République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 7 SECTION 3
ARRÊT DU 01/02/2018
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N° MINUTE : 18/77
N° RG : 16/02237
Ordonnance (N° 16/00451)
rendue le 31 Mars 2016
par le Juge aux affaires familiales de LILLE
APPELANTE
Madame [A] [H]
née le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 1] (MAROC)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Farid MAACHI, avocat au barreau de LILLE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/16/04294 du 26/04/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)
INTIMÉ
Monsieur [E] [T]
né le [Date naissance 2] 1978 à [Localité 3] (MAROC)
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Nisrine EZ-ZAHOUD, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS à l'audience en chambre du Conseil du 05 Décembre 2017, tenue par Anne OLIVIER magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : David QUENEHEN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Anne OLIVIER, Conseiller faisant fonction de Président de chambre
Djamela CHERFI, Conseiller
Marc MENET, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 01 Février 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Anne OLIVIER Conseiller, conformément aux dispositions de l'article 452 du Code de Procédure Civile et David QUENEHEN, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 05 décembre 2017
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FAITS ET PROCÉDURE
Mme [A] [H], de nationalité marocaine, et M. [E] [T], de nationalité franco-marocaine, se sont mariés le [Date mariage 1] 2007 à [Localité 1] (Maroc).
De leur union sont issus les enfants [O], née le [Date naissance 3] 2008 et [X], né le [Date naissance 4] 2009.
Par requête du 19 janvier 2016 Mme [H] a introduit une procédure de divorce devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lille.
A l'audience prévue par l'article 252 du code civil, M. [T] a invoqué la fin de non recevoir de l'action en divorce engagée en France par l'épouse, au motif tiré de l'autorité de la chose jugée d'un jugement de divorce rendu le 27 février 2014 par le tribunal de première instance de Al Hoceima au Maroc.
Mme [H] s'est opposée faisant valoir que la décision de divorce prononcée par la juridiction marocaine a été obtenue par fraude.
Par ordonnance du 31 mars 2016 le juge conciliateur a déclaré irrecevable la requête de Mme [H].
Mme [H] a relevé appel de cette décision le 11 avril 2016 et il a été fait application de l'article 905 du code de procédure civile.
Selon ses conclusions notifiées le 21 décembre 2016 Mme [H] demande à la cour de déclarer sa requête recevable et de statuer sur les mesures provisoires. Elle sollicite l'application de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 (1 800 euros).
Selon ses conclusions du 18 septembre 2016 M. [T] poursuit la confirmation de l'ordonnance et demande à la cour de condamner Mme [H] à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
Sur la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée du jugement de divorce rendu par la juridiction marocaine
Pour statuer comme il l'a fait le premier juge a relevé que les époux ayant tous deux la nationalité marocaine, le juge marocain était compétent pour statuer sur le divorce des époux. Le juge a constaté qu'aucun élément ne permettait de considérer que la décision marocaine avait été rendue en fraude des droits de l'épouse ou qu'elle contenait des éléments contraires à l'ordre public français.
En cause d'appel Mme [H] expose qu'en mars 2013 M. [T] lui a proposé un voyage au Maroc et qu'une fois sur place, il a laissé sa famille, rentrant en France après s'être emparé des passeports des enfants. Il a alors engagé une procédure de divorce en invoquant le fait que l'épouse avait quitté le domicile conjugal pour rejoindre le domicile de ses parents. Elle indique avoir effectué des démarches auprès du Consulat général de France à Tanger pour obtenir un laisser-passer pour les enfants et être rentrée en France sans avoir pu réintégrer le domicile conjugal. Elle fait valoir que la procédure engagée au Maroc par le mari porte atteinte à l'ordre public procédural, M. [T] l'ayant domiciliée chez ses parents et non à sa véritable adresse au domicile conjugal français. Elle soutient que M. [T] a fait frauduleusement choix de la juridiction marocaine aux fins d'obtenir un jugement rapide assorti de conditions financières et patrimoniales avantageuses pour lui.
De son côté M. [T] soutient que la convention entre la France et le Maroc offre la possibilité à un ressortissant marocain de saisir le juge marocain. Il affirme qu'il ne peut y avoir eu fraude, la décision marocaine ayant été rendue de façon contradictoire, Mme [H] étant assistée dans la procédure par un avocat.
Selon l'article 11 de la convention franco-marocaine du 10 août 1981, la dissolution du mariage peut être prononcée par les juridictions de celui des deux Etats sur le territoire duquel les époux ont leur domicile commun ou avaient leur dernier domicile commun ; toutefois, au cas où les deux époux ont tous deux la nationalité de l'un des deux Etats, les juridictions de cet Etat peuvent être également compétentes, quel que soit le domicile des époux au moment de l'introduction de l'action judiciaire.
Mme [H] est de nationalité marocaine et M. [T] possède la double nationalité marocaine et française de sorte que les critères de compétence du juge marocain énoncés par l'article 11 susvisé sont réunis en l'espèce.
La situation du domicile conjugal est indifférente à l'application de ce texte. En conséquence, sont inopérants les arguments invoqués par l'épouse relatifs à la saisine du juge marocain malgré la situation du domicile conjugal en France.
Le tribunal étranger n'est toutefois compétent que si le choix de cette juridiction n'a pas été frauduleux.
Dans le cas présent, il ressort du dossier que le jugement rendu le 27 février 2014 par le tribunal de première instance de Al Hoceima prononçant le divorce et l'arrêt rendu le 6 janvier 2015 par la cour d'appel de Al Hoceima, statuant exclusivement sur les mesures financières sur recours de l'épouse, ont été rendus contradictoirement, les parties étant présentes et assistées d'un avocat au cours des deux instances.
Ces constatations suffisent à considérer que les décisions n'ont pas été prises en fraude des droits de l'épouse.
Les considérations selon lesquelles l'épouse aurait pu obtenir en France une décision plus favorable sur le plan financier ne suffisent pas à démontrer la fraude.
Selon l'article 16 de la convention franco-marocaine d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition entre la France et le Maroc applicable à la présente espèce, « en matière civile et commerciale, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions siégeant en France ou au Maroc ont de plein droit l'autorité de la chose jugée sur le territoire de l'autre pays si elles réunissent les conditions suivantes :
a) La décision émane d'une juridiction compétente selon les règles de droit international privé admises dans le pays où la décision est exécutée sauf renonciation certaine de l'intéressé ;
b) Les parties ont été légalement citées, représentées ou déclarées défaillantes ;
c) La décision est, d'après la loi du pays où elle a été rendue, passée en force de chose jugée et susceptible d'exécution ;
d) La décision ne contient rien de contraire à l'ordre public du pays où elle est invoquée ou aux principes de droit public applicables dans ce pays. Elle ne doit pas non plus être contraire à une décision judiciaire prononcée dans ce pays et possédant à son égard à l'autorité de la chose jugée.
Le jugement marocain n'apparaît pas contraire à l'ordre public dès lors qu'il a été fait droit, après tentative de conciliation, à la demande en divorce formée par l'époux pour discorde conjugale prévue notamment par l'article 97 du code de la famille marocain.
Le jugement prononcé par le tribunal de première instance de Al Hoceima apparaît internationalement régulier au regard des éléments ci-dessus et a de plein droit l'autorité de la chose jugée en France par application de l'article 16 précité, dès lors que, selon le certificat délivré par le Greffier en Chef du tribunal de première instance de Al Hoceima le 19 juin 2017, il a été rendu en dernier ressort, qu'il est définitif et irrévocable, le principe du divorce n'étant susceptible d'aucun recours.
C'est donc à bon droit que le premier juge a jugé irrecevable la demande en divorce de Mme [H].
La décision entreprise sera confirmée.
Sur les dépens
Mme [H] qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel. L'équité ne conduit pas à faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties.
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME la décision entreprise ;
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [A] [H] aux dépens.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
D. QUENEHENA. OLIVIER