République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 12/05/2022
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- SUR RENVOI APRES CASSATION -
N° de MINUTE :
N° RG 20/01645 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S7PS
Jugement rendu le 08 mars 2017 par le tribunal de grande instance d'Amiens
arrêt rendu le 15 janvier 2019 par la cour d'appel d'Amiens, rectifié par arrêt du 5 février 2019
arrêt rendu le 5 février 2020 par la Cour de Cassation
DEMANDEURS A LA SAISINE - APPELANTS
Monsieur [K] [G]
Madame [J] [L] épouse [G]
demeurant ensemble 2 rue de la Barre
80800 Sailly-Laurette
représentés par Me Eric Laforce, membre de la SELARL Eric Laforce, avocat au barreau de Douai
ayant pour conseil, Me Marie-Pierre Abiven, avocat au barreau d'Amiens
DÉFENDERESSE A LA SAISINE - INTIMÉE
La commune de Sailly-Laurette prise en la personne de son maire en exercice
ayant son siège social, 3 rue de Moreuil
80800 Sailly-Laurette
représentée par Me Loïc Le Roy, membre de la SELARL Lexavoué, avocat au barreau de Douai
ayant pour conseil Me Caroline Benitah, membre de la SELARL Doré-Tany- Benitah avocat au barreau d'Amiens
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Bolteau-Serre, président de chambre
Sophie Tuffreau, conseiller
Jean-François Le Pouliquen, conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
DÉBATS à l'audience publique du 24 janvier 2022 tenue en double rapporteur par Catherine Bolteau-Serre et Jean-François Le Pouliquen, après accord des parties.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 mai 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Bolteau-Serre, président, et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 décembre 2021
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Vu le jugement du tribunal de grande instance d'Amiens du 8 mars 2017,
Vu l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 15 janvier 2019,
Vu l'arrêt rectificatif de la cour d'appel d'Amiens du 5 février 2019,
Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 5 février 2020,
Vu la déclaration de saisine de M. [K] [G] et de Mme [J] [L] épouse [G] du 15 avril 2020,
Vu l'avis de fixation du greffe en date du 24 juin 2020,
Vu la signification de la déclaration de saisine de l'avis de fixation et des conclusions de M. [K] [G] et de Mme [J] [L] épouse [G] à la commune de Sailly-Laurette du 26 juin 2020,
Vu les conclusions de M. [K] [G] et de Mme [J] [L] épouse [G] en date du 8 janvier 2021,
Vu l'ordonnance du 29 avril 2021 déclarant irrecevables les conclusions de la commune de Sailly-Laurette des 9 novembre 2020, 24 décembre 2020 et 11 janvier 2021.
EXPOSE DU LITIGE
M. [K] [G] et Mme [J] [L] épouse [G] (ci-après Mme [G]) sont propriétaires d'un immeuble situé 2 rue de la Barre à Sailly-Laurette.
A l'origine, leur terrain était bordé par une haie végétale.
Suite à la plainte de transporteurs auprès de la mairie au motif que leurs véhicules étaient régulièrement abîmés par le frottement avec les arbres, la mairie a fait part de ces réclamations à M. et Mme [G] et a sollicité le remplacement de la haie par un mur.
Le 5 juillet 2014, la commune a organisé l'arrachage de la haie clôturant le terrain des époux sur toute sa longueur.
Par ordonnance du 8 juin 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Amiens a ordonné une mesure d'expertise confiée à M. [C], lequel a déposé son rapport le 27 novembre 2015.
Par acte en date du 9 mars 2016, M. et Mme [G] ont fait assigner la commune de Sailly-Laurette devant le tribunal de grande instance d'Amiens aux fins de la voir condamner au paiement de dommages et intérêts pour voie de fait.
Par jugement du 8 mars 2017, le tribunal de grande instance d'Amiens a notamment débouté M. et Mme [G] de leurs demandes en l'absence de caractérisation d'une voie de fait, rejeté la demande de donner acte à la commune de Sailly-Laurette et dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Sur appel de M. [K] [G] et de Mme [J] [L] épouse [G], la cour d'appel d'Amiens, par arrêt rendu le 15 janvier 2019 modifié le 5 février 2019, a confirmé le jugement déféré en ses dispositions sauf en celle statuant sur le sort des dépens et rejeté toutes autres demandes.
La Cour de cassation, saisie par M. [K] [G] et Mme [J] [L] épouse [G] a, au visa de la loi des 16-24 août 1790 et de l'article 544 du code civil, cassé et annulé en toutes ses dispositions les arrêts des 15 janvier et 5 février 2019 entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens, et remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Douai.
La Cour de cassation a ainsi considéré:
- ne donne pas de base légale à sa décision une cour d'appel qui, pour rejeter la demande en réparation du préjudice résultant de la destruction, par une commune, de la haie végétale clôturant une parcelle privée, retient que les arbres ont été arrachés en la présence du propriétaire de cette parcelle et avec son accord, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, en procédant à l'arrachage de la haie sur toute sa longueur, la commune n'avait pas outrepassé l'autorisation qui lui avait été accordée.
- viole la loi des 16-24 août 1790 et l'article 544 du code civil une cour d'appel qui, pour rejeter la demande en réparation du préjudice résultant de la destruction, par une commune, de la haie végétale clôturant une parcelle privée, retient que l'intervention de la commune n'a pas eu pour effet d'éteindre le droit de propriété, alors que, selon ses propres constatations, cette dernière avait procédé à l'arrachage de la haie, constituée d'arbres, sur toute sa longueur, et causé ainsi l'extinction du droit des propriétaires de ces végétaux.
M. [K] [G] et Mme [J] [L] épouse [G] ont saisi la cour de céans par déclaration en date du 15 avril 2020.
Aux termes de leurs conclusions récapitulatives déposées au greffe le 8 janvier 2021, M. [K] [G] et Mme [J] [L] épouse [G] demandent à la cour, au visa du Préambule de la Constitution, des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, de la loi des 16 - 24 août 1790, des articles 544 et 545 du code civil, de l'article 1382 du code civil :
- Infirmer le jugement du tribunal de grande instance d'Amiens en date du 8 mars 2017
- Déclarer les demandes de M. [K] [G] et Mme [J] [G] née [L] recevables et bien fondées, et en conséquence :
- Débouter la commune de Sailly-Laurette de toute demande à l'encontre des époux [G].
- Condamner la commune de Sailly-Laurette à leur payer la somme de 38 637,51 euros à titre de dommages et intérêts au titre des travaux nécessaires à l'édification du mur suite à l'arrachage de la haie le 05 juillet 2014;
- Condamner la commune de Sailly-Laurette à leur payer la somme de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de leur préjudice de jouissance et de leur préjudice moral;
- Condamner la commune de Sailly-Laurette à payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la commune de Sailly-Laurette au paiement des frais de constat d'huissier supportés par M. et Mme [G] ;
- Condamner la commune de Sailly-Laurette aux entiers dépens qui comprendront les dépens du référé, de l'expertise judiciaire, des procédures au fond devant le tribunal de grande instance d'Amiens et de la cour d'appel d'Amiens, de la Cour de cassation, ainsi que ceux de la présente instance.
Par ordonnance en date du 29 avril 2021, les conclusions de la commune de Sailly-Laurette des 9 novembre 2020, 24 décembre 2020 et 11 janvier 2021 ont été déclarées irrecevables car tardives, l'ordonnance indiquant dans les motifs de sa décision que la cour de renvoi étaient saisie des écritures prises par la commune de Sailly-Laurette devant la cour d'appel d'Amiens en date du 22 décembre 2017.
Aux termes de ces conclusions du 22 décembre 2017 devant la cour d'appel d'Amiens, la commune de Sailly-Laurette demandait, au visa de la loi des 16 et 24 août 1790, de:
1/Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Amiens en date du 8 mars 2017 en ce qu'il a débouté des époux [G] de leurs demandes indemnitaires en l'absence de caractérisation d'une voie de fait.
2/Débouter les époux [G] de leur appel, en l'absence d'extinction d'un droit de
propriété justifiant la compétence du juge judiciaire.
3/En tout état de cause, dire et juger qu'aucune voie de fait n'a été commise par la commune de Sailly-Laurette au titre de l'enlèvement de la haie de clôture de la propriété des époux [G], cette intervention étant faite avec leur accord.
4/Ecarter des débats l'attestation produite par M. et Mme [G] au titre de leur pièce n°28, pour n'être pas conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile.
5/A titre subsidiaire,
Débouter M. et Mme [G] de l'ensemble de leurs demandes de condamnations formées à l'encontre de la commune de Sailly-Laurette, au titre du remboursement des travaux relatifs à l'édification du mur de soutènement, comme du coût des travaux de reprise chiffrés par l'expert judiciaire pour rendre la construction conforme aux règles de l'art, dès lors que ces demandes ne correspondent pas à la réparation d'une prétendue voie de fait au surplus non établie
6/Débouter les époux [G] de leur demande d'indemnisation au titre de préjudice de jouissance dès lors que l'absence de remblaiement du terrain n'est que la conséquence de l'absence de système de drainage du mur de soutènernent réalisé par la société Mordacque.
7/Dire n'y avoir lieu à l'existence d'un préjudice moral, les époux [G] devant répondre de leur propre turpitude.
8/Infirmer le jugement en ce qu'il a mis à la charge de la commune de Sailly-Laurette les dépens de première instance en ce compris le coût du procès verbal de constat que les époux [G] ont fait établir le 10 mars 2015, ainsi que les dépens de la procédure de référé ;
Statuant à nouveau,
Laisser à la charge des époux [G] tant les dépens de la procédure de référé, que ceux de première instance ;
9/Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la commune de Sailly-Laurette de sa demande de condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code du procédure civile ;
Statuant à nouveau,
Condamner solidairement les époux [G] à payer à la commune de Sailly-Laurette la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; y ajoutant la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 code de procédure civile pour les frais engagés au titre de la procédure d'appel, en ce compris les dépens d'appel.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l'audience et rappelées ci-dessus.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il sera rappelé qu'en suite de l'irrecevabilité des conclusions hors délai de la commune de Sailly-Laurette prononcée par ordonnance du 29 avril 2021, la cour de céans est saisie des écritures prises par la commune de Sailly-Laurette devant la cour d'appel d'Amiens en date du 22 décembre 2017, ainsi que des pièces mentionnées au bordereau joint aux conclusions (pièces n°1 à 14).
I- sur l'existence d'une voie de fait
Il résulte de la loi des 16 et 24 août 1790 que les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions.
Il n'y a voie de fait de la part de l'administration, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l'administration soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d'atteinte à la liberté individuelle ou d'extinction d'un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative.
En l'espèce, les époux [G] soutiennent que la commune a commis une voie de fait en procédant à l'arrachage de la haie d'arbres de grande hauteur sur leur propriété sur près de 40 mètres sans leur accord, cette intervention ayant eu pour effet d'éteindre leur droit de propriété.
La commune fait valoir que les époux [G] n'établissent pas l'existence d'une voie de fait car il n'apportent pas la preuve d'un accord limitant l'arrachage de la haie sur 15 mètres, avec contribution financière de la commune et qu'en outre, il n'y a pas eu extinction du droit de propriété.
Le jugement a reconnu l'absence d'accord des époux [G] mais a considéré que l'intervention de la commune n'avait pas pour effet d'éteindre leur droit de propriété, condition de la voie de fait, déterminant la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
A- sur l'existence d'un accord
Dans le cas d'une décision administrative portant atteinte à la propriété privée, l'accord du propriétaire exclut l'existence d'une voie de fait ou d'une emprise irrégulière, à moins que l'action de l'administration n'ait excédé substantiellement les limites prévues par cet accord.
L'accord des propriétaires justifiant que soit écartée la voie de fait, s'il peut être oral doit être certain et sans équivoque.
La présence du propriétaire lors de l'opération d'arrachage est insuffisante pour en déduire la renonciation à un droit.
L'expert judiciaire relève dans son rapport (p.7) que 'M. [O] [maire de la commune] et M. [G] ont évoqué ensemble la suppression des arbres le long de la propriété de M. [G] afin d'améliorer la circulation des véhicules rue d'Albert et l'édification d'un mur de soutènement. M. [G] n'envisageait un mur que sur une longueur de 15 m et une participation financière de la commune. M. [O] envisageait la suppression de tous les arbres gênant la circulation. Le conseil a refusé la participation financière pour l'achat de matériaux mais a pris en charge l'arrachage des arbres, leur enlèvement et la mise en place de terre derrière le mur.'
Il appartient à la commune qui a opéré les travaux litigieux début juillet 2014, de démontrer l'existence d'une autorisation des époux [G] pour l'ensemble des arbres sans aucune contrepartie financière.
L'expert note l'absence de tout écrit formalisé entre les parties 'qui ont des positions différentes et ont débuté les travaux sans accord formalisé.'
Selon l'expert, 'la programmation du projet commun de supprimer la haie gênant la circulation (commune de Sailly-Laurette ) et de remplacer le talus supportant cette haie par un mur de soutènement (Monsieur [G]) a été faible et insuffisante pour déterminer avant le commencement des travaux le coût, le financement et un planning de réalisation de ce projet.'
Il n'est pas contesté que le projet a été discuté entre les parties plusieurs mois avant les faits litigieux, comme en atteste le devis de la société Mordacque du 30 août 2012 adressé à M. [G] (pièce n°2 [G] et annexes du rapport d'expertise).
Il sera observé que la commune ne produit aucune étude concernant un éventuel problème de circulation voire d'un danger pour les automobilistes, les photographies produites antérieures aux travaux (pièces n°6 et 19 [G] reprises en annexes du rapport d'expertise) n'établissant pas de façon certaine, une gêne ou un danger, et ne verse aux débats aucune plainte de propriétaires de camions au motif de l'endommagement de leur véhicule du fait des arbres.
En outre, les seuls comptes-rendus des réunions du conseil municipal des 17 mars et 15 avril 2014 antérieurs aux faits litigieux, ne font état d'aucune décision relative aux travaux de juillet 2014 sur la propriété des époux [G], de sorte qu'il ne peut être reproché à Mme [G] membre du conseil municipal à l'époque d'avoir été parfaitement informée d'une décision n'ayant fait l'objet d'aucun ordre du jour ou résolution, contrairement à ce qu'affirmait le maire lors des opérations d'expertise indiquant que le dossier avait été présenté au conseil en questions diverses, que le conseil avait refusé la participation financière pour l'achat des matériaux mais pris en charge l'arrachage des arbres, leur enlèvement et la mise en place de terres derrière le mur (p.5 du rapport).
De même, au regard des propos de l'expert rappelés ci-dessus que ne conteste pas la commune, aucun compte-rendu de réunion ne fait état d'une inscription à l'ordre du jour d'une question et d'un refus d'une participation financière aux travaux du mur de soutènement, ni même du coût de l'arrachage des arbres avant les faits litigieux, les travaux de remblaiement et de nivellement du terrain derrière le mur n'étant discutés qu'en septembre 2016 soit plus de deux ans après l'arrachage et le retrait de terres.
L'expert, aux termes de son rapport, mentionne que malgré ses demandes, le devis [T] concernant les travaux envisagés, qui aurait été envoyé par M. [G] à la commune fin de l'année 2013 - ce que ne conteste pas sérieusement celle-ci - n'est produit par aucune des parties.
En revanche, le devis de la société Mordacque du 30 août 2012 précité comparé à la facture de la même entreprise du 22 octobre 2014 démontre que les travaux consistant en 'élévation en bloc à bancher épaisseur 20 avec remplissage et ferraillage' portait sur 52m² alors que pour les mêmes travaux selon la facture du 22 octobre 2014, il est fait état de 100,10 m², de sorte qu'il est ainsi établi que le mur de soutènement était effectivement prévu initialement sur une longueur moindre que les travaux réalisés du fait de l'arrachage de la totalité des arbres.
L'attestation de huit membres du conseil municipal dont le maire, en date du 30 octobre 2015 (pièce n°5 commune) qui ne revêt pas les formes prévues à l'article 202 du code de procédure civile dont les dispositions ne sont pas prescrites à peine de nullité, peut en conséquence être considérée comme une simple déclaration, émanant cependant de la partie elle-même, ce qui ne permet pas d'établir avec certitude que tous les signataires de cette déclaration ont été présents lors de propos de M. [G] qui sont rapportés et lors des travaux d'arrachage où selon eux 'les époux [G] présents n'ont pas contesté'.
Cette pièce ne sera pas écartée des débats comme le demandent les époux [G] dans les motifs de leurs conclusions, la demande n'étant pas reprise dans le dispositif de celles-ci.
Les termes de cette déclaration des membres du conseil municipal sont en tout état de cause contredits par d'autres pièces produites, notamment l'attestation de M. [V] [Z] voisin des époux [G], celle de M. [F] [B] ancien propriétaire du bien occupé par les époux [G] et la déclaration de M. [P] [U] (pièces n° 20, 21 et 28 [G]).
La commune sollicite le rejet de la pièce n°28 (attestation de M. [Z]) au motif que celle-ci n'est pas conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure. En l'espèce, l'attestation manuscrite est conforme à ces dispositions, l'attestation établie en 2017 dont se prévaut la commune ayant été reprise en 2018. La demande sera rejetée.
M. [Z], voisin des époux [G], atteste en effet que sa 'propriété donne sur la rue de Moreil qu'elle surplombe' et qu'il a eu 'la mauvaise surprise le samedi 5 juillet 2014 au matin de voir un engin arracher ma haie et ma clôture donnant sur la rue de Moreil en présence et avec l'aide de certains membres du conseil municipal dont le maire et le premier adjoint. J'ignore les discussions qu'il y a pu avoir entre la municipalité et les époux [G] mais je n'ai jamais été prévenu de cet arrachage et cet arasement faits contre ma volonté. Je n'ai jamais accepté le principe de la suppression de cette haie végétale ni accepté spontanément de procéder à l'implantation d'un mur de soutènement pour clôturer mon terrain. C'est uniquement les voies de fait de la municipalité qui m'ont contraint de faire construire ce mur occasionnant de lourdes dépenses que j'aurais préféré éviter. J'ai été placé devant le fait accompli et il n'y a eu aucun accord préalable entre la commune et moi-même avant cet arrachage et cet arasement. Je récuse donc totalement la phrase disant 'Monsieur [Z] satisfait estime que la commune a joué son rôle' [déclaration des membres du conseil municipal]. Je ne suis en effet absolument pas satisfait de la façon d'agir de la commune dans cette affaire'.
Cette attestation reprend le contenu du courrier ( pièce n°25 [G]) adressé par M. [Z] à la commune le 27 avril 2015, aux termes duquel M. [Z] rappelle les conditions dans lesquelles le 5 juillet 2014, la commune est intervenue sans préavis pour effectuer l'arasement du talus existant de mémoire d'homme et l'arrachage de la haie le surplombant et bordant sa propriété.
Les propos des membres du conseil municipal concernant également la prise en charge par la commune depuis dix ans [soit 2005] des travaux d'élagage des arbres des époux [G] et précédemment de M. [B] sont contredits par ce dernier qui affirme dans une attestation conforme qu'aucune entreprise d'élagage n'était passée entre 2006 et 2010, et que le maire 'lui faisait la demande de couper les arbres quand ces derniers envahissaient la route'.
Il résulte de ces éléments qu'à l'origine, la demande d'arrachage des plantations et d'arasement du talus avec la mise en place d'un mur de soutènement émane de la commune aux motifs allégués de plaintes de conducteurs et de visibilité, les discussions entre les parties datant d'environ deux ans avant les faits litigieux.
Au regard de l'importance des travaux envisagés tels que démontrés par les photographies insérées au rapport d'expertise et au procès-verbal de constat du 10 mars 2015 et de leur coût connu dès août 2012 pour une partie seulement du mur (9 492,14 euros TTC), il ne peut être sérieusement allégué que les époux [G] ont entendu prendre en charge la totalité de ce coût même limité à 15 mètres de mur pour des travaux qui leur étaient imposés.
Comme rappelé ci-dessus, le devis d'août 2012 démontre que l'arrachage, l'arasement du talus et la création du mur de soutènement indispensable pour retenir les terres en l'absence des végétaux, ne portaient que sur une partie du terrain.
Le fait que les époux [G] ait envisagé initialement de réaliser eux-mêmes le mur, à le supposer établi, est inopérant au regard du devis de 2012, de la technicité de la construction requérant l'intervention d'un professionnel au vu de la position du mur devant s'élever au droit de la route départementale avec comblement d'un important fossé résultant de l'arrachage.
L'absence de preuve d'un accord des époux [G] pour l'arrachage et l'arasement du talus sur près de 40 mètres sans contrepartie financière ce que confirme l'absence de toute décision du conseil municipal recueillant préalablement l'autorisation tant des époux [G] que de celle de M. [Z], ainsi que le coût des travaux et sa prise en charge, de même que l'attestation de M. [Z] confirmant les circonstances de l'intervention de la commune, démontrent que l'action de la commune a soit excédé substantiellement les limites de l'accord sur un arrachage des arbres et la mise en oeuvre d'un mur de soutènement nécessaire sur 15 mètres avec contrepartie financière de la commune, soit agi sans aucune autorisation quelles que soient les conditions, ce qui en l'espèce est indiscutablement le cas de M. [Z].
C'est donc à juste titre que le premier juge a retenu l'absence d'accord des époux [G].
B- sur l'extinction du droit de propriété
L'article 544 du code civil dispose que la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.
Au visa de cette disposition et de la loi des 16 et 24 août 1790 précitée, dans le cas d'une décision administrative portant atteinte à la propriété privée, le juge administratif, compétent pour statuer sur le recours en annulation d'une telle décision et, le cas échéant, pour adresser des injonctions à l'administration, l'est également pour connaître de conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables de cette décision administrative, hormis le cas où elle aurait pour effet l'extinction du droit de propriété.
Conformément aux articles 520 et 521 du code civil, une haie composée d'arbres implantés dans le sol sont des biens immeubles.
Les époux [G] soutiennent que l'intervention de la commune a eu pour effet d'éteindre leur droit de propriété puisqu'elle a opéré une véritable dépossession définitive de biens immeubles que sont les arbres et les terres, lesquels ne peuvent être restitués, puisque les arbres avec leurs racines ont été arrachés et broyés, avec retrait de la terre sur une partie du terrain et suppression d'une clôture, l'ampleur de l'éventrement ayant provoqué l'affaissement du talus sur la voie départementale au risque de déstabiliser la propriété.
La commune fait valoir que la voie de fait exclut les simples atteintes ou privation au droit de propriété pour se réduire aux atteintes les plus graves à caractère définitif, l'extinction d'un droit de propriété.
En l'espèce, il est établi que la commune a fait procéder à l'arrachage de la haie d'arbres et à l'arasement du talus, provoquant un affaissement de celui-ci et la nécessité de la mise en oeuvre d'un mur de soutènement permettant de retenir les terres. Les photographies insérées au rapport d'expertise et au procès verbal de constat de l'huissier du 10 mars 2015 confirment l'existence d'un important fossé le long du mur de soutènement qui correspond à l'emplacement de la haie des arbres de grande hauteur visibles sur les photographies antérieures à l'arrachage.
L'arrachage d'une haie d'arbres implantée sur le terrain d'une personne privée a pour effet l'extinction du droit de propriété de celle-ci.
Il résulte du rapport d'expertise que les parties s'accordent sur l'existence du mur de soutènement et non sur une quelconque remise en état qui consisterait à planter une nouvelle haie, qui n'a jamais été évoquée ni même chiffrée notamment par la commune tout au long de la procédure.
En outre, au regard de la configuration du terrain notamment un denivelé important entre celui-ci et la route, il n'est pas établi que la remise en état par l'implantation d'une nouvelle haie d'arbres soit même réalisable.
En tout état de cause, il s'agirait alors d'un nouveau droit de propriété sur cette haie, la destruction de la précédente haie laquelle n'est pas contestée, emportant nécessairement l'extinction de la propriété de celle-ci.
Les conditions de la voie de fait sont réunies. La voie de fait commise par la commune est établie.
Les époux [G] sont donc fondés à solliciter du juge judiciaire l'indemnisation des conséquences de la disparition définitive de la haie d'arbres.
II- sur les préjudices subis
A- sur le préjudice matériel résultant des travaux de construction du mur de soutènement
Les époux [G] font valoir qu'ils n'ont jamais donné leur accord pour l'arrachage de la totalité de la haie d'arbres et la mise en oeuvre d'un mur de soutènement sur 37 mètres ni ne se sont engagés à prendre totalement à leur charge le coût des travaux, la commune devant prendre en charge les matériaux nécessaires à la construction d'un mur de 15 mètres.
La commune soutient que le choix de la construction par une entreprise ressort du choix discrétionnaire des époux [G] et ne correspond pas à la seule possibilité de clôturer leur terrain. Il ne lui appartient pas en outre d'assumer les frais relatifs au drainage résultant de malfaçons de l'entreprise Mordacq ayant réalisé le mur.
Il résulte des termes du rapport d'expertise que 'le 10 septembre 2015 les parties ont confirmé leur accord sur l'implantation du mur qui délimite la propriété de M. [G].'
En outre, la commune est bien à l'origine d'une demande tendant à voir supprimer la haie d'arbres sur la propriété des époux [G], laquelle selon elle, posait des difficultés de circulation.
Comme rappelé ci-dessus et signalé à juste titre par l'expert, il lui incombait avant d'agir de prendre toute disposition pour obtenir l'autorisation des propriétaires concernés, de prévoir contradictoirement les modalités des travaux, leur étendue, leur coût et la prise en charge, l'état du terrain surélevé par rapport à la route départementale, les conséquences de l'arrachage massif des arbres nécessitant la mise en place d'une structure permettant de retenir les terres.
Les photographies produites, montrant un important fossé entre le terrain et le mur de soutènement, ne permettent pas d'alléguer comme le fait la commune, que les travaux nécessaires et conséquents devaient être pris en charge en totalité par les propriétaires.
Il ne peut être reproché également aux époux [G] d'une part d'avoir sollicité une entreprise eu égard à l'importance des travaux, d'autre part d'avoir agi rapidement en raison des conséquences - affaissement du talus jusqu'alors maintenu par les arbres et leurs racines - tant pour leur sécurité que pour celle des utilisateurs de la route départementale.
S'agissant du coût des travaux et leur prise en charge, les époux [G] produisent divers documents :
- un devis n°2 du 15 juillet 2014 de la société Mordacque pour 16 291,90 euros TTC sur lequel ne figure pas la signature des époux [G], comprenant terrassement des fondations hors gel en escalier, semelle BA avec fer en attente et coffrage, élévation en bloc à bancher de 20 cm d'épaisseur avec remplissage béton et ferraillage 100,10 m², protection contre l'humidité par Delta MS sur même surface
- une facture d'acompte n°4 du 9 septembre 2014 de la même société pour 9 062,55 euros correspondant à : terrassement des fondations hors gel en escalier, semelle BA avec fer en attente et coffrage, élévation en bloc à bancher de 20 cm
- une facture n°13 du 22 octobre 2014 de la même société pour 7 229,35 euros correspondant à : élévation en bloc à bancher de 20 cm d'épaisseur avec remplissage béton et ferraillage 100,10 m², protection contre l'humidité par Delta MS sur même surface.
Le montant des deux factures 16 291,90 euros correspond au montant du devis n°2, soit 16 290 euros.
Est également produit par les époux [G] (pièce n°22), un échéancier du crédit agricole mentionnant la somme empruntée de 16 290 euros sur 156 mois, des primes d'assurance décès mensuelles de 13,68 euros (pour la durée du prêt 2 134,08 euros ).
Il est donc établi que les époux [G] ont effectivement dû solliciter un prêt et régler ainsi la somme de 16 291,90 euros pour la construction d'un mur de soutènement de 37 mètres, et ce suite à l'arrachage de la haie d'arbres et à l'arasement du talus dans les conditions rappelées ci-dessus rendant indispensables les travaux de soutènement.
Ils sont donc en droit de réclamer le paiement de la somme de 18 424,08 euros, somme à laquelle la commune de Sailly-Laurette sera condamnée.
Les époux [G] seront déboutés du surplus de leur demande à ce titre, ne justifiant pas, notamment par les conditions du prêt, que le coût d'un remboursement anticipé du prêt (199,37 euros) serait applicable quelque soit la date du remboursement du prêt.
En outre, les époux demandent également le paiement des travaux restant à réaliser.
L'expert judiciaire a, en effet, constaté que les travaux étaient inachevés, en l'absence d'un enduit et de chaperon. Le delta MS est fixé côté talus mais le drainage et le remblaiement du mur ne sont pas réalisés.
Au cours des opérations d'expertise, eu égard aux constatations de l'expert, les époux [G] ont versé aux débats :
- un devis n°88 du 25 mai 2015 de la société Mordacque pour la pose de plaquettes de parement en sous bassement et d'un enduit pour un montant de 12 439,30 euros
- un devis n°89 du 25 mai 2015 de la même société pour la pose d'un chaperon brique et d'un garde-corps sur le dessus du mur pour un montant de 6 452,16 euros.
De même, la commune a remis à l'expert un devis de la société Gorin Martel du 4 octobre 2015 pour le remblaiement en terre et le nivellement de la terre derrière le mur pour un montant de 3 810 euros TTC.
L'expert, sur les deux devis du 25 mai 2015, a estimé, pour le devis n°88, que la pose de plaquettes de parement était purement esthétique mais a retenu la somme de 5 300 euros TTC pour l'enduit et pour le devis n°89, que le coût d'un chaperon brique et d'un garde-corps pour 6 452,16 euros était acceptable.
S'agissant du remblaiement, l'expert a retenu le devis Gorin Martel mais a indiqué que le remblaiement devait être précédé de la mise en place d'un drainage dont le coût est estimé à 4 000 euros.
La société Mordacq par courrier du 19 septembre 2015 (pièce n°17 [G]) a contesté l'obligation d'un drainage faisant valoir que 'des barbacanes à la base du mur ne serviront à rien, une protection contre l'humidité a été mise en place.'
L'expert répondant à un dire évoquant les propos de la société Mordacque (p.12 du rapport) indique notamment que les barbacanes sont certes impératives dans les murs maçonnés, ce qui n'est pas le cas du mur litigieux qui est en béton.
Aucune des parties ne produit de devis émanant d'une autre entreprise pouvant confirmer les dires de la société Mordacque et ainsi contredire les propos de l'expert judiciaire.
En outre, la commune fait valoir que l'absence de drainage constitue un manquement aux règles de l'art de la société Mordacque dont celle-ci est responsable. Il appartenait aux époux [G] d'appeler dans la cause l'entreprise, la commune n'ayant pas à supporter le coût de ces manquements.
Cependant, il résulte des devis et factures de l'entreprise que celle-ci n'a jamais facturé des travaux de drainage non prévus au devis, lesquels peuvent selon l'expert être effectués avant le remblaiement, de sorte que le drainage étant indispensable selon l'expert, son coût aurait été, en tout état de cause, dû.
Les époux [G] affirment également que lors de l'arrachage et de l'arasement pratiqués par la commune en juillet 2014, leur clôture séparant leur propriété de celle de leur voisin, a été supprimée.
La commune soutient que la clôture n'existait pas et qu'elle ne saurait prendre en charge le coût d'une nouvelle clôture qui constituerait une amélioration.
Or, il résulte de l'attestation de M. [Z] précitée, que la clôture séparant sa propriété de celle des époux [G] a effectivement été supprimée, confirmant ainsi les dires de ces derniers.
L'expert a évalué le coût de la clôture à 450 euros.
En conséquence, le coût des travaux nécessaires pour achever le mur de soutènement s'élève à 20 012,16 euros TTC soit:
- système de drainage : 4 000 euros
- mise en oeuvre d'un chaperon : 4 208,49 euros
- mise en oeuvre d'un enduit du mur : 5 300 euros
- remblaiement et nivellement du terrain de la propriété des époux [G] au droit du mur: 3 810 euros
- mise en place d'un garde-corps : 2 243,67 euros
- réalisation d'une clôture entre la propriété [G] et leur voisin : 450 euros
La commune de Sailly-Laurette sera condamnée à payer la somme de 20 012,16 euros TTC au titre des travaux d'achèvement du mur de soutènement. Le fait qu'elle ait prévu - depuis 2016 - de procéder aux travaux de remblaiement est indifférent, les travaux de drainage devant être effectués préalablement.
Les époux [G] demandent la réactualisation des devis pour l'achèvement des travaux au motif que leur coût aurait augmenté.
Cependant, les devis n° 1et 2 du 7 juillet 2020 de la société Mordacque sont des devis 'approximatifs' selon la société Mordacque, ne permettant pas de juger de la réalité de l'augmentation, aucun autre devis émanant d'une autre entreprise n'étant produit.
En outre, il appartenait aux époux [G] de solliciter l'indexation des sommes fixées par l'expert selon l'indice BT01, entre la date du rapport d'expertise et celle du présent arrêt, ce qu'ils ne font pas.
En conséquence, la commune de Sailly-Laurette sera condamnée à payer aux époux [G] la somme de 38 436,24 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice matériel résultant des travaux du mur de soutènement réalisés et à achever.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté les époux [G] de leurs demandes à ce titre.
Les époux [G] seront déboutés du surplus de leurs demandes à ce titre.
B- sur le préjudice de jouissance
Les époux [G] font valoir qu'ils subissent un préjudice de jouissance reconnu par l'expert, l'accès à leur jardin étant dangereux notamment pour leurs enfants, et de ce fait condamné.
La commune soutient que le préjudice de jouissance résulte du fait des époux [G] qui n'ont pas terminé les travaux du mur ne permettant pas à la commune d'effectuer les travaux de remblaiement auxquels elle s'est engagée selon la délibération du conseil municipal du 30 septembre 2016.
L'expert aux termes de son rapport indique (p.9) 'en l'état de nos constatations, l'accès au jardin de la propriété [G] est effectivement dangereux compte tenu du risque de chute possible derrière le mur de soutènement qui n'est pas achevé.'
En l'espèce, l'origine du préjudice de jouissance se trouve dans la décision de la commune d'entreprendre l'arrachage de la haie et l'arasement du talus dans les conditions rappelées ci-dessus, l'action de la commune étant jugée aux termes du présent arrêt comme une voie de fait.
Au regard de ce comportement, celle-ci ne peut sérieusement faire reproche aux époux [G] de ne pas avoir achevé les travaux du mur alors qu'ils ont dû entreprendre rapidement les premiers travaux de soutènement afin d'éviter l'affaissement des terres et ce, à leur entière charge en s'endettant sur dix ans.
Seul le comportement de la commune est à l'origine du préjudice de jouissance subi par les époux [G], les photographies produites démontrant effectivement la dangerosité de leur terrain.
Au regard de la durée de la situation subie par les époux [G] - depuis juillet 2014 - le préjudice de jouissance sera évalué à 8 000 euros.
La commune de Sailly-Laurette sera condamnée au paiement de ladite somme.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Les époux [G] seront déboutés du surplus de leur demande à ce titre.
C- sur le préjudice moral
Les époux [G] estiment avoir subi un préjudice moral du fait du comportement de la commune qui n'a pas été à même de produire une délibération précisant le cadre d'intervention des travaux, a refusé de prendre ses responsabilités, les a mis en grande difficulté financière. Mme [G], élue municipale, a été marginalisée et exclue des décisions.
La commune soutient que les époux [G] ont engagé la procédure avec témérité sans disposer des documents à l'appui de leurs affirmations péremptoires et en refusant d'attraire dans la procédure l'entreprise responsable des travaux de finition relatif au mur.
Le préjudice moral résulte de la voie de fait commise par la commune ayant eu pour conséquence l'extinction du droit de propriété des époux [G] ainsi que de son impéritie consistant à entreprendre des travaux sans délibération préalable, sans accord clair et précis des propriétaires et sans assumer les conséquences de la voie de fait.
La commune ne conteste pas aux termes de ses conclusions l'affirmation selon laquelle Mme [G], élue municipale en 2014, a été ostracisée par le conseil municipal en raison du litige l'opposant à la commune.
Les épreuves subies par les époux [G] suite au comportement de la commune justifient l'octroi de dommages-intérêts pour préjudice moral qui seront fixés à hauteur de 4 000 euros.
La commune de Sailly-Laurette sera condamnée au paiement de ladite somme.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Les époux [G] seront déboutés du surplus de leur demande à ce titre.
III- sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement sera confirmé sur les dépens comprenant les frais du constat d'huissier du 10 mars 2015 et les dépens du référé et infirmé sur les frais irrépétibles.
La commune de Sailly-Laurette sera condamnée à payer aux époux [G] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble des procédures.
Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.
Elle sera condamnée aux dépens comprenant les frais d'expertise, les dépens d'appel devant la cour d'appel d'Amiens et les dépens d'appel de la cour de renvoi, étant observé que la commune a été condamnée aux dépens devant la Cour de cassation.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné la commune de Sailly-Laurette aux dépens de première instance comprenant ceux du référé et les frais du constat d'huissier du 10 mars 2015,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute la commune de Sailly-Laurette de sa demande de rejet de la pièce n°28,
Dit que la commune de Sailly-Laurette a commis une voie de fait ayant pour conséquence l'extinction du droit de propriété de M. [K] [G] et Mme [J] [L] épouse [G],
Condamne la commune de Sailly-Laurette à payer à M. [K] [G] et Mme [J] [L] épouse [G] la somme de 38 436,24 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice matériel résultant des travaux du mur de soutènement réalisés et à achever,
Condamne la commune de Sailly-Laurette à payer à M. [K] [G] et Mme [J] [L] épouse [G] la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance,
Condamne la commune de Sailly-Laurette à payer à M. [K] [G] et Mme [J] [L] épouse [G] la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
Déboute M. [K] [G] et Mme [J] [L] épouse [G] du surplus de leurs demandes à titre de dommages-intérêts,
Condamne la commune de Sailly-Laurette à payer à M. [K] [G] et Mme [J] [L] épouse [G] la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble des procédures,
Déboute la commune de Sailly-Laurette de ses demandes à ce titre,
Condamne la commune de Sailly-Laurette aux frais d'expertise, aux dépens d'appel de l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens et aux dépens d'appel de la présente cour de renvoi après cassation.
Le greffier Le président
Anaïs MillescampsCatherine Bolteau-Serre