République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 04/10/2018
***
N° de MINUTE :
N° RG 17/01166 - N° Portalis DBVT-V-B7B-QPD3
Jugement (N° 15/00296)
rendu le 15 Décembre 2016 par le tribunal de grande instance de Douai
APPELANTE
Mme Jocelyne D...
née le [...] à Auffargis (78610)
demeurant [...]
représentée et assisté de Me Antoine Vaast, membre de la SELARL Vaast Deliquis Martinuzzo, avocat au barreau d'Arras
INTIMÉE
SARL X... Généalogistes Associés
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [...] 10
représentée par Me Virginie Y..., membre de la SCP Dominique Y... Virginie Y..., avocat au barreau de Douai
assistée de Me Jean Daniel Z..., avocat au barreau de Paris, substitué à l'audience par Me Sophie A..., avocat
DÉBATS à l'audience publique du 12 avril 2018 tenue par Emmanuelle B... magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Etienne Bech, président de chambre
Bruno Poupet, conseiller
Emmanuelle B..., conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 octobre 2018 après prorogation du délibéré en date du 28 juin 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Emmanuelle B..., conseiller en remplacement de M. Etienne Bech, président empêché et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 15 février 2018
***
M. Marc Gaston C..., né le [...] à Suresnes (Hauts-de-Seine), est décédé le [...] au Perray-en-Yvelines (Yvelines).
La SARL X... Généalogistes Associés (ci-après dénommée la société X...), faisant valoir que son intervention avait été utile à Mme Jocelyne D..., parente au cinquième degré du défunt, pour connaître et établir ses droits dans la succession de celui-ci, l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Douai sur le fondement des dispositions des articles 1370, 1371 et 1382 du code civil, aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement :
- d'une somme correspondant à 20 % HT des actifs nets perçus ou à percevoir par elle, en ce y compris tous éventuels capitaux d'assurance-vie, à titre de rémunération et indemnisation de ses frais,
- de la somme d'un euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,
- de la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de la SCP Y....
Par jugement en date du 15 décembre 2016, le tribunal a :
- fixé la rémunération de la SARL X... Généalogistes Associés dans le cadre de l'établissement de la dévolution successorale de Marc C... et de son arbre généalogique ayant permis de régulariser l'acte de notoriété dressé le 29 juillet 2014 par Me Hervé E..., notaire au Perray en Yvelines (78), à 8 % HT de l'actif net successoral, en ce compris tous les éventuels capitaux d'assurance-vie, perçu ou à percevoir par Mme D... dans le cadre de la succession de Marc C..., et au besoin condamné Mme D... à payer cette somme à la société X... ;
- condamné Mme D... à payer à la SARL X... Généalogistes Associés la somme de 1 euro à titre de réparation de son préjudice moral pour résistance abusive;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- condamné Mme D... à payer à la SARL X... Généalogistes Associés la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme D... aux dépens avec distraction au profit de la SCP D.Y..., V. Y..., avocats, et Me Olivia F..., avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.
Par déclaration en date du 17 février 2017, Mme D... a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 10 janvier 2018, elle sollicite l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'il a fait droit à la demande de rémunération de la SARL X... Généalogistes Associés à 8 % HT de l'actif net successoral en ce compris les capitaux d'assurance-vie et demande à la cour, statuant à nouveau, de :
- débouter la SARL X... Généalogistes Associés de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner la société X... au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- condamner la société X... au paiement de la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :
- ses écritures ne sont pas une réponse aux conclusions d'incident mais sont destinées à développer l'appel principal de sorte qu'elles sont recevables ;
- il incombe au notaire de recourir aux services d'un généalogiste mais uniquement après avoir procédé à des investigations propres à l'identification des héritiers jusqu'au 6ème degré ;
- il est démontré que la convention proposée n'avait pas de cause ;
- aucune convention n'ayant été signée, le généalogiste doit rapporter la preuve de l'utilité et du caractère déterminant de son intervention pour prétendre à un droit à rémunération ;
- elle conservait des contacts qui devaient lui permettre de prendre connaissance du décès de son cousin à plus ou moins brève échéance ;
- l'examen des arbres généalogiques communiqués démontre que la recherche est limitée voire inutile ;
- la recherche d'un hypothétique héritier inconnu de celui qui s'est manifesté, nécessite une démarche contractuelle tarifée selon une grille de prix ou un barème pré-établi.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 2 février 2018, la SARL X... Généalogistes Associés soulève in limine litis l'irrecevabilité des conclusions récapitulatives de Mme D... et sur le fond, sollicite la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a jugé du caractère utile de son intervention et son infirmation en ce qu'elle a limité l'utilité de cette intervention à la seule justification des droits de l'héritière. Elle demande à la cour, statuant à nouveau sur ce point, de condamner MmeD... à lui payer la somme de 20 % HT des actifs nets perçus ou à percevoir, en ce compris tous éventuels capitaux d'assurance-vie, à titre de rémunération et indemnisation de ses frais. A titre reconventionnel, elle sollicite la condamnation de l'appelante au paiement de la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de la SCPY....
Elle soutient que :
- ayant déposé ses conclusions d'intimée et aux fins d'appel incident le 8 juin 2017, Mme D... avait jusqu'au 8 août pour déposer ses écritures en réponse en application de l'article 910 du code de procédure civile ;
- il appartient à Mme D... de démontrer qu'elle avait connaissance du décès de M.C... antérieurement à son intervention et qu'elle était à même de faire valoir ses droits, s'agissant de conditions cumulatives ;
- les pièces produites aux débats démontrent l'absence quasi-totale des relations existant entre Mme D... et son cousin alors même qu'aucun membre de la famille n'était présent lors des obsèques de ce dernier ;
- son travail a permis de confirmer que Mme D... était la seule héritière dans sa ligne et de prouver l'inexistence d'autres héritiers vivants dans l'autre ligne ;
- le service rendu par le généalogiste s'apprécie au regard du respect de deux obligations substantielles consistant en la révélation et la justification de droits successoraux au moyen d'une dévolution exhaustive ;
- le caractère déterminant des recherches effectuées est démontré par l'acte de notoriété établi par le notaire le 29 juillet 2014, acte établissant la qualité héréditaire des ayants droit auquel sont annexés les tableaux généalogiques certifiés par l'Etude X...;
- Mme D... a signé la déclaration de succession du 13 octobre 2014 aux termes de laquelle sa qualité d'unique héritière 'résulte du tableau généalogique établi le 25 juin 2014 par Mme Gaelle X..., généalogiste', cette ratification rapportant la preuve de la reconnaissance par cette dernière du caractère utile et déterminant du travail de l'Etude X... ;
- ses prétentions sont conformes aux usages de rémunération et se situent dans la fourchette basse de ces derniers.
MOTIVATION
Sur la recevabilité des conclusions
Aux termes de l'article 910 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au 1er septembre 2017, l'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de deux mois à compter de la notification qui lui en est faite pour conclure.
Si la société X... a notifié ses conclusions d'intimé aux termes desquelles elle a formé appel incident le 8 juin 2017, les conclusions notifiées par Mme D... le 11 septembre 2017 ne sont pas une réponse à cet appel incident mais un développement de son appel principal, de sorte que ses conclusions récapitulatives sont recevables.
Sur la demande principale
Aux termes de l'article 1370 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, certains engagements se forment sans qu'il intervienne aucune convention, ni de la part de celui qui s'oblige, ni de la part de celui envers lequel il est obligé.
Les uns résultent de l'autorité seule de la loi; les autres naissent d'un fait personnel à celui qui se trouve obligé.
Les engagements qui naissent d'un fait personnel à celui qui se trouve obligé, résultent ou des quasi-contrats, ou des délits ou quasi-délits.
L'article 1371 du même code dispose que les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l'homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties.
Il résulte des dispositions de l'article 1372 du code civil que lorsque volontairement on gère l'affaire d'autrui, soit que le propriétaire connaisse la gestion, soit qu'il l'ignore, celui qui gère contracte l'engagement tacite de continuer la gestion qu'il a commencée, et de l'achever jusqu'à ce que le propriétaire soit en état d'y pourvoir lui-même.
Enfin, l'article 1375 dispose que le maître dont l'affaire a été bien administrée doit remplir les engagements que le gérant a contractés en son nom, l'indemniser de tous les engagements personnels qu'il a pris, et lui rembourser toutes les dépenses utiles ou nécessaires qu'il a faites.
Le généalogiste qui est parvenu par son activité professionnelle à découvrir les héritiers d'une succession peut prétendre, en l'absence de tout contrat, à une rémunération de ses travaux sur le fondement de la gestion d'affaires s'il a rendu service à l'héritier.
En l'absence de convention régularisée entre les parties, il appartient à Mme D..., qui conteste l'utilité de l'intervention du généalogiste, de démontrer que, sans son intervention, l'existence de la succession et de ses conséquences devait normalement parvenir à sa connaissance.
Si Mme D... ne conteste pas avoir été informée du décès de son parent au 5ème degré, Marc C..., par la société X..., par courrier du 3 mars 2014, il résulte des attestations produites aux débats qu'en dépit de la distension des liens familiaux, elle manifestait de l'intérêt pour la situation de celui-ci même si elle n'avait plus de nouvelles de lui qu'indirectement en raison du mode de vie solitaire qu'il avait adopté depuis de nombreuses années; M. Robert G..., ami et voisin de Marc C..., seul présent aux obsèques avec son épouse, confirme son existence particulièrement isolée et son refus de toute relation sociale, précisant que Marc C... ne répondait pas au téléphone ni au courrier alors que Mme D... justifie avoir pris régulièrement de ses nouvelles, ayant été notamment informée de son hospitalisation en octobre 2013.
Le premier juge a souligné à juste titre que l'intervention particulièrement rapide du cabinet de généalogiste, mandaté par le notaire moins de vingt jours après le décès de Marc C... et ayant pris contact avec Mme D... par courrier daté du 3 mars 2014, ne permet pas de vérifier l'utilité ni l'opportunité de celle-ci alors qu'il résulte des attestations produites aux débats ainsi que des documents généalogiques que MmeD..., prenant régulièrement des nouvelles de son cousin, aurait eu connaissance de son décès et n'ignorait pas qu'elle était la seule héritière dans la ligne maternelle.
Il en résulte que l'intervention de la société X... n'a pas eu d'utilité quant à la révélation du décès de Marc C... à Mme D..., la décision entreprise étant confirmée sur ce point.
Toutefois, les recherches généalogiques réalisées par la société X... ont permis l'établissement de l'acte de notoriété, le 29 juillet 2014, auquel est annexé le tableau généalogique, qui précise que Mme D... est 'la parente la plus proche dans la ligne maternelle ainsi qu'il résulte du tableau généalogique établi le 25 juin 2014 par Mme Gaelle X..., généalogiste (...). Cette dernière missionnée par Me E..., notaire soussigné, en vue d'établir la dévolution successorale de Monsieur Marc C... et de produire ledit tableau généalogique", ainsi que la déclaration de succession en date du 13 octobre 2014, signée par Mme D..., qui précise que sa qualité d'unique héritière 'résulte du tableau généalogique établi le 25 juin 2014 par Madame Gaelle X..., généalogiste'; et de l'inventaire établi le 2 octobre 2014 qui rappelle que Mme D... est 'la parente la plus proche dans la ligne maternelle ainsi qu'il résulte du tableau généalogique établi le 25 juin 2014 par Mme Gaelle X..., généalogiste (...); le dit tableau généalogique étant demeuré joint et annexé à l'acte de notoriété reçu par Maître E..., notaire soussigné, le 29 juillet 2014".
Si le notaire qui établit un acte de notoriété, a l'obligation d'exercer, dans la mesure du possible, un certain contrôle, de manière à assurer la validité de l'acte qu'il dresse et qu'il doit procéder à toutes les vérifications de nature à en assurer l'efficacité, il ne peut réaliser ce contrôle que dans la mesure de ses moyens de sorte qu'il ne peut être valablement reproché au notaire d'avoir mandaté la société X..., en sa qualité de professionnelle des recherches généalogiques, pour réaliser des vérifications matérielles complexes permettant de sécuriser l'établissement de l'attestation de dévolution successorale, ainsi que l'a justement souligné le premier juge.
En effet, il résulte des éléments du dossier qu'en dépit des affirmations de MmeD... selon lesquelles les seuls livrets de famille retrouvés au domicile de M.C... suffisaient à établir la dévolution successorale dans la ligne maternelle et sa qualité d'héritière unique, la réalisation du tableau généalogique permettant la rédaction de l'acte de notoriété a nécessité des investigations complexes afin d'écarter l'existence d'autres héritiers possibles dans les deux lignes alors même qu'il n'est pas contesté que Marc C... vivait une vie isolée et secrète.
Par ailleurs, les démarches personnelles réalisées par Mme D... en vue de la réalisation de son arbre généalogique dans la branche maternelle ne font pas disparaître l'utilité du travail préalable de la société X... qui a permis d'aboutir à une dévolution successorale certifiée, servant de base au calcul des droits de Mme D..., la déclaration de succession signée le 13 octobre 2014 par Mme D... faisant elle-même référence au tableau généalogique établi par la société X....
Dès lors, l'intervention de la société X... ayant rendu service à Mme D... en permettant de certifier sa qualité d'héritière exclusive, justifie le paiement d'honoraires calculés sur la base d'un pourcentage appliqué à l'actif net de la succession.
La société X... sollicite une rémunération fixée à 20 % de l'actif net successoral mais compte tenu du caractère utile mais limité de l'intervention de la société X..., exposé ci-dessus, le tribunal a à bon escient limité la rémunération de cette dernière à 8 % de l'actif successoral, en ce compris les capitaux d'assurance-vie dont la liquidation est subordonnée à l'ouverture de leur souscripteur.
La décision entreprise sera donc confirmée.
Sur les autres demandes
La société X... ne démontre pas le caractère abusif du silence opposé par MmeD... à ses courriers et de son refus de toute proposition amiable, de sorte qu'il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à sa demande de dommages et intérêts.
Mme D..., partie perdante, doit être condamnée aux dépens conformément à l'article 696 du code de procédure civile.
Il est en outre équitable, vu l'article 700 du même code, qu'elle indemnise l'intimée des autres frais qu'elle a été contrainte d'exposer pour assurer la défense de ses intérêts.
PAR CES MOTIFS
La cour
déclare recevables les conclusions de Mme Jocelyne D... notifiées le 11septembre 2017,
confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné Mme Jocelyne D... à payer à la SARL X... Généalogistes Associés la somme d'un euro à titre de dommages et intérêts,
statuant à nouveau sur ce point, déboute la SARL X... Généalogistes Associés de sa demande de ce chef.
condamne Mme Jocelyne D... à payer à la SARL X... Généalogistes Associés la somme de trois mille euros (3000) en application de l'article 700 du code de procédure civile,
la condamne aux dépens dont distraction au profit de la SCP Y... conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier,Pour le président,
Delphine Verhaeghe.Emmanuelle B....