République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 22/02/2018
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N° de MINUTE :
N° RG : 17/00334
Jugement (N° 16/03379)
rendu le 05 janvier 2017 par le tribunal de grande instance de Lille
APPELANTE
SCCV Village des Voiles II, prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée et assistée par Me Gérald Malle, avocat au barreau de Lille, substitué à l'audience par Me Julien François, avocat au barreau de Lille
INTIMÉE
SCI DBH, prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée et assistée par Me Franck Regnault, avocat au barreau de Lille
DÉBATS à l'audience publique du 23 novembre 2017, tenue par Emmanuelle Boutié magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Etienne Bech, président de chambre
Bruno Poupet, conseiller
Emmanuelle Boutié, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 février 2018 après prorogation du délibéré en date du 25 janvier 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par M. Etienne Bech, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 29 juin 2017
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Selon promesse synallagmatique de vente en l'état futur d'achèvement conclue le 5 janvier 2016, la SCI DBH a acquis auprès de la SCI Village des Voiles II un local désigné comme étant un volume n°3 cadastré section A [Cadastre 1] d'une surface de 247 m² au sein d'un ensemble immobilier en cours de construction sur un terrain situé [Adresse 3] (Nord).
Cette vente a été consentie moyennant un prix principal de 483 000 euros sous diverses conditions suspensives et devait être réitérée par acte authentique le 29 février 2016 au plus tard.
Cette promesse stipulait le versement d'un dépôt de garantie de 20 000 euros.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 mars 2016, la SCI Village des Voiles II a notifié à la SCI DBH la caducité de la promesse de vente et l'a mise en demeure de lui verser le montant de la clause pénale après imputation du dépôt de garantie, soit un montant de 28 300 euros.
Par courrier du 7 mars 2016, la SCI DBH a sollicité la fixation d'une nouvelle date de réitération et, à défaut, la restitution du dépôt de garantie et le paiement de la clause pénale.
Par acte d'huissier délivré le 5 avril 2016, la SCI DBH a fait assigner la SCI Village des Voiles II devant le tribunal de grande instance de Lille aux fins d'obtenir sa condamnation à lui restituer le dépôt de garantie d'un montant de 20 000 euros ainsi qu'à lui payer 48 300 euros au titre de la clause pénale et 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par jugement en date du 5 janvier 2017, le tribunal a :
- condamné la SCI Village des Voiles II à payer à la SCI DBH la somme de 20 000 euros versée à titre de dépôt de garantie ainsi que celle de 28 300 euros correspondant au solde dû au titre de la clause pénale après imputation du dépôt de garantie ;
- condamné la SCI Village des Voiles II à payer à la SCI DBH la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration en date du 11 janvier 2017, la SCI Village des Voiles II a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 13 juin 2017, elle sollicite l'infirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions et demande à la cour, statuant à nouveau, de :
- constater la caducité de la promesse du 5 janvier 2016 pour cause de défaillance de la condition suspensive de paiement du prix ;
- débouter la SCI DBH de l'ensemble de ses demandes et la condamner reconventionnellement au paiement de la somme de 20 000 euros en application des articles 7.2, 8.2.3 de la promesse de vente outre celle de 28 300 euros au titre de la clause pénale et celle de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :
- lorsqu'elle a pris la décision de constater la caducité, elle n'avait aucune visibilité sur la date de réitération éventuelle,
- les conditions dans lesquelles le Notaire de l'acquéreur et sa banque ont correspondu, hors la présence du vendeur, ne saurait être pris en compte pour qualifier d'abusif le prononcé de la caducité,
- le fait d'avoir accepté de proroger la date de validité de la promesse par la fixation d'un nouveau rendez-vous au 2 mars 2016 révèle la volonté de la SCCV Village des Voiles II de donner un délai et donc une chance complémentaire à la société DBH mais ne révèle en rien la volonté non équivoque d'abandonner la condition suspensive de paiement du prix à une date déterminée,
- si l'emplacement des places de parking avait été une condition déterminante la concernant, il lui aurait suffi, à la date du 29 février, de constater l'absence de paiement du prix sans accepter de report de date pour obtenir la caducité de l'acte,
- concernant la période préalable à la date initiale de signature, si la banque prend les informations nécessaires à la transmission des fonds, ceux-ci ne sont toutefois pas à disposition puisqu'au 1er mars 2016, la documentation bancaire n'est pas établie,
- il est établi que la SCI DBH, directement ou de sa banque, n'a pas mis l'ensemble des moyens nécessaires à obtenir la levée de la condition suspensive dans les délais impartis alors qu'elle s'est tardivement inquiétée de la réitération de la vente.
Par ses dernières conclusions notifiées le 19 mai 2017, la SCI DBH sollicite la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société Village des Voiles II à restituer le dépôt de garantie d'un montant de 20 000 euros au profit de la société DBH outre celle de 28 000 euros au titre de la clause pénale et son infirmation en ce qu'elle a déduit le montant de la clause pénale le dépôt de garantie.
Elle demande à la cour, statuant à nouveau sur ce point, d'ordonner la restitution du dépôt de garantie d'un montant de 20 000 euros à son profit outre la condamnation de la société Village des Voiles II à lui verser la somme de 48 300 euros au titre de la clause pénale stipulée dans la promesse synallagmatique. Elle sollicite enfin sa condamnation au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Elle soutient que :
- la société Village des Voiles II a renoncé à se prévaloir de la condition suspensive stipulée à son profit en acceptant de décaler la signature de quelques jours ;
- les parties ont, d'un commun accord, renoncé à la condition suspensive du versement du prix au 29 février 2016 ;
- la date du 2 mars 2016 n'a pas été stipulée à peine de caducité ;
- il résulte des échanges entre les parties que la date initiale du 2 mars avait été fixée à titre indicatif ;
- l'absence de réitération de la vente est exclusivement imputable au vendeur ;
- la BNP Paribas, organisme prêteur des fonds, atteste que le 1er mars 2016, soit dans les délais convenus par les parties, Me [S] a refusé de recevoir les fonds ;
- le 29 février 2016, la société Village des Voiles II a souhaité modifier les emplacements de parking stipulés dans le compromis ;
- l'absence de réitération de la vente cause un préjudice certain à la société DBH qui a été constituée dans le but exclusif de procéder à l'achat et à l'exploitation de l'immeuble ;
- il n'existe aucune raison de déduire le montant du dépôt de garantie de la clause pénale.
MOTIVATION
Sur la demande principale
Aux termes de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, applicable en l'espèce, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise et doivent être exécutées de bonne foi.
L'article 1178 du même code stipule que la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement.
En l'espèce, la promesse synallagmatique de vente régularisée entre les parties prévoit en son article 7.2 :
'7.2.1 - Le vendeur n'a donné son consentement à la présente vente qu'à la condition que, dans le délai ci-après stipulé, l'acquéreur ait déposé le montant des frais et du prix stipulé payable comptant entre les mains du notaire rédacteur de l'acte authentique de vente.
Ce versement sera fait par l'acquéreur à titre de sûreté, en garantie de son engagement d'acquérir. Il devra être effectué au plus tard à la date prévue ci-après pour la signature de l'acte authentique.
7.2.2- Par principe, cette condition stipulée en faveur du vendeur devra être réalisée dans les dix jours suivants la réalisation de la condition préalable et de toutes les conditions suspensives stipulées au paragraphe 7.1 ci-dessus en faveur de l'acquéreur et au plus tard le 29 février 2016.
7.2.3- Au cas où l'acquéreur ne remplirait pas ses obligations dans le délai convenu, le vendeur pourrait, à son choix :
- soit renoncer au bénéfice de la présente condition suspensive stipulée en sa faveur et poursuivre la réalisation de la vente par les voies judiciaires ;
- soit considérer la présente convention comme caduque et percevoir le montant du dépôt de garantie, le tout sans préjudice de l'application de la clause pénale ci-après'.
S'il n'est pas contesté que les parties se sont réunies le 29 février 2016 en vue de la réitération de la promesse par acte authentique, il ressort tant du courrier établi par Me [G], notaire des acquéreurs, que de celui du conseil de la société Village des Voiles II en date du 2 mars 2016 et de celui de l'étude notariale TSD, notaire de la venderesse, que cette dernière a consenti à un report de la signature au 2 mars 2016.
Il importe peu, à cet égard, que ce report n'ait pas été formalisé par écrit et que la date du 2 mars 2016 n'ait été fixée qu'à titre indicatif, Me [G] précisant dans son courrier qu'il s'agissait d'un 'rendez-vous de principe', 'la venderesse étant absente à partir du 3 mars. Ce qui laisse peu de temps pour faire le nécessaire avec la banque, ce rendez-vous devant être de toute façon confirmé compte tenu des impératifs de chacune des parties'.
Si la société Village des Voiles II fait valoir que le report de la signature était exclusivement motivé par l'absence de libération des fonds à la date prévue dans la promesse, il résulte toutefois du courrier de Me [G] produit aux débats qu'à l'occasion de la réunion du 29 février, 'annonce a été faite d'une modification substantielle de la notice descriptive et d'autre part, demande de la société venderesse de changer les places de parking attribuées aux termes de la PSV ; les nouvelles places proposées ne convenant pas à la SCI DBH et ne pouvant juridiquement pas être identifiées par un numéro de cadastre et donc être vendues en l'état', cette proposition de modification n'étant pas d'ailleurs pas contestée par la venderesse.
Le premier juge a exactement relevé que la SCI DBH justifie avoir accompli l'ensemble des diligences nécessaires en vue du déblocage des fonds et de la signature de la vente fixée au 29 février 2016, l'appel de fonds ayant été émis dès le 25 février 2016 malgré l'envoi tardif du projet d'acte de vente en l'état futur d'achèvement par le notaire de la venderesse et du décompte des sommes devant être débloquées ; de plus, elle justifie voir souscrit une assurance au profit de l'immeuble dès le 24 février 2016 et avoir accompli des démarches en vue de la recherche d'un locataire avec qui elle avait régularisé un projet de bail commercial.
Par ailleurs, dans un courrier en date du 23 mars 2016, la BNP Paribas précise avoir reçu un nouvel appel de fonds de Me [G] le 1er mars 2016 et qu'ayant contacté l'étude notariale TSD en vue du transfert des fonds, cette dernière lui a indiqué par téléphone ne pas les accepter et la renvoyer vers Me [G] pour l'envoi des fonds.
Dès lors, la preuve d'une faute commise par la SCI DBH à l'origine du défaut de réalisation de la vente n'est pas rapportée par la société Village des Voiles II, l'acquéreur ayant en outre sollicité la réitération de l'acte dans un courrier de son conseil en date du 7 mars 2016.
Alors même qu'elle a avait consenti à un report de la date de signature de la vente et ainsi renoncé implicitement au bénéfice de la condition suspensive stipulée à son profit et que la SCI DBH justifie avoir accompli toutes les démarches nécessaires en vue du déblocage des fonds, c'est la société Village des Voiles II qui, en arguant unilatéralement de la caducité de la vente dès le 2 mars 2016, a fait délibérément obstacle à la réalisation de la vente.
En conséquence, il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société Village des Voiles II à restituer à la SCI DBH le dépôt de garantie d'un montant de 20 000 euros en application de l'article 8.4.2 de la promesse de vente.
Sur la clause pénale
Aux termes de 1152 du code civil, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre ; néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire ; toute stipulation contraire sera réputée non écrite.
La promesse de vente comporte une clause pénale qui stipule dans son article 9.2.3 que : 'Si une des parties se refuse à exécuter les présentes alors que les conditions suspensives stipulées dans son intérêts sont réalisées, elle devra verser à l'autre partie, à titre de clause pénale, une somme représentant DIX POUR CENT (10%) du prix de vente. Si la somme est due par l'acquéreur, le montant du dépôt de garantie s'imputera à due concurrence'.
Il résulte des développements précédents que l'absence de réitération de la vente est imputable à la société Village des Voiles II, la dernière partie de la clause ne trouvant pas à s'appliquer, la clause pénale étant mise à la charge du vendeur et non de l'acquéreur ; dès lors, le prix de vente étant fixé à 483 000 euros, il y a lieu de condamner la société Village des Voiles II à payer à la SCI DBH la somme de 48 300 euros au titre de la clause pénale, la décision entreprise étant infirmée sur ce point.
Sur les autres demandes
La société Village des Voiles II, partie perdante, doit être condamné aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile.
Il est en outre équitable, vu l'article 700 du même code, qu'elle indemnise la SCI DBH de ses frais irrépétibles par la somme de 3 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
confirme le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne le montant de la pénalité,
statuant à nouveau sur ce point, condamne la SCI Village des Voiles II à payer à la SCI DBH la somme de quarante-huit mille trois cents euros (48 300) avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,
la condamne aux dépens et à payer à la SCI DBH la somme de trois mille euros (3 000) en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier,Le président,
Delphine VerhaegheEtienne Bech