République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 13/02/2020
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N° de MINUTE : 20/
N° RG 18/04289 - N° Portalis DBVT-V-B7C-RXOX
Jugement (N° 17/02160) rendu le 17 juillet 2018 par le tribunal de grande instance de Lille
APPELANTE
SCI Jean agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 1]
[Adresse 2][Adresse 1]
représentée par Me François Deleforge, avocat au barreau de Douai
assistée de Me Delphine Chambon, avocat au barreau de Lille
INTIMÉE
SARL Beaurepaire agissant poursuites et diligences de sa représentante légale domiciliée en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 3]
représentée et assistée par Me Philippe Talleux, avocat au barreau de Lille
En présence de M. [N] [R], gérant
DÉBATS à l'audience publique du 12 novembre 2019 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Valérie Roelofs
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Laurent Bedouet, président de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Agnès Fallenot, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 février 2020 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Laurent Bedouet, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 22 octobre 2019
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FAITS ET PROCEDURE
Par acte sous seing privé du 6 octobre 2000, la SCI Jean a consenti un renouvellement de bail à la SARL Beaurepaire portant sur des lots de copropriété dont un rez-de-chaussée commercial, des caves aménagées et un laboratoire au 1er étage, le tout situé [Adresse 2]. Ce bail a pris effet le 19 février 1999 pour se terminer le 18 février 2008.
Le loyer est stipulé à 205 000,00 [Localité 1], soit 31 252 euros et indexé sur L'ICC.
La société Beaurepaire y exploite une crêperie et il existe des points de cuisson au premier étage.
L'immeuble du [Adresse 2] est, pour les autres lots, à usage d'habitation.
Par acte d'huissier du 30 mars 2011, la société Jean a fait délivrer à la société Beaurepaire un commandement visant la clause résolutoire d'avoir à 'exploiter les locaux conformément aux clauses du bail, c'est à dire de prendre toute mesures et dispositions propres à assurer une évacuation adaptée des fumées et odeurs de cuisine, et en tout état de cause de cesser toutes activités entraînant un trouble de voisinage'.
Dans un temps proche, des copropriétaires s'étant plaints d'un trouble créé par l'évacuation des odeurs et fumées générées parla crêperie Beaurepaire, ils ont demandé et obtenu, en référé, la désignation d'un expert suivant ordonnance du président du tribunal de grande instance de Lille du 7juin 2011.
L'expert a achevé son rapport le 7 mai 2013.
Parallèlement, saisi par la société Beaurepaire d'une opposition au commandement, le tribunal statuant au fond a, par un jugement du 16 avril 2014, notamment :
- dit que le commandement délivré le 30 mars 2011 est de nul effet ;
- rejeté la demande relative à l'acquisition la clause résolutoire ;
- débouté la société Jean de sa demande de résiliation du contrat de bail ;
- invité la société Beaurepaire à solliciter les autorisations nécessaires auprès de copropriétaires ou si nécessaire d'un administrateur judiciaire ;
- condamné la société Beaurepaire à effectuer les travaux tels que présentés dans les deux
devis sous astreinte ou à défaut à supprimer les points de cuisson au premier étage ;
- condamné la société Jean à payer la somme de 800 euros pour délivrance abusive d'un commandement visant la clause résolutoire.
Sur appel de la société Jean, la cour d'appel de Douai a, par un arrêt du
21 mai 2015, notamment :
- confirmé le jugement du 16 avril 2014 sauf sur les dispositions relatives aux travaux à effectuer par la société Beaurepaire et sur le montant des dommages et intérêts alloués la société Beaurepaire ;
- statuant sur ces seuls chefs,
- condamné la société Beaurepaire à effectuer les travaux d'évacuation des fumées et odeurs tels que présentés dans les devis des 26 avril 2011 et 2 mai 2011 et préalablement autorisés par les copropriétaires et bailleur, sous astreinte de 200 euros par jour pendant six mois et dans un délai de 6 mois, à compter de la signification du présent arrêt, et à défaut de réaliser ces travaux préalablement autorisés par les copropriétaires et bailleur, de supprimer les points de cuisson au premier étage ;
- condamné la société Jean à payer à la société Beaurepaire la somme de
2 000 euros de dommages et intérêts pour comportement abusif ;
- et ajoutant,
- invité la société Beaurepaire à poursuivre ses démarches visant à solliciter les autorisations nécessaires auprès du bailleur, des copropriétaires, du syndic de copropriété pour la réalisation des travaux visant à l'évacuation des fumées et odeurs du premier étage ;
- condamné la société Jean à supporter les dépens d'appel et à payer à la société Beaurepaire une indemnité procédurale.
Lors de l'assemblée générale des copropriétaires du [Adresse 2], les copropriétaires ont donné leur accord pour que la société Beaurepaire effectue les travaux.
Par acte d'huissier du 4 janvier 2016, la société Jean a fait signifier l'arrêt d'appel à son preneur.
Le bailleur a ensuite fait établir par Me [U], huissier de Justice, que les 21,22,25 et 27 février 2017 à des horaires voisins de 11 heures 30 et 13 heures, une fenêtre du premier étage était entrouverte et que des fumées de cuisine s'en échappaient.
Le bailleur a ensuite fait intervenir le même huissier pour exercer son droit de visite des locaux loués et établir que le 8 mars 2017, deux machines à crêpes fonctionnaient au premier étage et dégageaient des vapeurs et fumées, que deux faitouts chauffaient, qu'aucune hotte ni appareil d'évacuation des fumées n'était présente, que de la buée couvrait les vitres et que les trois fenêtres de l'étage étaient entrouvertes.
Parallèlement, de 2010 à 2015, les sociétés Jean et Beaurepaire ont eu un contentieux devant le juge des loyers commerciaux puis la cour d'appel de Douai, laquelle a fixé le loyer annuel du bail renouvelé à compter du 19 février 2018 à
39 624,02 euros, constaté que le loyer en cours était supérieur à la valeur locative, rendant sans objet la demande de déplafonnement.
Des échanges officiels entre avocats ont donc fait suite à cet arrêt sur les comptes entre les parties.
Par acte d'huissier du 17 mars 2017, la SCI Jean a assigné la SARL Beaurepaire devant le tribunal de grande instance de Lille en résiliation du bail et expulsion.
Par jugement contradictoire et en premier ressort en date du 17 juillet 2018, le tribunal de grande instance de Lille a :
- rejeté la demande de résiliation du bail;
- rejeté en conséquence les demandes d'expulsion et de paiement d'une indemnité d'occupation ;
- constaté que la SCI Jean donne son accord écrit et exprès à l'exécution par la SARL Beaurepaire des travaux tels qu'ordonnés par l'arrêt du 21 mai 2015 de la cour d'appel de Douai (RG-14/3023) ;
- rejeté la demande indemnitaire de la SARL Beaurepaire ;
- dit n'y avoir lieu à aucune condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SCI Jean a supporter les dépens de l'instance.
Par déclaration d'appel en date du 23 juillet 2018, la SCI Jean a interjeté appel de la décision, reprenant l'ensemble des chefs la concernant dans son acte d'appel.
MOYENS ET PRETENTIONS
Par conclusions signifiées par voie électronique en date du 21 octobre 2019, la SCI Jean demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
- constaté le caractère définitif de la condamnation de la société Beaurepaire à effectuer les travaux d'évacuation des odeurs et, à défaut de supprimer les points de cuisson au premier étage,
- rejeté la demande indemnitaire de la SARL Beaurepaire,
- constaté l'absence de réalisation des travaux et de suppression des points de cuisson au premier étage,
- mis en exergue la nonchalance fautive de la société Beaurepaire,
- rejeté la demande indemnitaire de la SARL Beaurepaire,
- infirmer le jugement déféré pour le surplus et, statuant à nouveau,
- prononcer la résiliation du bail liant la SCI Jean et la Société Beaurepaire et portant sur des locaux sis à [Adresse 3], aux torts de la Société Beaurepaire,
- ordonner l'expulsion de la SARL Beaurepaire et de tous occupants de son chef des locaux qui lui étaient donnés à bail, [Adresse 2], au besoin avec l'aide de la force publique et d'un serrurier.
- dire que les objets garnissant les lieux pourront être transportés chez un garde-meubles aux frais, risques et périls de la locataire.
- débouter la société Beaurepaire de toutes ses demandes fins et conclusions.
- condamner la Société Beaurepaire au paiement d'une indemnité d'occupation calculée forfaitairement sur la base du double du loyer global de la dernière année de location à compter du prononcé de la résiliation et jusqu'à parfait délaissement.
- condamner la SARL Beaurepaire au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la première instance, outre 5.000 € pour la procédure d'appel.
- condamner la SARL Beaurepaire en tous les frais et dépens de première instance et d'appel.
Elle fait valoir que :
- la société Beaurepaire n'a pas respecté la décision de justice exécutoire et définitive prononcée à son encontre par la cour d'appel de Douai
- la société Beaurepaire ne peut arguer d'une quelconque exception d'inexécution du bail, lequel selon elle aurait failli à son obligation de délivrance et devait prendre en charge les travaux litigieux,
- l'autorité de la chose jugée, attachée à la décision de la cour d'appel ainsi que celle de l'unicité du procès et des moyens conduisent à considérer que la question des travaux est définitivement tranchée,
- la question de la charge des travaux, s'agissant d'un moyen de défense à la condamnation à faire, ne peut faire l'objet d'une nouvelle procédure, étant incluse dans la demande de condamnation du preneur à faire des travaux,
- les thèses successives de la société Beaurepaire se heurtent également au principe de l'estoppel,
- sur le fond, l'analyse des clauses du bail permet de constater que les travaux sont à la charge du preneur,
- cette infraction est une infraction continue et un motif de résiliation du bail liant les parties.
Elle souligne que les causes de l'arrêt condamnant aux travaux n'ont pas été exécutées, le preneur bénéficiant pourtant de l'autorisation de la copropriété, étant observé que l'assignation ou la mise en demeure aux fins de réalisation de travaux valent autorisation du bailleur s'agissant de l'exécution des travaux. Elle fait état de la négligence certaine s'agissant de l'exécution de la décision par la société Beaurepaire, de sa mauvaise foi dans l'exécution du contrat de bail, et ce depuis 8 ans.
Sur le non respect des conditions d'exploitation telles qu'elles résultent du bail et sur le défaut d'entretien des locaux, elle expose que :
- le défaut d'entretien est caractérisé et en lien avec l'absence de réalisation des travaux afférents à l'évacuation des fumées et des odeurs (ou de suppression des points chauds à l'étage),
- les résidus graisseux, alimentaires, poussières s'accumulent et imprègnent les murs, la présence de moisissures ayant été constatée,
- les normes réglementaires relatives à l'évacuation des fumées et notamment l'article R4222-1 du code du travail, ne sont pas respectées.
Elle rappelle que :
- la résiliation correspond à une sanction objective d'une inexécution et que le bailleur n'a pas à démontrer l'existence d'un préjudice particulier,
- la nature et la persistance des manquements de même que la mauvaise foi du preneur justifie la résiliation,
- le preneur avait ainsi une activité nuisant au bailleur et au voisinage et avait ainsi modifié unilatéralement l'affectation des locaux, se servant du premier étage du local pour la cuisson des aliments,
- plus de 9 ans ont été nécessaires pour réaliser les travaux, soulignant la gravité du manquement, d'autant que les premiers travaux ne répondaient pas aux normes applicables en la matière, tout comme les derniers travaux en date.
Elle conteste avoir accepté les manquements contractuels de son preneur, la procédure parallèle de renouvellement de loyer ne pouvant valoir renonciation à se prévaloir des manquements du locataire en l'espèce.
Par conclusions signifiées par voie électronique en date du 7 octobre 2019, la société Beaurepaire demande à la cour de :
- confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Lille en ce qu'il a :
- rejeté la demande de résiliation du bail,
- rejeté en conséquence les demandes d'expulsion et de paiement d'une indemnité d'occupation
- infirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Lille en ce qu'il a :
- rejeté la demande indemnitaire de la SARL Beaurepaire,
- dit n'avoir lieu à aucune condamnation au titre de l'article 700
- statuer à nouveau :
- à titre principal ;
- dire et juger que la SCI Jean manqueJean manque à son obligation de délivrance,
- dire et juger que la SARL Beaurepaire n'a pas commis de faute,
- à titre subsidiaire,
- de constater que la SCI Jean a accepté le renouvellement du bail commercial renouvelé à effet du 19 février 2018,
- dire et juger que la SCI JEAN a accepté les manquements contractuels de la société Beaurepaire,
- en tout état de cause,
- débouter la SCI Jean de ses demandes de résiliation de contrat de bail,
- condamner la SCI Jean à payer à la société Beaurepaire la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile.
- condamner la SCI Jean à payer à la SARL Beaurepaire la somme de 4000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et à la même somme en l'appel.
Elle revient sur :
- les travaux à faire, les autorisations à obtenir ( des co-propriétaires mais également du bailleur), le silence du bailleur à ses différentes demandes.
- la procédure en renouvellement de loyer et fixation.
À titre principal, elle argue d'une exception d'inexécution, aux motifs que :
- le bailleur a manqué à son obligation de délivrance, l'installation étant inadaptée à la destination contractuelle des lieux et l'utilisation du local du premier étage étant conforme au bail commercial liant les parties,
- il n'appartient pas au preneur de rendre conforme à la destination contractuelle les lieux à sa charge, aucune demande n'ayant été formulée dans la procédure ayant donné lieu à l'arrêt du 21 mars 2015 sur la charge des travaux,
- aucune autorité de la chose jugée sur la répartition de la charge des travaux liés à cette mise en conformité ne peut lui être opposée.
Elle souligne ne pas avoir exécuté la décision de justice relative aux travaux, faute d'obtention de l'autorisation du bailleur, observant que :
- l'autorisation du bailleur en raison des stipulations contractuelles est requise, ce que rappelle d'ailleurs l'arrêt relatif aux travaux,
- le bailleur a empêché la réalisation des travaux en s'abstenant de délivrer les autorisations nécessaires, sa mauvaise foi étant patente,
- aucun formalisme ne régit la demande d'autorisation de travaux auprès du bailleur,
- l'arrêt litigieux prévoit deux mesures distinctes et alternatives ( les travaux ou le retrait des points de cuisson); seule la société Beaurepaire ayant le choix de privilégier l'un ou l'autre, les travaux nécessitant toutefois l'obtention préalable de l'autorisation du bailleur,
- le défaut d'entretien allégué est un problème d'hygiène superficielle, qui ne peut permettre sauf abus au bailleur de solliciter la résiliation du bail.
Elle fait valoir qu'après avoir obtenu les autorisations, les travaux ont été réalisés, sans que la SCI Jean ne prouve que les travaux réalisés ne seraient pas conformes.
Elle soutient que cette attitude constitue un abus du droit d'agir en justice, le bailleur exerçant une action en justice et s'abstenant de donner les autorisations dans le seul but de nuire au preneur.
À titre subsidiaire, elle fait état d'une acceptation des manquements contractuels, le bailleur étant informé des manquements et n'ayant pas réagi mais préféré notifier un congé avec offre de renouvellement à effet du 19 février 2017 aux clauses et conditions du bail expiré et notamment au prix du loyer fixé judiciairement par le jugement du 18 novembre 2013.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 octobre 2019.
MOTIVATION
Sur la demande de résiliation de bail
Aux termes des dispositions de l'article 1184 du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai dans les circonstances.
Si, dans un contrat synallagmatique à exécution successive, la résiliation judiciaire n'opère pas pour le temps où le contrat a été correctement exécuté, la résolution judiciaire pour absence d'exécution, ou exécution dès l'origine imparfaite, entraîne l'anéantissement rétroactif du contrat.
Pour apprécier la gravité des manquements, il convient de tenir compte de leur importance, leur persistance et du comportement respectif des parties, notamment afin d'arbitrer leur caractère suffisamment grave pour justifier de la résiliation judiciaire du bail.
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Le bail commercial conclu par acte sous seing privé en date du 6 octobre 2000, disposaient que :
- les lieux sont constitués d'un lot n°1, comprenant au rez de chaussée un local commercial à usage de restaurant s'étendant sur tout le bâtiment..., au sous sol : désservies par un escalier intérieur privatif deux caves aménagées en salle de restaurant avec, à la suite, une cave et un sanitaire se prolongeant sous la cour commune, et un lot n° 2, au premier étage : un local comprenant une entrée desservant deux pièces situées de part et d'autre et un W-C. Ce local est à usage de laboratoire de préparation des repas du restaurant,
- en son article 3.2 le preneur prend l'engagement de 'tenir les lieux loués pendant toute la durée du bail en bon état et d'effectuer toutes les réparations et réfections qui pourraient être nécessaires sans aucune distinction sous la seule exception de celles prévues par l'article 606 du code civil' et de 'maintenir en bon état d'entretien, de fonctionnement, de sécurité et de propreté l'ensemble des locaux, la vitrine, les vitres la plomberie, la serrurerie, la menuiserie, l'appareillage électrique et sanitaire, tous les accessoires et éléments d'équipement',
- selon l'article 3.3, le preneur doit 'ne pouvoir faire dans les lieux loués aucun changement de distribution, aucune démolition, aucun percement de murs ou de voutes, aucune construction, sans l'autorisation expresse et par écrit du bailleur',
- selon l'article 6.2, le preneur peut 'installer dans les lieux loués les machines nécessaires à son exploitation en veillant à ce qu'elles soient munies de dispositifs nécessaires pour éviter tout trouble aux voisins' et prend l'engagement 'de faire supprimer sans délai celles qui seraient installées si leur fonctionnement, malgré les précautions prises, motivait des réclamations justifiées des autres locataires ou occupants de l'immeuble ou des immeubles voisines'.... et selon l'article 6.4 'de s'abstenir de toutes activités bruyantes, dangereuses, incommodes ou insalubres, de prendre toutes mesures utiles pour empêcher toutes odeurs désagréables, de s'abstenir de jeter ou laisser jeter des produits corrosifs dans les égouts et les canalisations'.
Sur les travaux d'évacuation des airs pollués et des fumées
Si l'arrêt de la cour d'appel du 21 mai 2015 ne peut être le fondement à la demande de résiliation, le non respect des stipulations précitées du bail doit être éclairé par les décisions intervenues entre les parties, et notamment cet arrêt, qui après avoir refusé la demande subsidiaire de résiliation du bail fondée sur l'absence d'exécution des travaux conformément au bail, a, sur la demande du bailleur relative à voir exécuter les travaux d'évacuation, dans son dispositif, 'condamné la société Beaurepaire à effectuer les travaux d'évacuation des fumées et odeurs tels que présentés dans les devis des
26 avril 2011 et 2 mai 2011 et préalablement autorisés par les copropriétaires et bailleur, sous astreinte de 200,00 euros par jour pendant six mois et dans un délai de 6 mois, à compter de la signification du présent arrêt, et à défaut de réaliser ces travaux préalablement autorisés par les copropriétaires et bailleur, de supprimer les points de cuisson au premier étage'.
Il s'ensuit que la cour a statué ainsi, par une décision, qui a été signifiée et n'a fait l'objet d'aucun recours, sur les travaux demandés par la SCI Jean, demande qui induit nécessairement l'examen de la répartition desdits travaux entre les cocontractants, en mettant lesdits travaux à la charge de la société Beaurepaire, cette dernière n'en contestant pas alors la charge mais faisant uniquement valoir ne pas pouvoir les réaliser à raison de l'absence d'autorisation de son bailleur et de la copropriété, aucun moyen de défense tiré d'une exception d'inexécution n'ayant alors été opposé par le preneur.
Contrairement à ce qu'affirme la société Beaurepaire, la présente procédure ne vise pas à apprécier un manquement à l'obligation de délivrance du bailleur mais tend à nouveau à obtenir la résiliation du bail pour défaut d'exécution de celui-ci conformément aux stipulations, à laquelle s'oppose le preneur en excipant d'un moyen de défense tirée d'une exception d'inexécution tenant à un manquement à l'obligation de délivrance.
Très justement, les premiers juges ont pu donc retenir que les développements du preneur quant à la charge des travaux et à l'exception d'inexécution se heurtent à la fois au principe de l'autorité de la chose jugée et aux principes de concentration des moyens et de l'estoppel.
En l'espèce, il n'est pas contesté par la société Beaurepaire qu'elle n'a pas exécuté les travaux issus du bail et mis à sa charge par l'arrêt précité, et ce au moins jusqu'au 8 janvier 2019, cette dernière soutenant avoir été dans l'impossibilité de le faire, faute d'avoir obtenu les autorisations requises et d'ailleurs expressément rappelées dans la décision précitée.
Alors même que l'arrêt du 21 mai 2015 invitait le preneur à poursuivre ses démarches visant à solliciter les autorisations nécessaires auprès du bailleur, des copropriétaires, du syndic de copropriété pour la réalisation des travaux, la société Beaurepaire a effectué ces diligences avec parcimonie et mauvaise grâce.
En effet, comme l'ont justement noté les premiers juges, le litige se concentre essentiellement sur l'accord du bailleur, puisque pour l'accord des copropriétaires, aucun grief et aucun retard ne peut être reproché à la société Beaurepaire, qui a, après avoir obtenu l'organisation de la copropriété, acquis après réunion de l'assemblée générale des copropriétaires l'autorisation d'effectuer les travaux, le procès verbal de l'assemblée du 9 septembre 2015 n'ayant fait l'objet d'aucun recours.
Par contre, s'agissant du bailleur, la société Beaurepaire ne démontre aucune mise en demeure à son égard, avant celle du 11 décembre 2017, puisque quand bien même aucun formalisme n'est imposé par le bail pour solliciter ledit accord, au vu de la dégradation des relations, une mise en demeure en bonne et due forme était nécessaire pour prouver la réalisation de cette démarche.
Il convient de noter, cependant, que le conseil du preneur avait expressément avisé par mail le conseil du bailleur, de l'obtention de l'accord de l'assemblée générale et rappelé, dès le 15 septembre 2015, ne rien pouvoir faire sans l'accord du bailleur et rester dans l'attente de cet accord.
Toutefois, le bailleur, qui réclame l'exécution desdits travaux ne démontre pas plus avoir formalisé son assentiment aux travaux issus du bail et mis à la charge du preneur par l'arrêt précité, le bail exigeant 'une autorisation expresse et par écrit' du bailleur.
Si, par le courrier du 7 février 2011, la société Jean demande les mesures prises pour remédier aux problèmes du 1er étage, il n'est pas justifié par le bailleur, après le prononcé de l'arrêt précité, d'un accord répondant aux exigences ci-dessus mentionnées.
Le courrier du 18 décembre 2015 ne porte aucunement autorisation expresse et écrite du bailleur de réaliser les travaux, se contentant de souligner que les preneurs, bien qu'autorisés par la co-propriété, n'ont toujours pas procédé aux travaux auxquels ils sont judiciairement tenus.
Aucun accord implicite ne peut être déduit ni de l'autorisation donnée par la copropriété, constituée des seuls époux [P] et de la SCI Jean, cette dernière, au vu des tantièmes exprimés, n'ayant pas participé au vote, ni de l'absence de contestation de cette délibération.
Le bailleur ne peut pas plus se prévaloir de la signification le 4 janvier 2016 de l'arrêt précité, puisque, d'une part, ce dernier prévoit expressément l'obtention d'un accord, le bailleur ayant sollicité des travaux mais n'ayant pas dans la procédure d'alors marqué son accord avec les travaux tels qu'arrêtés par l'arrêt, d'autre part, le bail exige une autorisation expresse, et non implicite, laquelle ne peut au vu de la dégradation des relations être présumée.
Il ne saurait pas plus être tiré argument de l'assignation et des écritures initialement prises dans le cadre de la présente procédure, laquelle poursuit non l'exécution des travaux mais surtout l'anéantissement du bail pour non réalisation des travaux.
Le bailleur ne saurait déduire enfin de la réalisation récente de travaux le fait que le preneur était en mesure de réaliser lesdits travaux dès la signification de l'arrêt, de même qu'il ne peut tronquer la décision en estimant qu'à défaut d'exécution des travaux, la mesure de suppression des points de cuisson au premier étage serait alternative, alors même que la suppression des points de cuisson est au vu de la rédaction du chef de l'arrêt un choix du seul preneur lequel peut renoncer aux travaux une fois l'accord du bailleur préalablement obtenu.
Les objections du bailleur relatives à la réalisation de travaux qui ne sont plus ceux initialement envisagés par les devis visés dans l'arrêt ne sont pas recevables au vu du délai écoulé entre l'élaboration des devis, le prononcé de cette décision de justice et enfin leur exécution.
Le bailleur se contente d'affirmer l'élaboration de travaux effectués a minima, ne dépassant pas le faîtage du toit et en contradiction avec les normes en vigueur, en se référant à la norme applicable aux conduits de cheminées, sans établir que ladite norme soit applicable également aux conduits d'évacuation et gaines d'extraction de l'air pollué de cuisine.
Or, au vu de la dégradation des relations, le bailleur n'aurait pas manqué en cas de difficultés ou de nouvelles plaintes de les relayer dans la présente procédure pour démontrer l'inefficience des mesures prises par son preneur.
Le délai entre le prononcé de la décision de première instance dont appel et la réalisation des travaux début 2019 est tout à fait raisonnable, au vu de la nature des travaux, des délais d'intervention et de l'absence de caractère exécutoire de la décision ayant acté l'accord du bailleur à raison de l'appel de ce dernier.
En conséquence, et au vu de ces comportements respectifs et des atermoiements de chacune des parties pour résoudre effectivement et rapidement ledit litige, le fait que la société Beaurepaire n'ait pas avant le 8 janvier 2019 effectué de travaux, dont il n'est pas démontré l'inefficacité, ne saurait constituer un manquement d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du bail.
Sur le défaut d'entretien
Force est de constater que ce défaut d'entretien est en lien avec l'absence de réalisation des travaux afférents l'évacuation des fumées et odeurs, auquelle chacune des parties, par son attitude, a contribué, comme cela a été préalablement démontré.
Il ressort du procès verbal de constat d'huissier en date du 8 mars 2017 que la société Beaurepaire a manqué à son obligation de tenir les lieux loués en bon état conformément aux stipulations de l'article 3-2 du bail, à raison de la présence de fongis noir imprégnant le plafond, de résidus graisseur sur les fenêtres ou de salissure sur la partie supérieure des murs du laboratoire.
Ainsi, comme l'a justement noté le premier juge, rien ne permet d'affirmer qu'il ne puisse être remédié à ce défaut d'entretien et que ce défaut engendrerait des dégradations irrémédiables au bien loué.
Le bailleur procède par voie d'affirmation lorsqu'il relève que l'excès d'humidité provoque une dégradation du bâti et il ne saurait être déduit de la non réalisation des travaux précités que cette situation ait perduré depuis 2017, voire se soit aggravée.
C'est donc par une juste appréciation que les manquements n'ont pas été jugés suffisamment graves de ce chef pour justifier la résiliation du bail à ce titre.
Sur le non-respect des normes relatives à l'évacuation des odeurs et fumées
Au visa des dispositions de l'article 1.3 selon lequel le preneur s'engage à se conformer aux règlements et ordonnances en vigueur, notamment en ce qui concerne la voirie, la salubrité, la police, la réglementation du travail, la sécurité, le tout de façon à ce que le bailleur ne soit jamais inquiété ou recherché, le bailleur se contente d'affirmer le non respect des normes issues du règlement sanitaire départemental et de l'article
R 4222-1 du code précité, sans l'établir précisément et sans démontrer qu'il puisse voire sa responsabilité recherchée de quelque manière que ce soit.
Ce grief n'est donc pas établi.
Enfin, ces manquements tenant au retard dans l'exécution des travaux issus du bail et mis à la charge du preneur par l'arrêt de la cour d'appel et au défaut d'entretien, tant pris isolément qu'ensemble ne sont pas d'une nature suffisamment grave pour justifier qu'ils soient sanctionnés par l'anéantissement du bail.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a débouté le bailleur de ses demandes de résiliation, d'expulsion et de condamnation à une indemnité d'occupation.
Sur la demande au titre de la procédure abusive
En vertu des dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil, l'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit et nécessite que soit caractérisée une faute faisant dégénérer en abus le droit d'agir en justice pour que puissent être octroyés des dommages et intérêts à titre de réparation.
En vertu des dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.
L'article 546 du code de procédure civile dispose que le droit d'appel est un droit qui appartient à toute partie qui y a intérêt, sous réserve toutefois de l'abus. Le fait d'intenter une action ou d'opposer des moyens de défense à une demande n'est pas en soi générateur de responsabilité et la succombance du plaideur ne caractérise pas sa faute.
'La société Beaurepaire sollicite une somme de 3.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour abus du droit d'agir, affirmant la volonté de nuire du bailleur qui mènerait des actions en se gardant de donner les autorisations nécessaires dans le seul but de lui nuire, alors même qu'elle fait montre également de comportements pour le moins équivoques, s'abstenant quant à elle de solliciter directement les autorisations afin de permettre rapidement et effectivement une issue favorable au litige et conforme à la décision qui l'a pourtant expressément condamnée à faire les travaux et à rechercher l'accord de son bailleur.
En conséquence, aucun abus n'étant manifestement caractérisé, la demande doit être rejetée et la décision des premiers juges également confirmée de ce chef.
Sur les dépens et accessoires
En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société Jean succombant en ses prétention, est condamnée aux dépens.
Les chefs de la décision de première instance relatifs aux dépens et à l'indemnité procédurale sont confirmés.
Au vu du comportement respectif des parties et du sens du présent arrêt, l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile également en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lille en date du
17 juillet 2018 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Jean aux entiers dépens d'appel.
Le greffierLe président
V. RoelofsL. Bedouet