République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 7 SECTION 1
ARRÊT DU 14/12/2017
***
N° MINUTE : 17/792
N° RG : 16/05388
Jugement (N° 13/02342)
rendu le 10 Août 2016
par le Juge aux affaires familiales de DUNKERQUE
APPELANTE
Madame [Y] [X]
née le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 1] (CAMEROUN)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean-Pierre MOUGEL de la SCP MOUGEL-BROUWER, avocat au barreau de DUNKERQUE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/16/09389 du 02/11/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)
INTIMÉ
Monsieur [E] [P]
né le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représenté par Me Caroline BELVAL de l'association BELVAL & SABOS, avocat au barreau de DUNKERQUE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Michel Chalachin, président de chambre
Philippe Julien, conseiller
Valérie Lacam, conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Gurvan Le Mentec
DÉBATS à l'audience en chambre du Conseil du 27 Octobre 2017,
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 Décembre 2017 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Michel Chalachin, président, et Gurvan Le Mentec, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 27 Octobre 2017
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EXPOSE DU LITIGE
M. [E] [P] et Mme [Y] [X] se sont mariés le [Date mariage 1] 2005 à [Localité 4] (Cameroun) sans contrat de mariage préalable.
Aucun enfant n'est issu de cette union.
Par acte du 25 juillet 2013, Mme [X] a saisi le juge aux affaires familiales d'une demande de contribution aux charges du mariage.
Par jugement du 24 septembre 2013, le juge aux affaires familiales a dit que la contribution de M. [P] aux charges du mariage prendrait la forme de la mise à disposition gratuite du domicile conjugal et le remboursement des mensualités des crédits contractés pendant la vie commune.
Sur requête en divorce de l'époux, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Dunkerque, par ordonnance de non-conciliation du 13 février 2014, a notamment :
- attribué à l'époux le jouissance du domicile conjugal, bien propre de M. [P],
- accordé un délai de trois mois à l'épouse pour libérer les lieux,
- mis à la charge du mari une pension alimentaire de 300 euros par mois au titre du devoir de secours.
Par ordonnance du 1er octobre 2014, le juge des référés du tribunal d'instance de Dunkerque a ordonné l'expulsion de Mme [X] du domicile conjugal.
Par arrêt du 5 février 2015, la cour d'appel de Douai a confirmé l'ordonnance de non-conciliation en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le montant de la pension alimentaire qui a été fixé à 500 euros par mois.
Par acte d'huissier du 10 juillet 2015, Mme [X] a fait assigner son mari en divorce sur le fondement de l'article 242 du code civil.
Par jugement du 10 août 2016, le juge aux affaires familiales a :
- prononcé le divorce des époux aux torts exclusifs du mari,
- fixé les effets du divorce entre les époux en ce qui concerne leurs biens au 5 décembre 2012,
- ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux,
- condamné M. [P] à payer à Mme [X] une prestation compensatoire en capital de 21 000 euros payable par mensualités de 500 euros pendant 24 mois, puis de 200 euros pendant 45 mois,
- rejeté la demande de dommages-intérêts formée par l'épouse,
- condamné M. [P] aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 30 août 2016, Mme [X] a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.
Vu les dernières conclusions de Mme [X] en date du 16 janvier 2017 tendant à voir confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé le divorce aux torts du mari, lui accorder la somme de 150 000 euros à titre de prestation compensatoire et condamner M. [P] aux dépens.
Vu les dernières conclusions de M. [P] en date du 10 janvier 2017 tendant à voir débouter Mme [X] de ses demandes, prononcer le divorce aux torts exclusifs de l'appelante, dire n'y avoir lieu à prestation compensatoire en raison du comportement fautif de l'épouse et de l'équité ou, subsidiairement, compte tenu des critères de l'article 271 du code civil, prendre acte de sa proposition de règlement des intérêts pécunaires, dire que l'épouse reprendra l'usage de son nom de jeune fille, dire que les effets du divorce seront fixés au 5 décembre 2012 et condamner l'appelante aux dépens.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures respectives.
MOTIFS
Les parties ne remettent pas en cause le fait que le jugement ait fixé les effets du divorce entre les époux en ce qui concerne leurs biens au 5 décembre 2012 ; cette disposition du jugement sera donc confirmée.
SUR LE PRONONCÉ DU DIVORCE
Sur la demande principale en divorce pour faute présentée par l'épouse
En application des dispositions de l'article 242 du code civil, le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérables le maintien de la vie commune.
C'est à la partie qui invoque un fait ou un ensemble de faits fautifs d'en établir la réalité en justice.
Au soutien de sa demande tendant à voir prononcer le divorce aux torts exclusifs de son mari, Mme [X] fait grief à celui-ci d'avoir abandonné le domicile conjugal le 5 décembre 2012 sans motif légitime, et d'avoir cessé de contribuer aux charges du mariage, alors qu'elle était sans ressources et avait trois enfants à charge.
M. [P] ne nie pas être parti de chez lui, mais explique qu'il a fait ce choix car il était battu et persécuté par son épouse, laquelle avait dégradé sa moto.
A l'appui de ses dires, il produit l'attestation de M. [L], qui déclare avoir constaté que la maison et la moto de M. [P] avaient été dégradées et que son ami n'avait « plus du tout de morale » (sic).
Mais ce document dactylographié n'est pas conforme aux dispositions de l'article 202 dernier alinéa du code de procédure civile.
En outre, cette seule attestation rédigée par un ami de l'intimé ne peut suffire à prouver les allégations de celui-ci quant au comportement imputé à Mme [X].
Il est surprenant que, si M. [P] était victime des violences de sa femme, il n'ait pas fait établir de certificat médical pour attester de ses blessures ni déposé plainte contre elle.
Dans la mesure où il ne démontre pas que la vie commune était devenue intolérable, il ne peut être excusé d'avoir manqué à son devoir de cohabitation.
De même, il a commis la faute de cesser de contribuer aux charges du mariage, alors que son épouse était sans ressources et avait trois enfants à nourrir.
A ce sujet, il ne peut prétendre que son épouse n'était pas dans le besoin, alors que le juge conciliateur a mis à sa charge une pension alimentaire de 300 euros par mois au titre du devoir de secours, et que la cour a porté le montant de cette pension à la somme mensuelle de 500 euros.
Ces griefs dûment établis constituent d'évidence des violations graves des devoirs et obligations résultant du mariage qui rendaient intolérable le maintien de la vie commune.
C'est donc à bon droit que le premier juge a prononcé le divorce aux torts de M. [P].
Sur la demande incidente en divorce pour faute présentée par le mari
Au soutien de sa demande tendant à voir prononcer le divorce aux torts de son épouse, M. [P] fait valoir que celle-ci lui a rendu la vie insupportable, et a refusé de quitter le domicile conjugal malgré l'ordonnance de non-conciliation ayant attribué au mari la jouissance de ce bien qui lui appartenait en propre.
S'agissant du premier grief, ainsi qu'il a été dit précédemment, la seule attestation de M. [L] ne peut suffire à démontrer que Mme [X] avait un comportement tel que la vie commune était devenu intolérable pour le mari.
S'agissant du second grief, il concerne un événement postérieur à l'ordonnance de non-conciliation qui ne pouvait rendre intolérable le maintien de la vie commune, dès lors que les époux ne vivaient plus ensemble lorsqu'il s'est produit.
C'est dès lors à bon droit que le premier juge a prononcé le divorce des époux aux torts exclusifs du mari.
Le jugement querellé sera donc confirmé sur ce point.
SUR LA PRESTATION COMPENSATOIRE
L'article 270 du code civil prévoit que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que
la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives.
M. [P] ne peut prétendre bénéficier des dispositions du dernier alinéa de ce texte, d'une part parce que le divorce est prononcé à ses torts exclusifs, d'autre part parce qu'il ne démontre pas que la rupture se soit déroulée dans des circonstances particulières, l'intimé ayant choisi de quitter le domicile conjugal sans motif précis.
L'article 271 du même code quant à lui dispose :
' La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle - ci dans un avenir prévisible .
A cet effet le juge prend en considération notamment :
- la durée du mariage,
- l'âge et l'état de santé des époux,
- leur qualification et leur situation professionnelles,
-les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne,
- le patrimoine estimé ou prévisible des époux , tant en capital qu'en revenu,
après la liquidation du régime matrimonial,
- leurs droits existants et prévisibles,
- leur situation respective en matière de pension de retraite en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa.'
Dans le cas présent le mariage des époux a duré douze ans, étant précisé que la durée de la vie commune contemporaine de ce mariage n'a été que de sept ans puisque les époux s'accordent pour reconnaître qu'ils sont séparés depuis le 5 décembre 2012.
Aucun enfant n'est issu de cette union.
M. [P] a 64 ans et Mme [X] 39 ans.
La situation des parties s'établit de la manière suivante :
S'agissant de la situation de Mme [X] :
Elle est sans emploi et ne perçoit que des prestations familiales et sociales d'un montant total de 1 516,93 euros (allocations familiales : 489,56 euros ; allocation logement : 494 euros ; allocation de soutien familial : 314,24 euros ; complément familial : 219,13 euros).
Elle paie un loyer mensuel de 492 euros et rembourse divers crédits à la consommation.
Elle doit faire face aux charges de la vie courante pour les trois enfants nés d'une précédente relation et elle-même.
Elle ne précise pas si elle a des diplômes ou une qualification professionnelle.
S'agissant de la situation de M. [P] :
Il est soudeur à l'arc. L'avis d'imposition sur le revenu le plus récent qu'il
produit (celui de 2015 sur les revenus de 2014) mentionne un revenu imposable de 32 254 euros, ce qui représente un salaire mensuel moyen de 2 687 euros.
Il doit rembourser seul les crédits contractés par le couple pendant le mariage (carte Cora 56,38 euros, banque Accord 84,23 euros et prêt Caisse d'Epargne
212,96 euros) et faire face aux charges de la vie courante.
Il doit également rembourser une importante dette de consommation d'eau pour son logement (25 843,21 euros).
S'il prend sa retraite à 65 ans (soit en octobre 2018), il percevra une pension mensuelle de 1 903 euros bruts.
Au regard des observations qui précèdent, il convient de mettre en exergue les points suivants :
' les durées du mariage et de la vie commune contemporaine de ce mariage sont relativement brèves,
' les revenus du mari sont plus importants que ceux de l'épouse, mais
la prestation compensatoire n'a pas vocation à être un mode d'égalisation des revenus,
' le patrimoine de l'époux consiste en un bien immobilier propre.
' Mme [X] ne travaillait pas avant le mariage et avait déjà la charge de ses trois enfants.
' elle pourrait parfaitement travailler compte tenu de son jeune âge.
Dans la mesure où Mme [X] était dans la même situation qu'actuellement avant d'épouser M. [P], elle ne peut prétendre que la rupture du mariage ait créé une disparité dans les conditions de vie respectives des époux.
Dès lors, le jugement doit être infirmé en ce qu'il lui a alloué une prestation compensatoire.
SUR LES DEPENS
Il y a lieu de condamner M. [P], aux torts duquel le divorce est prononcé, aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par mise à disposition au greffe, publiquement après débats en chambre du conseil, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement querellé sauf en ce qui concerne la prestation compensatoire,
Statuant à nouveau sur ce seul point :
DEBOUTE Mme [X] de sa demande de prestation compensatoire,
Y ajoutant :
CONDAMNE M. [P] aux entiers dépens d'appel .
LE GREFFIERLE PRESIDENT
G. LE MENTECM. CHALACHIN