République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 3
ARRÊT DU 15/03/2018
N° de MINUTE : 18/220
N° RG : 16/05407
Jugement (N° 16/00648)
rendu le 28 Juillet 2016
par le juge de l'exécution de Béthune
APPELANTE
Madame [X] [D]
née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1] - de nationalité française
demeurant : [Adresse 1]
Représentée par Me Corinne Rigalle- Dumetz, avocat au barreau de Lille
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 59178002/16/09278 du 25/10/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)
INTIMÉE
SAS Contentia
ayant son siège social : [Adresse 2]
A laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 14 octobre 2016 à personne habilitée, n'a pas constitué avocat
DÉBATS à l'audience publique du 08 Février 2018 tenue par Bénédicte Royer magistrate chargée d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Elisabeth Paramassivane-Delsaut
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Hélène Tapsoba-Château, première présidente de chambre
Bénédicte Royer, conseillère
Emilie Pecqueur, conseillère
ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 Mars 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Hélène Tapsoba-Château, présidente et Elisabeth Paramassivane-Delsaut, greffier, auquel la minute a été remise par la magistrate signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 11 janvier 2018
Le 29 octobre 2015, la société Contentia venant aux droits de la société Cofidis a fait dresser un procès-verbal de saisie-vente au préjudice de Mme [X] [D] sur le fondement d'une ordonnance d'injonction de payer rendue par le tribunal d'instance de Béthune en date du 28 juin 2002, revêtue de la formule exécutoire le 14 novembre 2002, afin d'obtenir paiement d'une somme de 2.946,57 euros en principal, intérêts et frais.
Par acte du 4 octobre 2016, Mme [X] [D] a saisi le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Béthune afin de :
- obtenir la production du titre exécutoire qui fonde les poursuites,
- voir constaté que la dette est pour partie prescrite soit à hauteur des intérêts qui seront dus à compter du 29 octobre 2010,
- se voir autorisée à se libérer de sa dette par paiements mensuels de 50 euros pendant 23 mois, le solde le 24 ème mois,
- voir dire que ses paiements s'imputeront sur le capital,
- se voir exonérée de la majoration du taux d'intérêt.
Par jugement rendu le 28 juillet 2016, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Béthune a':
- Déclaré prescrite la créance de la société Contentia à hauteur des intérêts échus avant le 29 octobre 2005,
- Autorisé Mme [D] à s'acquitter de sa dette au moyen de 23 versements mensuels de 50 euros et un 24ème destiné à apurer la dette en principal, intérêts et frais, ces versements devant intervenir le 5 de chaque mois et pour la première fois le 5 octobre 2016, dit qu'à défaut d'un seul versement à son échéance, Mme [X] [D] sera déchue du bénéfice des délais obtenus, l'intégralité de la dette redevenant immédiatement exigible,
-Débouté Mme [D] de sa demande d'imputation prioritaire de ses versements sur le capital,
- Dit qu'à compter de la présente décision et tant que les délais octroyés seront respectés, le principal portera intérêt au taux légal sans application de la majoration de cinq points prévue à l'article L313-3 du Code monétaire et financier,
- Rappelé que la décision suspend les procédures d'exécution engagées par la société Contentia,
- Condamné Mme [D] aux frais de la procédure de saisie vente initiée par le procès-verbal du 29 octobre 2015,
- Laissé à chaque partie les dépens de l'instance
- Débouté la société Contentia de sa demande en paiement d'une indemnité de procédure.
Par déclaration au greffe en date du 30 août 2016, Mme [D] a interjeté appel du jugement.
Par acte d'huissier en date du 14 octobre 2016 la déclaration d'appel de Mme [D] a été signifiée à la SAS Contentia. La société a été enjointe de constituer avocat dans le délai de quinze jours. La SAS Contentia n'a pas constitué avocat.
Dans ses dernières conclusions signifiées par voie d'huissier le 23 avril 2017, Mme [D] demande à la cour de :
- confirmer le jugement en date du 28 juillet 2016 en ce qu'il lui a accordé des délais de paiement et dit qu'il n'y avait pas lieu à l'application de la majoration de cinq points.
- de l'infirmer en ce qu'il a déclaré prescrite la créance de la société Contentia à hauteur des intérêts déchus avant le 20 octobre 2005 et débouté de sa demande d'imputation prioritaire de ses versements sur le capital.
Elle demande à la cour de :
A titre principal
- Dire et juger que les causes de la saisie et les effets du commandement seront limités aux sommes suivantes':
principal de la créance': 889,98 euros
intérêts du 29 octobre 2013 au 29 octobre 2015, outre les frais
A titre subsidiaire
-Dire et juger que les causes de la saisie et les effets du commandement seront limités aux sommes suivantes'; principal de la créance': 889,98 euros, intérêts du 29 octobre 2010 au 29 octobre 2015, outre les frais
- Dire et juger que les paiements s'imputeront sur le capital
- Condamner la SAS Contentia vendant aux droits de la société COFIDIS aux dépens d'appel et de première instance.
A l'appui de ses prétentions, Mme [D] fait valoir que le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Béthune a confondu la prescription du titre et la prescription des intérêts générés par ce dernier.
Elle explique que le délai de dix ans ne concerne que l'exécution des obligations échues au jour du jugement et que la prescription des intérêts échus postérieurement au jugement de condamnation demeure régie par la prescription quinquennale, étant précisé que la prescription des créances périodiques nées d'une créance en principal fixée par un titre exécutoire à la suite de la fourniture d'un bien ou d'un service par un professionnel à un consommateur est soumise à un délai de deux ans.
De plus, elle énonce que du fait de sa bonne foi et de ses faibles revenus, elle peut obtenir l'imputation sur le capital et un délai de grâce, mais aussi être exonérée de la majoration du taux d'intérêt légal.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2018 et l'affaire plaidée le 8 février 2018 a été mise en délibéré au 15 mars 2018 par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la prescription des intérêts
Il est constant que la loi opère une distinction entre le titre exécutoire et la créance périodique, étant précisé que depuis la réforme issue de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 dont est issu l'article L.111-4 du code des procédures civiles d'exécution, l'exécution des décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire ne peut être poursuivie que pendant dix ans.
Il est par ailleurs exact que cette loi a abrogé l'article 2277 du code civil qui prévoyait un délai de prescription de l'action en recouvrement des intérêts de cinq années.
Il résulte néanmoins des dispositions de l'article 2224 du code civil que le créancier qui peut poursuivre pendant dix ans l'exécution d'un jugement portant condamnation au paiement de sommes payables à termes périodique, ne peut obtenir le recouvrement des arriérés desdites créances périodiques d'intérêts échus plus de cinq ans avant la date de sa demande et non encore exigibles à la date à laquelle le jugement a été obtenu.
Compte tenu de la prescription quinquennale retenue et de la signification du procès-verbal de saisie-vente le 29 octobre 2015, il s'ensuit que les intérêts échus avant le 29 octobre 2010 sont prescrits, raison pour laquelle le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
Sur la demande d'imputation prioritaire des sommes sur le capital
Selon l'ancien article 1244-1 du code civil, toutefois, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
Or, la lettre de cet article ne prévoyait aucunement que le juge qui accordait des délais de paiement ne pouvait à la fois prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront à un taux réduits et dire que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital, comme l'a retenu le juge de l'exécution de Béthune.
Mme [D] justifie se trouver dans une situation financière difficile, raison pour laquelle il sera fait droit à sa demande visant à ce que les paiements soient imputés en priorité sur le capital.
Sur les demandes accessoires
Partie perdante, la société Contentia sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Béthune en date du 28 juillet 2016 sauf en ce qu'il :
- Déclaré prescrite la créance de la société Contentia à l'encontre de Mme [X] [D] en vertu de l'ordonnance du juge du tribunal d'instance de Béthune en date du 22 juin 2002 revêtue de la formule exécutoire le 14 novembre 2002 à hauteur des intérêts échus avant le 29 octobre 2005,
- Débouté Mme [X] [D] de sa demande d'imputation prioritaire de ses versements de capital,
- Laissé à chaque partie la charge des dépens.
Statuant à nouveau
Déclare prescrite la créance de la société Contentia à l'encontre de Mme [X] [D] en vertu de l'ordonnance du juge du tribunal d'instance de Béthune en date du 22 juin 2002 revêtue de la formule exécutoire le 14 novembre 2002 à hauteur des intérêts échus avant le 29 octobre 2010,
Dit que les versements de Mme [X] [D] s'imputeront en priorité sur le capital,
Condamne la société Contentia aux dépens de première instance,
Y ajoutant :
Condamne la société Contentia aux dépens d'appel.
La greffière,La présidente,
E. Paramassivane-DelsautH. Tapsoba-Château