République Française
Au nom du Peuple Français
C O U R D ' A P P E L D E D O U A I
RÉFÉRÉ DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 7 JUIN 2022
N° de Minute : 52/22
N° RG 22/00016 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UCVL
DEMANDERESSE :
Madame [V] [U]
née le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 6]
[Localité 5]
comparante en personne et assistée de Me François-Xavier WIBAULT, avocat au barreau d'Arras
DÉFENDERESSE :
E.U.R.L. CICELEC
dont le siège social est situé [Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Simon SPRIET, avocat au barreau de Lille
PRÉSIDENTE :Hélène CHATEAU, première présidente de chambre désignée par ordonnance pour remplacer le Premier Président empêché
GREFFIER :Christian BERQUET
DÉBATS :à l'audience publique du 30 mai 2022
Les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance serait prononcée par sa mise à disposition au greffe
ORDONNANCE :contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe le sept juin deux mille vingt deux, date indiquée à l'issue des débats, par Hélène CHATEAU, Présidente, ayant signé la minute avec , greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
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Exposé de la cause
Par acte authentique en date du 26 août 2020, Mme [V] [U] a fait l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation à [Localité 5], [Adresse 6].
Mme [U] a entrepris des travaux de rénovation et a confié le lot électricité à l'entreprise Cicelec suivant devis en date du 2 octobre 2020, libellé au nom de M. [H], à [Adresse 6], mais accepté le 18 octobre suivant par Mme [U], pour un montant total de 15 471,30 € TTC.
Le 4 juin 2021, les parties se sont réunies pour la réception des travaux ; des réserves étant émises par Mme [U], maître d'ouvrage, portant essentiellement sur le choix de l'artisan d'avoir à installer un appareillage radio de marque Legrand, en état de fonctionnement, en lieu et place d'une installation filière. Cicelec a refusé de signer le procès-verbal qui avait été préparé par Mme [U].
Mme [U] faisait dresser un procès-verbal de constat des travaux d'électricité par Maître [P] huissier de justice à Lille le 15 juin 2021 et un rapport d'expertise amiable le 15 septembre 2021.
Suite à sa requête en date du 8 juillet 2021, Mme [U] a obtenu le 9 juillet 2021 du président du tribunal de commerce de Lille métropole, sur le fondement de l'article L 511-3 du code des procédures civiles d'exécution une ordonnance de saisie-conservatoire de créance sur le compte bancaire de la société Cicelec ouvert auprès de la société générale pour conservation et sureté de la somme de 16 101,00 € correspondant au montant qu'elle avait réglé soit le devis initial augmenté de quelques travaux supplémentaires.
Elle indiquait qu'elle disposait d'une créance fondée en son principe et de circonstances de nature à mettre en péril le recouvrement de sa créance et se prévalait :
de la mauvaise exécution du contrat, des désordres et défaillances électriques constatés qui engageaient la responsabilité contractuelle de l'Eurl Cicelec, tenue d'une obligation de résultat ;
du fait que l'EURL Cicelec ne déposait pas ses comptes annuels, ce qui ne permettait pas d'apprécier l'étendue de sa solvabilité,
du fait que gérant de l'Eurl Cicelec refusait de signer le procès-verbal de réception de sa prestation et de lui remettre les factures acquittées malgré deux sommations et une mise en demeure,
du fait que le siège social de l'entreprise se trouvait au domicile des parents du gérant, l'entreprise ne disposant d'aucun local ni matériel professionnel.
Le 13 juillet 2021, elle faisait dresser un procès-verbal de saisie conservatoire de créances entre les mains de la société générale, laquelle précisait le 18 juillet 2021 que le solde bancaire saisissable s'élevait à 7946,05 €.
Par acte d'huissier en date du 18 octobre 2021, L'EURL Cicelec a fait assigner Mme [U] devant le président du tribunal de commerce de Lille Métropole afin d'obtenir mainlevée de la saisie conservatoire au visa de l'article L 511-1 du code des procédures civiles d'exécution.
Par ordonnance en date du 9 décembre 2021, le juge des référés du tribunal de commerce de Lille Métropole a :
'AU PRINCIPAL : renvoyé les parties à se pourvoir ;
AU PROVISOIRE : vu les articles 872 & 873 du CPC
- dit la vente parfaite ;
- ordonné la mainlevée de la saisie-conservatoire pratiquée sur le compte bancaire de l`EURL Cicelec détenu par la SOCIETE GENERALE en date du 13 juillet 2021 sur le fondement de la requête de la concluante et l'ordonnance rendue le 9 juillet 2021 par Monsieur le Président du Tribunal de commerce de LILLE METROPOLE
- débouté Madame [V] [U] de ses moyens, fins et conclusions ;
- débouté la société Cicelec de sa demande à titre de dommages et intérêts ;
- condamné Madame [V] [U] à payer à la société Cicelec la somme de 2.000,00 € au titre de l`article 700 du code de procédure civile ;
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- condamné Madame [V] [U] aux entiers dépens. taxés et liquidés à la somme de 40.67 € (en ce qui concerne les frais de Greffe) et en ce compris le coût du présent acte et de la saisie ainsi que de sa mainlevée à intervenir.'
Par déclaration en date du 10 décembre 2021, Mme [U] a interjeté appel de cette décision.
Par acte en date du 14 décembre 2021, Mme [U] a fait assigner en référé devant le premier président de la cour d'appel de Douai L'EURL Cicelec afin d'ordonner le sursis à exécution de l'ordonnance du 9 décembre 2021 au visa de l'article R121-22 du code des procédures civiles d'exécution.
A titre subsidiaire, elle sollicitait l'arrêt de l'exécution provisoire attachée à l'ordonnance du 9 décembre 2021 au visa de l'article 514-3 du code de procédure civile.
A titre infiniment subsidiaire, elle sollicitait que soit ordonnée la constitution d'une garantie suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations par application de l'article 514-5 du code de procédure civile.
Elle a dénoncé cette assignation à la société générale par acte d'huissier en date du 17 décembre 2021.
Prétentions et moyens des parties à l'audience du 30 mai 2022,
Mme [U] sollicite de la présente juridiction de bien vouloir ,
- la dire et juger recevable et bien fondé en ses demandes et faire droit,
- débouter la société Cicelec de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
en conséquence,
à titre principal,
ordonner un sursis à exécution de l'ordonnance en date du 9 décembre 2021, par application des dispositions de l'article R.121-22 du code des procédures civiles d'exécution,
à titre subsidiaire,
ordonner l'arrêt l'exécution provisoire de l'ordonnance en date du 9 décembre 2021 par application des dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile,
dire n'y avoir lieu à mainlevée de la saisi conservatoire qu'elle a régularisé sur les comptes bancaires de la société Cicelec dans l'attente de l'arrêt à intervenir sur le fond dans le cas de la procédure pendant devant la cour d'appel de Douai,
À titre infiniment subsidiaire,
- ordonner la constitution d'une garantie suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations par application de l'article 514-5 du code de procédure civile,
ordonner par conséquent, que les fonds saisis soient séquestrés entre les mains de la caisse des dépôts et consignations et que Mme [U] consigne le même montant entre les mains de cette dernière,
En tout état de cause,
condamner l'EURL Cicelec à la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens engagés dans le cadre de la présente instance.
Elle indique qu'il existe des moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision du premier juge, au motif
qu'il a méconnu les règles directrices du procès civil, et notamment l'article 12 du code de procédure civile, en ne cherchant pas à concilier les parties, alors même que les parties étaient d'accord pour limiter les effets de la saisie au montant saisi,
qu'il a violé l'article 16 du code de procédure civile, en méconnaissant l'article 16 du code de procédure civile, en statuant sur une pièce ' le courriel du 25 octobre 2020- qui ne figurait pas sur le bordereau de pièces communiquées par l'adversaire,
que la décision du 9 décembre 2021 manque en droit et sera nécessairement réformée en cause d'appel,
* dès lors que le premier juge au lieu de statuer au regard des dispositions de l'article L511-1 du code des procédures civiles d'exécution avait statué sur les dispositions des articles 872 et 873 du code de procédure civile
* dès lors qu'elle justifie d'un principe de créance à hauteur de 7024,82 euros au titre des travaux de reprise et de 7850 euros au titre des frais d'expertise judiciaire et de circonstances objectives mettant en péril le recouvrement de sa créance, compte tenu de l'insolvabilité de la Cicelec et que l'exécution de l'ordonnance du 9 décembre 2021 risque dès lors d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
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La société Cicelec conclut au débouté de l'ensemble des demandes présentées par Mme [U] ainsi que sa condamnation au paiement d'une civile en application de l'article R.121-22 du code des procédures civiles d'exécution.
A titre subsidiaire, il est sollicité le débouté de la demande d'arrêt d'exécution provisoire présentée par Mme [U].
A titre infiniment subsidiaire, il est sollicité le débouté de la demande de constitution d'une garantie de Mme [U].
En tout état de cause, la société CICELEC demande la condamnation de Mme [U] au paiement de la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts et à celle de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient en premier lieu que la mainlevée de la saisie-conservatoire a été ordonnée par le président du tribunal de commerce de Lille Métropole et non par le juge de l'exécution de sorte que les dispositions de l'article R.121-22 du code des procédures civiles d'exécution n'ont pas vocation à s'appliquer.
Elle ajoute :
- qu'elle a assigné Mme [U] devant le Président du tribunal de commerce de Lille Métropole et que cette dernière ne peut tirer un quelconque argument de la seule mention sur la décision selon laquelle M. [K] a jugé 'en qualité de juge des référés' ;
- qu'il n'existe aucun désordre de chantier qui justifierait l'existence d'une créance de Mme [U] à son encontre, la seule réserve dans le procès-verbal portant sur la présence d'un interrupteur non filaire, l'expert judiciaire précisant dans sa note du 17 avril 2022 que d'un point de vue normatif, on ne peut reprocher le choix d'une commande radio par rapport à une commande filaire et qu'en tout état de cause la reprise des interrupteurs non filaires en interrupteurs filaires ne coûte que 2000 euros,
- qu'elle disposait d'une trésorerie positive de près de 8000 euros au jour de la saisie conservatoire et qu'aucune preuve d'une quelconque menace dans le recouvrement n'est apportée par Mme [U], les supposées difficultés n'existant que depuis que son compte bancaire a été saisi et vidé.
Elle relève à titre subsidiaire sur le fondement de l'article 514-3 alinéa 1er que Mme [U] n'a fait valoir aucune observation sur l'exécution provisoire en première instance de sorte qu'elle n'est recevable à solliciter l'arrêt de l'exécution provisoire qu'en présence de conséquences manifestement excessives qui se seraient révélées postérieurement à la décision de première instance, lesquelles n'existent pas.
MOTIFS DE LA DECISION
Dès lors que Mme [U] avait fait choix de solliciter du président du tribunal de commerce de Lille métropole l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire au préjudice de la société Cicelec, en application de l'article L 511-3 du code des procédures civiles d'exécution considérant que la conservation de sa créance sur cette société relevait de la compétence commerciale, le président du tribunal de commerce ayant alors les pouvoirs du juge de l'exécution, la société Cicelec ne pouvait obtenir la mainlevée de cette saisie qu'en assignant Mme [U] devant le président du tribunal de commerce de Lille métropole, ce qu'elle a fait par acte d'huissier du 18 octobre 2021 sur le fondement de l'article L 511-1 du code des procédures civiles d'exécution.
Même si dans sa décision du 9 décembre 2021 le délégataire du président du tribunal de commerce de Lille métropole a curieusement statué en référé en visant les articles 872 et 873 du code de procédure civile, pour ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire, la demande de sursis à exécution de cette décision a été formée à titre principal sur le fondement de l'article R 121-22 du code des procédures civiles d'exécution.
Cet article prévoit : «'en cas d'appel, un sursis à l'exécution des décisions prises par le juge de l'exécution peut être demandé au premier président de la cour d'appel. La demande est formée par assignation en référé délivrée à la partie adverse et dénoncée, s'il y a lieu, au tiers entre les mains de qui la saisie a été pratiquée.
Jusqu'au jour du prononcé de l'ordonnance par le premier président, la demande de sursis à exécution suspend les poursuites si la décision attaquée n'a pas remis en cause leur continuation ; elle proroge les effets attachés à la saisie et aux mesures conservatoires si la décision attaquée a ordonné la mainlevée de la mesure.
Le sursis à exécution n'est accordé que s'il existe des moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour.
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L'auteur d'une demande de sursis à exécution manifestement abusive peut être condamné par le premier président à une amende civile d'un montant maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui pourraient être réclamés.
La décision du premier président n'est pas susceptible de pourvoi.'»
Il sera précisé que c'est sur la base de ce seul texte que le premier président peut apprécier la demande de sursis à exécution, les textes de droit commun à savoir les dispositions de l'article 514- 3 ou 514-5 du code de procédure civile étant inapplicables.
Il convient d'examiner les moyens sérieux d'annulation ou de réformation soulevés par Mme [U].
L'absence violation des règles directrices du procès civil :
Mme [U] ne peut reprocher au premier juge de ne pas avoir tenter de concilier les parties sur la mainlevée de la saisie conservatoire à hauteur de 8399,03 euros correspondant aux sommes non saisies pour insuffisance de solde bancaire, alors que les parties n'étaient nullement d'accord sur cette demande, dès lors que la société Cicelec demandait la mainlevée totale de la saisie conservatoire à titre principal.
L'absence de violation du principe du contradictoire :
Mme [U] fait grief au premier juge d'avoir repris à son compte des éléments factuels qu'il ne pouvait vérifier dès lors que le courriel du 25 octobre 2020 ne figurait pas au bordereau des pièces communiquées par l'adversaire, et d'avoir écrit «' par courriel du 25 octobre 2020, M. [H], se présentant comme le conjoint de Mme [U] indiquait avoir fait le choix de ne pas s'entourer des services d'un maître d''uvre car des évènements l'ont conduit à s'en séparer.
Malgré une lecture attentive de la décision du 9 décembre 2021, il n'a été pas été trouvé ni dans la motivation de la décision, l'assertion que Mme [U] dit s'y trouver.
L'erreur sur la règle de droit applicable :
Mme [U] est fondée à critiquer le premier juge en ce qu'il a statué sur le fondement des dispositions de l'article 873 du code de procédure civile qui exigent l'existence d'une obligation qui n'est pas sérieusement contestable pour accorder une provision à un créancier, en ce qu'il a jugé la vente parfaite, alors qu'il convenait de rechercher en application de l'article L 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, si Mme [U] justifiait d'une créance paraissant fondée en son principe ainsi que de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement, ce que devra établir le juge saisi en appel.
Les pièces versées aux débats démontrent que :
- il existe un litige opposant les parties sur la bonne exécution des travaux qui ont été réalisés par la société Cicelec au domicile de Mme [U], justifiant l'organisation d'une expertise judiciaire actuellement en cours, la société Cicelec évaluant à 2000 euros les travaux de reprise, s'il était considéré que son installation n'était pas conforme à ce qui avait été convenu, Mme [U] produisant quant à elle un devis de reprise de 7000 euros, et justifiant d'un coût d'expertise prévisionnel de 7850 euros.
- si la situation du compte bancaire de la société Cicelec a certes permis de saisir la somme de 7946,05 euros, la situation financière de cette société apparaît fragile, eu égard au non règlement d'au moins un de ses fournisseurs.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, Mme [U] justifie de moyens sérieux de réformation de la décision dont elle a fait appel et il sera fait droit à sa demande d'arrêt d'exécution provisoire de la décision.
Dès lors que la demande de sursis à exécution a été accueillie, la société Cicelec est mal fondée à solliciter sur le fondement de l'article R 121-22 du code des procédures civiles d'exécution la condamnation de Mme [U] au paiement d'une amende civile et de dommages et intérêts.
Chaque partie conservera à sa charge les frais et dépens engagés dans le cadre de la présente instance, de sorte que les parties seront déboutées de leurs demandes respectives d'indemnité d'article 700 du code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS
Ordonne le sursis à exécution de l'ordonnance en date du 9 décembre 2021 du président du tribunal de commerce de Lille-Métropole rendue dans l'affaire opposant Mme [V] [U] à la société Cicelec,
Dit que chaque partie conservera à sa charge les dépens engagés dans le cadre de la présente instance,
Déboute la société Cicelec de sa demande de condamnation de Mme [V] [U] au paiement de dommages et intérêts,
Déboute la société Cicelec et Mme [V] [U] de leurs demandes respectives d'indemnité d'article 700 du code de procédure civile.
Le greffierLa présidente
C. BERQUETH. CHÂTEAU