République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 21/12/2017
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N° de MINUTE : 17/
N° RG : 16/06895
Jugement rendu le 05 juillet 2016 par le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer
APPELANTE
SCI 580 rue Marcel d'Assault agissant poursuite et diligences de son représentant légal domicilié audit siège
ayant son siège social [Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Jean-Sébastien Delozière, avocat au barreau de Saint-Omer
INTIMÉ
Me [A] [X] en qualité de liquidateur judiciaire de la société la Faim de la journée
demeurant [Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté et assisté par Me François Deleforge, de la SCP François Deleforge-Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai
ayant pour conseil Me Claire Felan Pouwels, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer
DÉBATS à l'audience publique du 08 novembre 2017 tenue par Marie-Laure Aldigé magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Marie-Annick Prigent, président de chambre
Elisabeth Vercruysse, conseiller
Marie-Laure Aldigé, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2017 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Marie-Annick Prigent, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 octobre 2017
Par acte sous seing privé en date du 26 novembre 2007, un bail commercial portant sur un immeuble sis [Adresse 3]) a été consenti à la SARL La Faim De Journée par la SCI 580 rue Marcel d'Assault.
Par jugement en date du 31 mai 2012, le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL La Faim de Journée et a désigné Me [X] en qualité de liquidateur. La date de cessation des paiements a été fixée au 1er avril 2011.
Par assignation en date du 11 octobre 2012, Me [X] a assigné la SCI 580 rue Marcel d'Assault devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer aux fins de voir ordonner sous astreinte la restitution des clés du local commercial. Par ordonnance en date du 30 janvier 2013, le juge des référés a rejeté les prétentions de Me [X].
Par acte d'huissier en date du 3 décembre 2014, Me [X], en qualité de liquidateur de la société La Faim de Journée, a assigné la société 580 rue Marcel d'Assault devant le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer.
Par jugement réputé contradictoire en date du 5 juillet 2016, le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer a :
- déclaré inopposable à Me [X], en sa qualité de liquidateur de la SARL La Faim de Journée la résolution amiable du bail conclu entre la SARL La Faim De Journée et la SCI 580 rue Marcel d'Assault,
- condamné la SCI 580 rue Marcel d'Assault à payer à Me [X], en sa qualité de liquidateur de la SARL La Faim de Journée la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamné la SCI 580 rue Marcel d'Assault à payer à Me [X], en sa qualité de liquidateur de la SARL La Faim de Journée la somme de 1 500 euros au titre de la résistance abusive,
- débouté Me [X], en sa qualité de liquidateur de la SARL La Faim de Journée du surplus de ses demandes,
- débouté la société SCI 580 rue Marcel d'Assault de l'intégralité de ses demandes,
- condamné la SCI 580 rue Marcel d'Assault à payer à Me [X], en sa qualité de liquidateur de la SARL La Faim de Journée la somme de 1 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, en ce compris ceux de l'instance de référé et d'ordonnance sur requête,du 20 septembre 2012 dont distraction au profit de Me Claire Felan ;
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration en date du 17 novembre 2016, la SCI 580 rue Marcel d'Assault a interjeté appel.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 16 février 2017, la SCI 580 rue Marcel d'Assault demande à la cour d'appel au visa des articles L 632-1 du code de commerce et 695 et suivants du code de procédure civile de :
A titre principal :
- infirmer le jugement en ce qu'il déclare que la résiliation (et non la résolution) amiable du bail est inopposable à Me [X],
- débouter Me [X] de l'ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire et reconventionnellement, si la cour d'appel fait droit à la demande d'annulation de la résiliation du contrat de bail :
- prononcer la résiliation du contrat de location sur le fondement de l'article L.641-12 du code de commerce,
- condamner Me [X] à lui payer la somme de 69 700 euros due au titre des loyers arrêtés au mois de novembre 2015,
- ordonner la compensation des sommes dues.
Dans tous les cas :
- condamner Me [X] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à payer les entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 16 mars 2017, Me [A] [X] demande à la cour d'appel de :
- confirmer le jugement déféré,
- condamner la SCI 580 rue Marcel d'Assault à indemniser Me [X] des frais irrépétibles exposés en appel à hauteur de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la SCI 580 rue Marcel d'Assault de l'ensemble de ses demandes contraires,
- condamner enfin la SCI 580 rue Marcel d'Assault, aux entiers dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens, il est renvoyé aux dernières écritures des parties. Pour la clarté des débats, il sera seulement indiqué que l'appelant soutient essentiellement que les conditions de l'article L. 632-1 du code de commerce ne sont pas réunies.
Quant au liquidateur judiciaire, il fait essentiellement valoir que la résiliation amiable intervenue entre le bailleur et le débiteur pendant la période suspecte doit être déclarée inopposable à la liquidation judiciaire en application des dispositions de l'article L. 632-1 du code de commerce dans la mesure où :
- la SARL La Faim De Journée a renoncé gracieusement et sans contrepartie à son droit au bail au profit de la SCI 580 rue Marcel d'Assault dès lors que le bail a été rompu sans qu'aucune indemnité d'éviction ne soit versée au preneur alors que le droit au bail commercial et le droit au renouvellement du bail constituent des éléments de la propriété commerciale du preneur ;
- à compter de la date de cessation des paiements intervenue le 1er avril 2011 les loyers ne pouvaient être réglés autrement que par moyens bancaires habituels ;
- l'actif de la liquidation judiciaire s'est vu amputer de son élément principal au mépris des règles de la procédure collective.
MOTIVATION
Sur la demande d'inopposabilité de l'acte passé pendant la période suspecte et sur la demande de dommages et intérêts
Il y a lieu au préalable de rappeler qu'aux termes de l'article 954, alinéa 2 du code de procédure civile , les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
Le liquidateur judiciaire fonde son action exclusivement sur l'article L 632'1 du code du commerce lequel sanctionne par une nullité de plein droit certains actes passés par le débiteur entre la date de cessation des paiements et l'ouverture d'une procédure collective, en particulier les actes à titre gratuit, et ce indépendamment de la connaissance par le créancier de l'existence d'un état de cessation de paiement.
Force est de constater que la seule sanction prévue par ce texte est la nullité de l'acte passé. L'article L 632-4 précise que l'action en nullité a pour effet de reconstituer l'actif du débiteur.
Or, aux termes du dispositif de ses dernières conclusions, le liquidateur judiciaire ne sollicite pas la nullité de la résiliation amiable du bail commercial conclu entre la SARL La Faim De Journée et la SCI 580 rue Marcel d'Assault, mais la seule confirmation du jugement déféré, lequel a déclaré cet acte inopposable à Me [X], en sa qualité de liquidateur de la SARL La Faim de Journée la résolution amiable du bail et a condamné la SCI 580 rue Marcel d'Assault à payer à Me [X], en sa qualité de liquidateur de la SARL La Faim de Journée la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts. Dans le corps de ses conclusions, Me [X] demande également seulement à la cour d'appel de déclarer inopposable la résiliation amiable et en conséquence de l'indemniser de la perte de chance de vendre le fonds de commerce en confirmant le jugement déféré en tous points.
Le premier juge pour prononcer l'inopposabilité de la résiliation amiable au lieu de sa nullité a indiqué : « Tant le bailleur que le preneur ne démontrent pas avoir noti'é cette résiliation aux créanciers de la SARL La Faim de Journée, dont Me [X] est le représentant, ainsi qu'il en résulte du jugementd'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.
Conformément aux dispositions de l'article L.143-2 du Code de commerce, la résiliation du bail commercial conclu entre la SARL La Faim De Journée et la SCI 580 rue Marcel d'Assault sera déclaré inopposable à Me [X], en sa qualité de liquidateur de la SARL La Faim De Journée. »
Ce faisant, il a fait une application erronée de l'article L 142-3 du code de commerce dans la mesure où seuls les créanciers inscrits peuvent se prévaloir sur ce fondement de l'inopposabilité de la résiliation du bail commercial et que le liquidateur judiciaire n'est pas le représentant légal des créanciers inscrits au bail commercial du débiteur.
Ni l'inopposabilité de l'acte, ni l'indemnisation du préjudice allégué comme subi par la procédure collective du fait de l'acte passé ne peuvent être prononcées dans le cadre de l'action en nullité des actes pendant la période suspecte, laquelle ne peut que donner lieu à la nullité de l'acte et à la reconstitution rétroactive du passif. Or l'intimé n'allègue aucun autre fondement à sa demande d'inoposabilité et à sa demande de dommages et intérêts et la cour d'appel ne saurait faire droit aux demandes du liquidateur sans méconnaître la portée de l'article L 632'1 du code du commerce qui a seul vocation à être appliqué dans le cadre du présent litige en l'absence de tout autre fondement allégué par les parties.
Pour ces seuls motifs, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en l'intégralité de ces dispositions, et statuant à nouveau, de débouter l'appelant de ses demandes tendant à voir déclarer inopposable à Me [X], en sa qualité de liquidateur de la SARL La Faim de Journée la résolution amiable du bail conclu entre la SARL La Faim De Journée et la SCI 580 rue Marcel d'Assault, et à voir condamner la SCI 580 rue Marcel d'Assault à payer à Me [X], en sa qualité de liquidateur de la SARL La Faim de Journée la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la partie perdante est, sauf décision contraire motivée par l'équité ou la situation économique de la partie succombante, condamnée aux dépens, et à payer à l'autre partie la somme que le tribunal détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Il y a lieu de réformer la décision déférée du chef des dépens et des frais irrépétibles. L'équité justifie que chacune des parties concerve la charge de ses dépens et de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement déféré en l'ensemble de ces dispositions ;
Statuant à nouveau :
Déboute l'appelant de ses demandes tendant à voir déclarer inopposable à Me [X], en sa qualité de liquidateur de la SARL La Faim de Journée la résolution amiable du bail conclu entre la SARL La Faim De Journée et la SCI 580 rue Marcel d'Assault et à voir condamner la SCI 580 rue Marcel d'Assault à payer à Me [X], en sa qualité de liquidateur de la SARL La Faim de Journée la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Dit que les parties conserveront la charge de leurs dépens et de leurs frais irrépétibles de premier degré et d'appel.
Le GreffierLe Président
V. RoelofsM.A.Prigent