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20/12/2018 | FRANCE | N°17/04218

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 20 décembre 2018, 17/04218


République Française


Au nom du Peuple Français








COUR D'APPEL DE DOUAI





CHAMBRE 2 SECTION 1





ARRÊT DU 20/12/2018








***








N° de MINUTE : 18/


N° RG : 17/04218 - N° Portalis DBVT-V-B7B-Q2U2





Jugement (N° 2012/276) rendu le 11 mars 2015 par le tribunal de commerce d'Arras


Jugements ( N° 2015/2301) rendus le 5 avril 2017 par le tribunal de commerce d'Arras








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APPELANTS





Me Jérôme X... ès qualités :


- de mandataire judiciaire de la G... Y... Z... , nommé à cette fonction par jugement du tribunal de commerce d'Arras du 11 avril 2012


- de représentant des créanciers de M. Y... et de Mme Z..., n...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 20/12/2018

***

N° de MINUTE : 18/

N° RG : 17/04218 - N° Portalis DBVT-V-B7B-Q2U2

Jugement (N° 2012/276) rendu le 11 mars 2015 par le tribunal de commerce d'Arras

Jugements ( N° 2015/2301) rendus le 5 avril 2017 par le tribunal de commerce d'Arras

APPELANTS

Me Jérôme X... ès qualités :

- de mandataire judiciaire de la G... Y... Z... , nommé à cette fonction par jugement du tribunal de commerce d'Arras du 11 avril 2012

- de représentant des créanciers de M. Y... et de Mme Z..., nommé à cette fonction par jugement du tribunal de commerce d'Arras du 11 avril 2012

demeurant [...]

M. Laurent Y...

né le [...] à Dechy, de nationalité française

demeurant [...]

Mme Sandrine Z...

née le [...] à Lille, de nationalité française

demeurant [...]

G... Y... Z...

ayant son siège social [...]

représentés par Me Elodie A..., avocat au barreau de Béthune

INTIMÉE

SA Crédit du Nord

ayant son siège social [...]

représentée par Me Eric B..., avocat au barreau de Béthune

DÉBATS à l'audience publique du 10 octobre 2018 tenue par Anne C... magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Stéphanie Hurtrel

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie-Annick Prigent, président de chambre

Elisabeth Vercruysse, conseiller

Anne C..., conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 décembre 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Marie-Annick Prigent, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 20 septembre 2018

***

FAITS ET PROCÉDURE

Le 26 mai 2005, Mme Z... et M. Y... ont constitué entre eux une société en nom collectif pour la gestion d'un fonds de commerce exploité à Lillers, constitué d'un débit de boissons et d'un débit de tabac.

Ils ont ouvert, auprès du Crédit du Nord, un compte courant professionnel, présentant au 14 octobre 2011, un solde débiteur de 50 925,38 euros.

Par acte d'huissier du 8 décembre 2011, la banque a fait délivrer une sommation de payer le solde débiteur à la G... Y... Z..., cette dernière n'ayant été suivi d'aucun effet.

Par acte d'huissier, du 24 janvier 2012, la société Crédit du Nord a alors assigné la société Y... Z... ainsi que chacun des 2 associés aux fins d'obtenir la condamnation solidaire de la société, de M. Y... et de Mme Z... au paiement de la somme de 50 925,38 euros augmentée des intérêts courus et à courir au taux légal à compter du 14 octobre 2011 jusqu'à parfait paiement.

Par décision, du tribunal de commerce d'Arras du 11 avril 2012, la société Y... Z... a été déclarée en redressement judiciaire, la banque a alors déclaré sa créance à Maître X... puis a assigné ce dernier en qualité de représentant des créanciers de la G... Y... Z... .

La société Crédit du Nord a assigné à nouveau Maître X... en sa qualité de représentant des créanciers de M. Y... et Mme Z..., seuls associés de la société en nom collectif, et ce par deux actes distincts : l'un du 17 août 2012 visant la procédure collective ouverte pour la société, l'autre du 26 avril 2013 visant les procédures collectives ouvertes au nom de M. Y... et de Mme Z..., en leur qualité d'associés.

En cours de procédure, la SCI Emlise, constituée des mêmes associés que la société Y... Z..., a régularisé une intervention volontaire aux termes de laquelle elle demandait l'annulation de deux virements effectués respectivement en septembre et décembre 2010 pour un montant global de 51 000 euros estimant que la société Crédit du Nord devait rembourser ces sommes, eu égard à l'irrégularité affectant ces virements.

Par jugement du 11 mars 2015, le tribunal de commerce d'Arras a notamment :

- entre la société Y... Z... et la société Crédit du Nord :

fixé la créance de la société Crédit du Nord au passif de la société Y... Z... à la somme de 51 020,38 euros (somme reprise dans l'état art. L 622-24 de Maître X...) augmentée des intérêts courus et à courir au taux légal à compter du14 octobre 2011 jusqu'au parfait paiement,

condamné la société Y... Z... à payer la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- entre la société Crédit du Nord et M. Y... et Mme Z... :

constaté l'irrecevabilité des demandes de condamnation en paiement dirigées contre M. Y... et Mme Z...,

condamné la société Y... Z... et Maître X..., ès qualité de mandataire judiciaire, à payer à M. Y... et Mme Z..., chacun pris individuellement la somme de 500 euros,

- entre le Crédit du Nord et la SCI Emlise :

reçu la SCI Emlise en son intervention volontaire,

dit et jugé que le virement de 45 000 euros du 29 septembre 2010 a été irrégulièrement débité du compte courant de la SCI Emlise,

condamné la société Crédit du Nord au remboursement de la somme de 45 000 euros augmentée de 67,65 euros,

condamné la société Crédit du Nord à verser à la SCI Emlise la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté la société Crédit du Nord, la société Y... Z..., M. Y..., Mme Sandrine Z... et la SCI Emlise de l'ensemble de leurs autres demandes, fins et conclusions,

condamné la société Crédit du Nord, à supporter les entiers frais et dépens, en ce compris les frais et débours de greffe taxés et liquidés à la somme de 163,80 euros dont TVA 20 %.

Par requête du 20 août 2015, la société Crédit du Nord a sollicité du tribunal qu'il statue sur sa demande subsidiaire de fixation du montant de sa créance au passif du redressement judiciaire de la société Y... Z... à la somme de 51 020,38 euros + 45 000 euros soit 96 020,38 euros.

Une requête en rectification d'erreur matérielle (relative à l'indemnité allouée à M. Y... et à Mme Z... au titre de l'article 700 du code de procédure civile) et en omission de statuer sur leur demande de dommages et intérêts, a été présentée le 29 octobre 2015.

Par deux jugements du 5 avril 2017, le tribunal de commerce d'Arras a notamment:

- en ce qui concerne la requête déposée par la société Crédit du Nord :

' fixé la créance de la société Crédit du Nord au passif du redressement judiciaire de la société Y... Z... à 96 020,38 euros incluant la somme de 45 000 euros mise à la charge de la société Crédit du Nord dans le cadre du jugement rendu par le tribunal de commerce d'Arras le 11 mars 2015,

- en ce qui concerne la requête déposée par M. Y... et Mme Z... :

' condamné la société Crédit du Nord à payer, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à M. Y... et Mme Z... chacun pris individuellement, la somme de 500 euros,

' condamné la société Crédit du Nord à payer, à titre de préjudice moral, à M. Y... et Mme Z... chacun la somme de un euro.

Par déclaration du 3 juillet 2017, la société Y... Z..., M. Y..., Mme Z... et Me X... ont interjeté appel de l'ensemble des dispositions du jugement du tribunal de commerce d'Arras du 11 mars 2015.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 2 octobre 2017, la société Y... Z..., M. Y..., Mme Z... et Me X... demandent à la cour d'appel au visa des articles L. 622-24, L. 622-25, L. 622-28 du code du commerce, des articles 1103, 1104, 1194 et 1231-1 du code civil, de :

- les recevoir en leur appel et réformant partiellement la décision entreprise,

- condamner la société Crédit du Nord au remboursement des frais et agios débités du compte de la société Y... Z..., entre juillet 2010 et la clôture du compte courant, soit au paiement de la somme de 22 985,42 euros,

En conséquence,

- fixer le montant de la créance de la société Crédit du Nord au passif du règlement judiciaire de la société Y... Z..., après compensation jusqu'à due concurrence de leurs créances respectives, à 28 034,96 euros,

- débouter la société Crédit du Nord de sa demande d'admission de la somme de 45 000 euros au passif du redressement judiciaire de la société Y... Z... ou à titre subsidiaire dire et juger que la somme de 45 000 euros ne portera pas intérêts au taux légal,

- condamner la société Crédit du Nord à payer à M. Y... et à Mme Z... la somme de 12000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral,

- condamner le Crédit du Nord à payer à Maître X..., à Mme Z..., à M. Y... 1500 euros chacun, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer pour le surplus le jugement rendu le 11 mars 2015 par le tribunal de commerce d'Arras, rectifié et complété par deux jugements rendus le 5 avril 2017,

- condamner la société Crédit du Nord aux frais et dépens de l'appel dont distraction au profit de Maître A....

La société Y... Z..., M. Y..., Mme Z... et Me X... soutiennent que:

- la société Crédit du Nord a manqué à ses obligations contractuelles,

- à aucun moment, il n'a été notifié, à la société Y... Z... , que le prêt accordé en juillet 2009 lui serait en définitif refusé, que ses associés ont au contraire étaient incités à poursuivre leur activité et même à acheter les murs au moyen d'un prêt de 200 000 euros consenti par la banque pour un prix d'achat de 120 000 euros,

- l'établissement de crédit n'a pas respecté son obligation de conseil et de mise en garde de l'emprunteur non averti,

- la banque a agi de façon incohérente en bloquant le crédit de restructuration tandis qu'elle accordait à ses clients sans ressource un prêt immobilier qui les enfonçait dans l'endettement,

- s'agissant de l'adjonction de la somme de 45 000 euros, que la créance de la banque a été déclarée, suite au jugement de redressement judiciaire, pour un montant de 51 020,38 euros ; que le jugement du 11 mars 2015 a fixé la créance de la société Crédit du Nord au passif de la société Y... Z... à hauteur de ce montant et que l'augmenter porterait atteinte à l'autorité de la chose jugée,

- un poste de créance supplémentaire non déclaré dans le délai légal de déclaration, est frappé de forclusion et ne peut être admis au passif, qu'en l'espèce la société Crédit du Nord n'a pas déclaré de créance au titre du remboursement de la somme de 45 000 euros due à la SCI Emlise dans le délai légal de déclaration qui a expiré le 27 juin 2012 ;

- que par application de l'article L. 622-28 du code de commerce, la somme de 45 000 euros doit être exclue des intérêts alloués par le jugement du 11 mars 2015 sur la somme de 51 020,38 euros,

- Mme Z... et M. Y... ne peuvent être considérés comme des emprunteurs avertis ; que le manquement de la banque à l'obligation de mise en garde constitue une faute et le préjudice qui en est résulté est équivalent au montant des sommes dues au titre des prêts ; qu'ils n'ont reçu aucune mise en garde de la banque lors de l'octroi du prêt de restructuration, ni pour le prêt immobilier qui leur a été accordé alors qu'ils étaient privés de revenus de leur activité commerciale.

Par ordonnance du président de chambre du 25 janvier 2018, les conclusions de l'intimée du 27 décembre 2017 ont été déclarées irrecevables.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 septembre 2018.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

À titre liminaire, il y a lieu de préciser qu'il sera fait application des dispositions du code civil dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve de l'obligation.

Sur la demande de remboursement des frais et agios débités du compte courant de la société Y... Z... pour manquement de la banque à ses obligations contractuelles:

Selon l'article 1134 du code civil, 'Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi'.

Selon l'article 1147 du code civil, 'Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part'.

Selon l'article 1315 du code civil, 'Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation'.

L'article L.110-3 du code de commerce consacre le principe de la liberté de la preuve des actes de commerce à l'égard des commerçants.

A l'appui de leur demande M. Y... et Mme Z... produisent :

- une attestation de M. D... lequel déclare avoir effectué des travaux chez M. Y... et Mme Z... et avoir, au cours de sa présence, été présenté à des représentants de la société Crédit du Nord et avoir entendu l'un d'eux dire à M. Y... et à Mme Z... de se dépêcher de finir leurs travaux bien que leur prêt n'ait pas été débloqué, 'que pour les frais bancaires, il y aurait un arrangement que le plus important c'était de rouvrir leur commerce',

- une attestation de Mme E... laquelle affirme s'être rendue le 2 septembre 2010 à un entretien de Mme Z... avec son conseiller bancaire M. F... à l'agence bancaire du Crédit du Nord de Lilliers au cours duquel ce dernier aurait déclaré que le prêt étant accordé il n'y avait pas de raison qu'il ne soit pas accordé,

- plusieurs courriers qu'ils ont adressés à la société Crédit du Nord sollicitant des entretiens ainsi que de connaître la date de déblocage de leur prêt professionnel.

Si les pièces produites tendent à établir qu'il existait entre les parties des discussions en vue de la souscription d'un prêt professionnel, elles ne permettent pas de prouver que M. Y... et Mme Z..., d'une part, et la société Crédit du Nord, d'autre part, s'étaient accordés sur les modalités de celui-ci et qu'un accord définitif était intervenu à ce sujet.

Par ailleurs, les attestations ne caractérisent pas non plus la réalité d'un accord entre les parties quant aux frais bancaires, ni que la société Crédit du Nord ait incité M. Y... et Mme Z... à poursuivre leur activité.

Ainsi, M. Y... et Mme Z... n'établissent pas que l'établissement financier les aurait incités à poursuivre leur activité en leur laissant penser pouvoir obtenir un prêt de restructuration, sans avoir l'intention de faire droit à leur demande. Les appelants produisent l'exemplaire emprunteur d'un 'contrat de prêt finançant des besoins professionnels' non signé ce qui confirme l'existence d'échanges favorables entre M. Y... et Mme Z... et la société Crédit du Nord sur la conclusion d'un contrat de prêt mais ils ne démontrent pas que cet objectif n'a pas été atteint du fait du comportement ou de la volonté de la société du Crédit du Nord.

Enfin, M. Y... et Mme Z... ne produisent pas le contrat d'ouverture de compte courant professionnel, ouvert par la société Y... Z... auprès de la société Crédit du Nord, qui aurait permis de connaître ses modalités de fonctionnement et les obligations de chacune des parties.

Dès lors, M. Y... et Mme Z... ne rapportant pas la preuve d'un manquement de la société Crédit du Nord à leurs obligations dans le cadre du fonctionnement du compte courant professionnel de la société Y... Z..., les appelants seront déboutés de leur demande de ce chef ainsi que de leur demande tendant à fixer le montant de la créance de la société Crédit du Nord à l'égard de la société Y... Z..., après compensation jusqu'à due concurrence de leurs créances respectives à 28 034,96 euros.

Sur la demande d'admission de la somme de 45 000 euros au passif du redressement judiciaire de la société Y... Z... :

En l'espèce, en l'absence de demande de la société Crédit du Nord tendant à la fixation de sa créance à la somme de 45 000 euros, le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement au devoir de mise en garde par la banque :

Le banquier est tenu, sur le fondement de l'article 1147 du code civil, d'une obligation de mise en garde à l'égard de son client, qu'il soit emprunteur ou caution.

Il n'est tenu par cette obligation envers un emprunteur que lorsque ce dernier n'est pas averti et que le prêt n'est pas adapté à ses capacités financières, de sorte qu'il est susceptible de générer un endettement excessif.

Avant de lui apporter son concours, la banque doit vérifier les capacités financières de l'emprunteur et l'avertir du risque d'endettement né de l'octroi du prêt. C'est à elle de rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation.

A l'égard de l'emprunteur averti, au contraire, la responsabilité de la banque ne peut être engagée que si cette dernière détenait sur la situation financière de son client des informations que lui-même ignorait.

Le caractère averti de l'emprunteur s'évalue au regard des aptitudes de celui-ci à comprendre la portée de son engagement, à apprécier le risque inhérent à l'engagement et de son expérience dans les affaires, mais aussi en fonction du niveau d'information sur la situation financière du débiteur principal.

Les appelants exposent que M. Y... et Mme Z... n'ont reçu aucune mise en garde de la banque lors de l'octroi du prêt de restructuration ni pour le prêt immobilier qui leur a été accordé alors qu'ils étaient privés des revenus de leur activité commerciale.

Dès lors que le prêt de restructuration n'a pas été conclu, le moyen ne saurait prospérer.

En l'espèce, il convient de relever, que si le prêt immobilier a été conclu en septembre 2010 et que la SCI Emlise avait été constituée le 24 mars 2010, M. Y... et Mme Z... avait déjà constitué, plus de 5 ans auparavant, la société Y... Z... pour la gestion d'un fonds de commerce exploité à Lillers, constitué d'un débit de boissons et d'un débit de tabac. M. Y... et Mme Z... étaient tous les deux associés de cette société, M. Y... en était le gérant et Mme Z... la co-gérante. Ils étaient en outre tous les deux associés de la SCI Emlise dont M. Y... était le gérant. En sa qualité de gérant de la SCI Emlise, M. Y... était directement intéressé au fonctionnement de l'entreprise emprunteuse et avait dès lors parfaitement connaissance de son fonctionnement et de sa situation financière. En outre, s'il soutient qu'avant la constitution de la société Y... Z..., le 26 mai 2005 il était agent de service et donc profane, l'exercice des fonctions d'associé et de gérant pendant 5 ans lui a permis d'acquérir une expérience professionnelle et une connaissance certaine du monde des affaires. De son côté, les fonctions de directrice des ventes qu'occupait Mme Z..., selon ses déclarations, avant la constitution de la société Y... Z... en 2005 démontre qu'elle était rompue aux relations des affaires dès cette époque. Par la suite, l'exercice de ses fonctions d'associée et de gérante de la société Y... Z... n'ont fait qu'accroître son expérience dans les affaires. En outre, le fait que M. Y... et Mme Z... aient, au mois de juin 2009, sollicité auprès de la société Crédit du Nord un prêt de restructuration démontre qu'ils avaient une connaissance de ce type d'opération financière. Par ailleurs, alors que M. Y... et Mme Z... indiquent avoir été surpris en découvrant que le prêt s'élevait à la somme de 200 000 euros tandis que le montant de l'opération à financer était de 120 000 euros, il convient de relever qu'il ressort du contrat de prêt immobilier non signé ni paraphé qu'ils produisent que l'objet du financement concerne l'acquisition d'une maison individuelle à usage mixte pour une somme de 120 000 euros ainsi que le financement de travaux pour un montant de 103 000 euros. Le contrat mentionnait également un financement par des fonds propres de l'emprunteur pour 37 650 euros. Ainsi, en considération des éléments relevés, M. Y... et Mme Z... étaient en capacité 'appréhender et de comprendre la portée de l'engagement de la SCI Emlise en tant qu'emprunteur.

Il convient donc de retenir que Mme Z... et M. Y... n'ayant pas la qualité de profanes, la banque n'était pas tenue à leur égard d'un devoir de mise en garde. Les appelants seront déboutés de leur demande tendant à voir engager la responsabilité de la banque pour manquement à son obligation de mise en garde et à leur accorder un préjudice moral.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Les dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile du jugement déféré seront confirmés.

M. Y..., Mme Z..., la société Y... Z... et M. X... en qualité de mandataire judiciaire de la société Y... Z..., parties perdantes, seront condamnés aux dépens de l'instance d'appel.

Ils seront en outre déboutés de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement du 11 mars 2015 rectifié par les deux jugements du 5 avril 2017 en ce qu'il a :

- fixé la créance de la société Crédit du Nord au passif du redressement judiciaire de la société Y... Z... à la somme de 96 020,38 euros incluant la somme de 45 000 euros mise à la charge de la société Crédit du Nord dans le cadre du jugement rendu par le tribunal de commerce d'Arras le 11 mars 2015 ;

- condamné la société Crédit du Nord à payer, à titre de préjudice moral, à M. Y... et à Mme Z... chacun la somme de un euro ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Dit n'y avoir lieu, en l'absence de demande de ce chef, à constater et fixer à la somme de 45 000 euros la créance de la société Crédit du Nord à l'égard de la société Y... Z... ;

Déboute M. Y..., Mme Z..., la société Y... Z... et M. X... en qualité de mandataire judiciaire de la société Y... Z... de leur demande tendant à condamner la société Crédit du Nord à payer à M. Y... et à Mme Z... la somme de 12 000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral ;

Confirme le jugement déféré pour le surplus ;

Y ajoutant,

Déboute M. Y..., Mme Z..., la société Y... Z... et M. X... en qualité de mandataire judiciaire de la société Y... Z... de leur demande tendant à condamner la société Crédit du Nord au remboursement des frais et agios débités du compte de la société Y... Z..., entre juillet 2010 et la clôture du compte courant, soit au paiement de la somme de 22 985,42 euros ;

Déboute M. Y..., Mme Z..., la société Y... Z... et M. X... en qualité de mandataire judiciaire de la société Y... Z... de leur demande tendant à fixer le montant de la créance de la société Crédit du Nord à l'égard de la société Y... Z... , après compensation jusqu'à due concurrence de leurs créances respectives à 28 034,96 euros ;

Déboute M. Y..., Mme Z..., la société Y... Z... et M. X... en qualité de mandataire judiciaire de la société Y... Z... de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. Y..., Mme Z..., la société Y... Z... et M. X... en qualité de mandataire judiciaire de la société Y... Z... aux dépens de l'instance d'appel.

Le greffier Le président

Valérie Roelofs Marie-Annick Prigent


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 17/04218
Date de la décision : 20/12/2018

Références :

Cour d'appel de Douai 21, arrêt n°17/04218 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-20;17.04218 ?
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