République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 29/06/2017
***
N° de MINUTE : 418/2017
N° RG : 16/05008
Jugement (N° 14/01876)
rendu le 28 avril 2016 par le tribunal de grande instance de Valenciennes
APPELANT
M. [J] [W]
né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1] (Belgique)
demeurant [Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Franz Hisbergues, membre de la SCP Grillet Hisbergues Daré, avocat au barreau de Valenciennes
INTIMÉE
Commune de [Localité 2]
prise en la personne de son maire en exercice, M. [V] [U],
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Claire Guilleminot, avocat au barreau de Douai
assistée de Me Dimitri Deregnaucourt, avocat au barreau de Lille
DÉBATS à l'audience publique du 27 avril 2017 tenue par Emmanuelle Boutié magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Maurice Zavaro, président de chambre
Bruno Poupet, conseiller
Emmanuelle Boutié, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 29 juin 2017 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Maurice Zavaro, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 08 mars 2017
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Le 04 décembre 2012, la SCP notariale Scanella et Richez a transmis à la commune de [Localité 2] une déclaration d'intention d'aliéner au nom de M. [J] [W], au profit de la SCI Rufra, pour un hangar situé [Adresse 1] et cadastré B[Cadastre 1] pour un prix de 70 000 euros.
Par arrêté en date du 31 janvier 2013, la commune de [Localité 2] a notifié à M. [W] sa décision d'exercer son droit de préemption sur le bien, au prix de 70 000 euros, afin d'y aménager une aire de stationnement.
Par courrier en date du 21 mars 2013, M. [W] a informé la commune de [Localité 2] de ce qu'il renonçait à vendre le bien.
Par acte d'huissier en date du 21 mai 2014, la commune de [Localité 2] a fait assigner M. [W] sur le fondement des articles 1382 et 1385 du code civil et l'article R.213-12 du code de l'urbanisme afin de le voir condamné à signer l'acte de vente pour un prix de 70 000 euros dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir.
Par jugement en date du 28 avril 2016, le tribunal de grande instance de Valenciennes a :
- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [W] ;
- dit que la vente du bien est devenue parfaite par l'exercice par la commune de [Localité 2] de son droit de préemption au montant proposé par M. [W] ;
- enjoint à M. [W] de signer l'acte de vente concernant l'ensemble immobilier situé [Adresse 1] dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision ;
- dit que passé ce délai, le présent jugement vaudra acte de vente de l'immeuble susmentionné au prix de 70 000 euros entre M. [W] et la commune de [Localité 2] et pourra être publié à la Conservation des Hypothèques ;
- condamné M. [W] à payer à la commune de [Localité 2] la somme d'un euro en réparation de son préjudice de jouissance ;
- condamné M. [W] à payer à la commune de [Localité 2] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de Me [D].
Par déclaration en date du 08 août 2016, M. [J] [W] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 07 novembre 2016, M. [W] sollicite la réformation de la décision entreprise en toutes ses dispositions. A titre principal, il demande à la cour, statuant à nouveau, de déclarer M. Le maire de la commune de [Localité 2] irrecevable en ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
A titre subsidiaire, il conclut au débouté de la commune de [Localité 2] en toutes ses demandes.
Au soutien de ses prétentions, M. [W] fait valoir que :
- il appartient à la commune de [Localité 2] de justifier du caractère exécutoire de la délibération en date du 08 avril 2014 en rapportant la preuve de son affichage et de sa transmission au représentant de l'Etat dans le département en vertu des dispositions combinées des articles L.2131-1 et L.2131-2 du code général des collectivités territoriales ;
- l'arrêté du 31 janvier 2013 précisait qu'il avait la possibilité de se renoncer à l'aliénation de son bien ;
- cet arrêté subordonnait le caractère parfait de la vente à l'absence de renonciation de M. [W] dans le délai de deux mois et se trouve donc entaché d'une erreur de droit ;
- il a usé de cette faculté en toute bonne foi par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 mars 2013.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 janvier 2017, la commune de [Localité 2], représentée par son maire en exercice, M. [V] [U], sollicite la confirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions ainsi que la condamnation de la commune de [Localité 2] au paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit des avocats constitués.
La commune de [Localité 2] fait valoir que :
- par délibération en date du 08 avril 2014, le maire de la commune a reçu le pouvoir de représenter la commune en justice ;
- cette délibération a été transmise en préfecture le 14 avril 2014 et il est justifié que l'affichage de la délibération a été réalisé pendant deux mois ;
- il en va de même concernant la délibération de la commune du même jour, portant délégation au maire d'exercer au nom du conseil municipal le droit de préemption ;
- la possibilité de se rétracter n'est offerte au propriétaire que dans l'hypothèse où la préemption n'est pas faite à prix conforme, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
- cette solution est conforme aux dispositions de l'article 1583 du code civil ;
- les dispositions du code de l'urbanisme relative au droit de préemption urbain sont d'ordre public et doivent être interprétées strictement.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir
Aux termes des dispositions de l'article L.2131-1 du code général des collectivités territoriales, les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement.
L'article L.2131-2 du même code dispose que les délibérations du conseil municipal sont soumises aux dispositions de l'article L.2131-1 susvisé.
Il résulte de la mention figurant sur la copie de l'extrait du registre des délibérations du conseil municipal, séance du 08 avril 2014, que cette dernière a été envoyée en préfecture le 14 avril 2014; en outre, dans une attestation établie le 12 janvier 2017, le maire de la commune de [Localité 2] précise que cette délibération a été affichée à l'Hôtel de ville de la commune pendant deux mois sans que les éléments produits aux débats par M. [W] soient de nature à remettre en cause l'accomplissement de ces formalités.
En conséquence, il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [W] tirée du défaut de qualité à agir de la commune de [Localité 2].
Sur le fond
Sur l'exercice du droit de préemption
Aux termes des dispositions de l'article L.2122-22 du code général des collectivités territoriales, le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé en tout ou partie, et pour la durée de son mandat:
(...)
15° D'exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, de déléguer l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien selon les dispositions prévues au premier alinéa de l'article L.213-3 de ce même code dans les conditions que fixe le conseil municipal.
En l'espèce, par la même délibération en date du 08 avril 2014, le conseil municipal de la commune de [Localité 2] a aussi délégué au maire la possibilité: 'd'exercer au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, de déléguer l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien selon les dispositions prévues au premier alinéa de l'article L.213-3 de ce même code dans les conditions que fixe le conseil municipal' ;
Ainsi qu'il résulte des développements précédents, cette délibération a été transmise à la préfecture le 14 avril 2014 et affichée pendant deux mois à l'Hôtel de Ville de la commune de [Localité 2] sans que la preuve contraire ne soit rapportée par M. [W].
La décision entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de M. [W] sur ce point.
Sur la vente
Il résulte des dispositions de l'article 1583 du code civil que la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée, ni le prix payé.
Aux termes des dispositions de l'article R.213-12 du code de l'urbanisme, en cas d'accord sur le prix indiqué par le propriétaire ou sur le prix offert par le titulaire du droit de préemption, un acte authentique est dressé dans un délai de trois mois à compter de cet accord pour constater le transfert de propriété.
L'article R.213-10 du même code dispose qu'à compter de la réception de l'offre d'acquérir faite en application des articles R.213-8 ou R.213-9, le propriétaire dispose d'un délai de deux mois pour notifier au titulaire du droit de préemption :
a) Soit qu'il accepte le prix ou les nouvelles modalités proposées en application des articles R.213-8 ou R.213-9 ;
b) Soit qu'il maintient le prix ou l'estimation figurant dans sa déclaration et accepte que le prix soit fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation ;
c) Soit qu'il renonce à l'aliénation.
En l'espèce, il résulte de la déclaration d'intention d'aliéner établie entre M. [W] et la SCI Rufra que le prix de vente avait été fixé à 70 000 euros; par décision en date du 31 janvier 2013, la commune de [Localité 2] a précisé exercer son droit de préemption sur le bien vendu aux conditions financières de la déclaration d'intention d'aliéner, soit 70 000 euros.
L'article 4 de la décision du 31 janvier 2013, notifiée à M. [W] le 08 février 2013, précise que : 'Conformément à l'article R.213-10 du code de l'urbanisme, le vendeur dispose d'un délai de deux mois à compter de la réception de la présente offre pour faire connaître sa décision par lettre recommandée avec accusé de réception comportant l'une des modalités suivantes :
- soit qu'il accepte le prix proposé. Dans ce cas, la vente au profit de la Commune de [Localité 2] est définitive. Elle sera ensuite régularisée conformément aux dispositions de l'article R.213-12 du code de l'urbanisme et il sera dressé un acte authentique suivi d'un règlement du prix dans le délai légal ;
- soit qu'il renonce à l'aliénation de son bien. Dans ce as, il sera tenu à déposer une déclaration d'intention d'aliéner lors de sa prochaine vente.
Le silence des propriétaires dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente offre équivaut à renonciation d'aliéner'.
Si M. [W] a précisé renoncer à la vente par courrier en date du 21 mars 2013, force est de constater que la décision susvisée visait expressément les dispositions de l'article R.213-10 du code de l'urbanisme qui ne prévoit la possibilité pour le propriétaire d'un bien de renoncer à la vente que dans l'hypothèse où l'autorité administrative titulaire du droit de préemption propose d'acquérir le bien à un prix ou selon des modalités différents de ceux prévus par la déclaration d'intention d'aliéner ; dès lors, la commune de [Localité 2] ayant notifiée à M. [W] son intention d'aliéner au prix et aux conditions fixées dans la déclaration d'intention d'aliéner, la vente est parfaite compte tenu de la rencontre des volontés, la rétractation de M. [W] étant inopérante en l'espèce.
En outre, la cour relève que les dispositions relatives à l'indemnisation du préjudice de jouissance subi par la commune de [Localité 2] ne sont pas contestées en cause d'appel.
En conséquence, la décision entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions.
Sur les autres demandes
M. [W] succombant en toutes ses prétentions, il sera condamné aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Deregnaucourt, avocat constitué, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
M. [W] supportant les dépens, il sera condamné à payer à la commune de [Localité 2] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
- Confirme le jugement rendu le 28 avril 2016 par le tribunal de grande instance de Valenciennes en toutes ses dispositions ;
- Condamne M. [J] [W] à payer à la commune de [Localité 2] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne M. [J] [W] aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Deregnaucourt en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier,Le président,
Delphine Verhaeghe.Maurice Zavaro.