ARRÊT DU
30 Novembre 2018
N° 452/18
N° RG 18/00457 - N° Portalis DBVT-V-B7C-RLAC
AA/KL
JUGT
Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LILLE
EN DATE DU
30 Novembre 2017
NOTIFICATION
à parties
le
Copies avocats
le 30/11/18
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Sécurité Sociale-
APPELANT :
Mme Claude E... D...
[...]
Présente et assistée de Me Nolwenn ALLEGRE, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Patrick X...
INTIME :
CPAM DE LILLE-DOUAI
[...]
Représentant : Monsieur Y... Z... agent de l'organisme régulièrement mandaté
UNION REGIONALE DE LA COIFFURE NORD PAS DE CALAIS (URC)
[...]
Représentant : Me Julien A..., avocat au barreau de LILLE
DÉBATS :à l'audience publique du 13 Septembre 2018
Tenue par Agathe ALIAMUS
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Maryse ZANDECKI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Alain B...
: CONSEILLER DESIGNE POUR EXERCER LES FONCTIONS DE PRESIDENT
Renaud C...
: CONSEILLER
Agathe ALIAMUS
: CONSEILLER
ARRÊT :Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Novembre 2018,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Alain B..., Conseiller désigné pour exercer les fonctions de Président et par Maryse ZANDECKI greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 24 avril 2008, Claude E... D..., occupant les fonctions de directrice au sein l'UCR Nord-Pas-de-Calais, a été victime d'un accident du travail déclaré dans les termes suivants :
'Après avoir raccroché le téléphone suite à une longue conversation téléphonique, la victime a été saisie d'un malaise suivi d'une crise nerveuse'.
Le compte-rendu d'admission du service des urgences de l'hôpital Saint-Vincent de Paul à LILLE fait mention d'une crise anxieuse.
Un certificat médical initial a été établi le jour même faisant état d'un malaise survenu sur le lieu de travail ayant occasionné un transport à l'hôpital avec sortie le jour même et d'une situation de souffrance au travail ayant déjà fait l'objet de démarches informatives auprès du médecin du travail.
Un arrêt de travail a été prescrit.
La consolidation de l'état de santé de la victime a été initialement fixée au 22 novembre 2009 puis reportée par jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de LILLE rendu le 14 septembre 2012 après expertise, au 25 avril 2010 avec attribution subséquente d'un taux d'IPP de 15 % et versement de la rente correspondante notifiée le 13 avril 2013.
La caisse primaire d'assurance maladie de LILLE-DOUAI a été saisie d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par courrier daté du 08 août 2013.
Le tribunal des affaires de sécurité sociale de LILLE a été saisi le 07 juillet 2014.
Par jugement du 30 novembre 2017, notifié le 08 janvier 2018, le tribunal a :
'- dit que l'action en reconnaissance de faute inexcusable n'est pas contestée des parties sur la recevabilité,
- débouté Claude E... D... de l'ensemble de ses demandes'.
L'affaire a été appelée et entendue à l'audience du 13 septembre 2018.
Vu les conclusions en réponse transmises par voie électronique le 12 juillet 2018, soutenues oralement et visées à l'audience aux termes desquelles Claude E... D... demande à la Cour, au visa des articles L.411-1 et L.452-1 et suivants du code de la sécurité sociale, de réformer le jugement déféré et de :
- dire que l'accident du travail dont elle a été victime le 25 avril 2008 est dû à la faute inexcusable de l'employeur,
- dire que la réparation des préjudices sera avancée par la caisse primaire d'assurance maladie de LILLE-DOUAI qui pourra en poursuivre le remboursement à l'encontre de l'employeur,
En conséquence,
- fixer au maximum la majoration de la rente prévue par la loi,
- dire que la majoration devra être calculée en fonction de la réduction dont Claude E... D... reste atteinte et qu'elle devra suivre l'évolution du taux d'incapacité de celui-ci,
In limine litis, nommer un médecin psychiatre expert aux fins :
- d'examiner Claude D...,
- prendre connaissance de tous les documents médicaux, qualifier à leur juste valeur le pretium doloris, les préjudices d'agrément endurés,
- dire si du fait des lésions constatées, il existe une atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions et, dans l'affirmative, chiffrer le taux des déficits psychologiques,
- dire si, malgré son incapacité permanente, la victime est, au plan médical physiquement et intellectuellement, apte à reprendre dans les conditions antérieurement ou autrement les activités qu'elle exerçait lors de l'accident,
- dire que les frais de consignation seront à la charge de l'URC,
Au fond,
- condamner l'URC à la somme de 5.000 euros au titre du préjudice moral subi par Claude D... à la suite de la faute inexcusable de son employeur
- condamner l'URC à la somme de 124.160 euros au titre de son préjudice matériel,
- condamner l'URC à la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux frais et dépens.
Vu les conclusions en défense réceptionnées le 31 mai 2018, soutenues et visées à l'audience aux termes desquelles l'Union Régionale de la Coiffure (URC) Nord-Pas-de-Calais demande, pour sa part, à la Cour de rejeter la requête de Claude D... en toutes ses demandes et de la condamner à son profit à la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Vu les conclusions réceptionnées le 25 juin 2018, soutenues et visées à l'audience aux termes desquelles la caisse primaire d'assurance maladie de LILLE-DOUAI demande à la Cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte s'agissant de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et, dans cette hypothèse, de condamner l'Union Régionale de la Coiffure à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de LILLE-DOUAI le montant des sommes dont elle sera amenée à faire l'avance en application des articles L.452-2 et L.452-3 du code de la sécurité sociale ainsi qu'au paiement des éventuels frais d'expertise.
Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries reprenant leurs conclusions.
Au terme des débats, la Cour a enjoint à la caisse primaire d'assurance maladie de produire en cours de délibéré le relevé des indemnités journalières montrant la date de cessation de versement de celles-ci au titre de l'accident du travail du 25 avril 2008.
Cette pièce a été transmise par télécopie du 25 septembre 2018.
Par courrier du 09 octobre 2018, la Cour a sollicité les observations des parties concernant la prescription biennale éventuelle susceptible d'affecter l'action en faute inexcusable engagée par Madame D..., relevant que le détail des périodes indemnisées au titre de l'accident du travail survenu le 25 avril 2008, tel que transmis par la caisse en cours de délibéré, montrait que des indemnités journalières avaient été servies du 26 avril au 25 juin 2008 puis du 20 octobre 2008 au 09 mars 2010 et rappelant la date de consolidation fixée sur jugement rendu après expertise au 25 avril 2010 ainsi que la saisine de la caisse primaire d'assurance maladie en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur en date du 08 août 2013.
Un calendrier a été fixé pour permettre aux parties de transmettre leurs observations pour le 31 octobre 2018 au plus tard pour Madame D... et pour le 16 novembre 2018 au plus tard pour la caisse primaire d'assurance maladie et l'URC.
Dans ces conditions, le délibéré a été prorogé au 30 novembre 2018.
Par note réceptionnée le 17 octobre 2018, la caisse primaire d'assurance maladie de LILLE-DOUAI soutient qu'en application de l'article L.431-2 du code de la sécurité sociale, la prescription est acquise du fait de la fin des indemnités journalières en date du 09 mars 2010.
Par note de son conseil en date du 24 octobre 2018 réceptionnée le jour même, Claude D... soutient, pour sa part, que son action est recevable.
Elle indique avoir été placée en arrêt de travail du 25 avril 2008 au 19 octobre 2013, soit jusqu'à sa mise en retraite pour inaptitude et définitive à toutes fonctions. Elle rappelle que son recours en contestation de la date de consolidation a donné lieu à un jugement du 14 septembre 2012, signifié le 11 janvier 2013, qui a fixé la date de consolidation au 25 avril 2010. Elle conteste le relevé de prestations produit qui retient une fin d'indemnisation au 09 mars 2010 soit 47 jours avant la dite consolidation. Elle conclut qu'il existe, en conséquence, un doute sur la date de cessation des indemnités journalières qu'elle est incapable d'établir. Elle soutient que, la date de consolidation ayant un caractère déterminant pour le versement des indemnités journalières, le recours en contestation de cette date a interrompu le délai de prescription biennale qui n'a commencé à courir qu'une fois le jugement devenu définitif et ce, conformément au courrier adressé par la caisse primaire le lui confirmant lors de l'enregistrement du recours. Elle ajoute qu'en première instance, la question avait été évoquée lors des débats pour finalement retenir la recevabilité de l'action.
Aucune note en délibéré n'a été transmise pour le compte de l'Union Régionale de la Coiffure Nord-Pas-de-Calais.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Il résulte de l'article L.142-9 du code de sécurité sociale que les jurictions mentionnées à l'article L.142-2 en ce compris la cour d'appel statuant en appel sur décisions rendues par le tribunal des affaires de sécurité sociale soulevent d'office les prescriptions prévues par ledit code.
L'article L.431-2 du code de la sécurité sociale prévoit que les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités se prescrivent par deux ans notamment à dater du jour de l'accident ou de la clôture de l'enquête ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière.
En son dernier alinéa, ce même article précise que, toutefois, en cas d'accident susceptible d'entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, ou de
ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la prescription de deux ans opposable aux demandes d'indemnisation complémentaire visée aux articles L.452-1 et suivants est interrompue par l'exercice de l'action pénale engagée pour les mêmes faits ou de l'action en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident.
En application de l'article 2233 du code civil, la prescription ne court pas :
1° - à l'égard d'une créance qui dépend d'une condition jusqu'à ce que la condition arrive,
2° - à l'égard d'une action en garantie jusqu'à ce que l'éviction ait lieu,
3° - à l'égard d'une créance à terme jusqu'à ce que ce terme soit arrivé.
L'article 2234 du code civil prévoit que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.
En l'espèce, il résulte du relevé des prestations adressé par la caisse primaire en cours de délibéré que l'accident du travail dont a été victime Claude D... le 25 avril 2008 a été indemnisé du 26 avril au 25 juin 2008 puis du 20 octobre 2008 au 09 mars 2010.
La date de cessation du versement des indemnités journalières en l'absence de pièce justificative contraire est donc fixée à cette date du 09 mars 2010, peu important la date de consolidation postérieure fixée au 25 avril 2010 qui ne constitue pas un point de départ de la prescription biennale ou la poursuite des soins jusqu'à cette date.
Aucune des causes d'interruption ou de suspension de prescription ci-dessus rappelées tirées de l'article L.431-2 du code de la sécurité sociale lui-même ou des règles de droit commun n'est, en l'espèce, caractérisée, le recours en contestation de la date de consolidation n'ayant pas ailleurs aucun effet suspensif.
Le courrier de la caisse primaire d'assurance maladie en date du 09 mai 2014 invoqué par Claude D... est également inopérant dans la mesure où s'il accuse réception de la demande de reconnaissance de la faute inexcusable et précise que cette demande interrompt le délai de prescription biennale, une telle saisine n'a aucune incidence sur la prescription qui est d'ores et déjà acquise à cette date.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'action en faute inexcusable initiée par Claude D... est prescrite.
Il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de la déclarer irrecevable en son action.
L'issue de la procédure conduit à rejeter les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
La procédure en matière de sécurité sociale étant gratuite et sans frais, il n'y a pas lieu à condamnation aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Déclare Claude D... irrecevable en son action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur,
Déboute Claude D... et l'Union Régionale de la Coiffure Nord-Pas-de-Calais de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à condamnation à l'article 700 du code de procédure civile,
Dispense Claude D... du paiement du droit prévu par l'article R144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale,
Le Greffier, Le Conseiller désigné pour exercer les fonctions de Président,
M. ZANDECKI A. B...