République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 3
ARRÊT DU 20/12/2018
N° de MINUTE : 18/1431
N° RG 18/00596 - N° Portalis DBVT-V-B7C-RKIR
Jugement (N° 17/00722) rendu le 08 Janvier 2018
par le juge de l'exécution de Lille
APPELANTE
Sci Ba & Ka
[...]
Représentée par Me Yann X..., avocat au barreau de Lille
INTIMÉE
Sa Banque Populaire du Nord
[...]
Représentée par Me Philippe Y..., avocat au barreau de Lille
DÉBATS à l'audience publique du 08 Novembre 2018 tenue par Bénédicte Z... magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Ismérie Capiez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Pascale Pelissero, président de chambre
Bénédicte Z..., conseiller
Emilie Pecqueur, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 Décembre 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pascale Pelissero, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 11 octobre 2018
Par acte notarié en date du 16 février 2011, la banque populaire du Nord a consenti à la société civile immobilière BA et KA ci-après désignée la SCI BA et KA, un prêt d'un montant de 90 000 euros au taux de 4,40% et remboursable en 180 mensualités d'un montant de 683,90 euros aux fins de financer l'acquisition de parts sociales de la société civile immobilière des alouettes.
Par courrier recommandé en date du 1er juillet 2016, la banque populaire du Nord a prononcé la déchéance du terme.
Le 5 septembre 2016, la banque populaire du Nord a fait procéder à deux saisies-attributions sur les comptes bancaires de la SCI BA et KA ouverts dans les livres de la banque CIC Nord Ouest pour l'une, et de la banque du crédit du Nord pour l'autre. Ces saisies-attributions ont été dénoncées à la SCI BA et KA le 6 septembre 2016.
Par acte d'huissier en date du 12 septembre 2016, la SCI BA et KA a attrait la banque populaire du Nord devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lille en contestation de ces saisies attribution.
La décision frappée d'appel
Par jugement en date du 8 janvier 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lille a :
- déclaré irrecevables les contestations formées par la SCI BA et KA contre les saisies-attributions pratiquées par la banque populaire du Nord entre les mains de la banque CIC nord Ouest et de la banque du crédit du Nord suivant procès-verbaux en date du 5 septembre 2016,
- condamné la SCI BA et KA à payer à la banque populaire du Nord la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SCI BA et KA aux dépens.
Sur la procédure d'appel
Par déclaration au greffe en date du 25 janvier 2018, la SCI BA et KA a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 30 avril 2018, la SCI BA et KA demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :
- constater que son action est recevable,
- constater que la banque populaire du Nord ne dispose pas d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible et de prononcer la nullité des procès-verbaux de saisie-attribution et des actes de dénonciation et en ordonner la mainlevée,
- condamner la banque populaire du Nord à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du faits des mesures d'exécution abusives par la banque populaire du Nord,
- condamner la banque populaire du Nord à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.
Au soutien de ses prétentions, la SCI BA et KA fait valoir qu'elle produit aux débats les pièces justifiant de la dénonciation des saisies-attributions à l'huissier instrumentaire. Elle affirme que l'acte notarié en date du 16 février 2011 en vertu duquel les saisies-attributions ont été pratiquées ne revêt pas le caractère de titre exécutoire en ce que la page 12 est manquante et que la dernière page sur laquelle est apposée la formule exécutoire ne dispose pas du sceau du notaire, étant observé au surplus que la signature est illisible. Elle soutient que la banque populaire du Nord n'a pas satisfait à son obligation de mise en demeure préalable à la déchéance du terme, étant observé que le décompte produit par l'intimée atteste que le contrat de prêt a été résilié avant même l'envoi de ce courrier de mise en demeure querellé, raison pour laquelle la créance réclamée n'a pas pu être valablement rendue exigible.
Dans ses conclusions signifiées le 4 octobre 2018, la banque populaire du Nord demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de :
- condamner la SCI BA et KA à une indemnité de procédure de 1 000 euros et aux entiers dépens,
- condamner la SCI BA et KA au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et aux entiers dépens d'appel.
Au soutien de ses prétentions, la banque populaire du Nord fait valoir que la SCI BA et KA ne produit pas aux débats les pièces de nature à justifier de la dénonciation à l'huissier instrumentaire de la contestation des saisies-attributions; les documents produits aux débats étant insuffisants à rapporter une telle preuve. Elle affirme disposer d'un titre exécutoire en ce que la dernière page de la copie exécutoire de l'acte de prêt est bien revêtue du sceau du notaire et qu'aucune page ne manque. Elle souligne qu'aux regards des sommes prélevées sur le compte de la SCI BA et KA et en l'absence d'autorisation de découvert, la seule rentrée mensuelle d'un montant de 683,90 euros était insuffisante pour faire face aux charges de la l'appelante, raison pour laquelle elle s'est trouvée en situation d'impayés. Elle précise que la SCI BA et KA a été mise en demeure à deux reprises à savoir les 2 mai et le 6 juin 2016 d'avoir à régulariser le montant des échéances impayées s'élevant à la somme de 2 082,63 euros et ce avant le 13 juin 2016, ce qui n'a pas été fait, de sorte que la déchéance du terme a valablement été prononcée étant observé au surplus que l'appelante n'invoque aucun préjudice quant à la date retenue pour arrêter son décompte. Elle fait enfin observer qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, les saisies pratiquées ne revêtent aucun caractère abusif et que la demande de dommages et intérêts est injustifiée.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 octobre 2018 et l'affaire plaidée le 8 novembre 2018 a été mise en délibéré au 20 décembre 2018 par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de la contestation des saisies-attributions pratiquées le 5 septembre 2016
L'article R.211-11 du code des procédures civiles d'exécution dans sa version applicable au litige prévoit qu'à peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie. L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple et en remet une copie, à peine de caducité de l'assignation, au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience.
Il est acquis aux débats que le 5 septembre 2016, la banque populaire du Nord a fait pratiquer à deux saisies-attributions sur les comptes bancaires de la SCI BA et KA ouverts dans les livres tant de la banque CIC Nord Ouest que de la banque du crédit du Nord. Ces deux saisies-attributions ont été dénoncées à la SCI BA et KA par acte d'huissier en date du 6 septembre 2016.
Par assignation en date du 12 septembre 2016, l'appelante a attrait la banque populaire du Nord devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lille en contestation de ces saisies-attributions soit dans le délai d'un mois qui lui était imparti. Le même jour et comme en atteste la copie du courrier adressée par l'étude d'huissiers A... et B... en date du 12 septembre 2016 à l'adresse de la SELARL Exeacte, cette contestation a bien été dénoncée à l'huissier instrumentaire qui en a accusé réception le 13 septembre 2016. L'information des tiers saisis a également été réalisée par l'envoi de lettres simples datées du même jour que la contestation des saisies-attributions querellée et ce conformément aux dispositions de l'article R.211-11 du code des procédures civiles d'exécution sus-mentionnées.
Dès lors et au regard de ces éléments, il convient de déclarer la contestation de la SCI BA et KA des saisies-attributions pratiquées le 5 septembre 2016 et dénoncées le 6 septembre 2016 régulière et recevable. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.
Sur le titre exécutoire
Selon l'article 34 alinéa 4 du décret du 26 novembre 1971, la signature du notaire et l'empreinte du sceau sont apposées à la dernière page et il est fait mention de la conformité de la copie exécutoire ou de la copie authentique avec l'original.
L'article 41 du décret du 26 novembre 1971 prévoit que tout acte fait en contravention aux dispositions contenues aux 1°, 2° et 3° (1er alinéa) de l'article 9 de la loi du 25 ventôse an XI, et aux articles 2, 3, 4, aux premier et dernier alinéas de l'article 10 et à l'article 26 du présent décret est nul, s'il n'est pas revêtu de la signature de toutes les parties ; et lorsque l'acte sera revêtu de la signature de toutes les parties contractantes, il ne vaudra que comme écrit sous signature privée, sauf dans les deux cas, s'il y a lieu, les dommages-intérêts contre le notaire contrevenant.
En l'espèce, il ressort de l'acte notarié en date du 16 février 2011 qui est produit aux débats que celui-ci est revêtu de la formule exécutoire et qu'il a bien été signé par le notaire instrumentaire. Par contre, il est indéniable qu'il n'est pas revêtu du sceau dudit notaire.
Or, malgré ce qu'excipe la SCI BA et KA, l'irrégularité affectant un acte dépourvu du sceau du notaire ne relève pas des défauts de forme que l'article 1318 devenu l'article 1370 du code civil sanctionne par la perte du caractère authentique et partant, exécutoire, de cet acte.
De même, en ce qui concerne la page 12 déclarée manquante par la SCI BA et KA, il appert, qu'en réalité cette page querellée est constituée des annexes jointes à la copie exécutoire délivrée à la banque populaire du Nord, étant observé au surplus que l'irrégularité affectant la numérotation d'un acte notarié ne peut pas davantage priver celui-ci de son caractère exécutoire.
Dès lors et au regard de ces éléments, il convient de rejeter la demande de la SCI BA et KA tendant à l'annulation des saisies-attributions en l'absence de titre exécutoire.
Sur le caractère exigible de la créance
L'article L.111-2 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution.
En vertu des articles 11-1 et 11-2 des conditions générales relatives au prêt professionnel consenti à la SCI BA et KA, il est prévu qu'en cas de non paiement à son échéance d'une somme quelconque devenue exigible au titre du présent contrat, toutes les sommes dues par l'emprunteur à la banque au titre du présent contrat seront exigibles par anticipation, immédiatement et de plein droit. Pour ce faire, la banque informera l'emprunteur, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, qu'elle prononce l'exigibilité du prêt en application des dispositions du présent article dans un délai de 15 jours à compter de l'envoi de la lettre recommandée avec accusé réception. A défaut de régularisation à l'issue du délai précité, l'exigibilité sera prononcée de plein droit.
Il est acquis aux débats que par courrier recommandé avec accusé réception en date des 2 mai et 6 juin 2016, la banque populaire du Nord a mis en demeure la SCI BA et KA d'avoir à régulariser les échéances restées impayées et ce avant le 13 juin 2016 à défaut de quoi le dossier serait transmis au service contentieux. Par lettre recommandée avec accusé réception en date du 1er juillet 2016, la banque populaire du Nord a prononcé la déchéance du terme, faute pour la SCI BA et KA de s'être acquittée des sommes réclamées.
Dès lors et malgré ce qu'affirme l'appelante, le délai de quinze jours préalable à la déchéance du terme a bien été respecté, étant observé que le décompte produit en annexe de cette déchéance du terme fait bien état d'une créance arrêtée au 1er juillet 2016 et non au 31 mai 2016 comme excipé.
Enfin, il n'est nullement justifié par l'appelante qu'elle avait ordonnée à la banque populaire du Nord d'affecter en priorité les fonds reçus sur les échéances mensuelles du prêt consenti et non sur les cotisations d'assurances, frais et commissions et ce d'autant que les versements mensuels étaient opérés par une autre société que la SCI BA et KA et que les règles de fonctionnement de son compte courant qui sont produites aux débats ne permettent pas une telle priorisation.
Dès lors et au regard de ces éléments, la banque populaire du Nord justifiant d'une créance certaine, liquide et exigible, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la SCI BA et KA visant à l'annulation des mesures de saisies-attributions pratiquées le 5 septembre 2016.
Sur la demande de dommages et intérêts en raison des mesures d'exécution forcée abusives
La SCI BA et KA ne voyant pas ses demandes d'annulation des saisies-attributions prospérer, il n'y a pas lieu de lui allouer quelconque somme en raison de la mise en oeuvre de ces mesures d'exécution forcée pratiquées et par elle querellées puisqu'elles sont pleinement justifiées.
Sur les demandes accessoires
Partie perdante, la SCI BA et KA sera condamnée aux dépens d'appel et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée aux dépens de première instance.
De même, l'équité commande de la condamner à verser à la banque populaire du Nord la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à la banque populaire du Nord la somme de 1 000 euros sur ce même fondement, étant précisé au surplus qu'il est manifeste que cette dernière a commis une erreur matérielle dans le dispositif de ses conclusions en réclamant deux sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lille en date du 8 janvier 2018 sauf en ce qu'il a condamné la SCI BA et KA à verser à la banque populaire du Nord la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance,
Statuant à nouveau
Déclare recevables les contestations formées par la SCI BA et KA contre les deux saisies-attributions pratiquées le 5 septembre 2016 à la demande de la banque populaire du Nord sur les comptes de la SCI BA et KA ouverts dans livres de la banque CIC Nord Ouest et de la banque crédit du Nord,
Rejette les demandes de la SCI BA et KA d'annulation des deux saisies-attributions pratiquées le 5 septembre 2016 à la demande de la banque populaire du Nord sur les comptes de la SCI BA et KA ouverts dans livres de la banque CIC Nord Ouest et de la banque du crédit du Nord en raison de l'absence de titre exécutoire et de créance exigible,
Y ajoutant
Condamne la SCI BA et KA à verser à la banque populaire du Nord la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SCI BA et KA aux dépens d'appel.
Le greffier, Le président,
I. Capiez P. Pelissero