République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 15/06/2017
***
N° de MINUTE :
N° RG : 16/02876
Jugement (N° 14/08816)
rendu le 29 mars 2016 par le tribunal de grande instance de Lille
APPELANTE
Société Groupement Français de Caution, pris en la personne de son représentant légal
ayant son siège social
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me René Despieghelaere, avocat au barreau de Lille
assistée de Me Bertrand de Belval, membre de la SELARL Colbert, avocat au barreau de Lyon, substitué à l'audience par Me Maxime Coulon, avocat au barreau de Lyon
INTIMÉE
Société Régionale des Cités Jardins SA d'habitations à loyer modéré (SRCJ), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
ayant son siège social
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Bernard Franchi, membre de la SCP François Deleforge-Bernard Franchi avocat au barreau de Douai
assistée de Me Kathia Beulque, avocat au barreau de Lille
DÉBATS à l'audience publique du 24 avril 2017, tenue par Christian Paul-Loubière magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine Popek
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Christian Paul-Loubière, président de chambre
Isabelle Roques, conseiller
Caroline Pachter-Wald, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 juin 2017 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par M. Christian Paul-Loubière, président et Claudine Popek, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 20 avril 2017
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FAITS ET PROCÉDURE
Par acte authentique du 26 mai 2010, la Société Régionale des Cités Jardins (la SRCJ) a acquis, de la SCCV Martine, un programme de logements et places de stationnement en l'état futur d'achèvement, la livraison devant intervenir le 19 mai 2012.
Par acte du 11 mai 2010, la société Groupement Français de Caution (le GFC) s'était engagée, envers l'acquéreur, en ces termes : 'réaliser ou faire réaliser les travaux nécessaires à l'achèvement du programme ainsi qu'il est prévu à l'article R. 261-1 du code de la construction et de l'habitation'.
Se plaignant de la défaillance du vendeur, la SRCJ a, entre février et mai 2012, alerté le GFC au moyen de plusieurs lettres.
Par ordonnance du 27 juillet 2012, un juge des référés a condamné le GFC, en sa qualité de garant, à réaliser ou faire réaliser les travaux nécessaires à l'achèvement des biens vendus à la SRCJ.
L'immeuble a été achevé le 25 février 2015.
Par arrêt du 11 juin 2015, rendu en matière de référé, la cour d'appel de Douai a constaté l'achèvement des travaux et débouté la SRCJ de sa demande de fixation d'une astreinte.
Par acte du 25 septembre 2014, la SRCJ a assigné le garant GFC devant le tribunal de grande instance de Lille afin d'obtenir la somme de 522 542,67 euros en réparation de la perte de loyers, subie sur la période du 20 mai 2012 au 31 décembre 2014.
Par jugement du 29 mars 2016, ce tribunal a :
- Condamné la société Groupement Français de Caution à payer à la Société Régionale des Cités Jardins la somme de 126 328,56 euros à titre de dommages-intérêts ;
- Débouté la société Groupement Français de Caution de sa demande reconventionnelle ;
- Condamné la société Groupement Français de Caution aux dépens ;
- L'a condamné à payer à la Société Régionale des Cités Jardins la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté les parties de leurs autres demandes ;
- Ordonné l'exécution provisoire.
Le Groupement Français de Caution (GFC) a interjeté appel de cette décision, par déclaration reçue, par voie électronique, au greffe de la cour le 10 mai 2016.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives, déposées par voie électronique le 17 mars 2017, il demande à la cour de :
- Réformer le jugement de première instance en ce qu'il a retenu que le GFC avait agi fautivement en tardant à mettre 'uvre sa garantie d'achèvement ;
Statuant à nouveau,
- Débouter la Société Régionale Cités des Jardins (SRCJ) de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- Dire et juger qu'il appartient à la SRCJ de prouver quand le GFC aurait été fautif ;
- Donner acte au GFC qu'il avait rempli ses obligations de garant d'achèvement au 9 février 2015 et que la livraison des ouvrages a effectivement eu lieu le 25 février 2015 ;
- Dire et juger que le GFC a accompli les diligences nécessaires pour la réalisation des travaux d'achèvement de l'immeuble au sens des dispositions de l'article R. 261-1 du code de la construction et de l'habitation et qu'il n'a commis aucune faute susceptible de justifier une réparation à l'égard de la SRCJ ;
- Constater l'absence de faute du GFC et l'absence de préjudice indemnisable ;
- Ordonner la restitution des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire, outre intérêts à compter du 21 juillet 2016 ;
- Condamner la SRCJ à payer au GFC une indemnité de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- La condamner aux entiers frais et dépens d'instance distraits au profit de Me René Despieghelaere sur son affirmation de droit ;
Aux termes de ses conclusions récapitulatives, déposées par voie électronique le 20 avril 2017, la Société Régionale des Cités Jardins (SRCJ) demande à la cour de :
- Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a retenu la responsabilité de la Société GFC à l'égard de la SRCJ, pour avoir agi fautivement en tardant à mettre en 'uvre sa garantie d'achèvement, la condamner de principe à régler des dommages et intérêts à la SRCJ, outre aux dépens et une somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Infirmer en revanche le jugement en ce qu'il a fixé le montant des dommages et intérêts à la somme de 126 328,56 euros ;
En conséquence :
Vu la garantie extrinsèque d'achèvement du GFC ;
Vu l'attitude passive et fautive du GFC dans la mise en 'uvre de sa garantie extrinsèque
d'achèvement ;
Vu les dispositions de l'article 1382 du code civil ;
A défaut :
Vu les dispositions de l'article 1134 du code civil ;
- Condamner le GFC à payer à la SRCJ, la somme de :
- 631 887,44 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de loyers subie par la Société Régionale des Cités Jardins sur la période du 30 janvier 2012 au 25 février 2015;
- A défaut, la somme de 561 980,19 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de loyers subie par la SRCJ sur la période du 9 mai 2012 au 25 février 2015 ;
- A défaut encore, la somme de 555 095,39 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de loyers subie par la SRCJ sur la période du 21 mai 2012 au 25 février 2015 ;
- A défaut enfin, la somme de 531 263,37 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de loyers subie par la SRCJ sur la période du 27 juillet 2012 au 25 février 2015 ;
-Si par impossible, la cour ne prenait cependant en considération que le préjudice subi par la SRCJ à raison du temps perdu par le GFC pour mettre en 'uvre son engagement, savoir jusqu'au 20 novembre 2013, date à laquelle le garant a signé les conventions nécessaires à la reprise du chantier, alors le préjudice se présente comme suit :
* Dans l'hypothèse où le point de départ du préjudice serait fixé par la cour à la date du 30 janvier 2012 : 384 209,04 euros
* Au 9 mai 2012 : 304Â 120,99 euros
* Au 21 mai 2012 : 297Â 765,79 euros
* Au 27 juillet 2012 : 273Â 404,17 euros
- Débouter le GFC de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner le GFC à payer à la SRCJ la somme de 15 000 euros en première instance et 15 000 euros en cause d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner le GFC aux entiers frais et dépens de l'instance.
Aux termes de conclusions d'incident notifiées le 19 avril 2017, le Groupement Français de Caution (GFC) soulève l'irrecevabilité des conclusions de la SRCJ du 13 avril 2017 ou sollicite le report de la clôture de l'instruction.
Dans le dernier état de ses écritures récapitulatives, déposées par voie électronique le 20 avril 2017, la SRCJ répond aux fins de rejet l'incident.
Pour un plus ample exposé des faits et moyens développés par les parties, il est expressément renvoyé à leurs écritures ci-dessus mentionnées, dans le respect des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 24 avril 2017.
SUR CE,
'Sur l'irrecevabilité des dernières écritures de la SRCJ et la demande de report de la clôture :
Attendu que par conclusions du 19 avril 2017 soutenues à l'audience des plaidoiries, le GFC soulève l'irrecevabilité des conclusions de la SRCJ notifiées le 13 avril 2017 ou sollicite le report de la clôture de l'instruction afin d'y répliquer ;
Que la SRCJ s'y oppose dans ses dernières conclusions du 20 avril répondant aussi à l'incident de procédure ;
Mais attendu que la présente affaire était soumise à un calendrier de procédure agréé par les deux parties à l'instance en appel ;
Que les dernières conclusions de la SRCJ du 13 avril 2017 ne contiennent aucun moyen nouveau, seulement des explicitations ou arguments en réponse à le GFC, sans caractère substantiel et clairement signalées dans le corps des conclusions ;
Que, le cas échéant, réplique aurait pu être apportée par le GFC avant la date fixée pour la clôture initialement arrêtée au 3 mars puis reportée aux 30 mars et 20 avril 2017 ;
Qu'aucune cause grave au sens de l'article 784 du code de procédure civile ne justifierait, dans un tel contexte, l'allongement de l'instruction de cette affaire, au regard des délais raisonnables à l'égard desquels la cour est tenue, ni la révocation de l'ordonnance de clôture si elle avait été prononcée le 20 avril dernier ;
Qu'en conséquence, la demande de nouveau report de la clôture est rejetée et la clôture prononcée au jour des plaidoiries, le 24 avril 2017 ;
'Sur l'appel principal et la responsabilité du GFC :
Attendu que l'appelant, le GFC, sollicite de la cour qu'elle constate l'absence de faute commise par lui, qu'en tout état de cause, la société SRCJ ne démontre pas, selon lui, l'existence d'un préjudice indemnisable ;
Qu'il réclame le remboursement des sommes versées par lui dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement déféré ;
Sur la nature et le contenu de l'engagement du GFCÂ :
Attendu, selon le GFC, que la règlementation applicable est celle en vigueur en 2010, qu'il a donné la garantie d'achèvement prévue par les dispositions des articles R. 261-1, R. 261-21 et R. 261-24 du code de la construction et de l'habitation, que l'article R. 261-21 précise que ladite garantie peut prendre la forme d'une 'convention de cautionnement aux termes de laquelle la caution s'oblige envers l'acquéreur, solidairement avec le vendeur, à payer les sommes nécessaires à l'achèvement de l'immeuble' ;
Qu'ainsi la garantie apportée par le GFC a la nature d'un cautionnement et son engagement ne saurait être étendu au-delà des limites souscrites en application de l'article 2292 du code civil ;
Mais attendu que, concernant les ventes en l'état futur d'achèvement relevant du secteur protégé portant sur un bien à destination d'habitation ou mixte, le vendeur de l'immeuble à construire a l'obligation de fournir une garantie d'achèvement ou de remboursement dans les conditions prévues aux articles R.261-17 et suivants du code de la construction et de l'habitation ;
Que cette garantie est destinée à intervenir dans l'hypothèse où l'immeuble ne serait pas achevé par ledit vendeur d'immeuble à construire, devenu défaillant ;
Que, selon les dispositions de l'article R.261-21 du même code, applicables à l'espèce, cette garantie d'achèvement dite ''extrinsèque'' prend la forme :
'- soit d'une ouverture de crédit par laquelle celui qui l'a consentie s'oblige à avancer
au vendeur ou à payer pour son compte les sommes nécessaires à l'achèvement de l'immeuble.
- soit d'une convention de cautionnement aux termes de laquelle la caution s'oblige, envers l'acquéreur, solidairement avec le vendeur, à payer les sommes nécessaires à l'achèvement de l'immeuble' ;
Que l'article R 261-22 du même code prévoit que 'la garantie de remboursement revêt la forme d'une convention de cautionnement aux termes de laquelle la caution s'oblige envers l'acquéreur, solidairement avec le vendeur, à rembourser les versements effectués par l'acquéreur au cas de résolution amiable ou judiciaire de la vente pour cause de défaut d'achèvement' ;
Que cette obligation réglementaire n'interdit pas aux parties de faire le choix d'une extension conventionnelle de la garantie par laquelle le garant, au-delà de son engagement financier, serait tenu de réaliser ou faire réaliser les travaux nécessaires à l'achèvement du programme ;
Attendu, en l'espèce et selon les éléments produits aux débats, que la Société Régionale des Cités Jardins a fait l'acquisition, en mai 2010 et auprès de la SCCV Martine, d'un programme de 43 logements et 43 places de stationnement en l'état futur d'achèvement, moyennant le prix principal de 5 475 936 euros TTC, pour une livraison de l'ouvrage fixée contractuellement au 19 mai 2012 ;
Qu'aux termes d'un acte sous seing privé du 11 mai 2010, le GFC s'est porté garant extrinsèque d'achèvement, conformément aux dispositions sus-rappelées des articles R 261-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, au profit de la SRCJ ;
Qu'ainsi les conditions particulières de la police GFC du 11 mai 2010, ''type : Garantie d'achèvement'' stipule, au bénéfice de la SRCJ, à l'article 1, ''engagement de caution'', que 'le Groupement Français de Caution, (...) déclare, ce qui est expressément accepté par le cautionné, la SCCV Martine, s'engager, envers l'acquéreur, la Société Régionale des Cités Jardins (...) solidairement avec le cautionné, la SCCV Martine, à réaliser ou faire réaliser les travaux nécessaires à l'achèvement du programme dénommé Résidence Martine qu'elle construit (') : 43 logements de type collectif, ainsi qu'il est prévu à l'article R.261-1 du code de la construction et de l'habitation' ;
Qu'ainsi, il apparaît, clairement et sans ambiguïté, que le GFC a contracté, ici, outre sa garantie financière d'achèvement imposée par les textes règlementaires, une obligation étendue à la maîtrise d'ouvrage de l'opération, à réaliser ou faire réaliser l'achèvement de l'ouvrage en cas de défaillance de la venderesse la SCCV Martine ;
Qu'en conséquence, c'est à tort que le GFC persiste à soutenir que son engagement se limiterait au financement des travaux d'achèvement, et la cour, comme le premier juge, retiendra que la formulation de l'engagement pris par le garant, l'obligeait soit à financer les travaux soit à les réaliser ;
Sur la défaillance du constructeur vendeur comme cause de la garantie d'achèvement :
Attendu, selon le GFC, que la mise en 'uvre de la garantie ne saurait intervenir dès notification, par l'acquéreur, de l'arrêt du chantier mais du jour où cette défaillance, impossibilité économique pour le vendeur d'immeuble en en l'état futur d'achèvement de poursuivre le chantier et caractérisée par la liquidation judiciaire de la SCCV Martine, ferait l'objet d'un constat contradictoire entre les parties ou, à défaut d'accord, par le juge ;
Qu'ainsi le GFC qui ne conteste ni sa garantie d'achèvement ni être débiteur d'une obligation de faire réaliser ces travaux, soutient que ce n'est pas l'arrêt effectif des travaux mais le jugement d'ouverture du tribunal de commerce rendu le 10 décembre 2012 qui, en fixant la cessation des paiements de la SCCV Martine au 26 octobre 2012, a déterminé le moment de la défaillance justifiant son intervention comme garant ;
Qu'il conclut donc à la réformation du jugement dont appel en ce qu'il a retenu à tort la date du 9 mai 2012 comme date de défaillance avérée du promoteur-vendeur, retenant soit le 10 décembre 2012, soit le 26 octobre 2012, comme seule constatation judiciaire de cette défaillance ;
Attendu, selon la SRCJ, que c'est la date de l'information apportée au garant sur la défaillance, non seulement financière mais aussi d'exécution des travaux, du vendeur en l'état futur d'achèvement qui doit déterminer la date de la garantie effective du GFC, soit le 30 janvier 2012 ;
Qu'à titre subsidiaire et réfutant que la défaillance financière soit nécessairement liée à l'ouverture d'une procédure collective à l'égard du promoteur vendeur, elle invoque le 9 mai 2012, comme date d'information du GFC de l'absence de paiement des entreprises par la SCCV Martine et sur sa propre défaillance financière, puis celle du 27 juillet 2012, date de l'ordonnance de référé exécutoire ;
Mais attendu, en l'espèce, que la carence du GFC, compte tenu de son engagement contractuel, est susceptible d'être caractérisée par sa carence soit au titre de son obligation à financer, soit au titre de son obligation de faire, en lieu et place du vendeur constructeur ;
Attendu que contrairement à ce que prétend le GFC, l'ouverture d'une procédure collective n'est pas, aux termes des textes régissant l'obligation du promoteur vendeur à fournir la garantie d'achèvement, un préalable nécessaire à la mise en 'uvre de cette garantie ;
Que la notion même de défaillance financière n'est pas équivalente à celle d'état de cessation des paiements ;
Qu'en outre, l'acquéreur ne saurait devoir faire la preuve de cette défaillance financière avant de pouvoir appeler le garant à exécuter son engagement, alors qu'il ne dispose d'aucun moyen d'accès aux éléments comptables qui lui permettraient d'établir la défaillance financière de son vendeur ;
Que de même, toute interruption de chantier, même de longue durée, ne saurait avoir nécessairement pour cause les manquements du promoteur vendeur dans le paiement des entreprises intervenantes ;
Qu'enfin le sens même de la protection voulue par le législateur au bénéfice de l'acquéreur de l'immeuble vendu en l'état futur induit que celui qui demande la mise en jeu de la garantie financière d'achèvement n'a pas à apporter la preuve de la défaillance, au plan financier, du vendeur constructeur mais l'arrêt du chantier quelle qu'en soit la cause ;
Qu'en conséquence la défaillance, conditionnant la mise en 'uvre de la garantie d'achèvement, n'est pas circonscrite à la preuve de la situation économique du vendeur, cause possible de l'arrêt du chantier, mais à l'arrêt des travaux, constaté comme imputable au vendeur constructeur, et préjudiciant à l'acquéreur au titre de son projet et de son plan de financement déjà exécuté pour partie ;
Sur la faute du garant GFCÂ :
Attendu qu'il apparaît, à l'examen des pièces produites, que le chantier a été arrêté au mois de décembre 2010 et que malgré les relances et mises en demeure adressées par la SRCJ, le GFC n'a pas mis en 'uvre les moyens permettant de faire réaliser les travaux ;
Que selon une ordonnance de référé du 27 juillet 2012, le GFC a été condamné à faire réaliser les travaux, la condamnation n'étant pas assortie d'une astreinte au motif qu'il 'n'existait aucun motif de penser que le GFC, appelé à garantir la SCCV Martine défaillante, ne ferait pas diligence en fonction des contraintes juridiques et techniques de l'opération' ;
Qu'en dépit de nouvelles relances de l'acquéreur, adressées les 6 février, 6 mars, 29 avril, 14 juin et 23 juillet 2013, le GFC n'a pas réagi ;
Qu'après un nouveau constat d'huissier du 26 août 2013 révélant que le chantier était resté dans le même état que lors des constats dressés en janvier, mai et juin 2012, la SRCJ a, le 16 octobre 2013, fait assigner le GFC en référé, aux fins de le voir, sous astreinte, condamné à reprendre ou faire reprendre les travaux ;
Que ce n'est que postérieurement à cette seconde assignation en référé, le 20 novembre 2013, que le GFC a conclu les contrats avec les différents locateurs d'ouvrage pour une reprise effective du chantier le 11 décembre 2013 ;
Attendu, par ailleurs, que si le garant doit mettre en 'uvre sa garantie dès qu'il est informé de la défaillance du vendeur, une lettre valant mise en demeure et un constat d'huissier à l'initiative unilatérale de l'acquéreur ne sauraient suffire à caractériser la défaillance imputée au constructeur vendeur de l'immeuble en l'état futur d'achèvement et déclencher l'exécution de l'obligation du garant ;
Attendu qu'en l'espèce, le GFC a été informé de la défaillance de la SCCV Martine, non pas à l'occasion du jugement l'admettant au bénéfice de la liquidation judiciaire prononcé le 10 décembre 2012, mais avant cette date, comme le révèle la lecture des lettres du 9 mai 2012 que le garant a adressées tant à la SRCJ, en ces termes : 'nous avons délivré la garantie de paiement au couvreur retenu par la SCCV Martine'nous pensions qu'ainsi les travaux reprendraient rapidement', qu'au promoteur vendeur comme suit : 'Nous sommes au regret de constater que, bien que nous ayons délivré la garantie de paiement à l'entreprise que vous avez choisie pour faire la couverture de l'immeuble (') nous vous sommons donc, par la présente, de reprendre la chantier et de nous faire tenir la planning de reprise des travaux signé par les entreprises'  ;
Que, comme l'a souligné le premier juge, le GFC indiquait dans ses propres conclusions de première instance : ' qu'avant même que le juge des référés ne constate la défaillance de la SCCV par son ordonnance du 27 juillet 2012, et donc bien avant la liquidation judiciaire de celle-ci [...], il avait accepté de délivrer des garanties de paiement aux entreprises qui avaient arrêté le chantier pour les inciter à le reprendre, mais en vain' ;
Qu'il se déduit de ces éléments que le garant connaissait la défaillance financière du vendeur le 9 mai 2012 au plus tard, cette situation l'ayant conduit à donner son cautionnement à la société chargée du lot couverture à hauteur de la totalité du marché, soit 177 844,78 euros ;
Attendu enfin, que les éléments de la cause établissent que ce n'est que par télécopie du 22 février 2013, soit plus de huit mois après le refus du couvreur d'achever les travaux, que le GFC a proposé au mandataire judiciaire de la SCCV Martine de conclure un contrat de maîtrise d'ouvrage déléguée avec une société CMT et, qu'en l'absence de réponse, il n'a renouvelé sa proposition que le 13 mars suivant pour signer directement les contrats nécessaires à la reprise du chantier le 20 novembre 2013 ;
Qu'il apparaît ainsi, que la faute du garant se trouve caractérisée par le retard pris à tirer les conséquences du refus de l'entreprise chargée de la couverture de reprendre le chantier et à mettre en oeuvre efficacement la garantie à laquelle il était tenu - à savoir exécuter son obligation de faire ;
Que cette situation la rend responsable et fonde la demande de la SRCJ, tiers au contrat de cautionnement solidaire conclu avec la SCCV Martine, à voir réparer le préjudice qui en est directement résulté pour elle, en application des dispositions de l'article 1382, devenu 1140, du code civil ;
'Sur l'appel incident et la réparation du préjudice subi par la SRCJ :
Attendu que, par appel incident, la SRCJ soutient que le premier juge qui a fait droit à ses demandes s'est cependant trompé sur la durée du préjudice subi par elle en lui allouant la somme de 126 328,56 euros à titre de dommages et intérêts ;
Qu'elle sollicite donc devant la cour réformation de la décision entreprise et la condamnation du GFC à lui payer la somme de 631 887,44, pour la plus élevée, allant jusqu'à celle de 273 404,17 euros, pour la plus basse, selon la période à retenir, au titre de l'indemnisation due ;
Attendu, selon le GFC, dans la mesure où son acte d'engagement exclut 'toute pénalité ou indemnité du fait de la livraison tardive, et ce pour quelle que cause que ce soit', il ne pourrait être condamné à indemniser cette perte de loyers ;
Que par ailleurs, il oppose que les logements n'auraient pas été occupés en totalité dès le jour de la livraison ;
Mais attendu que l'obligation à réparer mise à la charge du GFC, laquelle découle de son comportement fautif dans l'exécution de ses obligations contractuelles mais préjudiciable à la SRCJ, est indépendante des clauses prévues au contrat passées avec la SCCV Martine ;
Qu'en tout état de cause, l'inaction du GFC à compter du 9 mai 2012 a contribué au retard dans la livraison de l'immeuble ;
Que la SRCJ a indéniablement subi un préjudice résultant de la perte de chance de mettre en location les appartements, logement sociaux nécessairement attribués à l'avance à des locataires, dont elle devait prendre possession à la date contractuellement prévue du 19 mai 2012, mais effectivement livrés le 25 février 2015 ;
Attendu que, selon les conventions de financements conclues en 2009 au titre des logements ''PLUS'' et ''PLAI'', le nombre et le type de logements avec parcs de stationnement, le montant global mensuel de loyers attendu était de 15 791,07 euros, valeur 2009 ;
Que le retard imputable au garant, le GFC, a couvert la durée du 22 février 2013, date du refus du couvreur de reprendre les travaux, jusqu'au 20 novembre 2013, date de passation des contrats avec les locateurs d'ouvrage pour la poursuite des travaux, soit huit mois ;
Que tenant compte de la revalorisation des loyers en application de l'indice légal (l'IRL) au titre du premier trimestre des années 2009 et 2012, soit 15 791,07 euros x (122,37/117,70) = 16 417,61 euros par mois, et une perte de loyers pour la période, le montant de loyers non perçus s'élève à  : 16 417,61 x 8 = 131 340,88 euros ;
Que le GFC sera condamné à payer cette somme à la SRCJ, à titre d'indemnisation de son préjudice financier, et le jugement déféré sera réformé à cette fin ;
Que corrélativement, le GFC sera débouté en toutes ses prétentions ;
'Sur les frais irrépétibles de procédure et les dépens :
Attendu qu'il résulte des dispositions cumulées des articles 696 et 700 du code de procédure civile que, sauf dispositions contraires motivées sur l'équité, la partie perdante est condamnée aux dépens de la procédure et doit en outre supporter les frais irrépétibles, tels que les frais d'avocat, avancés par son adversaire pour les besoins de sa défense en justice ;
Attendu que compte tenu tant de l'importance du litige, de sa durée, des diligences accomplies et de l'équité, que du sens de l'arrêt, il apparaît justifié de confirmer le jugement déféré sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Qu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SRCJ, partie intimée, l'intégralité des frais non compris dans les dépens exposés, par elle, en appel ;
Qu'il y a lieu de lui allouer, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 15 000 euros au titre de l'instance d'appel ;
Que la demande faite, au même titre, par la SRCJ sera rejetée et que le sens de l'arrêt justifie de la condamner aux dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFSÂ :
La cour,
Prononce la clôture de l'instruction de la présente affaire le 24 avril 2017 ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions dévolues à la cour,
Sauf en ce qu'il a :
Condamné la société Groupement Français de Caution à payer à la Société Régionale des Cités Jardins la somme de 126 328,56 euros à titre de dommages-intérêts,
Statuant à nouveau sur les seuls chefs réformés,
Condamne la société Groupement Français de Caution à payer à la Société Régionale des Cités Jardins la somme de 131 340,88 euros à titre de dommages-intérêts ;
Y ajoutant,
Condamne la société Groupement Français de Caution à payer la somme de 15 000 euros à la Société Régionale des Cités Jardins, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel ;
Déboute les parties de toutes demandes, fins ou prétentions, plus amples ou contraires.
Le greffierLe président,
Claudine PopekChristian Paul-Loubière