République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 05/01/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 21/00462 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TM4S
Jugement (N° 20-000821)
rendu le 02 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Lille
APPELANTE
Madame [S] [B]
née le 30 décembre 1998 à [Localité 3]
demeurant [Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Isabelle Nivelet, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant
INTIMÉE
La société EM Auto contrôle
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 2]
défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 19 mars 2021 à personne habilitée
DÉBATS à l'audience publique du 29 septembre 2022 tenue par Camille Colonna magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Bruno Poupet, président de chambre
Céline Miller, conseiller
Camille Colonna, conseiller
ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 05 janvier 2023 après prorogation du délibéré en date du 1er décembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 08 septembre 2022
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Mme [S] [B] a acquis le 31 octobre 2017 de la société Cars Voitures BB un véhicule Renault Clio d'occasion moyennant 2 000 euros, au vu notamment d'un rapport de contrôle technique établi le 27 octobre précédent par la société EM Auto Contrôle.
Par acte d'huissier du 25 février 2020, elle a assigné cette dernière devant le tribunal judiciaire de Lille afin de la voir condamner à l'indemniser du préjudice que lui aurait causé celle-ci en ayant omis, lors du contrôle technique, de relever des défauts majeurs et commis ainsi une faute engageant sa responsabilité.
Par jugement réputé contradictoire du 2 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Lille l'a déboutée de ses demandes et condamnée aux dépens.
Par déclaration du 21 janvier 2021, Mme [B] a interjeté appel de ce jugement et, par conclusions remises le 21 avril 2021, demande à la cour, au visa de l'article1241 du code civil, d'infirmer la décision et de condamner la société EM Auto Contrôle à lui payer les sommes de :
- 2 000 euros à titre de restitution du prix de vente du véhicule,
- 331,64 euros au titre des frais d'expertise amiable contradictoire,
- 137 euros au titre de la cotisation au Club Automobile du Nord de la France,
- 144,12 euros au titre de l'assurance,
- 2 460 euros au titre de la privation de jouissance,
- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
Elle fait valoir qu'un second procès-verbal de contrôle technique ainsi qu'un rapport d'expertise amiable du 30 janvier 2018 démontrent l'existence de défauts affectant la sécurité du véhicule n'ayant pas été mentionnés par la société EM Auto Contrôle sur le procès-verbal de contrôle technique dressé avant la vente, ce qui caractérise une faute de l'intimée ouvrant droit à réparation de son préjudice.
La société EM Auto Contrôle n'a pas constitué avocat bien que la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelante lui aient été régulièrement signifiées les 19 mars et 28 avril 2021.
Il convient de se référer aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des moyens développés.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L'article 1241 du même code dispose que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
L'arrêté du 18 juin 1991 relatif à la mise en place et à l'organisation du contrôle technique des véhicules dont le poids n'excède pas 3,5 tonnes prévoit en son annexe 1 que les contrôles sont réalisés sans démontage, à l'exception de la dépose d'éléments permettant d'accéder au numéro de frappe à froid, à la prise EODB et au coffre de la batterie de traction ou au réservoir de gaz carburant le cas échéant.
La mission d'un centre de contrôle technique se bornant à la vérification, sans démontage du véhicule, d'un certain nombre de points limitativement énumérés par l'arrêté précité, sa responsabilité ne peut être engagée en dehors de cette mission ainsi restreinte qu'en cas de négligence susceptible de mettre en cause la sécurité du véhicule.
Enfin, l'article 9 du code de procédure civile dispose qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Mme [B] verse aux débats un procès-verbal de contrôle technique dressé le 24 novembre 2017 par l'association Automobile Club du Nord de la France mentionnant des défauts qui n'apparaissaient pas sur le procès-verbal dressé antérieurement par la société EM Auto Contrôle, en particulier la déformation importante des longeron et brancard avant droit et de la traverse avant ainsi que la détérioration importante du bouclier/pare-chocs avant.
Ces défauts sont confirmés par un rapport d'expertise amiable du 30 janvier 2018 qui, bien que le caractère contradictoire n'en soit pas démontré, peut être pris en considération dès lors qu'il a été régulièrement versé aux débats et est corroboré par d'autres éléments, à commencer par le rapport de contrôle technique évoqué à l'instant. Or, l'expert conclut que « de toute évidence, la structure du véhicule n'est pas conforme, sa déformation en partie inférieure AVD est la conséquence d'une collision (') ; ces désordres se répercutent à la fois sur un défaut de géométrie du train AV et d'un ajustement et alignement imprécis des éléments de carrosserie ».
Bien que le véhicule ait parcouru 1 379 kilomètres entre les deux contrôles techniques et que, ainsi que l'a relevé le tribunal l'expertise ne précise pas si l'origine de la déformation de l'avant du véhicule est récente, d'autres défauts relevés dès le premier contrôle technique (un ripage excessif, la déformation importante des passages de roues et pieds montants arrière droit et la mauvaise fixation du pare chocs) indiquent que la déformation du châssis existait à cette date. En outre, L'annotation « défaut de chasse et de carrossage AV » sur une facture du centre Euromaster en date du 25 octobre 2017, veille du premier contrôle technique, et le motif même de la consultation de ce centre, à savoir le contrôle de la géométrie des trains roulants, abondent en ce sens.
La constatation visuelle de l'existence de ces défauts, identifiés sans démontage par le second contrôleur technique, relevait de la mission du premier et l'expert confirme qu'il aurait dû les relever. La société EM Auto Contrôle a par conséquent été défaillante.
Cependant, pour établir le bien fondé de ses prétentions, il appartient à Mme [B] de démontrer non seulement une faute de l'intimée mais aussi un préjudice et un lien de causalité entre les deux.
Or, si l'expert mentionne qu'en raison des défauts susvisés, le véhicule est impropre à la circulation, que sa remise en état est estimée à 3 153,89 euros TTC et que le véhicule n'est donc pas économiquement réparable, ce qui révèle leur gravité, le second procès-verbal de contrôle technique classe ces défauts au titre des défauts ne nécessitant pas de contre-visite, c'est-à-dire, aux yeux d'un profane, mineurs.
Le premier rapport de contrôle technique relevait tout-de-même « angles, ripage AV: ripage excessif ; demi-train AV (y compris ancrages) : jeu mineur rotule et/ou articulation G,D ; passages de roues, pieds montants AV, AR : déformation importante ARD ; pare-chocs, bouclier : mauvaise fixation AV ; batterie : mauvaise fixation ; moteur : défaut d'étanchéité », désordres qui, malgré leur caractère sérieux et révélateur de déséquilibres et de « bricolages », mais figurant parmi les défauts ne nécessitant pas de contre-visite, n'ont pas dissuadé Mme [B] d'acheter le véhicule.
Celle-ci rappelle elle-même dans ses conclusions que « la mission du contrôleur technique est une mission de service public déléguée par l'État à des organismes prévus chargés d'effectuer des opérations identiques, simples et rapides, portant sur des points limitativement définis par instructions ministérielles, sans possibilité de faire des commentaires ou de prodiguer des conseils ».
Ainsi, alors que la déformation du châssis leur préexistait, aucun des deux procès-verbaux de contrôle technique n'identifie, à l'issue des opérations qui relèvent de leur champ d'investigation limité, de défaut présenté comme grave concernant la structure avant du véhicule et sa fiabilité.
Dans ces conditions, et en l'absence de commentaires et de conseils pouvant être reçus du contrôleur, il ne peut être tenu pour acquis qu'une mention de plus, relative à la déformation relevée par la suite, dans la liste des défauts ne nécessitant pas de contre-visite contenue par le premier rapport de contrôle technique, qui mentionnait déjà bien des désordres, l'aurait dissuadée d'acheter cette voiture, de sorte qu'elle ne démontre pas le lien de causalité entre le préjudice qu'elle subit et l'omission imputée à la société EM Auto Contrôle.
Elle déclare d'ailleurs, ce qui est significatif, qu'elle agit contre le contrôleur technique parce que la société venderesse n'existe plus, or leurs obligations et leurs responsabilités sont loin d'être les mêmes.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement.
Il appartient à l'appelante, partie perdante, de supporter la charge des dépens et de ses autres frais.
PAR CES MOTIFS
La cour,
confirme le jugement entrepris,
déboute Mme [S] [B] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
la condamne aux dépens.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Le président
Bruno Poupet