'elle a mis fin au contrat la liant à Nord Climatisation en raison des retards de paiement de cette dernière et qu'elle n'a été contactée que par la suite par M. [G], qui dans un premier temps, avait envisagé de s'installer à son compte.
CK Réfrigération conteste toute concurrence déloyale, et après avoir rappelé les comportements déloyaux susceptibles de caractériser une faute (dénigrement, débauchage, parasitisme...) fait valoir que:
- l'élément déterminant de l'agissement fautif n'est pas l'appropriation de la clientèle d'autrui, fut ce t'elle d'un concurrent, objet même de l'exercice de la liberté du commerce, mais l'affaiblissement du concurrent dans la compétition autrement que par l'exercice de ses propres mérites,
- le débauchage n'est sanctionnable que s'il génère une désorganisation pour l'entreprise, la concurrence déloyale ne pouvant résulter de la simple constatation de ce que les salariés recrutés, non liés par une clause de non-concurrence, avaient une connaissance précise des activités commerciales de la société quittée,
- en l'espèce, CK Réfrigération a respecté son obligation contractuelle de non-concurrence puisqu'à l'exception de Bridgestone, aucune des sociétés avec lesquelles CK Réfrigération a été en contact dans le cadre de la sous-traitance, ne fait partie de ses clientes.
S'agissant de la violation de l'obligation contractuelle de non-concurrence pour Bridgestone, elle soutient que:
- il n'est démontré aucun démarchage de sa part, CK Réfrigération s'étant limitée à
répondre à un appel d'offre qu'elle a remporté;
- CK Réfrigération n'aurait violé son obligation contractuelle que si elle avait utilisé des informations particulières sur les conditions commerciales de Nord Climatisation en répondant à cet appel d'offre, ce qui n'est pas démontré, Nord Climatisation ne pouvant revendiquer de propriété sur sa clientèle,
- elle n'était plus liée à Nord Climatisation lorsqu'elle a répondu à cet appel d'offre,
- Nord Climatisation ne démontre pas que la perte de tout chiffre d'affaires avec Bridgestone est la conséquence de l'intervention de CK Réfrigération et invoque un préjudice approximatif.
Elle réfute tout acte de concurrence déloyale et fait valoir que:
Sur le détournement de documents:
- elle n'a été en possession d'aucun des documents que M. [G] aurait transférés sur sa messagerie personnelle, le prévisionnel de Nord Climatisation, qui ne lui est d'aucune utilité, ayant été retrouvé sur la boîte mail de M. [G] chez CK Réfrigération que pour les besoins de la procédure prud'hommale opposant ce dernier à son ancien employeur,
- aucun comportement fautif ne peut être reproché à CK Réfrigération qui n'a disposé d'aucune information particulière sur les sociétés visées par Nord Climatisation, lesquelles ne font pas partie de sa clientèle, et ne peut être tenue pour responsable de la résiliation de marchés dont bénéficiait Nord Climatisation, s'agissant de clients qui n'ont pas rejoint CK Réfrigération.
Sur le débauchage:
- M. [H] et M. [L], techniciens ne possédant aucun secret de fabrique de Nord Climatisation, ont intégré CK Réfrigération simplement pour se rapprocher de leur famille, et Nord Climatisationn n'allègue même pas que le départ de ces salariés ait
désorganisé ses services,
- Nord Climatisation ne démontre aucun élément constitutif d'un débauchage fautif de M. [G], ni même que les clients avec lesquels celui-ci avait 'pris soin de déjeuner' avant son départ aient rejoint CK Réfrigération.
Sur la dissimulation de l'activité de CK Réfrigération :
- CK Réfrigération, qui ne s'est pas opposée à l'accomplissement de sa mission par l'huissier et a transmis tous les renseignements sollicités par Nord Climatisation, conserve une activité modeste au regard de son chiffre d'affaires et du nombre de ses salariés,
- Nord Climatisation ne démontre aucune mise à disposition à CK Réfrigération par M. [G] de la documentation technique et des études des clients de renom, dont CK Réfrigération, qui ne fait aucune conception d'installation et n'exploite aucun secret professionnel, n'a pas besoin pour exercer une simple activité de maintenance d'installation, de sorte qu'elle ne peut chercher à dissimuler une activité qu'elle ne poursuit pas.
Sur la tentative de détournement de clientèle, elle soutient que les éléments allégués par Nord Climatisation ne sont pas probants, qu'aucune démarche de sa part dans ce sens ni bénéfice qu'elle aurait pu en tirer ne sont établis, dès lors que:
- aucune des sociétés qui ont résilié leur contrat avec Nord Climatisation n'est aujourd'hui cliente de CK Réfrigération,
- Camaïeu, qui n'est pas cliente de CK Réfrigération, a seulement envisagé de travailler avec M. [G] dans la société qu'il envisageait à l'époque de créer,
- CK Réfrigération n'a disposé d'aucun des documents transmis par M. [G] de son
adresse professionnelle à son adresse mail personnelle et n'a disposé d'aucun business
plan, établi par M. [G] au moment où celui-ci envisageait de créer son entreprise,
- M. [G], même s'il a pu se présenter ainsi sur le réseau professionnel Linkedin, n'est pas titulaire de parts sociales au sein de CK Réfrigération.
Elle réfute tout détournement de clientèle, expliquant que:
- elle n'a effectué qu'une intervention ponctuelle, en mai 2014 au sein des locaux de Devianne à Saint-Martin les Boulogne pour le remplacement d'une climatisation, Nord Climatisation ne disposant d'aucune exclusivité de relations commerciales avec cette société,
- l'intervention réalisée par CK Réfrigération pour IKKS a porté sur un tout autre domaine (résolution d'un problème d'odeur) que celui objet du contrat liant ce client à Nord Climatisation (entretien des installations de climatisation),
- elle est intervenue pour PPG avant que M. [G] devienne son salarié et dans un secteur étranger à l'activité de Nord Climatisation; elle a été ensuite choisie par cette société dans le strict cadre de la libre concurrence,
- les deux interventions chez Copytop, qui ne fait pas partie des sociétés pour lesquelles CK Réfrigération est intervenue en qualité de sous-traitant de Nord Climatisation, n'ont consisté qu'en la recherche de cause de disjonction électrique et au remplacement d'une pompe vide-cave.
S'agissant de la somme de 500 000 euros réclamée, CK Réfrigération fait remarquer qu'elle n'est pas matériellement fondée, Nord Climatisation ne produisant aux débats aucun élément comptable de nature à démontrer qu'elle aurait subi une perte de son chiffre d'affaires à raison du comportement fautif de sa concurrente.
Enfin, elle conclut au rejet de la demande tendant à la cessation de toutes relations commerciales avec certaines sociétés, faisant valoir que celle-ci se heurte au principe de la liberté du commerce et de l'industrie.
M. [G] a constitué avocat mais n'a pas conclu.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la déclaration d'arrêt commun et opposable à M. [G]
Il résulte de l'article 331 alinéa 2 du code de procédure civile, qu'un tiers peut être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.
Cette mise en cause d'un tiers aux fins de jugement commun a pour seul effet de lui rendre la chose jugée opposable.
En l'espèce, il est constant que la société Nord Climatisation ne formule aucune prétentions à l'encontre de M. [G]
S'il est exact que le tribunal de commerce serait incompétent pour prononcer une condamnation à l'encontre de M. [G] résultant de l'exécution du contrat de travail liant ce dernier à la société Nord Climatisation, qui relève de la juridiction prud'hommale, Nord Climatisation est en revanche parfaitement fondée, dès lors qu'elle y a intérêt au regard du litige qui l'oppose par ailleurs à son ancien salarié et que le présent arrêt ne se prononcera pas sur les relations entre Nord Climatisation et M. [G], à mettre en cause ce dernier aux fins de jugement commun.
Il convient en conséquence de réformer le jugement en ce qu'il a mis hors de cause M. [G].
Pour autant, M. [G], régulièrement assigné en intervention forcée, étant partie à l'instance, le présent arrêt lui sera nécessaire opposable, de sorte que la demande de la société Nord Climatisation tendant à ce que la décision soit expressément déclarée commune et opposable à M. [G] est sans objet.
La décision sera nécessairement confirmée en ce qu'elle condamne la société Nord Climatisation à payer à M. [G] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code civil, l'appelante ne remettant pas en cause cette condamnation.
Sur le non-respect de la clause de non concurrence
Sur l'existence de la violation reprochée
Aux termes de l'article 1134 alinéa 1er du code civil, dans sa rédaction antérieure, applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
' En l'espèce, la clause de non concurrence imposée à la société CK Réfrigération dans le cadre du contrat de sous-traitance du 14 février 2013 la liant à Nord Climatisation (pièce 1 de l'appelante) est, en son article XVIII, ainsi rédigée : 'A l'issue du préavis, et quelle que soit la cause de la rupture du contrat, le sous-traitant s'engage à respecter une obligation de non-concurrence motivée par la détention d'informations strictement confidentielles (clientèle, conditions commerciales...).
Les caractéristiques de cette obligation concernent les prestations pour lesquelles le sous-traitant a été mandaté. Et ce, pendant deux ans à compter de la fin du préavis.
En cas de violation de la présente clause de non-concurrence par le sous-traitant, celui-ci sera débiteur envers la société Nord Climatisation, de dommages et intérêts dus pour chaque infraction constatée, sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure d'avoir à cesser l'activité concurrentielle. L'attribution à la société de ces sommes ne préjudiciera pas aux droits qu'elle se réserve expressément de faire ordonner sous astreinte la cessation de la concurrence faite en violation des dispositions ci-dessus, et de réclamer un complément de dommages et intérêts de façon à ce que ces derniers correspondent aux préjudices subis.'
Selon l'article II du même contrat, les prestations pour lesquelles Nord Climatisation mandate CK Réfrigération en son nom et pour ses clients sont les suivantes:'montage, installation, dépannage en froid et climatisation, ventilation'.
Il est établi, et non contesté, que la société CK Réfrigération a été amenée, en exécution de ce contrat, à réaliser des prestations de maintenance au sein de la société Bridgestone à Béthune (pièce 4 de l'appelante).
Suivant contrat en date du 20 janvier 2014, Bridgestone a confié à CK Réfrigération l'entretien et la maintenance de ses équipements frigorifiques et climatiques, ladite convention mettant à la charge du prestataire 'la maintenance de ces matériels' et prévoyant (article 3 'Contenu des prestations contractuelles') 'que les prestations en cause comprennent 'un programme de visite systématique de surveillance et d'interventions simples, ainsi que de dépannages éventuels sur appels'.
Les prestations visées dans le contrat conclu entre CK Réfrigération et Bridgestone sont identiques à celles que CK Réfrigération réalisait chez Bridgestone dans le cadre de l'exécution du contrat de sous-traitante qui la liait à Nord Climatisation (entretien, maintenance, dépannage).
Or, la clause de non-concurrence imposée à CK Réfrigération, dont la validité n'est pas contestée, est parfaitement claire: elle interdit au sous-traitant, pendant les deux ans qui suivent la rupture du contrat, d'exercer toute concurrence portant sur des prestations pour lesquelles elle a été mandatée.
Ainsi, en présentant sa candidature à l'appel d'offre émis par Bridgestone, puis en concluant et exécutant, dans les deux années suivant la rupture du contrat de sous-traitance, une convention de prestations de maintenance et de dépannage sur équipements frigorifiques et climatiques, avec cette société, auprès de laquelle elle avait été mandatée par Nord Climatisation, société avec qui elle se trouvait alors en situation de concurrence directe (pièce 23 de l'intimée, attestation de Bridgestone), CK Réfrigération a violé la clause de non-concurrence susvisée.
'CK Réfrigération engage donc sa responsabilité contractuelle, peu important que ce contrat ait été obtenu par la voie d'un appel d'offre régulier, comme en atteste Bridgestone (pièce 23 intimée) ou grâce à l'intervention de M. [G] comme le prétend l'appelante.
'Egalement, et contrairement aux allégations de CK Réfrigération, l'application de la clause de non-concurrence, telle qu'elle est libellée, n'est aucunement subordonnée à la démonstration que CK Réfrigération ait eu connaissance des conditions commerciales de son donneur d'ordre ou qu'elle ait utilisé des informations particulières concernant Nord Climatisation en répondant à cet appel d'offre.
En effet, l'alinéa premier de la clause, évoqué par CK Réfrigération, ne fait qu'exposer le motif qui justifie l'imposition de cette clause de non-concurrence (la détention d'informations confidentielles par le sous-traitant), en conformité d'ailleurs avec les conditions de validité d'une obligation de non-concurrence, subordonnée à l'existence d'un intérêt légitime pour son bénéficiaire, étant relevé que la société CK Réfrigération ne remet en cause ni la légitimité ni la proportionnalité de la clause.
Sur la sanction de la violation de la clause de non-concurrence
Sur le montant des dommages et intérêts
En cas de violation d'une telle clause, le créancier de l'obligation de non-concurrence peut obtenir des dommages et intérêts par la mise en jeu de la responsabilité contractuelle du débiteur, demander l'exécution forcée de l'obligation ou encore la résolution du contrat.
En l'espèce, la société Nord Climatisation sollicite l'octroi de dommages et intérêts et l'exécution forcée de l'obligation de non-concurrence.
Aux termes de l'article 1145 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, applicable au présent litige, si l'obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient doit des dommages et intérêts par le seul fait de la contravention.
' En l'espèce, la société Nord Climatisation réclame l'octroi d'une somme de 100 000 euros correspondant à deux années de chiffre d'affaires hors taxe généré pour elle par le client Bridgestone (contrat portant sur un montant annuel de base de 32 226 euros HT, chiffre d'affaires TTC de 61 615, 54 euros en 2013).
La violation d'une obligation de non-concurrence constituant un manquement à une obligation contractuelle de ne pas faire, la société Nord Climatisation n'a pas à faire
la preuve qu'une perte effective de chiffre d'affaires pour des motifs inhérents à l'intervention de CK Réfrigération.
Au demeurant, la cour relève qu'il ressort de l'attestation de Bridgestone que la perte de ce marché par Nord Climatisation est directement imputable à l'intervention de CK Réfrigération, Bridgestone expliquant avoir choisi cette dernière en raison du prix proposé (20 000 euros), de la durée de la garantie du prix et de la qualité des prestations, et ce alors même qu'elle était en relation d'affaire avec Nord Climatisation depuis cinq années.
' En outre, contrairement aux affirmations de CK Réfrigération, le marché proposé par celle-ci est identique aux prestations qu'offrait Nord Climatisation puisque les deux sociétés étaient en concurrence sur cet appel d'offre.
' Enfin il apparaît tout à fait cohérent de prendre en considération le chiffre d'affaire le plus récent, soit celui de 2013, réalisé par Nord Climatisation avec Bridgestone avant que celle-ci ne fasse affaire avec CK Réfrigération.
Au regard de la durée pendant laquelle l'intimée aurait dû s'abstenir de faire concurrence à l'appelante (deux ans), et du chiffre d'affaires réalisé en 2013 par celle-ci, soit 62 515,76 euros TTC (environ 52 000 euros HT, pièce 32 de l'appelante), il convient de condamner CK Réfrigération à payer à la société Nord Climatisation la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur l'exécution forcée
Selon l'article 1143 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, applicable au présent litige, le créancier d'une obligation de faire ou de ne pas faire a le droit de demander que ce qui aurait été fait par contravention à l'engagement, soit détruit.
La durée de deux ans pendant laquelle CK Réfrigération devait s'abstenir de faire concurrence a expiré depuis le 31 décembre 2015. Nord Climatisation est en outre indemnisée du préjudice résultant pour elle de la violation de la clause de non-concurrence.
Il y a lieu en conséquence de la débouter de sa demande tendant à ordonner à CK Réfrigération de cesser toute relation contractuelle avec la société Bridgestone de Béthune.
Sur la demande de mesure d'expertise
Cette demande, présentée à titre subsidiaire par Nord Climatisation, sera rejetée, la cour estimant disposer, au regard notamment des pièces produites par CK Réfrigération pendant la procédure de référé (listings de tiers, fiches d'intervention, liste des factures) et de celles versées aux débats par l'appelante, de suffisamment d'éléments pour statuer.
La cour ajoutera sur ce point dans son dispositif, le tribunal de commerce ayant omis de statuer sur cette demande.
Sur la concurrence déloyale
Aux termes des dispositions de l'article 1382 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à réparer.
L'action en concurrence déloyale constitue fondamentalement une action en responsabilité civile, dont l'exercice est subordonné aux conditions classiques de cette responsabilité.
Le préjudice doit être direct, certain et présent. La réparation du préjudice doit être intégrale.
Il appartient dès lors à celui qui s'en prévaut d'apporter la preuve d'un préjudice, d'une faute et d'un lien de causalité.
' L'action en concurrence déloyale peut être mise en oeuvre par celui qui n'est pas titulaire d'un droit privatif (action en contrefaçon), ou par celui qui ne remplit pas les conditions pour exercer l'action fondée sur son droit privatif.
Les comportements et procédés qui relèvent de la concurrence déloyale sont nombreux et variés. Ils ont en commun de constituer un manquement aux usages du commerce et à l'honnêteté professionnelle, n'impliquant pas nécessairement la mauvaise foi, c'est à dire l'intention de nuire.
Ces actes, contraires à la loyauté commerciale, peuvent intervenir entre concurrents ou entre non-concurrents.
Concrètement, le dommage consiste le plus souvent dans la perte de la clientèle subie par l'entreprise victime des pratiques déloyales, que cette clientèle ait été ou non détournée au profit du coupable.
Le dommage peut consister également dans la perte d'une chance, par exemple la perte d'un marché.
Cette action investit le juge du double pouvoir de réparer le préjudice causé et de donner des injonctions pour l'avenir.
Ainsi, elle entraîne normalement condamnation à dommages-intérêts de l'auteur des pratiques déloyales, cette condamnation réparant le préjudice causé à la victime.
Elle peut également aboutir à une injonction adressée au défendeur, au besoin sous astreinte, de cesser ses agissements.
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Au préalable, il convient de relever en l'espèce, que la SARL CK Réfrigération, immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis le 30 juin 2008, exerce une activité concurrente de celle de la société Nord Climatisation puisque son objet social ne porte pas que sur la maintenance d'appareils comme elle le prétend, mais aussi sur le montage, l'installation, le dépannage en froid et climatisation et la ventilation (kbis, pièce 1 de l'intimée).
A titre liminaire: sur la prétendue dissimulation de son activité par la société CK Réfrigération
Il est indéniable que le gérant de la société CK Réfrigération a refusé à l'huissier mandaté par ordonnance du président du tribunal de commerce l'accès à certaines données, notamment aux listings des clients de CK Réfrigération, aux listing de programmation de visite et factures et aux pièces comptables.
Cependant, dans le cadre de la procédure de référé initiée par Nord Climatisation, CK Réfrigération a transmis les pièces réclamées par cette dernière, qui a, in fine, sollicité et obtenu la radiation de l'affaire (pièces 21 et 22 de l'intimée).
Quoiqu'il en soit, le fait pour CK Réfrigération d'avoir dissimulé à l'huissier une partie de son activité ne constitue pas en soi une faute de nature à caractériser une concurrence déloyale mais simplement une circonstance susceptible éventuellement d'éclairer ou d'expliquer les autres fautes reprochées à CK Réfrigération, examinées ci-après.
1° sur le détournement de documents
' Il ressort des investigations réalisés par huissier le 11 mars 2014 sur les équipements Iphone, Ipad et l'ordinateur mis à disposition de M. [G] par la société Nord Climatisation, qu'entre le 20 janvier 2014 et le 17 février 2014, M. [G] a transféré sur sa messagerie personnelle des documents (devis, commandes, projets de contrats, réponse à des appels d'offre, prévisionnels...) dont il avait été destinataire dans le cadre de ses fonctions chez Nord Climatisation (pièce 14 de l'appelante, pages 30 à 42).
' Cependant, il apparaît qu'un seul document, le prévisionnel de la société Nord Climatisation pour l'année 2013, a été transmis par M. [G] à CK Réfrigération, le 21 janvier 2014.
S'il est exact que CK Réfrigération n'avait pas à être destinataire du prévisionnel de Nord Climatisation pour l'année 2013, il n'en demeure pas moins que cet acte interroge d'abord la loyauté de M. [G] à l'égard de société employeur, mais surtout, Nord Climatisation n'établit pas les éventuelles conséquences, en terme de concurrence, que la transmission de cet unique document lui a causé.
' Par ailleurs, aucune autre pièce versée aux débats ne permet d'établir que la société CK Réfrigération a été effectivement destinataire des autres documents étant relevé que M. [G] pouvait avoir intérêt à récupérer certains d'entre eux et à les utiliser dans le cadre de la réclamation financière, concernant notamment des primes d'objectif et une rémunération variable, formée auprès de son employeur début février 2014 (pièce 10 de l'appelante), puis du litige prud'homale qui s'en est suivi (pièce 15 de l'intimée), l'intéressé ayant eu la charge des relations avec les clients et de la signature d'un grand nombre de contrats aux dires mêmes de son ancien employeur.
' Enfin, la réalité de la transmission de ces pièces à CK Réfrigération par M. [G] ne peut être déduite d'une quelconque utilisation qui aurait pu en être faite par CK Réfrigération, en l'état, au moins, des pièces versées au débat, et notamment pas de ce qu'elle aurait permis un détournement de clientèle, les clients concernés par ladite documentation (Camaïeu, Boulanger, Nocibé, CCI, Vinci...) n'étant pas devenus par la suite clients de CK Réfrigération.
Ainsi, la société Nord Climatisation n'établit pas, d'une part, que ces documents ont été transmis à CK Réfrigération ni, d'autre part, à les supposer remis par M. [G], quelle utilisation, susceptible de lui avoir permis d'obtenir un avantage anormal et constitutive d'un acte de concurrence déloyale, en a été faite par cette derrière.
' En tout état de cause, à supposer même que la société CK Réfrigération ait eu connaissance de ces pièces grâce à l'action de son nouveau salarié M. [G], aucun préjudice existant et avéré en lien direct avec ce détournement de document ne peut être en l'état établit, la société Nord Climatisation n'évoquant d'ailleurs qu'un 'accès à des clients de renom ayant un fort potentiel'.
2° Sur le débauchage
Au regard du principe de la liberté du travail, l'embauche par un employeur d'un salarié ayant appartenu récemment à une entreprise exerçant une activité dans le même secteur ne fait pas présumer, par elle-même, de l'existence d'un acte de concurrence déloyale.
Il ne peut en être ainsi que s'il est démontré, d'une part l'existence de manoeuvres déloyales, d'autre part que cette embauche a entraîné une désorganisation du fonctionnement de l'entreprise concernée et non une simple perturbation ou un déplacement de clientèle.
' En l'espèce, s'il est avéré que M. [H] et M. [L] ont démissionné de la société Nord Climatisation début 2014 pour rejoindre CK Réfrigération, il n'est pas justifié des manoeuvres d'auraient initiées cette dernière pour débaucher ces salariés, dont il est établi qu'en travaillant pour CK Réfrigération ils se sont rapprochés de leur domicile (pièces 26 à 28), ni de la désorganisation qu'aurait générée ces deux départs pour Nord Climatisation, entreprise de plus de 100 salariés, s'agissant en outre de salariés techniciens, non dépositaires d'un savoir-faire ou de secret professionnel particulier, susceptibles d'être assez rapidement remplacés.
' Egalement, le départ de M. [G] de la société Nord Climatisation et son embauche au service de la société CK Réfrigération ne saurait constituer un débauchage fautif.
En effet, la société Nord Climatisation ne caractérise pas les manoeuvres particulières accomplies par la CK Réfrigération pour inciter M. [G] à la quitter, les courriers versés aux débats démontrant que cette 'démission' (que l'intéressé refuse cependant de qualifier comme telle) est consécutive au refus de Nord Climatisation d'accéder aux demandes financières de son salarié.
' Les allégations de la société CK Réfrigération , selon lesquelles ce refus n'aurait été qu'un prétexte trouvé par M. [G] pour rejoindre CK Réfrigération, sous-entendu dans le dessein concerté entre eux de nuire à son ancien employeur pour l'un et à son concurrent pour l'autre, ne sont corroborées par aucun élément, l'engagement d'une procédure devant le conseil des prud'hommes par le salarié, nécessairement aléatoire et risquée, étant plutôt de nature à contredire une telle version des faits.
' Par ailleurs, le fait que M. [G] ait déjeuné avant son départ avec des clients de Nord Climatisation n'est pas significatif d'une quelconque manoeuvre concertée avec CK Réfrigération alors même que l'entretien des relations avec la clientèle faisait partie de ses attributions et que ces frais de restauration lui ont été remboursés sans aucune réticence par son employeur (pièces 21 et 22 de l'appelante).
' Enfin et surtout, ainsi qu'il sera développé ci-après, il n'est aucunement établi que les déjeuners entre M. [G] et les clients de Nord Climatisation, puis la démission de celui-ci suivie de son embauche par CK Réfrigération, aient généré une désorganisation importante de l'entreprise et aient été immédiatement suivis d'un transfert massif de la clientèle de Nord Climatisation vers CK Réfrigération.
Dès lors, le simple fait pour CK Réfrigération d'avoir finalement tiré profit du départ de M. [G] et ainsi recruté un salarié ayant une bonne connaissance de son secteur d'activité, expérimenté et apportant avec lui un carnet d'adresse susceptible de lui ouvrir des perspectives de développement, ne saurait suffire, dans un contexte de liberté du travail et de libre-concurrence, à caractériser un débauchage fautif.
Le grief de débauchage n'est donc pas établi.
3° sur la tentative de détournement de la clientèle
La société Nord Climatisation reproche à CK Réfrigération d'avoir tenté de détourner plusieurs de ses clients par l'intermédiaire de M. [G], et cite à ce titre la résiliation de leurs contrats d'entretien par les sociétés Calzedonia (pièce 27 de l'appelante), Spodis Chausport (pièce 29), Camaïeu International (pièce 30).
' D'une part, la cour observe que ces sociétés n'ont pas 'résilié' leur contrat mais ont décidé de ne pas reconduire les contrats arrivés à leur terme.
D'autre part, Nord Climatisation, qui procède par voie d'affirmation, n'apporte aucunement la preuve que ces 'résiliations', qu'elle a refusées faute pour les sociétés co-contractantes d'avoir respecté les délais de préavis, sont imputables à l'action de M. [G], avec la complicité active ou passive de CK Réfrigération, étant observé que ces clients, soit ne visent aucun motif à l'appui de leur volonté de quitter Nord Climatisation, soit évoquent la piètre qualité des prestations de cette dernière (Chausport).
' Par ailleurs, le fait que la société Camaïeu International ait envisagé un temps de 'faire travailler M. [G] pour l'aider dans sa nouvelle société' ainsi qu'en atteste un salarié de Nord Climatisation (pièce 22), ne saurait induire un comportement fautif de CK Réfrigération alors même que ce propos prêté par le témoin au responsable de Camaïeu visait un soutien à l'intéressé dans son projet initial de création d'entreprise, et non spécifiquement à CK Réfrigération.
Egalement, le 'business plan' qui aurait été établi par M. [G] et qui ferait état d'une projection de chiffre d'affaires de 830 000 euros grâce à des clients comme Camaïeu et Chronodrive, illisible et non daté (PV d'huissier, pièce 14, page 25 et 26), n'établit pas plus la réalité d'une quelconque démarche fautive de CK Réfrigération.
' Enfin, il apparaît que la société Camaïeu International, évoquée à plusieurs reprises par Nord Climatisation comme l'une des principales cibles de M. [G] et de CK Réfrigération, a pourtant régularisé avec Nord Climatisation, les 14 avril et 22 mai 2014, soit postérieurement au départ de M. [G], un contrat d'entretien et de maintenance de ses installations portant sur la période 1er avril 2014-31 mars 2015 (pièce 30).
Nord Climatisation est ainsi loin de faire la preuve de la tentative de détournement de la clientèle imputable à CK Réfrigération par le truchement de M. [G].
' Enfin, à supposer même que ces tentatives de détournement ait été avérées, elles ne pourraient être la cause d'un préjudice certain, la société Nord Climatisation n'ayant pas perdu les clients en question.
4° sur le détournement de clientèle
Le principe de la liberté du commerce autorise quiconque à créer sa propre entreprise et le détournement de clientèle n'existe pas du seul fait de l'ouverture d'un commerce concurrent.
Le détournement de clientèle ne peut résulter du fait que des clients se reportent sur un autre commerce, dès lors qu'il n'y a pas eu utilisation de procédés déloyaux.
Le démarchage de clientèle n'est pas constitutif de concurrence déloyale s'il n'est pas réalisé par des moyens critiquables car contraires aux usages locaux du commerce.
Est sanctionnable le démarchage de la clientèle du concurrent accompagné de dénigrement ou le détournement et l'usage de listes ou de fichiers par un ancien salarié mis à disposition du concurrent. Il est tenu compte des circonstances de chaque espèce.
Toutefois, il est admis que le départ d'un salarié puisse naturellement entraîner le départ d'une partie de la clientèle qui lui était fidèle. Il ne peut être retenu de procédé déloyal que s'il est établi une manoeuvre imputable au salarié tendant à détourner les clients de leur employeur.
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' La société Nord Climatisation reproche à CK Réfrigération d'avoir détourné les clients Devianne (Sedev), Zannier (IKKS), PPG et Copytop, liés à elle par des contrats-cadre de maintenance.
A l'appui de ses allégations, elle produit:
- la photographie du carnet d'entretien portant un visa de CK Réfrigération (Devianne) en mai 2014, pièce 31
- une fiche de travail démontrant une intervention de CK Réfrigération au sein du magasin IKKS du Touquet le 22 janvier 2014 (pièce numérotée 22 de l'intimée reprise en pièce 33 par l'appelante),
- des fiches d'intervention de CK Réfrigération au sein de la société PPG (pièces numérotées 30, 32 à 37 par l'intimée, reprises en pièce 33 par l'appelante),
- une fiche d'intervention au sein de la société Copytop (pièce numérotée 21 par l'intimée reprise en pièce 33 par l'appelante) le 07 février 2014.
' S'agissant des sociétés Devianne, IKKS et Copytop, il est relevé que la société CK Réfrigération n'y a procédé qu'à des interventions ponctuelles et que ces dernières, pour IKKS et Copytop, sont antérieures à l'arrivée de M. [G] chez CK Réfrigération, circonstance de nature à exclure le détournement de clientèle reproché.
Au demeurant, il n'est pas établi que par l'action de M. [G], la société Nord Climatisation aurait perdu ces clients au bénéfice de CK Réfrigération étant relevé que, d'une part, elle ne prétend même pas que les contrats d'entretien passés avec ces clients ont été rompus ou n'ont pas été reconduits, d'autre part elle ne saurait revendiquer une quelconque exclusivité commerciale, sa clientèle demeurant libre de faire aussi appel, selon ses besoins, à d'autres co-contractants.
' Egalement, la première intervention de CK Réfrigération au sein de la société PPG, le 23 janvier 2014, est antérieure à l'arrivée de M. [G] dans les effectifs de CK Réfrigération.
En outre, aucune manoeuvre ou procédé déloyal quelconque n'est établi à l'encontre de CK Réfrigération en lien avec une possible intervention de M. [G] antérieure à son départ de Nord Climatisation, étant relevé que:
- aucun document concernant cette société n'a été transféré par l'intéressé sur sa messagerie personnelle et encore moins à la société CK Réfrigération,
- Nord Climatisation ne justifie ni n'allègue que le contrat d'entretien passé conclu avec ce client a été rompu,
- elle ne saurait prétendre à une exclusivité des relations commerciales avec PPG, étant de nouveau rappelé les principes de la liberté du commerce et de la libre concurrence.
Le grief de détournement de clientèle n'est donc pas prouvé.
En conséquence, au vu de l'absence de preuve de tout fait de concurrence déloyale, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il rejette la demande de dommages et intérêts de ce chef ainsi que la demande, liée, d'injonction de cesser toute relation contractuelle avec les clients en question, sans qu'il y ait lieu d'examiner les préjudices invoqués.
Sur les frais et dépens
Chaque partie succombant partiellement en ses prétentions, il convient de laisser à chacune la charge de ses propres dépens, de première instance et d'appel.
Pour le même motif, l'équité commande de rejeter les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
REFORME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il:
- déboute la SA Nord Climatisation de sa demande de dommages et intérêts pour des faits de concurrence déloyale,
- déboute la SA Nord Climatisation de sa demande d'injonction, sous astreinte, de cesser toute relation contractuelle avec les sociétés Sedev (enseigne Devianne), Chronodrive, Copytop, PPG, Groupe Zannier, Camaïeu International et Bridgestone,
- condamne la SA Nord Climatisation à payer à M. [G] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
STATUANT A NOUVEAU des chefs réformés et Y AJOUTANT:
DIT n'y avoir lieu de mettre hors de cause M. [G].
CONDAMNE la SARL CK Réfrigération à payer à la SA Nord Climatisation la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la clause contractuelle de non- concurrence.
DEBOUTE la SA Nord Climatisation de sa demande d'expertise.
REJETTE les demandes des deux parties formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
DIT que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens, tant de première instance que d'appel.
Le GreffierLe Conseiller
pour le Président
légitimement empêché
M. ZandeckiS. André