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16/05/2019 | FRANCE | N°18/05248

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 16 mai 2019, 18/05248


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 16/05/2019



***



- SUR RENVOI APRES CASSATION -



N° de MINUTE :

N° RG 18/05248 - N° Portalis DBVT-V-B7C-R3KX



Ordonnance de référé (N° 15/00120 )

rendue le 1er octobre 2015 par le tribunal de grande instance d'Arras

Arrêt (N° 15/06124)

rendu le 31 mars 2016 par la cour d'appel de Douai

Arrêt (N° T 16-19.216 - R80)

rendu le 14

juin 2018 par la Cour de cassation



DEMANDERESSE A LA DÉCLARATION DE SAISINE

Commune de [Localité 1] prise en la personne de son maire en exercice

ayant son siège social

[Adresse 1]

[Adre...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 16/05/2019

***

- SUR RENVOI APRES CASSATION -

N° de MINUTE :

N° RG 18/05248 - N° Portalis DBVT-V-B7C-R3KX

Ordonnance de référé (N° 15/00120 )

rendue le 1er octobre 2015 par le tribunal de grande instance d'Arras

Arrêt (N° 15/06124)

rendu le 31 mars 2016 par la cour d'appel de Douai

Arrêt (N° T 16-19.216 - R80)

rendu le 14 juin 2018 par la Cour de cassation

DEMANDERESSE A LA DÉCLARATION DE SAISINE

Commune de [Localité 1] prise en la personne de son maire en exercice

ayant son siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée et assistée par Me Alain Cockenpot, avocat au barreau de Douai

DÉFENDEUR A LA DÉCLARATION DE SAISINE

Monsieur [G] [H]

né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 2]

demeurant

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté et assisté par Me Philippe Meillier, membre de la SCP Meillier Thuilliez, avocat au barreau d'Arras

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Marie-Hélène Masseron, président de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Marie-Laure Aldigé, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

DÉBATS à l'audience publique du 11 mars 2019

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 mai 2019 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Mme Marie-Hélène Masseron, président, et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 26 février 2019

***

M. [G] [H] est titulaire d'un bail rural sur la parcelle cadastrée ZP [Cadastre 1] sise sur la commune de [Localité 1] appartenant aux consorts [S].

La commune de [Localité 1] dispose d'une zone de stockage de déchets inertes située à proximité de la parcelle louée. Désireuse d'agrandir celle-ci, elle a pris contact avec les propriétaires riverains qui ont convenu de lui céder la parcelle cadastrée ZP [Cadastre 1] d'une superficie de 7 hectares 28 centiares qui sera divisée en deux parcelles : ZP [Cadastre 2] d'une superficie de 5 ha 40 a et 48 ca et ZP [Cadastre 3] pour le surplus de la surface globale.

Aux termes d'une convention signée le 25 avril 2012 entre la commune de [Localité 1] et M. [H], celui-ci devait acquérir la parcelle ZP [Cadastre 2] auprès des consorts [S] et renoncer à son droit au bail ainsi qu'à son droit de préemption sur la parcelle ZP [Cadastre 3], moyennant le versement de la somme de 3 196 euros.

M. [H] ne s'est pas présenté pour réitérer l'acte authentique de vente de la parcelle ZP [Cadastre 3].

Par acte d'huissier de justice en date du 2 juin 2015, la commune de [Localité 1] a fait assigner M. [H] devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'Arras aux fins d'obtenir l'exécution de l'obligation et qu'il soit fait injonction à M. [H] de réitérer sous astreinte devant notaire la renonciation à son droit au bail. Elle demande aussi sa condamnation au paiement de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive outre celle de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, elle sollicite la désignation d'un médiateur.

Par ordonnance en date du 1er octobre 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Arras a :

- débouté la commune de [Localité 1] de sa demande tendant à faire injonction sous astreinte à M. [H] de réitérer par acte authentique son engagement de cession du droit au bail rural du 25 avril 2012 et des demandes de dommages et intérêts,

- dit n'y avoir lieu à ordonner une médiation,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 811 du code de procédure civile, faute d'urgence justifiée,

- condamné la commune de [Localité 1] à payer à M. [H] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La commune de [Localité 1] a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt en date du 31 mars 2016, la cour d'appel de Douai a infirmé l'ordonnance entreprise et :

- condamné M. [H] à payer à la commune de [Localité 1], à titre provisionnel, la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice causé à cette dernière par un refus abusif de formaliser les engagements conclus le 25 avril 2012 et la privation de jouissance qui en découle ;

- ordonné à M. [H] de se présenter devant le notaire chargé d'authentifier la vente de la parcelle ZP [Cadastre 3] entre les consorts [S] et la commune de [Localité 1] pour y exprimer sa renonciation au droit de préemption sur cette parcelle et sa renonciation au droit au bail rural sur cette même parcelle en contrepartie d'une indemnité versée par la commune de 3 196 euros ;

- dit que cette obligation est assortie d'une astreinte de 500 euros par infraction constatée, caractérisée par une absence de M. [H] à un rendez-vous convenu entre les différents intervenants et le notaire ;

- condamné M. [H] aux dépens de première instance et d'appel.

Statuant sur le pourvoi formé par M. [G] [H], par un arrêt du 14 juin 2018, la Cour de cassation a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 31 mars 2016 par la cour d'appel de Douai.

Le 19 septembre 2018, la commune de [Localité 1] a saisi la cour de céans suite à l'arrêt de la Cour de cassation.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 22 février 2019, elle demande à la cour de :

- juger que M. [H] a réitéré à bon droit sa renonciation à son droit au bail préalable à la signature de l'acte de vente de la parcelle cadastrée ZP [Cadastre 3] en contrepartie d'une indemnité globale de 3 196 euros qui lui sera versée conformément à l'engagement contractuel sous seing privé du 25 avril 2012 ;

- condamner M. [H] à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive outre celle de 25 000 euros au titre du préjudice de jouissance ;

- condamner M. [H] au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens, il est renvoyé aux dernières écritures des parties.

Pour la clarté des débats, il sera seulement indiqué que la commune de [Localité 1] fait essentiellement valoir que :

- dès lors qu'il y a accord sur la chose et sur le prix, il y a lieu de considérer que le contrat est conclu et qu'il présente une force obligatoire ;

- l'obligation de M. [H] de délaisser la parcelle en cause moyennant indemnité n'est pas sérieusement contestable dès lors qu'aucune condition suspensive n'a été prévue par les parties au contrat et que les éléments essentiels du contrat à savoir le prix et la chose sont déterminés ;

- les parties peuvent décider de mettre fin au bail en cours, d'un commun accord ;

- elle n'a jamais reçu le courrier dont fait état M. [H] en date du 11 octobre 2012, l'accusé de réception produit aux débats étant un faux.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 18 janvier 2019, M. [H] sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et demande à la cour de :

- condamner la commune de [Localité 1] à lui rembourser la somme de 5 000 euros versée au titre de l'arrêt du 31 mars 2016 ;

- condamner la commune de [Localité 1] à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction au profit de la SCP Meillier Thuilliez.

Il soutient que :

- si le preneur peut renoncer à son droit de préemption d'ordre public en application de l'article L.412-1 du Code rural et de la pêche maritime, les conditions de la vente doivent lui être notifiées dans les termes de l'article L.412-8 du code rural et de la pêche maritime ;

- le preneur ne peut valablement renoncer à un droit qui n'était pas né à la date à laquelle la convention a été régularisée avec la commune.

MOTIVATION

Sur la demande principale

Aux termes de l'article L.412-1 du code rural et de la pêche maritime, le propriétaire bailleur d'un fonds de terre ou d'un bien rural qui décide ou est contraint de l'aliéner à titre onéreux, sauf le cas d'expropriation pour cause d'utilité publique, ne peut procéder à cette aliénation qu'en tenant compte, conformément aux dispositions de la présente section, d'un droit de préemption au bénéfice de l'exploitant preneur. Ce droit est acquis au preneur même s'il a la qualité de copropriétaire du bien mis en vente.

L'article L.412-4 du même code précise que le droit de préemption s'exerce nonobstant toutes clauses contraires.

Il peut être exercé s'il n'a été fait usage des droits de préemption établis par les textes en vigueur, notamment au profit de l'Etat, des collectivités publiques et des établissements publics.

Il ne peut en aucun cas être cédé.

Enfin, il résulte des dispositions de l'article L.421-8 qu'après avoir été informé par le propriétaire de son intention de vendre, le notaire chargé d'instrumenter doit faire connaître au preneur bénéficiaire du droit de préemption, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte d'huissier de justice, le prix, les charges, les conditions et modalités de la vente projetée, ainsi que, dans l'hypothèse prévue au dernier alinéa du présent article, les nom et domicile de la personne qui se propose d'acquérir.

Cette communication vaut offre de vente au prix et conditions qui y sont contenus. Les dispositions de l'article 1589 alinéa 1er du code civil sont applicables à l'offre ainsi faite.

Le preneur dispose d'un délai de deux mois à compter de la réception de la lettre recommandée ou de l'acte d'huissier pour faire connaître, dans les mêmes formes, son refus ou son acceptation de l'offre aux prix, charges et conditions communiqués avec indication des nom et domicile de la personne qui exerce le droit de préemption. Sa réponse doit être parvenue au bailleur dans le délai de deux mois ci-dessus visé, à peine de forclusion, son silence équivalant à une renonciation au droit de préemption.

En cas de préemption, celui qui l'exerce bénéficie alors d'un délai de deux mois à compter de la date d'envoi de sa réponse au propriétaire vendeur pour réaliser l'acte de vente authentique ; passé ce délai, sa déclaration de préemption sera nulle de plein droit, quinze jours après une mise en demeure à lui faite par acte d'huissier et restée sans effet.

L'action en nullité appartient au propriétaire vendeur et à l'acquéreur évincé lors de la préemption.

Le tiers acquéreur peut, pendant le délai d'exercice du droit de préemption par le preneur, joindre à la notification prévue à l'alinéa 1er ci-dessus une déclaration par laquelle il s'oblige à ne pas user du droit de reprise pendant une durée déterminée. Le notaire chargé d'instrumenter communique au preneur bénéficiaire du droit de préemption cette déclaration dans les mêmes formes que la notification prévue à l'alinéa 1er. Le preneur qui n'a pas exercé son droit de préemption pourra se prévaloir de cette déclaration aux fins d'annulation de tout congé portant reprise avant l'expiration de cette période.

Il résulte de ces dispositions que la renonciation du preneur à son droit de préemption, qui est d'ordre public, suppose que celui-ci ait été préalablement destinataire d'une offre adressée par le notaire chargé d'instrumenter la vente.

En l'espèce, la parcelle cadastrée section ZP n°[Cadastre 1], lieudit [Adresse 3]) appartenant aux consorts [S], était louée par bail rural à long terme aux termes d'un acte authentique établi le 1er décembre 2000 consenti au profit de M. [G] [H].

Alors que suivant un document d'arpentage établi le 7 mars 2012, la parcelle cadastrée section ZP numéro [Cadastre 1] a été divisée en deux parcelles distinctes cadastrées ZP numéro [Cadastre 2] et ZP numéro [Cadastre 3], il est constant que les consorts [S] avaient le projet de vendre la parcelle cadastrée ZP n°[Cadastre 3] à la commune de [Localité 1] et la parcelle cadastrée ZP n°[Cadastre 2] à M. [H].

Aux termes d'une convention signée le 25 avril 2012 entre la commune de [Localité 1] et M. [H], celui-ci devait acquérir la parcelle ZP [Cadastre 2] et renoncer à son droit au bail ainsi qu'à son droit de préemption sur la parcelle ZP [Cadastre 3] moyennant le versement d'une indemnité de 3 196 euros.

Si M. [H] est intervenu volontairement à l'acte de vente régularisé le 3 novembre 2016 entre les consorts [S] et la commune de [Localité 1] concernant la parcelle cadastrée section ZP n°[Cadastre 3], force est de constater qu'il ne résulte pas des éléments du dossier que le notaire ait adressé à M. [H], en sa qualité de titulaire du droit de préemption, une offre formulée selon les formes et contenus impératifs prévus par l'article L.412-8 du code rural susvisé.

En conséquence, il y a lieu de constater l'existence d'une contestation sérieuse, l'ordonnance entreprise étant confirmée en toutes ses dispositions.

La commune de [Localité 1], partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP Meillier Thuilliez en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Il n'apparaît pas inéquitable de la condamner à payer à M. [H] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

- Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

- Condamne la commune de [Localité 1] à payer à M. [G] [H] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la commune de [Localité 1] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Meillier Thuilliez en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier,Le président,

Delphine VerhaegheMarie-Hélène Masseron


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 18/05248
Date de la décision : 16/05/2019

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°18/05248 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-16;18.05248 ?
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