République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 4
ARRÊT DU 14/12/2017
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BAUX RURAUX
N° de MINUTE :
N° RG : 16/06731
Jugement (N° 51-15-0004)
rendu le 02 Novembre 2016
par le tribunal paritaire des baux ruraux de Maubeuge
APPELANT
Monsieur [J] [L]
né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 1] - de nationalité française
demeurant : [Adresse 1]
Assisté par Me Jean-Philippe Verague, avocat au barreau d'Arras
INTIMÉS
Monsieur [A] [F]
né le [Date naissance 2] 1939 - de nationalité française
demeurant : [Adresse 2]
Comparant en personne, assisté par Me Vincent Bue, avocat au barreau de Lille
Monsieur [L] [I]
né le [Date naissance 3] 1986 - de nationalité française
demeurant : [Adresse 2]
Comparant en personne, assisté par Me Vincent Bue, avocat au barreau de Lille
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Convain, conseiller faisant fonction de président de chambre
Emilie Pecqueur, conseiller
Louise Theetten, conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Harmony Poyteau
DÉBATS à l'audience publique du 21 Septembre 2017
après rapport oral de l'affaire par Louise Theetten
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 Décembre 2017 après prorogation du délibéré du 23 novembre 2017 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Convain, président, et Elisabeth Paramassivane-Delsaut, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Vu le jugement rendu le 2 novembre 2016 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Maubeuge ;
Vu l'appel formé le 8 novembre 2016 pour M. [J] [L] ;
Vu les conclusions déposées le 21 septembre 2017 et soutenues oralement à l'audience pour M. [L] sauf sur les intérêts courant sur la somme de 34666,99
euros ;
Vu les conclusions déposées le 21 septembre 2017 et soutenues oralement à l'audience pour M. [A] [F] et M. [L] [I] ;
Vu l'article 122 du code de procédure civile, l'article1315 du code civil dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, l'article 1425 du même code, l'article L 411-37 alinéa 2 dans sa rédaction antérieure au 15 octobre 2014, l'article L 411-74 du même code dans sa rédaction antérieure et postérieure au 15 octobre 2014, les articles 696 et 700 du code de procédure civile ;
Attendu que M. [F] et, son épouse, Mme [S] [B] étaient propriétaires de parcelles situées sur la commune de [Localité 2] et cadastrées sous les numéros BL[Cadastre 1], BS [Cadastre 2], BS [Cadastre 3], BS [Cadastre 1], BS [Cadastre 4], BV [Cadastre 5], B[Cadastre 6] et CK [Cadastre 7] pour un total de 11 ha 86 a 10 ca qu'ils ont cédées à leur petit-fils M. [I] selon acte de vente reçu en la forme authentique les 6 et 9 novembre 2015 par Maître [R], notaire à [Localité 1] ;
Attendu que se prévalant d'un bail rural sur ces parcelles consenti par M. [F] et Mme [B], M. [L] a attrait M. [F] aux fins de répétition d'un indu fondée sur l'article L.411-74 du code rural et de la pêche maritime devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Maubeuge, devant lequel M. [I] est intervenu volontairement ;
Attendu que le jugement entrepris, auquel il convient de se référer pour le rappel de la procédure antérieure, a reçu l'intervention volontaire de M. [I], déclaré irrecevable l'action de M. [L], l'a débouté en conséquence de ses demandes, ordonné l'expulsion de M. [L] des parcelles litigieuses dans un délai d'un mois de la notification de la décision, condamné M. [L] à payer une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile de 1000 euros, condamné M. [L] aux dépens et débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Attendu que le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a reçu l'intervention volontaire de M. [I], qu'il sera confirmé de ce chef ; qu'il n'y a pas lieu de dire la décision opposable à M. [I], celui-ci étant partie à la procédure ;
Attendu que MM. [F] et [I] opposent deux fins de non recevoir à M. [L]; que, sur la première, MM. [F] et [I] ne peuvent valablement arguer d'un défaut de qualité à agir de M. [L] en ce qu'il serait dépourvu de la qualité de preneur dès lors que sa demande en constatation d'un bail verbal vise à lui voir reconnaître cette qualité et que l'action en répétition de l'indu fondée sur l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime n'est pas réservée au seul preneur ; que les demandes de M. [L] ne peuvent donc être déclarées irrecevables au seul motif que ce dernier ne serait pas preneur des parcelles litigieuses ;
Que, sur la seconde fin de non recevoir, M. [F] et Mme [B] ne sont plus propriétaires des parcelles litigieuses depuis leur cession les 6 et 9 novembre 2015 à M. [I], qu'en conséquence, la circonstance que Mme [B] n'ait pas été appelée à la procédure est sans incidence sur la solution du litige ;
Qu'ainsi, l'ensemble des fins de non recevoir opposées par MM. [F] et [I] est rejeté, le jugement étant infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de M. [L] ;
Attendu que M. [L] allègue avoir pris à bail en 2002 les parcelles litigieuses, les avoir mises à disposition du GAEC [L] père et fils jusqu'à sa dissolution et avoir, ensuite, continué à les exploiter personnellement ;
Attendu qu'en application de l'article 1315 du code civil sus-visé, il appartient à M. [L] d'établir l'existence du bail dénié par MM. [F] et M. [I], lesquels soutiennent qu'en 2002, le bail a été accordé au GAEC [L] père et fils et que le bail a pris fin du fait de la dissolution du GAEC ;
Attendu, d'une part, que M. [L] ne justifie pas des fermages qu'il aurait payés à l'exclusion du Gaec [L] Père et fils antérieurement à la dissolution du Gaec, décidée la 31 mars 2013 avec radiation au registre du commerce et des sociétés du 16 juillet 2014 ; que par ailleurs, M. [L] ne produit qu'un relevé d'exploitation selon situation cadastrale au 27 novembre 2015 émis par la MSA du Nord Pas de Calais sans produire les relevés d'exploitation pour la période antérieure à la dissolution du
GAEC ;
Qu'au contraire, une attestation dactylographiée du 10 décembre 2002 signée par M. [F] et la copie d'une attestation manuscrite produite par M. [F] et M. [I] corroborent l'allégation de ces derniers selon laquelle, en 2002, les parcelles litigieuses ont été données à bail directement au GAEC [L] Père et fils lequel était tenu d'un 'pas- de-porte'de 34666,99 euros, peu important que cette somme ait été personnellement réglée par M. [L] ;
Qu'ainsi, il n'est pas démontré que M. [F] et Mme [B] ont, en 2002, accepté de mettre à disposition de M. [L], à titre onéreux, aux fins d'exploitation, les parcelles litigieuses ;
Attendu, d'autre part, que M. [L] produit une copie d'une 'attestation de bail verbal' datée du 2 avril 2013, dont la sincérité et la validité sont contestées par MM. [F] et [I], et selon laquelle M. [F] et Mme [B] ont donné à bail à M. [L] les parcelles litigieuses à compter du 1er avril 2013, soit dès la dissolution du GAEC décidée le 31 mars 2013 ;
Que cette attestation, à la supposer sincère, n'est signée que par Mme [B], alors que les parcelles litigieuses, selon l'acte de vente des 6 et 9 novembre 2015, ont été acquises au cours de leur mariage par M. [F] et Mme [B], lesquels sont, selon ce même acte, mariés sous le régime de la communauté de meubles et acquêts ; qu'en conséquence, alors que M. [F] conteste tout bail au bénéfice de M. [L], Mme [B] ne pouvait seule valablement concéder un bail rural sur ces parcelles en application de l'article 1425 du code civil ;
Que M. [L] ne peut pas plus invoquer que Mme [B] était propriétaire apparente du bien sans caractériser sa croyance légitime en la qualité de seule propriétaire de Mme [B], dès lors que les attestations des 10 décembre et 10 novembre2002 sont rédigées par M. [F] seul et que le paiement antérieur de 34666,99 euros a été réalisé par un chèque au bénéfice de M. [F] et non Mme [B] ;
Que, de plus, indépendamment du dol allégué par MM. [F] et [I], les deux paiements par chèques tirés sur le compte de M [L], correspondant, aux dires des parties, aux fermages pour les années 2013 et 2014, soit postérieurement à la dissolution du GAEC, et que M. [F] reconnaît avoir reçus, sont insuffisants à établir l'accord de M. [F] ainsi que celui de son épouse pour mettre à disposition de M. [L] les parcelles litigieuses à titre onéreux ; qu'il n'est, en effet, pas justifié d'une information donnée, par lettre recommandée avec avis de réception conformément à l'article L. 411-37 alinéa 2 du code rural et de la pêche maritime sus-visé ,à M. [F] et Mme [B] sur la dissolution du GAEC alors que M. [F] conteste avoir été informé de la dissolution du GAEC ;
Que le bail verbal allégué ne résulte pas plus de la copie du courrier informel du 27 juillet 2015 adressé par M. [F] et Mme [B] informant M. [L] de ce que M. [I] commencera l'exploitation des terres après les récoltes 2015 ; que les termes de la correspondance évoquent une tolérance de M. [F] et Mme [B] quant à l'exploitation par M. [L] des parcelles litigieuses postérieurement à la dissolution du GAEC [L] Père et fils jusque cette date ;
Que le bail verbal allégué par M. [L] n'est donc pas démontré ; qu'en conséquence c'est exactement que les premiers juges ont décidé qu'il était occupant sans droit ni titre et ordonné son expulsion des parcelles litigieuses dont M. [I] est désormais propriétaire ;
Attendu que l'action en répétition de l'indu ouverte par l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime n'est pas réservée au seul preneur mais est également ouverte à celui qui, à l'occasion d'un changement d'exploitant, avait, pour le compte du preneur, réglé la somme indue au bailleur ;
Qu'en l'espèce, il résulte des attestations des 10 décembre et 10 novembre2002 rédigées par M. [F] , de la copie d'un chèque de 34666,90 euros du 2 décembre 2002 tiré sur le compte bancaire de M. [L], d'un relevé de compte bancaire du 31 décembre 2002, que M. [L] a payé la somme de 34666,90 euros lors de la prise à bail des parcelles litigieuses par le GAEC [L] père et fils, soit à l'occasion d'un changement d'exploitant ;
Que MM. [F] et [I] n'opposent qu'une fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir de M. [L], laquelle a été sus-rejetée ; qu'en l'absence d'autres moyens opposés à la demande de M. [L] par MM. [F] et [I], lesquels ne contestent aucunement le caractère illégal du paiement ainsi opéré par M. [L] pour le GAEC [L] père et fils, M. [F] sera condamné à restituer à M. [L] la somme de 34666,90 euros ;
Attendu que la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, qui a modifié le deuxième alinéa de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime relatif au taux d'intérêt dû sur les sommes indûment perçues, est immédiatement applicable aux instances en cours, mais ne s'applique pas rétroactivement à la répétition de sommes versées antérieurement à la date de son entrée en vigueur ; qu'en conséquence, les intérêts ayant couru avant l'entrée en vigueur de la loi doivent être calculés en application du seul taux légal sans pouvoir être majorés de trois points ;
Que M. [L] demande la condamnation de M. [F] au paiement des intérêts à compter du 15 octobre 2014 au taux légal majoré de trois points et au taux légal pour la période antérieure dans la limite de 5 ans à compter de la décision du tribunal paritaire des baux ruraux ; qu'il est fait droit à cette demande conforme à la règle sus-énoncée ;
Attendu que chacune des parties succombe partiellement dans ses demandes ; qu'elles conserveront chacune la charge des dépens qu'elles ont exposés et que leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront
rejetées ; que le jugement est donc infirmé sur les mesures accessoires ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Maubeuge du 2 novembre 2016 sauf en ce qu'il a reçu l'intervention volontaire de M. [I] et en ce qu'il a ordonné l'expulsion de M. [J] [L] ;
Statuant à nouveau ;
Rejette les fins de non recevoir opposées par M. [A] [F] et M. [L] [I] aux demandes formées par M. [J] [L] ;
Condamne M. [A] [F] à payer à M. [J] [L] la somme de 34666,90 euros avec intérêts au taux légal du 2 novembre 2011 au 14 octobre 2014 et au taux légal majoré de trois points à compter du 15 octobre 2014 ;
Dit n'y avoir lieu à déclarer la décision opposable à M. [L] [I] ;
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens qu'elle a exposés.
Le greffier,Le président,
E. Paramassivane-DelsautC. Convain