ARRÊT DU
29 Mai 2020
N° 477/20
N° RG 17/02757 - N° Portalis DBVT-V-B7B-Q52R
PS/AL
RO
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOURCOING
en date du
19 Juillet 2017
(RG F16:00314 -section 2)
GROSSE :
aux avocats
le 29 Mai 2020
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANTE :
S.A.S. PROTELCO
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Juliette DUQUENNE, avocat au barreau de LILLE, assisté de Me Carole BESNARD BOELLE, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
M. [P] [O]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Alain-françois DERAMAUT, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Emilie YVART, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS :à l'audience publique du 10 Mars 2020
Tenue par Patrick SENDRAL
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Annie LESIEUR
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Monique DOUXAMI
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET
: CONSEILLER
Patrick SENDRAL
: CONSEILLER
Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 30 Avril 2020 au 29 Mai 2020 en raison de l'état d'urgence sanitaire
ARRÊT :Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Mai 2020,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monique DOUXAMI, Président et par Valérie COCKENPOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 01 Avril 2019, avec effet différé jusqu'au 25 Février 2020
LE LITIGE
En septembre 2008 M.[O] est entré en qualité de technicien itinérant au service d'une société aux droits de laquelle se trouve la société PROTELCO spécialisée dans les télécommunications. Le 26/12/2012 il a été destinataire d'un rappel à l'ordre écrit pour avoir endommagé l'ordinateur professionnel. Le 1er octobre 2013 il a été sanctionné d'une mise à pied disciplinaire pour avoir acheté du carburant destiné au véhicule de service pendant un arrêt-maladie et en dehors des horaires de sortie. Le 24/2/2016 il a été sanctionné d'un avertissement pour un excès de vitesse commis le 19 janvier 2016. Son licenciement pour cause réelle et sérieuse lui a été notifié par lettre du 6 avril 2016 à raison de retards chez des clients mis en lumière à la réception de l'avis d'excès de vitesse.
M.[O] ayant contesté son licenciement le Conseil de Prud'hommes l'a débouté de sa demande à titre de salaires mais a condamné la société PROTELCO à lui payer 14 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. C'est dans ce contexte que le 10 août 2017 la société PROTELCO a régulièrement formé appel de ce jugement en tous ses chefs lui faisant grief.
Vu l'article 455 du code de procédure civile
Vu l'ordonnance de fixation de l'affaire à bref délai
Vu les conclusions récapitulatives déposées par voie électronique au Greffe le 10 septembre 2019 par lesquelles la société PROTELCO demande l'infirmation du jugement, le rejet des demandes adverses ainsi qu'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Vu les conclusions récapitulatives d'appel incident déposées par voie électronique au Greffe le 31 janvier 2019 par lesquelles M.[O] prie la Cour de condamner la société PROTELCO au paiement des sommes suivantes:
- salaires heures non récupérées : 200 euros
- dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 48 480 euros
- frais non compris dans les dépens: 5000 euros
MOTIFS
Le licenciement
Les missions de M.[O], nommé coordinateur terrain en vertu de l'avenant du 1/11/2014, consistaient essentiellement à réaliser des audits en matière de santé et de sécurité et à contrôler, en les accompagnant, le travail des techniciens intervenant au domicile des clients de la société. Le 19 janvier 2016 il était chargé, conformément au planning établi par ses soins adressé à son employeur, d'accompagner un technicien, M.[Z], à différents rendez-vous programmés chez des clients. Il lui est reproché en premier lieu, dans les termes de la lettre de licenciement, de ne pas s'être rendu chez 3 clients et de ne pas y avoir accompagné le technicien conformément au planning. Il lui est également reproché de ne pas avoir prévenu sa hiérarchie et d'avoir fourni à sa direction des données inexactes sur son temps de travail et son droit à récupérations. La société PROTELCO explique que le 19 janvier 2016 M.[O] devait accompagner le technicien chez des clients à 8 heures et 10 heures mais que le jour dit il a été flashé avec le véhicule de service sur l'autoroute à 9 h 32 en excès de vitesse à près de 130 kilomètres du premier rendez-vous avec le technicien. Elle fait valoir qu'ainsi il ne pouvait être à l'heure aux lieux d'interventions programmés. Elle ajoute avoir découvert les faits à réception de l'avis de contravention et qu'entre-temps M.[O] lui avait transmis un tableau contenant un horaire de départ de sa résidence incompatible avec les constations du cinémomètre. Elle stigmatise la non exécution des obligations contractuelles, l'absence de ponctualité, le non respect des procédures internes en cas de retard et la fausse déclaration mettant selon elle à mal la confiance mutuelle.
M.[O], qui conteste toute déloyauté et indique que les retards sont tout relatifs, soutient n'avoir eu aucun horaire imposé et avoir édité lui-même ses plannings. Il indique que si le 19 janvier il a commencé en retard il a également fini en retard par rapport au prévisionnel, ayant travaillé toutes les heures prévues n'intégrant d'ailleurs pas les heures de trajet correspondant à du temps de travail effectif. Il indique avoir prévenu le technicien de son unique retard en 7 ans de carrière et déclare avoir fait son possible pour arriver à l'heure.Il indique que le décompte horaire transmis à sa direction pour la journée considérée était pré-rempli sur la base du prévisionnel et qu'il a commis une erreur d'inattention en ne le modifiant pas. Il prétend que l'employeur lui devait des heures et qu'il n'avait aucun intérêt à frauder pour deux heures de retard. Il fait plaider que le licenciement était disproportionné au degré de gravité des faits et qu'il était motivé par sa qualité d'ancien salarié protégé dont le mandat venait d'expirer.
Sur ce,
il résulte des éléments versés aux débats et il n'est pas discuté que le 19 janvier 2016 M.[O], contrôlé en excès de vitesse à 9 heures 32 à près de 130 kilomètres du lieu du premier rendez vous prévu à 8 heures, avait un retard de près de 3 heures sur son planning de travail et qu'il n'a pu être à l'heure aux deux premiers rendez-vous fixés avec le technicien. L'employeur verse aux débats une demande de récupération d'heures pour la journée du 19 janvier 2016, transmise le 29/1/2016 au titre d'un usage d'entreprise. Cette déclaration était fausse en ce que le salarié a déclaré être parti de chez lui à 6 heures pour être au premier rendez-vous à 8 heures ce qui est manifestement contraire à la réalité. Dans la lettre du 11 avril 2016 contestant la rupture il admettait ne pas avoir prévenu son employeur de son retard et avoir roulé à vive allure pour le résorber mais l'article 13 du contrat de travail et le règlement intérieur lui faisaient l'obligation d'aviser sa direction en cas de retard. Bien plus, par courriel du 20 janvier 2016 il informait son responsable de secteur que les deux journées d'accompagnement de M.[Z] s'étaient « très bien déroulées » sans évoquer ses retards et l'absence d'accomplissement de ses fonctions auprès des clients à l'heure fixée. Il y indiquait par ailleurs avoir rappelé M.[Z] au respect des horaires au motif que celui-ci n'arrivait pas à l'heure le matin et lui avoir soufflé l'idée de passer sur la plage horaire 10 h 18 heures. Ces faits constituent des manquements aux obligations contractuelles et à la loyauté, M.[O] indiquant avoir reproché au technicien de ne pas être à l'heure alors que le retard au rendez-vous lui était personnellement imputable. Ainsi établis les faits ne présentent aucun lien avéré avec l'exercice du mandat social venu à expiration mais constatés après plusieurs sanctions disciplinaires et mises en garde ils constituent des manquements aux obligations professionnelles, au règlement intérieur et à l'obligation de loyauté. Compte tenu de l'importance du retard et de la manière de servir antérieure le licenciement, n'ayant pas d'autre cause que les faits visés dans la lettre de licenciement, n'était pas disproportionné à leur degré de gravité, la rupture étant fondée sur une cause à la fois réelle et sérieuse. Le jugement sera donc infirmé. M.[O] sera donc débouté de sa demande de dommages-intérêts.
La demande au titre des heures non récupérées
M.[O] sollicite la somme de 200 euros au titre d'heures impayées.
En application des articles L. 3121-27 et L 3121-28 du Code du travail « la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine et toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent». Au soutien de sa demande M.[O] produit des plannings, tableaux de temps de trajet, comptes rendus, plannings et courriels accréditant l'existence d'une créance de 200 euros. La société PROTELCO conteste l'accomplissement de toute heure supplémentaire et fait observer que les relevés produits par M.[O], établis unilatéralement, sont faux mais elle ne fournit aucun élément permettant de déterminer le temps de travail effectif de son salarié. Elle soutient que celui-ci a fait de fausses déclarations sans le démontrer, la durée de travail déclarée pour la journée du 19 janvier étant exacte quand bien même le détail des horaires était erroné. Vu les éléments du dossier et les observations des parties la Cour dispose d'éléments suffisants pour faire droit à la demande.
L'équité commande d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de débouter les parties de leur demande en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions
statuant à nouveau et y ajoutant
CONDAMNE la société PROTELCO à payer à M.[O] la somme de 200 euros à titre de salaires
VALIDE le licenciement
DEBOUTE M.[O] du surplus de ses demandes
REJETTE les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE M.[O] aux dépens d'appel et de première instance.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
V. COCKENPOT M. DOUXAMI