ARRÊT DU
16 Décembre 2022
N° 2013/22
N° RG 20/00072 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S3BY
PS/CL
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BETHUNE
en date du
18 Décembre 2019
(RG 19/37 -section 2)
GROSSE :
aux avocats
le 16 Décembre 2022
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANTE :
Mme [J] [P]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Alexandre BAREGE, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Marianne kahina OTTAVIANI, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE :
S.A. MAISONS ET CITES
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Bertrand DANSET, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Laure MOREAU-ANSART, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS : à l'audience publique du 11 Octobre 2022
Tenue par Patrick SENDRAL
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Annie LESIEUR
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Marie LE BRAS
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET
: CONSEILLER
Patrick SENDRAL
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Gaetan DELETTREZ, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 08 février 2022
FAITS ET PROCEDURE
En avril 2007 Mme [P] a été engagée par la société MAISONS ET CITES SOFINORPA, bailleur social, en qualité de négociatrice. En conséquence d'un avis d'inaptitude délivré le 6 novembre 2017 par le médecin du travail son employeur l'a licenciée le 18 janvier 2018 pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Par jugement ci-dessus référencé auquel il est renvoyé pour plus ample connaissance de la procédure le conseil de prud'hommes, saisi par Mme [P] le 18 février 2019 de réclamations indemnitaires au titre de son licenciement à ses dires dénué de cause réelle et sérieuse, a déclaré l'action prescrite, l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée au paiement d'une indemnité de procédure.
Vu l'appel formé par Mme [P] contre ce jugement et ses conclusions du 29/12/2020 tendant à son infirmation et à la condamnation de la société MAISONS ET CITES SOFINORPA au paiement d'indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dommages-intérêts pour manquements à l'obligation de prévention et indemnité de procédure
Vu les conclusions du 22 mars 2021 par lesquelles la société MAISONS ET CITES SOFINORPA demande à la cour à titre principal de :
«DIRE que les prétentions nouvelles formulées par Madame [P] à hauteur d'appel sont entachées d'irrecevabilité,
En conséquence, la débouter des demandes ayant trait au versement d'un reliquat d'indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, à la capitalisation des intérêts et au versement de congés payés sur préavis;
CONFIRMER le jugement en ce qu'il a constaté la prescription de l'action en contestation du licenciement et débouté Madame [P] de sa demande en paiement des sommes de :
-26 939,25 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et
sérieuse
-4144,50 euros à titre de préavis
-2000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
REFORMER le jugement en ce qu'il a octroyé à la Société la somme de 50 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile
CONDAMNER Madame [J] [P] à verser à la Société la somme de 3.500,00 euros en
application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile toutes instances
confondues»
MOTIFS
Dans sa rédaction applicable au litige l'article L 1471-1 du code du travail dispose que toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par 12 mois à compter de la notification de la rupture. Il est par ailleurs de règle qu'en cas de notification de la rupture par lettre recommandée le point de départ du délai de prescription est la date de son envoi.
En l'espèce, il résulte de l'avis postal versé aux débats que la lettre de licenciement a été envoyée le 18 janvier 2018 et que le surlendemain elle a été remise à l'appelante qui ne fournit pas d'élément contrecarrant cette donnée matérielle.
Pour faire échec à la fin de non recevoir présentée par l'employeur sur la base du texte précité Mme [P] fait valoir en premier lieu que la preuve de sa connaissance de la rupture postérieurement au terme du délai annuel précité n'est pas rapportée mais il appert que la rupture a été personnellement portée à sa connaissance plus d'un an avant la requête devant le conseil de prud'hommes. Ce moyen est donc inopérant.
Mme [P] ajoute que les réductions législatives successives du délai de prescription ont restreint illégitimement son accès au juge au sens de la convention européenne des droits de l'homme (CEDH), qu'elles ne sont pas proportionnées à l'objectif de célérité à attendre de la justice et qu'elles violent l'article 8 de la convention de l'Organisation internationale du travail prévoyant un délai raisonnable de contestation d'un licenciement.
Il apparaît en premier lieu que l'instauration par le législateur d'un délai de prescription répond à une préoccupation légitime de prévenir les contestations tardives et de mettre les parties en mesure de produire des preuves afin que la juridiction statue en connaissance de cause. Le délai de 12 mois en vigueur demeure d'une durée raisonnable et il est proportionné au but recherché puisqu'il court à compter de la notification effective de la rupture du contrat et que la saisine de la juridiction prud'homale n'est subordonnée ni à conciliation préalable ni au paiement d'un timbre ni à ministère obligatoire d'avocat. Le conseil de prud'hommes le plus proche du domicile de Mme [P] est situé à peine à quelques kilomètres. Devant ledit conseil elle était assistée d'un avocat auprès duquel elle était à même d'obtenir des informations. Dans le cadre des dispositifs d'accès au droit elle aurait pu également obtenir des informations de la part de l'administration, des syndicats et du Barreau, notamment par internet. Il est enfin observé que la nature du litige et sa faible complexité n'expliquent pas le dépassement du délai et que l'appelante n'indique pas s'être trouvée pour quelque raison que ce soit dans l'impossibilité d'agir dans les délais.
Dans ces conditions, les dispositions du droit national, ne contrevenant ni à la CEDH ni à la convention OIT, n'apportent aucune restriction illégitime à ses droits. Force est de constater que Mme [P] a saisi le conseil de prud'hommes plus d'un an après la notification de la rupture. Sa contestation est donc irrecevable comme l'a exactement décidé ledit conseil mais n'ayant pas examiné la contestation au fond il ne pouvait rejeter les demandes. Le jugement sera donc sur ce point infirmé.
La demande de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de prévention
cette demande liée à l'exécution du contrat de travail, formée moins de deux ans après la notification de la rupture, n'est pas prescrite. Pour la première fois formée en cause d'appel elle est suffisamment liée à celle tendant à voir déclarer le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse dans la mesure où devant le conseil de prud'hommes la salariée s'était prévalue de manquements de l'employeur à l'origine de son licenciement pour inaptitude.
Cela étant, Mme [P] se borne à indiquer que l'employeur était informé de son conflit avec une collègue sur leurs périodes de congés payés et que son inaptitude est la conséquence de l'absence de réaction de sa responsable hiérarchique afin d'apaiser la situation.
Au soutien de cette allégation, elle produit une déclaration de main courante devant la police le 5 janvier 2017 relatant sommairement un conflit avec une collègue et l'absence de réaction de sa responsable hiérarchique. Cette pièce, reposant sur ses seules déclarations, ne permet pas de retenir à la charge de l'employeur une violation de l'obligation de prévention. Il n'est d'ailleurs pas établi qu'il était informé du différend opposant Mme [P] à sa collègue ni que ce différend ait pris l'ampleur qu'elle lui prête.
Il résulte des productions que concomitamment aux faits litigieux Mme [P] venait d'être déboutée par le conseil de prud'hommes et la cour d'appel de réclamations salariales et que parallèlement la commission de recours amiable de la sécurité sociale avait rejeté sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle. Ces échecs ont certainement retenti sur son moral mais aucun lien n'est établi entre la dégradation de son état de santé, ses conditions de travail et le comportement de l'employeur. La demande de dommages-intérêts sera donc rejetée.
Les frais de procédure
Mme [P] a astreint son ancien employeur à renouveler l'engagement de frais d'avocat. Il n'est pas inéquitable de la condamner au paiement d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [P] de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail
statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant
DECLARE irrecevables ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail et recevable sa demande de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité
L'EN DEBOUTE
LA CONDAMNE à payer à la société MAISONS ET CITE SOFINORGA la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel
CONDAMNE Mme [P] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER
Gaetan DELETTREZ
LE PRESIDENT
Marie LE BRAS