République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 3
ARRÊT DU 14/06/2018
N° de MINUTE :
N° RG : N° RG 16/01493
Jugement (N° 13/00335)
rendu le 01 Avril 2015
par le juge de l'exécution de Lille
APPELANTS
Monsieur Albert X...
de nationalité française
demeurant [...]
Madame D... Y...
de nationalité française
demeurant [...]
Représentés par Me Christian Z..., avocat au barreau de lille substitués par Me A..., avocat
INTIMÉES
Sa Credit du Nord
ayant son siège social : [...]
N'a pas constitué avocat
Société la Direction Generale des Finances Publiques
[...]
N'a pas constitué avocat
Société Tresorerie Lille Amendes
ayant son siège social : [...]
N'a pas constitué avocat
Sa Bnp Parisbas
ayant son siège social : [...]
N'a pas constitué avocat
Sa Patronale Life
ayant son siège social : [...]
Représentée par Me Caroline B..., avocat au barreau de Lille
DÉBATS à l'audience publique du 06 Juillet 2017 tenue par Catherine C... magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Elisabeth Paramassivane-Delsaut
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Martine Battais, président de chambre
Catherine C..., conseiller
Hélène Billieres, conseiller
ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2018 après prorogation du délibéré du 28 septembre 2017 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Martine Battais, président et Elisabeth Paramassivane-Delsaut, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Vu les jugements prononcés par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lille le 1er avril 2015 et le 3 février 2016 ;
Vu l'appel formé le 9 mars 2016 pour M. Albert X... et Mme D...
Y... ;
Vu la requête aux fins d'être autorisés à procéder à jour fixe formée le 16 mars 2016 pour M. Albert X... et Mme D... Y..., appelants ;
Vu l'ordonnance de M. le premier président de la cour d'appel de Douai en date du 18 avril 2016 autorisant M. Albert X... et Mme D... Y... à assigner à jour fixe la SA Patronale Life, la Direction générale des finances publiques, la Trésorerie Lille Amendes, la SA Crédit du Nord et la SA BNP Paribas devant cette chambre pour l'audience du 13 octobre 2016 ;
Vu l'assignation à jour fixe délivrée le 3 août 2016 à la SA Patronale Life,
intimée ;
Vu l'assignation à jour fixe délivrée le 4 août 2016 à la Direction générale des finances publiques de Lille, intimée qui n'a pas constitué avocat ;
Vu l'assignation à jour fixe délivré le 4 août 2016 à la Trésorerie Lille Amendes, intimée qui n'a pas constitué avocat ;
Vu l'assignation à jour fixe délivré le 4 août 2016 à la SA Crédit du Nord, intimée qui n'a pas constitué avocat ;
Vu l'assignation à jour fixe délivré le 8 août 2016 à la SA BNP Paribas, intimée qui n'a pas constitué avocat ;
Vu la mention au dossier en date du 30 mars 2017 ;
Vu les conclusions récapitulatives n°2 transmises par voie électronique le 5 juillet 2017 pour M. Albert X... et Mme D... Y..., appelants ;
Vu les conclusions récapitulatives n°3 transmises par voie électronique le 30 juin 2017 pour la SA Patronale Life, intimée ;
***
Par acte d'huissier en date du 11 septembre 2013, la société dénommée 'Patronale Life', société anonyme de droit belge, a fait délivrer à M. Albert X... et Mme D... Y... un commandement aux fins de saisie immobilière portant sur un immeuble situé [...] , figurant au cadastre section [...] , [...] et [...].
Ce commandement a été publié le 14 octobre 2013 au service de la publicité foncière de Lille 2, volume 2013 S n°103.
Par acte d'huissier en date du 13 décembre 2013, la société Patronale Life a fait assigner M. X... et Mme Y... à comparaître à l'audience d'orientation du 5 février 2014.
Le cahier des conditions de vente a été déposé au greffe du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lille le 18 décembre 2013.
Le 3 février 2014, la Trésorerie de Lille amendes a déclaré une créance de 12080,17 euros.
À l'audience du 17 décembre 2014, la société Patronale Life, représentée par avocat, a demandé au juge de l'exécution de :
- déclarer M. X... irrecevable ou mal fondé dans ses contestations
- constater que les créances de la banque Patronale Life s'élèvent respectivement aux sommes de :
- 883286,76 euros selon décompte arrêté au 16 mai 2013, outre intérêts postérieurs au taux journalier de 0,0273 % sur le principal de 683979,78 euros
- 159390,26 euros selon décompte arrêté au 16 mai 2013, outre intérêts postérieurs au taux journalier de 0,0273 % sur le principal de 123970,74 euros
- 382876,94 euros selon décompte arrêté au 16 mai 2013, outre intérêts postérieurs au taux journalier de 0,0273 % sur le principal de 298780,06 euros
- 64325,38 euros selon décompte arrêté au 16 mai 2013, outre intérêts postérieurs au taux journalier de 0,0273 % sur le principal de 58449,58 euros
- 15472,12 euros selon décompte arrêté au 16 mai 2013, outre intérêts postérieurs au taux journalier de 0,0273 % sur le principal de 125658 euros
- 49965,33 euros selon décompte arrêté au 16 mai 2013, outre intérêts postérieurs au taux journalier de 0,0273 % sur le principal de 40000 euros
- à défaut de proposition de vente amiable satisfaisante, ordonner la vente forcée de l'immeuble sis à [...] sur la mise à prix de 90000 euros
- fixer la date de l'audience d'adjudication des droits et biens immobiliers susvisés
- déterminer les modalités de visite des biens saisis.
M. X... et Mme Y..., représentés par avocat, ont demandé au juge de l'exécution de :
- dire que les prêts sont soumis au taux d'intérêt légal et, avant-dire droit, enjoindre à la société Patronale Life de produire un décompte rectifié
- enjoindre la société Patronale Life de justifier des autres prêts sur lesquels la somme de 278000 euros a été imputée
- ordonner le cantonnement de la saisie à l'immeuble sis [...] et dire qu'il sera sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la vente de cet immeuble.
Par jugement avant dire droit en date du 1er avril 2015, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lille a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 1er juillet 2015 pour production par la société Patronale Life d'un décompte de sa créance expurgé des intérêts majorés, de l'indemnité de remploi et des dommages-intérêts pour expropriation en ce qui concerne le prêt de 700000 euros consenti aux termes de l'acte de Maître E..., du 6 juillet 2010, et a réservé l'ensemble des demandes.
À l'audience du 21 octobre 2015, la société Patronale Life, représentée par avocat, a indiqué produire le décompte expurgé visé dans la cause de réouverture des débats et établi provisoirement à la date du 16 mai 2013 dont il ressortait une créance en principal, frais et intérêts d'un montant de 798467,68 euros.
M. X... et Mme Y..., représentés par avocat, ont contesté le décompte produit par le créancier poursuivant et ont demandé au juge de l'exécution de :
- dire que les prêts sont soumis au taux d'intérêt légal et, avant-dire droit, enjoindre à la société Patronale Life de produire un décompte rectifié
- enjoindre la société Patronale Life à justifier de la réalité de ses créances et à produire des décomptes rectifiés
- enjoindre la société Patronale Life de justifier des autres prêts sur lesquels la somme de 278000 euros a été imputée
- ordonner le cantonnement de la saisie à l'immeuble sis [...] et dire qu'il sera sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la vente de cet immeuble
Par jugement en date du 3 février 2016, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lille :
- mentionne le montant retenu pour les créances de la société Patronale Life comme s'élevant aux sommes suivantes :
- 787806,92 euros selon décompte arrêté au 16 mai 2013, outre les intérêts postérieurs au taux journalier de 0,0269589 % sur le principal de 674004,76 euros
- 159390,26 euros selon décompte provisoire arrêté au 16 mai 2013, outre les intérêts postérieurs au taux journalier de 0,0273 % sur le principal de 123970,74 euros
- 382876,94 euros selon décompte provisoire arrêté au 16 mai 2013, outre les intérêts postérieurs au taux journalier de 0,0273 % sur le principal de 298780,06 euros
- 64325,38 euros selon décompte provisoire arrêté au 12 août 2014, outre les intérêts postérieurs au taux journalier de 0,0273 % sur le principal de 58449,58 euros
- 49965,33 euros selon décompte provisoire arrêté au 16 mai 2013, outre les intérêts postérieurs au taux journalier de 0,0273 % sur le principal de 40000 euros
- 154 726,12 euros selon décompte provisoire arrêté au 16 mai 2013, outre les intérêts postérieurs au taux journalier de 0,0273 % sur le principal de 125658 euros
(et ce, sans préjudice de l'imputation de tout encaissement effectué postérieurement aux arrêtés de compte provisoire)
- déboute M. X... et Mme Y... du surplus de leurs contestations et demandes
- ordonne la vente aux enchères publiques du bien saisi sur la mise à prix fixée au cahier des conditions de vente
- dit que la vente aura lieu à l'audience du 18 mai 2016
- détermine les modalités de visite des biens saisis
- dit que les dépens seront compris dans les frais de vente soumis à taxe.
M. X... et Mme Y... ont relevé appel de ces jugements le 9 mars 2016.
Par mention au dossier en date du 30 mars 2017, la réouverture des débats a été ordonnée à l'audience du 6 juillet 2017 afin que les parties fassent valoir leurs observations sur le moyen relevé d'office par la cour tiré de l'irrecevabilité, au regard des dispositions de l'article R 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, des contestations et demandes relatives au taux effectif global concernant les actes de prêt souscrits auprès de la société Patronale Life, au déblocage des fonds concernant l'acte de prêt du 27 mars 2012 et à la vente amiable, formées par les appelants.
Par conclusions récapitulatives après réouverture des débats transmises par voie électronique le 5 juillet 2017, M. X... et Mme Y... demandent à la cour de :
- réformer les jugements du 1er avril 2015 et du 3 février 2016 en ce qu'ils ont fixé les créances de la société Patronale Life et :
* dire les demandes des consorts X... Y... recevables
* dire que les prêts sont soumis au droit français et constater le défaut de respect des dispositions des articles du code de la consommation et de l'article 1907 du Code civil
* dire que les prêts sont soumis au taux d'intérêt légal et, avant-dire droit, enjoindre à la société Patronale Life de produire un décompte rectifié
* constater dire et juger que la société Patronale Life ne justifie pas du déblocage complet du crédit logement avance 3 contenu dans l'acte du 27 mars 2012 et rejeter cette demande
* enjoindre la société Patronale Life à justifier de la réalité de ses créances et à produire des décomptes rectifiés
- à titre infiniment subsidiaire, autoriser la vente amiable
- condamner la société Patronale Life à payer à Mme Y... et à M. X... la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- la condamner aux dépens.
Par conclusions récapitulatives après réouverture des débats transmises par voie électronique le 30 juin 2017, la société Patronale Life demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lille le 3 février 2016 concernant le montant des créances de la banque Patronale Life
- déclarer irrecevables les demandes relatives à la vente amiable de l'immeuble, à l'irrégularité du taux effectif global et au déblocage partiel de l'avance 3 contenu dans l'acte du 27 mars 2012
- ordonner la prorogation pour une durée de deux années des effets du commandement de payer valant saisie délivré le 11 septembre 2013 et publié le 14 octobre 2013 volume 2013 S n°103
- condamner les consorts X... à payer à la banque Patronale Life la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de l'instance.
Selon ce qu'autorise l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé du surplus de leurs moyens.
À l'audience de plaidoiries du 6 juillet 2017, la société Patronale Life indique que la demande de prorogation des effets du commandement aux fins de saisie immobilière est devenue sans objet.
Sur ce,
Attendu qu'aux termes de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, « les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif » ;
Attendu qu'il sera relevé que M. X... et Mme Y... ne forment dans le dispositif de leurs conclusions récapitulatives d'appel aucune demande de cantonnement de la saisie à l'ensemble immobilier sis [...] ni aucune demande de suspension de la procédure de saisie immobilière sur l'immeuble sis [...] ;
Sur la demande relative à la déchéance du droit aux intérêts contractuels
Attendu qu'aux termes de l'article 3 du règlement (CE) n° 593/2008 du 17 juin 2008 applicable aux obligations contractuelles :
"1. Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat.
[...].
3. Lorsque tous les autres éléments de la situation sont localisés, au moment de ce choix, dans un pays autre que celui dont la loi est choisie, le choix des parties ne porte pas atteinte à l'application des dispositions auxquelles la loi de cet autre pays ne permet pas de déroger par accord. [...]."
Que l'article 6 du même règlement, relatif aux "contrats de consommation", dispose que :
"1. Sans préjudice des articles 5 et 7, un contrat conclu par une personne physique (ci-après "le consommateur"), pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, avec une autre personne (ci-après "le professionnel"), agissant dans l'exercice de son activité professionnelle, est régi par la loi du pays où le consommateur a sa résidence habituelle, à condition que le professionnel :
a) exerce son activité professionnelle dans le pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, ou
b) par tout moyen, dirige cette activité vers ce pays ou vers plusieurs pays, dont celui-ci,
et que le contrat rentre dans le cadre de cette activité.
2. Nonobstant les dispositions du paragraphe 1, les parties peuvent choisir la loi applicable à un contrat satisfaisant aux conditions du paragraphe 1, conformément à l'article 3. Ce choix ne peut cependant avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui aurait été applicable, en l'absence de choix, sur la base du paragraphe 1.
3. Si les conditions établies au paragraphe 1, point a) ou b), ne sont pas remplies, la loi applicable à un contrat entre un consommateur et un professionnel est déterminé conformément aux articles 3 et 4. [...]." ;
Attendu que la procédure de saisie immobilière en cause est mise en oeuvre sur le fondement de trois actes notariés revêtus de la formule exécutoire, en l'occurrence :
* Un acte authentique de prêt reçu par Maître Edouard E..., notaire associé à Lille, en date du 6 juillet 2010, contenant :
- prêt par la société Patronale Life à M. X... d'un montant de 700000 euros, moyennant diverses clauses, charges et conditions reprises dans l'acte de Maître E...
- cautionnement hypothécaire de Mme D... Rose Y..., portant sur un immeuble sis [...]
- inscription d'hypothèque conventionnelle sur l'immeuble sis [...]
- cession de rang consentie par la BNP Paribas, banque prêteuse de deniers pour l'acquisition de l'immeuble de Lille
* Un acte authentique de prêt reçu par Maître Frédéric F..., notaire associé à Lille, en date du 4 et 5 mai 2011 contenant :
- prêt par la société Patronale Life à M. X... d'un montant global de 425000 euros, en deux crédits logement de 125000 euros et 300000 euros, moyennant diverses clauses, charges et conditions reprises dans l'acte de Maître F...
- cautionnement hypothécaire de Mme D... Rose Y..., portant sur un immeuble sis [...]
- affectation hypothécaire de l'immeuble sis [...]
- cession d'antériorité consentie par la BNP Paribas
* Un acte authentique de prêt reçu par Maître Frédéric F..., notaire associé à Lille, en date du 27 mars 2012 contenant :
- prêt par la société Patronale Life à M. X... d'un montant de 451000 euros, en trois crédits logement de 284342 euros, 80000 euros et 85658 euros, moyennant diverses clauses, charges et conditions reprises dans l'acte de Maître F...
- cautionnement hypothécaire de Mme D... Rose Y..., portant sur un immeuble sis [...]
- affectation hypothécaire de l'immeuble sis [...]
- cession d'antériorité consentie par la BNP Paribas ;
Qu'il ressort des dispositions contractuelles et des annexes de ces trois actes notariés exécutoires que les parties ont convenu de soumettre les différents crédits souscrits (ouverture de crédit, crédits logement, crédits hypothécaires) au droit belge ;
Attendu que M. X... et Mme Y... invoquant les dispositions de l'article 6 du règlement (CE) n° 593/2008 du 17 juin 2008, le fait que sous l'empire de la convention de Rome qui prévoit aussi la liberté de choix de la loi applicable, la Cour de Cassation a indiqué dans un arrêt du 23 mai 2006 que le choix des parties ne pouvait déroger à l'application des dispositions du code de la consommation et la loi belge sur le crédit hypothécaire dont l'article 1 réserve son application aux personnes ayant au moment de la conclusion du contrat leur résidence habituelle en Belgique, et faisant valoir que la plupart des prêts consentis, objet de la présente procédure, constituent des prêts immobiliers consentis à une personne française établie en France pour le financement d'un immeuble situé en France de sorte que les contrats présentent les liens les plus étroits avec la France et que seules les dispositions de la loi française peuvent recevoir application, et qu'il n'est pas contestable que M. X... doit être considéré comme un consommateur au sens du règlement européen dès lors que les prêts n'ont pas été souscrits pour son activité professionnelle mais qu'il a seulement souhaité effectuer un investissement immobilier qui ne lui fait pas perdre la qualité de consommateur, soutiennent que la loi belge n'est pas applicable et que seules les dispositions du code de la consommation doivent recevoir application et que n'étant pas contestable que la société Patronale Life s'est affranchie des dispositions protectrices des articles L 312-1 à L 312-36 du code de la consommation pour les prêts des 5 mai 2011 et 27 mars 2012, les prêts sont soumis au taux d'intérêt légal ; qu'ils font valoir également qu'il est inexact de dire, comme l'a retenu le premier juge, que tous les prêts ont pour objet le refinancement de prêts BNP Paribas et Crédit agricole et sont exclus du bénéfice des dispositions des articles "L 313-1" et suivants du code de la consommation, de sorte que les dispositions du code de la consommation doivent recevoir application ;
Mais attendu qu'il ressortdes dispositions particulières figurant dans les trois actes notariés exécutoires que les crédits logement ont notamment pour but le refinancement de prêts (cf page 8 de l'acte notarié exécutoire du 6 juillet 2010 : "le crédit logement a pour but le refinancement de prêts, notamment auprès de la BNP Paribas et Crédit agricole" ; cf page 9 de l'acte notarié exécutoire du 4 et 5 mai 2011 : "le crédit logement [avance 1] a pour but le refinancement du prêt auprès de la BNP Paribas" ; cf page 9 de l'acte notarié exécutoire du 27 mars 2012 : "le crédit logement [avance 2] a pour but l'apurement total de l'arriéré des 3 emprunts [...], [...] et [...] ;
Que les prêts destinés à financer le regroupement de divers crédits immobiliers ayant permis l'acquisition d'un immeuble d'habitation étant exclus du champ d'application des dispositions du code de la consommation sur le crédit immobilier, c'est exactement que le premier juge relevant qu'à l'examen de leurs conditions générales et particulières, les contrats qualifiés par les parties de crédit hypothécaire, crédit logement, ouverture de crédit avaient notamment pour objet le refinancement de prêts BNP Paribas et Crédit agricole, a considéré que ces contrats relevaient des exclusions de l'article L 312-3 (ancien) du code de la consommation et qu'en conséquence, la déchéance du droit aux intérêts contractuels pour non-respect des dispositions des articles L 312-1 à L 312-6 (anciens) du code de la consommation n'était pas encourue ;
***
Attendu qu'aux termes de l'article R 311-5 du code des procédures civiles d'exécution dont les dispositions sont d'ordre public, « à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R 322-15 à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. Dans ce cas, la contestation ou la demande incidente est formée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'acte» ;
Qu'il résulte de ce texte qui est d'interprétation stricte que l'effet dévolutif de l'appel du jugement d'orientation est limité aux contestations et demandes incidentes formées au plus tard le jour de l'audience d'orientation dès lors qu'elles ne portent pas sur des actes de procédure postérieurs à celle-ci, et qu'aucun moyen de fait ou de droit ne peut être formulé pour la première fois devant la cour d'appel à l'appui d'une contestation des poursuites ;
Attendu qu'en cause d'appel, M. X... et Mme Y... soutiennent que les dispositions relatives au "TAEG" doivent recevoir application quelque puisse être la qualité de M. X... dès lors que seule la loi française peut recevoir application (en raison de l'article 1 de la loi belge sur le crédit hypothécaire excluant son application) et que les différents actes ne mentionnant aucunement le taux effectif global, le défaut de respect de l'article 1907 du code civil est patent, de sorte que la banque Patronale Life doit être déchue des intérêts contractuels ; qu'ils prétendent que cette contestation est recevable au motif que dans leurs conclusions de première instance, ils remettaient en cause le défaut de respect des dispositions de l'article L 312-8 du code de la consommation qui mentionne l'article L 313-1 du code de la consommation qui fait expressément référence au taux effectif global et que la seule nouveauté contenue dans leurs conclusions d'appel est la référence à l'article 1907 du Code civil, ce qui ne saurait être considéré comme un élément nouveau ;
Mais attendu que contrairement à ce que prétendent M. X... et Mme Y..., ces derniers n'ont nullement formé en première instance une contestation relative au taux effectif global puisque dans le dernier état de leurs conclusions développées à l'audience d'orientation, ils se sont bornés à dire qu' "il n'est pas contestable que la société Patronale Life s'est affranchie des dispositions protectrices des articles L 312-1 à L 312-36 du code de la consommation pour les prêts des 5 mai 2011 et 27 mars 2012, que sous l'empire de la convention de Rome qui prévoit aussi la liberté de choix de la loi applicable, la Cour de Cassation a indiqué que le choix des parties ne pouvait déroger à l'application des dispositions des articles L 312-1 à L 312-6 du code de la consommation, qu'il apparaît que le défaut de respect des dispositions protectrices des articles précités engage la responsabilité de la société Patronale Life et que M. X... est bien fondé, faute de respect notamment des dispositions des articles L 312-8, L 312-10, à solliciter que la société Patronale Life soit déchue des intérêts contractuels pour les prêts soumis au code de la consommation, et qu'en tout état de cause, la société Patronale Life ne produit pas la teneur de la loi belge, empêchant ainsi le tribunal de vérifier son respect" ; qu'il en ressort que M. X... et Mme Y... se sont bornés à invoquer simplement une violation des articles L 132-1 et suivants du code de la consommation sans préciser en quoi les contrats de prêt étaient irréguliers au regard de ces articles et sans se prévaloir d'une irrégularité du taux effectif global (raison pour laquelle d'ailleurs la question du taux effectif global n'a pas été débattue à l'audience d'orientation par la société Patronale Life ni été évoquée dans le jugement d'orientation) ;
Qu'il s'ensuit que la contestation du taux effectif global des prêts en cause qui est formée par M. X... et Mme Y... pour la première fois en cause appel et qui ne porte pas sur des actes de procédure postérieurs à l'audience d'orientation, est irrecevable en application de l'article R 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, la cour ne pouvant que réexaminer les contestations, demandes et moyens formés et débattus devant le premier juge ;
Sur la demande relative au déblocage du crédit logement avance 3
Attendu qu'en cause d'appel, M. X... et Mme Y... demandent à la cour de constater, dire et juger que la société Patronale Life ne justifie pas du déblocage complet du crédit logement avance 3 contenu dans l'acte du 27 mars 2012 et de rejeter cette demande, reprochant au premier juge d'avoir ignoré ce point alors qu'ils auraient contesté le fait que la banque Patronale Life ait procédé au déblocage complet de la somme de 85 658 euros au titre du crédit logement avance 3 pour lequel l'acte prévoyait un déblocage par tranches ;
Attendu cependant que dans leurs conclusions développées à l'audience d'orientation, M. X... et Mme Y... se sont bornés à indiquer que "en outre, la société Patronale Life ne justifie pas du déblocage complet de la somme de 85658 euros au titre de l'avance 3", sans en tirer aucune conséquence juridique ni former de demande de ce chef ;
Que dès lors, la demande de M. X... et Mme Y... relative au déblocage du crédit logement avance 3 qui est formée pour la première fois en cause d'appel, est irrecevable en application de l'article R 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, étant relevé au demeurant que M. X... et Mme Y... ne prétendent pas que la société Patronale Life demande le remboursement de sommes non débloquées ;
Sur le montant des créances
Attendu qu'en ce qui concerne les actes notariés de prêt du 4 et 5 mai 2011 et du 27 mars 2012, les conditions générales de l'ouverture de crédit et des crédits logement figurant dans ces actes prévoient expressément que "en cas de remboursement anticipé total ou partiel, les emprunteurs devront payer une indemnité de remploi correspondant à trois mois d'intérêts calculés sur le montant remboursé par anticipation et au taux d'intérêt convenu. Une indemnité analogue sera due par les emprunteurs en cas de remboursement anticipé forcé" (cf clause 7.8 en page 15 de l'acte notarié du 4 et 5 mai 2011 et clause 8.8 en page 15 de l'acte notarié du 27 mars 2012, relatives à l'indemnité de remploi) ;
Qu'au regard de ces dispositions contractuelles qui sont claires, M. X... et Mme Y... ne sont pas fondés à soutenir que l'indemnité de remploi n'est prévue qu'en cas de remboursement anticipé et que ses modalités de calcul ne sont pas précisées ;
Que les conditions générales de l'ouverture de crédit et des crédits logement figurant dans les actes notariés prévoient également que "tous les frais - tels que visés à l'article 11 de la loi relative au crédit hypothécaire - auxquels l'ouverture de crédit ou ses garanties donnent ou donneront lieu sont à la charge des emprunteurs" (cf clause 7.6.3 en page 14 de l'acte notarié du 4 et 5 mai 2011 et clause 8.6.3 en page 15 de l'acte notarié du 27 mars 2012, relatives aux frais) ;
Que les conditions générales de l'ouverture de crédit et des crédits logement prévoient encore qu' "à défaut de paiement des intérêts dus à leur échéance (ou à l'échéance de la charge périodique dans laquelle ces intérêts sont inclus), le taux d'intérêt pour cette échéance sera majoré d'un demi pour cent par an. À défaut d'amortissement du capital à son échéance (ou à l'échéance de la charge périodique dans laquelle ce capital est inclus) ou à défaut de paiement du versement de reconstitution à son échéance, cet amortissement ou ce versement de reconstitution produiront des intérêts calculés au même taux majoré et ce à partir de l'échéance jusqu'au jour du paiement..." (cf clause 7.9 en page 15 de l'acte notarié du 4 et 5 mai 2011 et clause 8.9 en page 16 de l'acte notarié du 27 mars 2012, relatives au défaut de paiement) ;
Qu'enfin, la société Patronale Life justifie que l'expression "Onbetaalde rente" signifie en français "intérêts impayés" et que le poste de créance dit "Onbetaalde rente" correspond aux intérêts dus au taux contractuel non majoré ;
Que c'est donc exactement que le premier juge, relevant que l'indemnité de remploi était expressément prévue aux termes des conditions générales disposant que cette indemnité était due par les emprunteurs en cas de remboursement anticipé forcé ce qui était le cas en l'espèce s'agissant de la notification faite par le prêteur de la déchéance du terme, que les conditions générales mettaient à la charge des emprunteurs tous les frais tels que visés à l'article 11 de la loi relative au crédit hypothécaire, auxquels l'ouverture de crédit ou ses garanties donnaient ou donneraient lieu, tels les dommages-intérêts liés à l'expropriation et que les dispositions contractuelles établissaient la justesse du décompte des intérêts contractuels et contractuels majorés, a considéré que les postes de créances que constituaient l'indemnité de remploi, les frais et dommages-intérêts étaient contestés à tort s'agissant des actes authentiques des 5 mai 2011 et 27 mars 2012, et a en conséquence, au vu des tableaux d'amortissement et au vu des décomptes de créances produits, mentionné le montant retenu pour les créances de la société Patronale Life aux sommes suivantes :
* au titre du prêt notarié du 4 et 5 mai 2011 d'un montant de 425 000 euros, aux sommes de :
- 159390,26 euros en ce qui concerne le crédit logement de 125000 euros
- 382876,94 euros en ce qui concerne le crédit logement de 300000 euros
* au titre du prêt notarié du 27 mars 2012 d'un montant de 450000 euros, aux sommes de :
- 64325,28 euros en ce qui concerne le crédit logement de 284342 euros, étant relevé que l'imputation de la somme de 278000 euros sur cette créance n'est pas contestée
- 49965,33 euros en ce qui concerne le crédit logement de 40000 euros
- 154726,12 euros en ce qui concerne le crédit logement de 125658
euros ;
Que le jugement sera donc confirmé du chef du montant retenu pour ces
créances ;
***
Attendu qu'en ce qui concerne l'acte notarié de prêt du 6 juillet 2010, les parties ne critiquent pas le jugement entrepris en ce que le premier juge, après avoir relevé qu'aucune des précisions contractuelles relevées dans les actes du 5 mai 2011 et du 27 mars 2012 concernant l'indemnité de remploi, les frais et dommages-intérêts n'y figuraient et après avoir estimé que la référence faite dans l'acte authentique à la loi du 4 août 1992 sur le crédit hypothécaire dont la recherche de la teneur incombait au juge, ne pouvait pallier les absences ou imprécisions puisqu'en son article 14 du chapitre IV la loi disposait qu'avant la signature du contrat, le prêteur devait fournir au candidat-emprunteur une offre écrite qui contenait toutes les conditions du contrat, a considéré que le décompte de la créance ne pouvait inclure l'indemnité de remploi non prévue en cas de remboursement anticipé forcé, les intérêts majorés, les dommages-intérêts pour expropriation et les frais en cas de défaillance de l'emprunteur ;
Que dès lors, au vu du tableau d'amortissement et du décompte de la créance rectifié produit par la société Patronale Life à la suite de la réouverture des débats ordonnée par le premier juge, le jugement sera confirmé en ce qu'il a mentionné le montant retenu pour la créance de la société Patronale Life au titre du prêt notarié du 6 juillet 2010 d'un montant de 700000 euros, à la somme de 787806,92 euros, n'étant pas démontré que le décompte de la créance, expurgé des intérêts majorés et des dommages-intérêts, serait erroné, notamment ce qui concerne le montant des échéances impayées et le montant des intérêts impayés ;
Sur la demande de vente amiable et l'orientation de la procédure de saisie immobilière
Attendu que M. X... et Mme Y... sollicitent pour la première fois en appel du jugement d'orientation l'autorisation de vendre à l'amiable le bien immobilier saisi ;
Mais attendu que cette demande de vente amiable qui constitue une demande incidente puisqu'il s'agit d'une demande accessoire à la procédure de saisie immobilière, qui n'a pas été formée à l'audience d'orientation, est irrecevable en application des dispositions d'ordre public de l'article R 311-5 du code des procédures civiles d'exécution qui sont d'interprétation stricte ;
Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a ordonné la vente aux enchères publiques du bien saisi sur la mise à prix fixée par le créancier poursuivant au cahier des conditions de vente ;
Sur la prorogation des effets du commandement de payer valant saisie
Attendu qu'il y a lieu de constater qu'à l'audience, la société Patronale Life indique que la demande de prorogation des effets du commandement de payer valant saisie est devenue sans objet et ne maintient pas sa demande de ce chef ;
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Attendu que le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que les dépens seront compris dans les frais de vente soumis à taxe ;
Qu'en cause d'appel, M. X... et Mme Y..., partie succombante, seront condamnés aux dépens par application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et à payer à la société Patronale Life la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Constate que la société Patronale Life ne maintient pas sa demande de prorogation des effets du commandement de payer valant saisie ;
Déclare irrecevables les contestations et demandes de M. Albert X... et Mme D... Y... relatives au taux effectif global, au déblocage du crédit logement avance 3 contenu dans l'acte du 27 mars 2012 et à la vente amiable de l'immeuble saisi ;
Confirme le jugement entrepris ;
Y ajoutant
Condamne M. Albert X... et Mme D... Y... à payer à la société Patronale Life la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne M. Albert X... et Mme D... Y... aux dépens d'appel.
Le greffier, Le président,
E. G... M. Battais